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mercredi, 17 mars 2010

L'OTAN: un pacte militaire en quête de sens

Bernhard TOMASCHITZ :

L’OTAN : un pacte militaire en quête de sens

 

Désormais, l’OTAN veut agir globalement pour asseoir l’hégémonie américaine

 

otan1.jpgDeux décennies après la fin de la Guerre Froide, l’OTAN est toujours à la recherche de nouveaux objectifs. On peut déjà deviner dans quelle direction portera la « nouvelle stratégie », décidée fin 2009 lors du Sommet de l’OTAN. L’Alliance atlantique cherche surtout à se donner une nouvelle justification en optant pour des missions en dehors de la zone où elle est sensée agir, des missions qualifiées en anglais de « out of area ». « A une époque d’insécurité globalisée, nous devons amorcer une défense au-delà de nos frontières », a déclaré le Secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, lors d’une conférence sur la sécurité tenue à Munich.

 

Aujourd’hui déjà, le pacte militaire occidental et ses membres s’efforcent de se défendre « hors zone », notamment en Afghanistan. Dans le pays où se dresse la chaine montagneuse de l’Hindou Kouch, stationne une « armée de protection », l’ISAF, qui est placée sous le commandement de l’OTAN ; elle y agit toutefois sur base d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU. Dans l’avenir pourtant, on envisage de faire intervenir l’OTAN sans l’autorisation des Nations Unies, lorsque ses intérêts, ou mieux, les intérêts de Washington, sont en jeu. Car l’OTAN doit devenir, comme l’estime son Secrétaire général Rasmussen, un « forum consultatif pour les questions internationales de sécurité ».

 

Avec cette revendication globale d’hégémonie, on cherche bien évidemment à protéger, surtout contre la Chine, la position hégémonique des Etats-Unis dans le monde. Finalement, l’OTAN, comme le soulignait Rasmussen à Munich, « est surtout et avant tout une alliance transatlantique ; notre centre de gravité restera l’alliance entre l’Europe et l’Amérique du Nord ». Mais comme l’OTAN et les Etats-Unis ne pourront plus agir seuls désormais, il leur faut systématiquement mobiliser « d’autres acteurs importants » et on songe en premier lieu à la Russie. Dans ce contexte, c’est surtout le contrôle des immenses richesses du sol russe qui joue le rôle primordial, richesses que recèlent la Sibérie et l’Extrême Orient russes, peu peuplés.

 

Depuis longtemps dans le collimateur de Washington se trouvent également les incalculables réserves de matières premières des républiques centre-asiatiques, surtout celles de gaz et de pétrole. Dans le projet d’amener ces Etats dans la sphère d’influence américaine, la Turquie joue un rôle clef parce qu’elle possède d’étroites affinités linguistiques et culturelles avec les peuples turcophones d’Asie centrale. La Turquie, membre de l’OTAN, a des « intérêts spéciaux en Asie centrale », comme le dit avec insistance Zbigniew Brzezinski, conseiller toujours très influent pour la Sécurité nationale et cela, depuis le temps où il servait l’ancien président américain Jimmy Carter.

 

Pour ce qui concerne les manœuvres destinées à contrôler la Russie, les stratèges de Washington et du Quartier Général de l’OTAN à Mons en Belgique semblent suivre une double stratégie : d’une part, ils essaient de mettre la Russie devant le fait accompli en élargissant continuellement l’OTAN en direction des frontières russes ; d’autre part, ils misent sur le facteur temps. Zbigniew Brzezinski pense que les « ambitions impériales » de la Russie constituent actuellement un frein à l’inclusion de la Russie dans une « communauté euro-atlantique ». Mais il espère, en même temps, qu’une nouvelle génération de dirigeants russes reconnaîtra bientôt que renoncer aux « ambitions impériales » va dans le sens des « intérêts fondamentaux de la Russie ». Ensuite, Brzezinski espère que le terrible déclin démographique de la Russie poussera Moscou dans les bras de l’Occident. Encerclé par 500 millions d’Européens à l’Ouest et 1,5 milliard de Chinois à l’Est, le Kremlin, pour assurer un contrôle sur ses propres matières premières situées dans des régions peu peuplées, n’aurait, d’après les arguments avancés par Brzezinski, pas d’autre choix que de coopérer avec l’OTAN.

 

Mais la Russie, pour de bonnes raisons, ne perçoit pas l’OTAN comme un partenaire potentiel mais comme un adversaire. Le 5 février 2010, le jour même où l’on ouvrait la Conférence de Munich sur la sécurité, le Président Dimitri Medvedev donnait son blanc seing à la nouvelle doctrine militaire russe, destinée à demeurer en vigueur jusqu’en 2020. Dans le document qui établit cette doctrine, les militaires russes critiquent le fait que « les infrastructures militaires de l’OTAN » se rapprochent de plus en plus des frontières de la Russie ; ils estiment en outre que la mise en place d’un « système stratégique anti-missiles » constitue une menace pour la sécurité de la Russie et, qui plus est, une entorse à « l’équilibre global des forces ». Certes, on peut dire que le gouvernement d’Obama a renoncé à installer un système anti-missiles en Pologne et en Tchécoslovaquie mais, en lieu et place de cette installation préalablement prévue par les Américains, on apprend qu’un « traité bilatéral » vient d’être signé avec la Roumanie, prévoyant la mise en place d’un système de même type dans ce pays d’ici à l’année 2015, afin, prétend-on, de parer à la menace de missiles iraniens. Les militaires russes réservent toutefois leurs critiques les plus acerbes au plan américain de déployer des navires Aegis, disposant de missiles SM-3, dans les eaux de la Mer Noire. Car, selon les clauses du Traité de Montreux de 1936, auquel tant la Russie que la Roumanie ont adhéré, les navires de guerre de pays non riverains ne peuvent circuler plus de 21 jours consécutifs en Mer Noire.

 

Moscou observe aussi avec grande méfiance la constitution en août 2009 du « Conseil des Sages de l’OTAN » qui a pour tâche d’élaborer les nouvelles stratégies du pacte militaire. La présidente de ce caucus de douze personnalités n’est autre que l’ancienne ministre américaine des affaires étrangères, Madeleine Albright. Lors de son mandat, en 1999, l’OTAN avait attaqué la Serbie par la voie des airs. Parmi les autres membres de « Conseil des Sages », il faut compter Geoff Hoon. Ce Britannique était le ministre des affaires étrangères du gouvernement Blair, lorsqu’en mars 2003, la Grande-Bretagne avait fait entrer ses troupes en Irak, aux côtés de celles des Etats-Unis.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans l’hebdomadaire viennois « zur Zeit », n°7/2010 ; trad.. franc. : Robert Steuckers).    

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