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lundi, 16 juin 2008

Corridor 5 : nouvelle voie de l'économie

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Europe : le "Corridor 5", nouvelle voie de l'économie

 

Ce que l'on appelle le "Corridor 5" est le tracé qui u­nit les rives de l'Atlantique aux terres russes. De­puis quelques temps, tous les politiciens en par­lent. Il est dans le collimateur depuis les étranges in­cidents survenus dans les tunnels alpins (qui l'ont bloqué). Cependant, les journaux du régime, vé­hicules de la "pensée unique", répandent sur cet­te question géopolitique cruciale un rideau de fu­mée, qui nous empêche de juger sereinement de la situation. Archimède Bontempi a interrogé à ce sujet Federica Seganti, conseillère régionale de la Lega Nord dans la province italienne de Frioul/ Vénétie Julienne et experte en questions de trans­port.

[ndlr: Cet entretien, déjà ancien, démontre que des forces omniprésentes cherchent délibérément à saboter la flui­dité des transports entre l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est et à reconstituer un "Rideau de Fer" invisible. Les évé­ne­ments des Balkans ont été une tentative américaine de brouiller la fluidité des transports dans la péninsule sud-orientale. La diabolisation de l'Autriche entre dans cette même stratégie. En sont victimes: des régions comme la Catalogne, qui ne peuvent aisément projeter leur dyna­mis­me au-delà de la barrière alpine, la PACA française, le Lan­guedoc-Roussillon, la façade aquitaine et la région lyon­naise. Les "accidents" survenus dans les tunnels ne se­raient pas un "hasard" selon de nombreuses voix autorisées. D'autant plus que la politique britannique, notamment lors du Congrès de Vienne en 1815, a toujours visé le blocage des communications à hauteur du flanc occidental des Al­pes, en créant un Etat-tampon entre la France et l'Autri­che, le Royaume de Piémont-Sardaigne, satellisé par Lon­dres. Aujourd'hui, il suffit de payer un chauffeur turc pour faire exploser un camion sous le tunnel du Mont Blanc… A méditer].

 

AB: Pourquoi cet intérêt subit et tardif que manifeste le gouvernement italien et la Commission européenne pour ce "Corridor 5"?

 

FS: Le Corridor numéro 5 tire toutes ses potentialités parce qu'il traverse un vaste bassin naturel, par où passe un trafic important; plus tard, ces potentialités se verront encore am­plifiées, parce que ce bassin s'élargira à d'autres flux sus­ceptibles d'être canalisés via d'autres parcours alter­na­tifs, dans des conditions améliorées, qu'offriront les diffé­rents pays. Si ces flux peuvent couler de manière optimale, ils favoriseront les échanges entre plusieurs pays d'Europe occidentale, dont le Nord de l'Espagne, le Midi de la France et une partie de la Suisse et de la Padanie, avec les PECO; ces flux pourront emprunter directement le "Corridor 5", ce qui nous donnera l'occasion d'éviter de détourner le trafic vers le Nord des Alpes, modus operandi qui augmente con­sidérablement les coûts de transport.

 

AB: Mais ce trafic ne s'articule que via la terre ferme…

 

FS: Non. A ces flux de trafic, ainsi créés, s'ajouteront les é­changes réciproques entre les PECO, tandis que leur com­mer­ce sera en mesure de se coupler à la nouvelle inter-mo­dalité terre/mer. Leur objectif est de gagner les ports de l'A­driatique. Les commerces centre-européens vont gagner con­sidérablement en importance, surtout en provenance et en direction des pays de l'Extrême-Orient; à partir du port de Trieste, via le Canal de Suez, ces commerces vont pou­voir atteindre le Pacifique. Le commerce avec les puis­sances du Moyen-Orient va également s'accroître, vu les dif­ficultés actuelles à transporter des masses de biens par voie terrestre à travers les Balkans. La réalisation concrète du Corridor 5 donne une dimension supplémentaire à l'hin­ter­land des ports adriatiques, surtout à Trieste et à Capo­distria, englobant le territoire de la République tchèque, de la Slovaquie, de l'Autriche et de la Bavière, désormais re­liés aux ports du Nord de l'Europe comme Rotterdam et Hambourg. Dans cette perspective, les pays et les régions traversés par ce Corridor, même s'ils se chamaillent pour des questions de finalités et de priorités, ont tous un inté­rêt commun à concrétiser le fonctionnement optimal de ce Corridor et de toutes les infrastructrures qui y sont liées.

 

AB: Jusqu'ici, pourtant, ni le gouvernement italien ni la Com­mission européenne n'ont accordé beaucoup d'im­por­tance à la réalisation de ce Corridor…

 

FS: Jusqu'à aujourd'hui, le gouvernement italien a nié l'im­portance (et même l'existence!) de la Padanie et de son sy­stème de transport spécifique dans le cadre de l'économie transeuropéenne. De fait, ce gouvernement a toujours ten­té d'imposer à l'Europe une voie Nord-Sud qui privilégie les ports de Gioia Tauro et de Tarente, ainsi que les trajets fer­roviaires de la péninsule italique, au détriment de l'axe Bar­celone/Lyon/Milan/Trieste/Budapest/Kiev. Comme son pro­jet stratégique était différent, le gouvernement italien ne s'est quasiment jamais manifesté sur la question du Cor­ri­dor 5. Tout l'atteste: de l'insuffisance des réseaux auto­rou­tiers à l'obsolescence des voies ferrées et des gares de mar­chandises. Cette situation est inacceptable; de plus, ce sont des investisseurs privés qui sont prêts à consentir les efforts financiers nécessaires, sans que l'Etat n'ait rien à dé­bourser. Malgré cela, le gouvernement boycotte et la bu­reaucratie romaine sème ses embûches.

 

AB: Que devrait alors faire un gouvernement qui aurait à cœur les intérêts du Nord de l'Italie et de l'Europe toute entière?

 

FS: Toute politique éclairée devrait privilégier les réseaux d'in­frastructures et viser l'élimination des étranglements géographiques en faisant construire de nouveaux tunnels et de nouveaux ponts; et surtout, il devrait éliminer les étran­glements d'ordres bureaucratique et technocratique qui strangulent les transports et étouffent ainsi les économies locales. Aujourd'hui, l'"inter-modalité" et l'"inter-opéra­tivi­té" sont plus nécessaires que jamais. Les transports par rou­te doivent être intégrés aux transports ferroviaires et ma­ritimes et, avec le flux actuels des télécommunications, les réseaux incomplets risquent bel et bien d'être exclus de toute dynamique performante et du marché. Dans les Alpes notamment, il y a trop peu de passages et de tunnels, com­me vient de le démontrer la crise grave qu'a provoqué l'in­terruption du trafic dans le Tunnel du Mont Blanc, rien que dans le Val d'Aoste, sans compter les dommages subis par l'économie piémontaise, lombarde et vénitienne. Cela nous amène à prendre ne considération le percement proposé d'un nouveau tunnel alpin qui relierait le Sud de l'Autriche, soit la Styrie et la Carinthie, et la Bavière, d'une part, au tracé du Corridor 5 qui traverse le Frioul et la Vénétie Ju­lienne, d'autre part. Ainsi, l'axe transeuropéen se verrait ren­forcé. Cette liaison est d'une grande importance straté­gique parce qu'il offre une alternative viable et utile au col du Brenner qui est désormais en voie de saturation.

 

AB: Donc, il n'y a pas seulement le gouvernement italien qui devrait s'intéresser à ce Corridor 5 mais aussi d'au­tres pays de l'UE et certains pays de l'Est…

 

FS: Le Corridor 5 a été compté parmi les réseaux priori­taires à réaliser lors de la "Seconde Conférence Pan­eu­ro­péen­ne des Transports", qui s'est tenue en Crète en 1994. Les Etats intéressés au tracé oriental de ce Corridor 5 ont ensuite signé à Trieste un mémorandum sur le développe­ment des réseaux de transports appelés à relier entre eux des Etats comme la Croatie, la Hongrie, l'Italie, la Slova­quie et l'Ukraine. L'accord prévoit de définir un tracé pri­mai­re, avec ses embranchements en direction de la Croatie et de la Slovaquie; ce tracé, à l'évidence, constitue une so­lution maximale et peut donc trouver de multiples solutions et donner lieu à divers projets mais qui, globalement, ne peut faire abstraction de sa fonction première: celle de re­lier stratégiquement l'Est et l'Ouest par le flanc sud des Al­pes.

 

AB: Ne croyez-vous pas que les gouvernements italiens successifs ont agi indépendamment des intérêts du Nord de la péninsule?

 

FS: Des ministres du gouvernement Prodi ont souscrit des accords internationaux avec la Slovaquie, prévoyant l'ex­ten­sion du tracé de départ du Corridor 5 par la construction d'un embranchement qui traversera les Alpes à hauteur de Tarvisio pour aller vers Vienne et Bratislava, afin de pou­voir pénétrer en Ukraine via le point de transit de "Cma na Tiz­su". C'est à la suite de demandes italiennes que le tracé actuel, devenu officiel, du Corridor 5 a été accepté par l'U­nion Européenne dans cette variante.

 

AB: Les transporteurs automobiles ne passent cependant pas par où le veulent les gouvernements; ils passent par où il est plus économique et rapide de voyager…

 

FS: De fait, il existe aujourd'hui un important trafic de trains et de camions qui opte pour un autre itinéraire, où les infrastructures sont meilleures: par l'Autriche, ce tracé per­met de pénétrer en Hongrie à Sopron, pour se diriger vers l'Ukraine via Debrecen et Budapest. La récente polé­mique que l'on a pu lire dans la presse locale de Vénétie et du Pays de Trieste ne sont que prétextes et dérivations, pures incongruités. La branche autrichienne du Corridor 5 existe depuis de nombreuses années par un choix du gou­vernement italien, sanctionné par la Commission Européen­ne. Haider n'a rien à voir dans tout cela! Le problème que posent la fonction et le rôle des ports du Nord de l'Adria­tique, surtout Trieste et Capodistria, face au Corridor 5 est un problème qu'il faut examiner attentivement, le plus vite possible, car si cette infrastructure n'est pas rapide, courte et économique dans son tracé et sur le plan tarifaire, les sociétés de transport ne l'utiliseront pas et préfèreront des voies plus rapides et plus économiques, au vif plaisir de ceux qui proposent des tracés "hauts" et "bas".

 

AB: Les journaux ne cessent de diaboliser l'Autriche, exac­tement comme au temps de la Grande Guerre, ou­bliant de la sorte les lourdes responsabilités du gou­ver­nement italien…

 

FS: L'Autriche est entièrement impliquée dans la problé­ma­tique du Corridor 5 et il est temps qu'elle revienne s'in­staller autour des tables de travail, pour qu'elle puisse tenir compte des activités qu'ont déployées jusqu'ici les pays qui l'entourent et pour prendre acte des accords signés. Mais le même reproche peut être adressé à l'Etat italien qui, il n'y a pas si longtemps, par l'intermédiaire de ses gouver­ne­ments, a fait des déclarations inopportunes et sans objet, prou­vant qu'ils se désintéressaient totalement du dévelop­pe­ment de nos régions septentrionales; en effet, les choix qui ont été fait ne correspondent pas aux intérêts de la ré­gion de Frioul & Vénétie Julienne et, pire, peuvent consti­tuer un grave danger pour la croissance économique du ter­ritoire.

 

AB: Quelles sont les intentions, aujourd'hui et dans le futur proche, du groupe régional de la Lega Nord?

 

FS: Nous sommes décidés à empêcher, par tous les moyens à notre disposition, les décisions prises par le gouver­ne­ment italien, qui n'auraient pas été au préalable agrées par la Région de Frioul & Vénétie Julienne, en totale confor­mi­té avec l'article 47 du Statut d'Autonomie, lequel est une loi constitutionnelle, que l'Etat italien ne respecte géné­ralement pas.

 

(propos parus dans La Padania, 23 juillet 2000 - http://www.lapadania.com ).

 

00:19 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tunnels, alpes, mitteleuropa, italie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook