mercredi, 09 juillet 2025
Russie et Azerbaïdjan: analyse d'une aliénation rampante
Russie et Azerbaïdjan: analyse d'une aliénation rampante
Par Elena Fritz
Source: https://pi-news.net/2025/07/russland-und-aserbaidschan-an...
Les relations entre la Russie et l'Azerbaïdjan se sont nettement refroidies au cours des dix-huit derniers mois. Alors que les deux États coopéraient étroitement jusqu'en 2022 et que la Russie considérait l'Azerbaïdjan comme un partenaire important sur les plans de l'économie et de la sécurité, une distance notable s'est aujourd'hui installée entre les deux pays, tant sur le plan diplomatique que stratégique. Ce changement ne s'est pas produit de manière brutale, mais résulte de bouleversements structurels, de divergences dans les priorités de politique étrangère et d'une nouvelle constellation des pouvoirs dans la région.
Historiquement, la Russie était considérée comme la puissance protectrice de l'Azerbaïdjan, en particulier depuis le début des années 1990. Après la fin de la guerre du Haut-Karabakh en 1994 et la prise du pouvoir par Heydar Aliyev, une relation de coopération s'est établie entre Moscou et Bakou, soutenue par des liens économiques – notamment via la diaspora azerbaïdjanaise en Russie – et par des accords en matière de politique de sécurité. Au cours de cette phase, la Russie s'est imposée avec succès comme la médiatrice entre les parties prenantes du conflit, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Le statut gelé du Haut-Karabakh – qui, selon le droit international, fait partie de l'Azerbaïdjan, mais qui était en réalité sous contrôle arménien – a créé un cadre dans lequel la Russie a pu se présenter comme garante de la stabilité dans le Caucase du Sud.
Cet équilibre a commencé à vaciller au plus tard avec le changement de gouvernement en Arménie en 2018. L'arrivée au pouvoir du Premier ministre Nikol Pachinian, soutenu par un mouvement de réforme soutenu par la "société civile", a été jugée d'un œil critique à Moscou. Les relations russo-arméniennes se sont refroidies, tandis que Moscou s'efforçait parallèlement de renforcer sa coopération avec Bakou. La coopération croissante entre l'Azerbaïdjan et la Turquie en matière de politique énergétique et militaire n'a pas été considérée comme un défi immédiat.
Le tournant : les conflits du Karabakh en 2020 et 2023
L'offensive militaire de l'Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh en 2020 a constitué un tournant décisif. La Russie s'est abstenue de condamner ouvertement l'opération azerbaïdjanaise et a plutôt négocié un accord de cessez-le-feu qui devait être supervisé par les forces de maintien de la paix russes. L'opération a été considérée par une partie des dirigeants russes comme un moyen de réduire l'influence de l'Arménie sous Pachinian sans compromettre les relations avec l'Azerbaïdjan. La deuxième offensive militaire de l'Azerbaïdjan en 2023, qui a conduit à la prise de contrôle totale de la région, a également été acceptée par Moscou.
Cette passivité a toutefois eu des conséquences stratégiques. Alors que l'Azerbaïdjan a atteint ses objectifs territoriaux et réduit de facto sa dépendance vis-à-vis de la Russie, cette dernière a perdu une position d'influence importante dans le Caucase du Sud, sans obtenir de contrepartie claire en échange. L'Azerbaïdjan a intensifié sa coopération avec la Turquie et Israël, en particulier dans le domaine des technologies militaires. Parallèlement, les relations entre Bakou et Téhéran se sont détériorées après la publication d'informations faisant état de l'utilisation de l'espace aérien azerbaïdjanais par des drones de reconnaissance israéliens.
Facteurs économiques et divergences stratégiques
Des tensions sont également apparues sur le plan économique. L'Azerbaïdjan avait misé sur la création d'un hub gazier turc qui devait servir de plateforme de distribution pour les exportations d'énergie vers l'Europe, en intégrant les flux gaziers russes. Ces projets ont été accueillis avec scepticisme à Moscou et sont restés largement lettre morte. À cela s'ajoute le blocage du transit de l'énergie azerbaïdjanaise par l'Ukraine, qui a privé l'Azerbaïdjan d'un marché important.
En outre, la Russie a renforcé ses mesures contre les structures criminelles liées à certaines franges de la diaspora azerbaïdjanaise. Le démantèlement de ces réseaux a également porté atteinte aux intérêts économiques de certaines élites azerbaïdjanaises qui avaient jusqu'alors profité de ces relations informelles.
Réticence diplomatique malgré des points de friction manifestes
Bien que les lignes de conflit soient clairement identifiables, le gouvernement russe a jusqu'à présent réagi avec retenue. Les instruments diplomatiques se sont limités à convoquer l'ambassadeur azerbaïdjanais et à lui remettre une note de protestation. Officiellement, la Russie parle d'acteurs externes non spécifiés qui auraient intérêt à voir les relations se détériorer. Cette formulation laisse une marge d'interprétation et permet d'éviter une escalade pour l'instant.
Dans le même temps, de plus en plus d'indices laissent penser que la Russie examine des options stratégiques vis-à-vis de l'Azerbaïdjan, par exemple en se rapprochant prudemment de l'Arménie ou en intensifiant sa coopération avec l'Iran. Cependant, aucune mesure concrète n'a été annoncée à ce jour.
Perspectives
À court terme, il ne faut pas s'attendre à une normalisation des relations entre la Russie et l'Azerbaïdjan. La politique étrangère de Bakou reste clairement orientée vers l'Occident et la Turquie, tandis que la Russie mise sur un réseau de partenariats régionaux dont l'Azerbaïdjan ne fait actuellement plus partie. La coopération en matière de politique de sécurité est de facto suspendue et les intérêts économiques divergent. Il est toutefois concevable que les relations se stabilisent à nouveau à moyen terme, par exemple dans le contexte de changements géopolitiques ou de changements de personnel au sein des dirigeants politiques des deux pays.
À long terme, l'évolution des relations bilatérales dépendra fortement de la situation internationale, de l'architecture de sécurité régionale et de la dynamique politique interne à Bakou. Le gouvernement russe ne semble actuellement pas disposé à la confrontation, mais tente de préserver ses derniers canaux d'influence. La question de savoir s'il y parviendra reste ouverte.
11:52 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, russie, caucase, azerbaïdjan, géopolitique | |
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