mardi, 08 avril 2014
Un nouvel ordre génétique ?
Un nouvel ordre génétique ?
par Edouard Rix
En quelques années, ce sont quelques-uns des dogmes les plus sacrés de la vulgate scientiste antiraciste et égalitariste qui viennent de voler en éclat. Mauvaise passe pour les tenants du politiquement correct scientifique…
D’abord, le mythe de l’Out of Africa, dont Yves Coppens a signé l’arrêt de mort en affirmant dans Sciences et Avenir de juin 2011 que « l’Afrique n’est pas le seul berceau de l’Homme moderne » (1). Prenant en compte les toutes dernières découvertes scientifiques, le paléoanthropologue réfute définitivement le paradigme diffusionniste au profit de l’hypothèse multirégionale : « Je ne crois pas que les hommes modernes aient surgi d’Afrique il y a 100 000 à 60 000 ans (…) Je pense que les Homo sapiens d’Extrême-Orient sont les descendants des Homo erectus d’Extrême-Orient » (2). De même, les Homos sapiens d’Europe résultent d’une hominisation indépendante de l’hominisation africaine.
Denisova, le troisième homme
Autre dogme littéralement pulvérisé par les progrès d’une science nouvelle, la paléogénétique : la croyance en l’unité du genre humain. Car le séquençage de l’ADN, loin de se limiter aux seuls êtres vivants, s’applique désormais à des individus morts depuis des millénaires, y compris à des espèces aujourd’hui disparues. En effet, l’ADN se conserve près de 100 000 ans dans un environnement ni trop chaud, ni trop humide. En prélevant d’infimes quantité d’ADN résiduel dans les squelettes, les paléogénéticiens arrivent à reconstituer la totalité du génome grâce à une technique d’ampliation qui permet de multiplier les séquences.
Rappelons que, depuis 100 000 ans, plusieurs espèces d’hominidés ont disparu : Néandertal en Europe, Denisova en Sibérie, l’Homme de Florés en Indonésie. Un fossile de ce dernier, datant de 13 000 ans, a été découvert en 2003 dans une grotte de l’île indonésienne de Florés. Le séquençage de cet Homo floresiensis, un individu de faible corpulence possédant un crâne et un cerveau très petits – d’où le surnom de « Hobbit » dont on l’a affublé -, a échoué par deux fois, l’ADN retrouvé ayant été fortement détérioré par le climat tropical régnant dans la zone de la sépulture. Par contre, les généticiens ont réussi à séquencer Néandertal et Denisova, alors que cette dernière espèce ne nous est connue que par un os de la phalange d’un auriculaire et deux molaires.
C’est en 2008 qu’ils ont été retrouvés dans une caverne à Denisova, dans les monts Altaï, au sud de la Sibérie. Des objets présents au même niveau que les fragments osseux ont pu être datés par le carbone 14 entre 30 000 et 40 000 BP (3). En mars 2010, une équipe internationale de phylogénistes moléculaires (4) de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire de Leipzig, en Allemagne, conduite par le biologiste suédois Svante Pääbo, publie dans Nature une première analyse de l’ADN mitochondrial (ADN mt), d’origine strictement maternelle, prélevé dans ce bout d’os. Grâce au séquençage de cet ADN, les chercheurs affirment avoir découvert une troisième espèce d’hominidé, contemporaine de l’Homo sapiens et appelée Homme de Denisova. « La famille des hommes semblerait donc avoir été beaucoup plus diverse qu’on ne l’avait cru jusqu’à présent » s’étonne Le Figaro (5).
Les mêmes s’attaquent ensuite à l’ADN nucléaire, ADN du noyau cellulaire issu de la fusion du patrimoine génétique des parents. Un seul individu offre ainsi un échantillon statistique de la population qui l’a précédé. Les résultats, annoncés le 23 décembre 2010 dans les colonnes de Nature, confirment que l’Homme de Denisova forme une branche distincte de l’arbre généalogique du genre Homo. Il aurait donc existé deux formes distinctes d’hommes archaïques en Eurasie : à l’Ouest Néandertal, à l’Est Denisova. La branche des Dénisoviens aurait divergé de celle qui mène à l’homme moderne il y a 800 000 ans, et de celle qui conduit à Néandertal il y a 640 000 ans. En comparant l’ADN de Denisova avec celui d’hommes modernes actuels, les scientifiques ont découvert que 5% du génome de certains Mélanésiens, en l’occurrence les Papous de Nouvelle-Guinée et de l’île de Bougainville, provient des Dénisoviens. L’équipe de l’Institut dresse l’hypothèse que ces derniers auraient croisé la route de sapiens, il y a 55 000 ans, vers le Proche-Orient, et que les descendants issus de cette rencontre auraient traversé l’Océan pour s’installer en Mélanésie il y a 45 000 ans.
En août 2012, les chercheurs annoncent dans Science être parvenu à décoder entièrement son génome. Pour cela, ils ont dû inventer une technique leur permettant de déméler la double hélice de l’ADN pour en analyser séparément chacun des brins. Il en résulte que les Dénisoviens étaient porteurs de matériel génétique aujourd’hui associé avec une peau sombre, des cheveux bruns et des yeux marrons.
Il y a du Néandertal en nous !
Dès 2010, la même équipe de paléoanthropologues et de paléogénéticiens avait séquencé 60% du génome nucléaire de Néandertal (6), dont l’apparition remonte à 400 000 ans et qui se sont éteints il y a 30 000 ans. Les résultats contredisaient les études antérieures sur l’ADN mitochondrial qui n’avaient trouvé aucune contribution néandertalienne à notre génome. Il s’avère, finalement, que du fait de croisements entre Homo neanderthalensis et Homo sapiens, des hommes modernes non-africains (les Chinois Han, les Français, les habitants de Papouasie-Nouvelle-Guinée) ont hérité de 1 à 4 % de leurs gènes de Néandertal. Cette découverte conforte l’hypothèse d’une hybridation entre les deux espèces avant que les Néandertaliens ne s’éteignent. Une nouvelle étude, menée par Damian Labuda, professeur au département de pédiatrie de l’Université de Montréal, révèlera qu’une partie du chromosome X de toutes les populations non africaines provient des Néandertaliens (7).
Devant cette véritable révolution anthropologique, Le Monde se devait de sonner l’alarme, à moins que cela ne soit le glas : « L’année 2010 aura donc été très riche pour la paléogénomique. C’est celle de la découverte de la part néandertalienne chez les non-Africains actuels, et de l’héritage dénisovien chez les Papous. Les généticiens savent que ces avancées peuvent ressusciter des thèses racialistes. Aussi prennent-ils soin de préciser que cet ADN en héritage est non codant, c’est-à-dire qu’il n’a pas de fonction connue. Mais “ quand bien même il commanderait des gènes, la différence génétique ne saurait justifier le racisme “ insiste Pascal Picq » du Collège de France (8). Même les pires négationnistes de l’antiracisme ne peuvent plus ignorer que certains groupes raciaux et ethniques vivant aujourd’hui sont issus de croisement, intervenus il y a plusieurs milliers d’années, d’hommes modernes et d’hommes archaïques, et que certains gènes dont ils ont hérité concernent plus particulièrement l’organisation du cerveau et le fonctionnement des synapses neuronales. Différents et inégaux ? « C’est dans la Genèse et l’enseignement des Pères de l’Eglise, rappelle Guillaume Faye, qu’il faut déceler l’origine de ce mythe ethnocidaire de l’unité du genre humain, et de l’archétype d’un homme universel, entité monogénique issue d’une même souche, modèle par lequel les identités sont dévalorisées » (9). L’édifice égalitariste et universaliste bi-millénaire forgé par le judéo-christianisme et perpétué sous une forme laïcisée par les idéologies modernes vient de s’écrouler. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Edouard Rix, Réfléchir & Agir, hiver 2013, n°43, pp. 37-38.
Notes :
(1) Sciences et Avenir, juin 2011, n°772.
(2) Idem.
(3) L’expression Before Present (BP), « avant le présent » est utilisé en archéologie pour désigner les âges exprimés en nombre d’années comptées vers le passé à partir de l’année 1950 du calendrier grégorien. Cette date, fixée arbitrairement comme année de rférence, correspond aux premiers essais de datation au carbone 14.
(4) La phylogénie moléculaire consiste à comparer des gènes dans le but d’établir des classifications d’espèce.
(5) Le Figaro, 25 mars 2010.
(6) Science, 7 mai 2010, vol. 328, n° 5979, pp. 710-722.
(7) Molecular Biology and Evolution, juillet 2011, 28 (7).
(8) Le Monde, 24 décembre 2010.
(9) G. Faye, Les nouveaux enjeux idéologiques, Le Labyrinthe, Paris, 1985, p. 45.
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