Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 20 mars 2022

France, élections présidentielles: Cinq pour deux!

10_candidats.PNG

France, élections présidentielles: Cinq pour deux!

par Georges FELTIN-TRACOL

Depuis le lundi 7 mars 2022, douze candidats se présentent au choix des Français pour désigner le prochain directeur général de l’EHPAD hexagonal. Les dernières semaines de la campagne du premier tour se déroulent dans un contexte général qui combine une sortie (provisoire ?) d’une pandémie, un conflit majeur en Europe orientale, un retour de l’inflation, des pénuries économiques durables et un contrôle inouï de l’information sur Internet et les réseaux sociaux sous prétexte de combattre de supposées infox. Tout concourt à biaiser le scrutin d’autant que le président-candidat à la morgue légendaire refuse toute confrontation avec ses concurrents.

Malgré un détestable bilan socio-économique, Emmanuel Macron serait, selon les différentes séries des sondages, le grand bénéficiaire de l’hystérie médiatique coronatralalaviro-belliciste. Outre un socle électoral solide et fidèle composé de retraités soixante-huitards et de jeunes ambitieux, l’actuel locataire de l’Élysée tire un réel profit de l’ambiance anxiogène distillée par le système médiatique d’occupation mentale, et ce, nonobstant sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire et ses gesticulations internationales. Il faut en outre prendre en compte ces électeurs qui votent toujours par une sorte de réflexe faussement légitimiste pour le président quand il se représente comme en 1981, en 1988, en 2002 et en 2012. Certes, Macron ne sera pas réélu dès le soir du 10 avril. Il risque en revanche de frôler le résultat de « Tonton » Mitterrand en 1988 avec 34,10 %. Qui affrontera-t-il donc dans un vain duel au second tour le 24 avril prochain ?

Sur les onze autres candidats émergent pour l’instant quatre qui ont une chance plus ou moins élevée de se qualifier : Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. Le surgissement d’un autre candidat (Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Fabien Roussel) constituerait une vraie surprise. Écartons-les cependant des hypothèses suivantes.

À en croire les sondages qui se trompent régulièrement, le cas de figure le plus probable serait un duel Emmanuel Macron – Marine Le Pen, soit une répétition de 2017. Le clan mariniste transpose volontiers cette confrontation aux deux duels Giscard d’Estaing – Mitterrand de 1974 et de 1981. En 1974, François Mitterrand perdit le débat. Il le gagna sept ans plus tard en se montrant offensif et incisif face à un Giscard affaibli. Marine Le Pen suivrait-elle cet exemple ? Son entourage en rêve. Or, les enquêtes d’opinion la donnent perdante. Sa présence au second tour renforcerait son emprise pour une décennie au moins sur une soi-disant « droite nationale » en ruine.

L’affrontement Macron – Pécresse reste pour l’heure assez aléatoire. Ces deux libéraux progressistes autoritaires discuteraient sans beaucoup de conviction à l’instar du débat insipide entre Lionel Jospin et Jacques Chirac en 1995. Valérie Pécresse au second tour sauverait en tout cas Les Républicains d’une déroute cinglante, d’une implosion annoncée et d’une profonde recomposition politique. Un second tour entre Emmanuel Macron et Éric Zemmour s’envisage si l’ancien journaliste parvient à imposer quelques idées percutantes auprès des électeurs les plus indécis ou les plus blasés. Une telle perspective relancerait à coup sûr un « front ripoublicain » plus mobilisateur que face à Marine Le Pen bien qu’une partie de la gauche préférerait cette fois-ci s’abstenir, voter nul ou mettre un bulletin blanc, lassée des injonctions répétées à faire barrage au fascisme imaginaire pour le plus grand plaisir d’un néo-libéralisme suffisant et envahisseur.

presidentielle-2022.jpg

Plus surprenant, un duel entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon n’est pas farfelu. Rompu à l’exercice en dépit du parasitisme de la candidature communiste de Fabien Roussel qui singe les campagnes de Jacques Duclos en 1969 (21,27 %) et de Georges Marchais en 1981 (15,35 %), le député des Bouches-du-Rhône commence à bénéficier d’une dynamique de campagne. Cet élan peut attirer vers lui des pans entiers du « peuple de gauche » en mal de champion. Mélenchon est capable de coiffer d’un cheveu Le Pen, Pécresse et Zemmour qui, avec Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle, risquent finalement de se neutraliser. Dans cette hypothèse, l’électorat lepéniste n’hésiterait pas à se reporter, par anti-macronisme lucide compréhensible, sur le représentant de l’Union populaire, ce qui rendrait le résultat du second tour plus incertain que prévu, n’en déplaise aux instituts de sondages.

Il faut enfin envisager l’éventualité pour l’heure plus que loufoque que le dégagisme commencé en 2017 et amplifié par les Gilets jaunes et l’hostilité au passeport vaccinal liberticide se poursuive en évinçant dès le premier tour le président sortant. Ce serait sans précédent sous la Ve République. Cette situation entraînerait une déflagration politique inédite, quelque soit l’identité des finalistes. Le résultat pourrait toutefois fortement varier en fonction de la configuration finale : Marine Le Pen contre Valérie Pécresse, Éric Zemmour contre Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen contre Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon contre Valérie Pécresse, Marine Le Pen contre Jean-Luc Mélenchon ou Valérie Pécresse contre Éric Zemmour. Par ailleurs, dans ces situations hautement spéculatives, il n’est pas sûr qu’il y ait un second tour, surtout en l’absence de Valérie Pécresse. Afin d’éviter une présidence « populiste » mélenchonienne, lepéniste ou zemmourienne, le Conseil constitutionnel pourrait, après un désordre sciemment orchestré, annuler le premier tour et ordonner le recommencement de toute la procédure électorale. Édouard Philippe ferait dès lors le don de sa barbe bicolore à l’Hexagone. Cette entourloupe institutionnelle satisferait-elle des électeurs vindicatifs ?

Quelque soit le président élu au soir du 24 avril, il gérera le lent naufrage du pays. Ernest Renan l’affirmait au jeune Maurice Barrès : « Les nations meurent aussi ! ». Faute d’Europe impériale, la France poursuit son agonie.    

GF-T

• « Vigie d’un monde en ébullition », n° 24, mise en ligne le 15 mars 2022 sur Radio Méridien Zéro

Les commentaires sont fermés.