La campagne militaire engagée au printemps contre le régime de Kadhafi étant terminée, pour la mission initialement définie, on peut maintenant parler tout à fait librement de la Libye sans risquer d'attenter au moral de l'armée française.
Je redis en cette occasion que, de mon point de vue, (1)⇓ la capacité de défense et d'action des nations européennes représente, dans ce type de situation, un enjeu beaucoup plus important que toutes les autres considérations.
Les gouvernements de Paris et de Londres s'étaient engagés, pour la première fois depuis 1956, dans un processus de confrontation : il eût été catastrophique que cette opération échouât comme il était advenu de celle de Suez.
Défendre l'armée française partout où elle se bat me semble à la fois un impératif moral et politique qui devrait s'imposer à tous les Français. Et, en même temps il implique de se préoccuper sérieusement des insuffisances de nos capacités militaires que dénoncent les plus hautes instances de l'État-major : on pouvait craindre au printemps que la France et l'Angleterre ne soient pas en mesure d'atteindre leurs objectifs.
On peut remarquer à cet égard, et on doit le souligner, que les forces adverses leur ont tenu la dragée haute plus longtemps que prévu.
Quant aux dépenses qu'a engendrées cette affaire, on les estime pour la république jacobine à hauteur de 200 millions d'euros contre 270 millions de livres sterling, soit 306 millions d'euros du côté britannique, (2)⇓ beaucoup moins que l'effort financier des États-Unis qui revendiquent 27 % des sorties aériennes.
Depuis hier 1er septembre la réunion des 60 pays présentés pour "amis de la Libye" se tient à Paris. Elle met en lumière les vraies préoccupations de la plupart des États participants. L'attitude "chacun pour soi" des gouvernements européens persiste à se présenter de manière de plus en plus inquiétante.
Rappelons qu'une des conditions essentielles du traité négocié à Maastricht en 1991, beaucoup plus importante que les critères monétaires, comportait une identité de défense autour de l'Union de l'Europe occidentale. Et on remarquera que, depuis, celle-ci a disparu.
On soulignera également l'évanescence de la politique extérieure commune sous la responsabilité de Lady Ashton. Reconnaissons-lui au moins ce mérite : elle joue sans défaillir ce rôle de figuration intelligente pour lequel on l'a embauchée.
On savait l'Union européenne plus encline à se préoccuper de consommatique que de géopolitique. On découvre que, désunie, l'Europe réduite à son grouillement de 27 nains, qu'aucune Blanche Neige ne semble envisager de sortir de leurs enfantillages, se révèle encore plus mercantile dans la division.
Des soupçons contradictoires avaient été exprimés au moment de la décision d'intervenir en Libye.
Par charité chrétienne on m'abstiendra de citer ici ceux qui pensaient que l'on faisait la guerre pour complaire à BHL, aussi bien que leurs contradicteurs aux yeux desquels on prenait pour Tobrouk un taxi, conduit par feu Oussama bin Laden.
Car, non seulement les uns et les autres se fourvoyaient eux-mêmes, plus encore qu'ils ne trompaient leurs lecteurs ou leurs auditeurs, mais, se croyant anticonformistes, ils se situaient bien au-dessous de la vérité.
Le roi de la brosse à reluire glapissait sa chronique ce 2 septembre sur RTL consacrée au dossier libyen sans prononcer le mot pétrole. Autant dire qu'il s'agissait de la question essentielle puisqu'Alain Duhamel n'en parlait pas.
Le fameux projet surnommé "Eurabia" se développe en effet depuis bientôt 40 ans dans un contexte de servilité devant la finance pétrolière. On l'a rebaptisé, ces derniers temps, "Union pour la Méditerranée" et on veut à tout prix nous fourguer comme paradigme le modèle turco-démocratique de l'AKP, en oubliant bien sûr que l'habile démagogue Erdogan avait accepté en 2010 de recevoir le "prix Kadhafi des Droits de l'Homme". Dernière survivance du traité de Sèvres, l'Irak petroleum company n'aspire plus qu'à redevenir la Turkish petroleum company.
Ne nous parlez donc plus de guerre pour les droits de l'Homme. Dites en toute franchise que vous cherchez à rassurer les émirs et à défendre les intérêts du CAC 40. Cela deviendra plus crédible et plus tangible.
Mais quels que soient les motifs à court terme de ce genre de confrontations, on doit mettre en garde nos compatriotes quant aux échéances des conflits futurs. Ils surgiront de manière d'autant plus inéluctable que nos moyens de défense ont été rognés, d'année en année, depuis maintenant un demi-siècle.
On fait de la sécurité intérieure un enjeu électoral, et cela ne manque pas de justification.
Qui osera se faire écho, dans la prochaine campagne présidentielle, et au cours de la campagne législative qui suivra, des signaux d'alarme très nets lancés par les chefs militaires ?
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. notre chronique du 21 mars "Les occidentaux face à leurs ennemis" qui nous a valu bien sûr quelques crachats.⇑
- f. Le Canard enchaîné du 24 juillet.⇑
- cf. "Le prétendu modèle turc".⇑
Vous pouvez entendre l'enregistrement de nos chroniques
sur le site de Lumière 101
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