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mercredi, 25 avril 2012

Al-Djazeera: la chaîne “arabe” au service des Américains?

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Richard MELISCH:

Al-Djazeera: la chaîne “arabe” au service des Américains?

 

Quand a éclaté le “Printemps arabe”, ce fut la panique, une panique inouïe mais parfaitement compréhensible, chez les potentats immensément riches des “Etats-Farniente” arabes-sunnites. Pourquoi parler d’”Etats-Farniente”? Parce que les paresseux qui gouvernent en Arabie saoudite et dans les émirats pétroliers ne constituent que 8 à 40% de la population, tandis que les 40 à 92 autres pourcents sont constitués de crève-la-faim importés, de sans droits, sunnites ou chiites, venus du Pakistan, du Yémen, d’Iran, des Philippines, etc. Ces immigrés forment la majorité de la population et font tous les sales travaux.

 

Les bonzes et leurs courtisans, nourris grassement à coup de pétrodollars, craignent par dessus tout que l’étincelle révolutionnaire, partie de Tunis et de la Place Tahrir au Caire, ne mette le feu aux poudres dans les bidonvilles où s’entassent les exploités à Riad, Koweit City et Dubai; que des manifestants se jettent dans les rues et exigent les droits que leur garantit le Coran. Comment les nomenklatura et les cheikhs du pétrole, qui dominent la région, vont-ils se protéger contre cette armée de millions de déshérités potentiellement révolutionnaires, contre les dangers d’un islam socialiste qui se profile à l’horizon, contre l’émergence possible de partis séculiers qui, comme en Syrie, protègent toutes les minorités et toutes les communautés religieuses? C’est très simple: en faisant appel aux Américains, qui débarquent dans leur pays, en étant tout prêts à protéger militairement les champs pétroliers de leurs pantins.

 

Prenons l’exemple du Qatar: ce pays n’est pas plus grand que la petite province autrichienne du Burgenland et compte 2,2 millions d’habitants. Seul un dixième de la population du Qatar est composé d’autochtones arabes et sunnites: le reste est un conglomérat d’Arabes venus d’ailleurs, de Pakistanais, d’Iraniens chiites, d’Hindous de l’Asie du Sud-Est et de Chrétiens. Depuis 200 ans, c’est la tribu des Al-Thani qui gouverne là-bas. En 1940, la société “British Petroleum” découvre du pétrole au Qatar. En 1971, on découvre à proximité des côtes un des plus formidables gisements de gaz naturel de la planète, tant et si bien que le Cheikh Ahmed Al-Thani se donne tout de suite le titre d’”Emir”, tout en devenant l’un des hommes les plus riches de la Terre. En 1995, Hamad Al-Thani arrive au pouvoir à la suite d’un putsch, un peu aidé par les Américains. Un pur hasard bien sûr, même si l’on constate qu’il leur cède dans la foulée un morceau de désert près d’Al-Udaïd. Sur ce terrain, les Américains vont aussitôt construire leur plus grosse base du Proche Orient, dépensant dans l’opération plus d’un milliard de dollars. Au départ de cette base, l’US Air Force peut surveiller étroitement le Golfe Persique et tous les “Etats-voyous” d’Asie et d’Afrique du Nord qui n’ont pas encore trouvé la voie vers “la liberté, la paix et la démocratie”. Il y a douze ans, Hamad Al-Thani a fondé la chaîne de télévision Al-Djazeera. C’était indubitablement une chaîne respectable, animée par des journalistes professionnels et connue pour ses reportages dépourvus d’esprit partisan. Mais l’an passé, l’Emir, devenu totalement pro-américain, a transformé d’autorité cette chaîne en un porte-voix de la propagande américaine. La direction a été congédiée et remplacée par des Arabes pro-américains exilés et par des journalistes de la BBC. Elle est devenue une nouvelle “Voice of America”, costumée à la mode arabe. Elle diffuse désormais les dépêches mensongères habituelles qui stigmatisent les “scélérats” de la propagande américaine comme feu Kadhafi, Ahmadinedjad et Al-Assad, avec un zèle qui laisse pantois. Al-Djazeera est devenue la chaîne qui a inventé les images floues et vacillantes qui, par leur imprécision et leur “invérifiabilité” sont propices à toutes les formes d’agitprop.

 

Richard MELISCH.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°16/2012; http://www.zurzeit.at/ ).

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