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lundi, 19 août 2013

Villes et communes allemandes à bout de souffle

“Anton BESENBACHER” (’t Pallieterke):

Villes et communes allemandes à bout de souffle

La ville de Detroit aux Etats-Unis est en faillite. Nous l’avons tous appris. Cette ville, pionnière de l’industrie automobile, ne peut plus payer ses factures. Par le biais de Dexia, cette affaire prend une petite tonalité belge... Passons... En Allemagne, les villes et les communes ne peuvent pas faire faillite. Si une ville ne peut plus payer ses créanciers, le Land intervient. Et si le Land ne peut plus payer les factures, alors le niveau fédéral saute sur la brèche. Et si l’Allemagne toute entière perd crédibilité en matière de crédit, alors les contribuables doivent tout simplement payer des impôts supplémentaires.

L’idée qu’un pouvoir public puisse faire banqueroute est incompatible avec la législation mais aussi avec la vision que l’on a toujours cultivée en Europe de ce que doivent être des pouvoirs publics. Les pensions du personnel communal ne seraient plus payées en cas de faillite d’une commune ou d’une ville. Les fonctionnaires seraient tous jetés à la rue, les hôpitaux et les écoles fermeraient leurs portes et on mettrait un terme à toute une série d’initiatives sociales. De tels scénarios, nous, Européens, ne pouvons pas nous les imaginer!

C’est sans doute une bonne nouvelle. Passons maintenant à la mauvaise nouvelle. Dans le jargon spécialisé, il existe une expression: “moral hazard”. Les sociologues universitaires entendent, par cette expression, le fait que les gens, les institutions, les établissements d’enseignement et les entreprises deviennent très vite imprudents voire totalement irresponsables quand ils pensent que les factures seront toujours payées en fin de compte, même par des tiers. Fortes de cette certitude, les communes et les institutions prennent des risques inconsidérés, engagent des dépenses déraisonnables qu’on ne prendrait pas si on savait que la facture finale serait pour sa propre escarcelle. A cela s’ajoute que les villes et les communes peuvent emprunter à des taux très avantageux, aux tarifs des pouvoirs publics allemands dont elles relèvent. Le niveau fédéral allemand accorde de toutes façons sa garantie. Les villes qui ont de fortes dettes peuvent continuer, sans aucun problème, à s’alimenter sur le marché des capitaux et ne sont pas sanctionnées par des taux d’intérêts plus élevés. Bref, c’est le scénario grec en Allemagne!

Si on examine les administrations locales, on doit bien constater que la Grèce se trouve aussi en Germanie. Des centaines de villes et de communes allemandes sont en fait en état de banqueroute et ne sont pas déclarées telles officiellement pour les riasons que nous venons d’évoquer et parce que les lois permettent  ce tour de passe-passe.

Oberhausen, au Nord-Ouest de la région de la Ruhr, compte plus ou moins 210.000 habitants. Cette ville s’était développée jadis grâce à ses mines de charbon. Offenbach, dans le Land de Hesse, près de Francfort sur le Main, est également baignée par cette rivière du centre du pays et compte, elle, quelque 120.000 habitants. Bremerhaven compte à peu près autant d’habitants et est, comme son nom l’indique, une ville portuaire. Elle se trouve sur la Weser et s’appelait jusqu’en 1947 Wesermünde. Ce sont les trois grandes villes allemandes qui sont financièrement au bout du rouleau aujourd’hui. On le remarque d’ailleurs tout de suite. Les infrastructures comme les piscines publiques sont fermées. Les rues ne sont plus entretenues. Les écoles sont dans des états déplorables. Si le désastre financier qui les frappe prend encore un peu d’ampleur, les pouvoirs publics de plus haut niveau n’interviendront plus. Le fête finit toujours par s’achever.

Ah! Si ces villes allemandes étaient Detroit...

Seuls les bons connaisseurs de l’Allemagne pourront situer Oberhausen, Offenbach et Bremerhaven sur la carte. Berlin, Hambourg et Brème sont toutefois des villes connues bien au-delà des frontières allemandes. Pour les amateurs de nouvelles déprimantes: Detroit, aux Etats-Unis, laisse une dette de 20.500 euro par habitant. Les habitants de Hambourg, eux, ont une dette de 20.800 euro par tête. Pour les Berlinois, c’est mille euro de plus. Brème tient le pompon avec une dette urbaine de 34.200 euro par habitant. Donc Brème respirerait si elle pouvait échanger ses dettes contre celles de Detroit.

Selon la Ligue des contribuables allemands, la situation est bien plus dramatique. Pour ce groupe de pression, qui s’est donné pour tâche de veiller à un bon usage de l’argent du contribuable par les pouvoirs publics, les villes et les communes ne pourraient en réalité reprendre que 44% de leurs dettes dans leurs budgets. Les villes les plus touchées luttent contre des déficits structurels patents. Elles se trouvent surtout dans la région de la Ruhr, où elles s’étaient développées avec brio jadis grâce aux mines et à la sidérurgie, ou dans le Nord où les chantiers navals avaient généré le bien-être général. Ces temps heureux sont passés. Le déclin est vite venu. Les revenus de ces villes ont chuté parce que bon nombre d’habitants sont devenus chômeurs et parce que, de ce fait, les dépenses sociales ont augmenté.

Comme les édilités locales n’aiment pas prendre des mesures impopulaires, elles ont tenté de maintenir à flots le paiement des revenus de substitution, tout en diminuant considérablement —jusqu’au minimum du minimum— les investissements sur le long terme. L’an passé, les villes et les communes ont dépensé 187 milliards d’euro; dans cette somme, seuls 20 milliards étaient consacrés à des investissements, soit 11% de moins encore qu’en 2011. La politique que ces édilités poursuivent est donc de combler les trous à court terme, de façon à accroître encore leurs dimensions sur le long terme.

Les administrations communales se plaignent parce que les citoyens font de plus en plus appel aux pouvoirs publics locaux pour toutes sortes de choses, anciennes et nouvelles. L’Etat doit toujours être prêt à financer ces exigences ou à apporter son soutien. Augmenter les impôts serait fatal pour les édilités communales lors des élections à venir. Emprunter est donc beaucoup plus facile...

Anton BESENBACHER.

(article paru dans “ ’t Pallieterke”, Anvers, 24 juillet 2013).

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