lundi, 23 avril 2012
Ce qui doit être dit, par Günter Grass
Ce qui doit être dit, par Günter Grass (Traduction)
Ex: http://antoinechimel.hautetfort.com/
 Pourquoi je ne dis pas
Pourquoi je ne dis pas
 pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps 
 ce qui est pourtant évident 
 et a fait l’objet de tant de simulations 
 dans lesquelles nous, les survivants, 
 sommes au mieux des notes de bas de page.
 
 On évoque le droit à une frappe préventive, 
 l’éradication du peuple iranien soumis, 
 tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule, 
 sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique. 
 
 Mais alors, pourquoi m’interdis-je 
 de nommer cet autre pays 
 qui dispose depuis des années, 
 certes dans le plus grand secret, 
 d’un potentiel nucléaire croissant 
 et échappant à tout contrôle, 
 puisque aucun contrôle n’est permis ? 
 
 Le silence général autour de ce fait établi, 
 ce silence auquel j’ai moi-même souscrit, 
 je le ressens comme un mensonge pesant, 
 une règle que l’on ne peut rompre 
 qu’au risque d’une peine lourde et infâmante : 
 le verdict d’antisémitisme est assez courant. 
 
 Mais aujourd’hui, alors que mon pays 
 coupable de crimes sans commune mesure, 
 pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore, 
 mon pays donc, dans un geste purement commercial, 
 certains parlent un peu vite de réparation, 
 s’en va livrer un nouveau sous-marin à Israël, 
 un engin dont la spécialité est d’envoyer 
 des ogives capables de détruire toute vie 
 là où l’existence de ne serait-ce qu’une seule 
 bombe nucléaire n’est pas prouvée, 
 mais où le soupçon tient lieu de preuve, 
 je dis ce qui doit être dit. 
 
 Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ? 
 Parce que je croyais que mes origines, 
 entachées par des crimes à jamais impardonnables, 
 m’interdisaient d’exprimer cette vérité, 
 d’oser reprocher ce fait à Israël, 
 un pays dont je suis et veux rester l’ami. 
 
 Pourquoi ne dis-je que maintenant, 
 vieux, dans un ultime soupir de mon stylo, 
 que la puissance nucléaire d’Israël 
 menace la paix mondiale déjà fragile ? 
 Parce qu’il faut dire maintenant 
 ce qui pourrait être trop tard demain, 
 et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé, 
 pourrions devenir les complices d’une crime, 
 prévisible et donc impossible 
 à justifier avec les excuses habituelles. 
 Pourquoi je ne dis pas 
 pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps 
 ce qui est pourtant évident 
 et a fait l’objet de tant de simulations 
 dans lesquelles nous, les survivants, 
 sommes au mieux des notes de bas de page. 
 
 On évoque le droit à une frappe préventive, 
 l’éradication du peuple iranien soumis, 
 tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule, 
 sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique. 
 
 Mais alors, pourquoi m’interdis-je 
 de nommer cet autre pays 
 qui dispose depuis des années, 
 certes dans le plus grand secret, 
 d’un potentiel nucléaire croissant 
 et échappant à tout contrôle, 
 puisque aucun contrôle n’est permis ? 
 
 Le silence général autour de ce fait établi, 
 ce silence auquel j’ai moi-même souscrit, 
 je le ressens comme un mensonge pesant, 
 une règle que l’on ne peut rompre 
 qu’au risque d’une peine lourde et infâmante : 
 le verdict d’antisémitisme est assez courant. 
 
 Mais aujourd’hui, alors que mon pays 
 coupable de crimes sans commune mesure, 
 pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore, 
 mon pays donc, dans un geste purement commercial, 
 certains parlent un peu vite de réparation, 
 s’en va livrer un nouveau sous-marin à Israël, 
 un engin dont la spécialité est d’envoyer 
 des ogives capables de détruire toute vie 
 là où l’existence de ne serait-ce qu’une seule 
 bombe nucléaire n’est pas prouvée, 
 mais où le soupçon tient lieu de preuve, 
 je dis ce qui doit être dit. 
 
 Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ? 
 Parce que je croyais que mes origines, 
 entachées par des crimes à jamais impardonnables, 
 m’interdisaient d’exprimer cette vérité, 
 d’oser reprocher ce fait à Israël, 
 un pays dont je suis et veux rester l’ami. 
 
 Pourquoi ne dis-je que maintenant, 
 vieux, dans un ultime soupir de mon stylo, 
 que la puissance nucléaire d’Israël 
 menace la paix mondiale déjà fragile ? 
 Parce qu’il faut dire maintenant 
 ce qui pourrait être trop tard demain, 
 et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé, 
 pourrions devenir les complices d’une crime, 
 prévisible et donc impossible 
 à justifier avec les excuses habituelles. 
 
 Je dois l’admettre aussi, je ne me tairai plus 
 parce que j’en ai assez de l’hypocrisie de l’Occident 
 et j’espère que nombreux seront ceux 
 prêts à se libérer des chaînes du silence, 
 pour appeler l’auteur d’une menace évidente 
 à renoncer à la violence tout en exigeant 
 un contrôle permanent et sans entraves 
 du potentiel atomique israélien 
 et des installations nucléaires iraniennes 
 par une instance internationale 
 acceptée par les deux gouvernements. 
 
 Ce n’est qu’ainsi que pourrons aider 
 les Israéliens et les Palestiniens, 
 mieux encore, tous les peuples, 
 frères ennemis vivant côte à côte 
 dans cette région guettée par la folie meurtrière, 
 et en fin de compte nous-mêmes. 
 
 Je dois l’admettre aussi, je ne me tairai plus 
 parce que j’en ai assez de l’hypocrisie de l’Occident 
 et j’espère que nombreux seront ceux 
 prêts à se libérer des chaînes du silence, 
 pour appeler l’auteur d’une menace évidente 
 à renoncer à la violence tout en exigeant 
 un contrôle permanent et sans entraves 
 du potentiel atomique israélien 
 et des installations nucléaires iraniennes 
 par une instance internationale 
 acceptée par les deux gouvernements. 
 
 Ce n’est qu’ainsi que pourrons aider 
 les Israéliens et les Palestiniens, 
 mieux encore, tous les peuples, 
 frères ennemis vivant côte à côte 
 dans cette région guettée par la folie meurtrière, 
 et en fin de compte nous-mêmes.
Günter Grass - Ce qui doit être dit
00:05 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Littérature  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : politique internationale,  günther grass; allemagne,  europe,  affaires européennes,  actualité |  |
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