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mercredi, 14 janvier 2009

Gaza: Israël n'a rien à gagner sur le plan politique

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Günther DESCHNER :

Gaza : Israël n’a rien à gagner sur le plan politique

 

On est plutôt prompt à penser que la culpabilisation, que l’acte de désigner le coupable, est l’affaire des lobbyistes. La plupart des hommes politiques et des journalistes s’emparent aujourd’hui de la nouvelle guerre au Proche Orient, que mène actuellement Israël, et prennent parti avec tant d’aplomb qu’on a l’impression qu’ils considèrent comme inopportunes et incorrectes toute connaissance approfondie de la question, toute objectivité et toute indépendance d’esprit. Trop de faiseurs d’opinion, de pontes médiatiques et de politiciens posent aujourd’hui des jugements à l’emporte-pièce, préfabriqués, tant et si bien qu’on pourrait penser, si l’on venait d’une planète lointaine, que l’histoire du Proche Orient vient à peine de commencer il y a deux semaines, quand, tout à coup, une bande ensauvagée de fous islamistes et antisémites, la barbe drue, aurait jailli du cloaque de Gaza et aurait, tout de go, commencé à tirer des fusées, par eux-mêmes bricolées, sur Israël, une Etat qui ne veut que la paix. Et que maintenant l’aviation israélienne leur donne la leçon qu’ils ont pleinement méritée. La plus pénible fut la Chancelière Angela Merkel qui sombra dans les simplismes outranciers, en déclarant : « Seul le Hamas est responsable de l’escalade ».

 

Mais, voilà, l’histoire n’est ni aussi simple ni aussi unidimensionnelle. Cela nous rappelle un peu la fameuse notion de « ruse de l’histoire » chez Hegel, lorsque nous lisons dans les journaux que ce sont surtout les frappes du Hamas, depuis Gaza, contre la ville littorale d’Achkalon, qui ont justifié les attaques d’Israël contre la Bande de Gaza. Or ce sont justement les Palestiniens qui vivaient à Achkalon et dans sa région, une ville qui s’appelait à l’époque Madchal, qui ont été dépossédés et expulsés en 1948 par les Israéliens. Ils se sont retrouvés à Gaza. Ce sont eux, ou plutôt leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants qui constituent une bonne part du million et demi de fugitifs palestiniens parqués sur les 360 km2 que l’on a appelé, depuis lors, la Bande de Gaza. Les dimensions de celle-ci correspondent à peu près à la moitié de la superficie de l’agglomération de Hambourg et la densité démographique y est deux fois plus importante. Voilà le noyau du problème. Tous ces gens n’ont jamais eu aucune raison ni aucune occasion d’oublier la conquête de leurs terres, l’expulsion des leurs et la misère de leur condition de réfugiés. Cela n’excuse pas certaines de leurs réactions anti-israéliennes, mais cela les expliquent.

 

Depuis qu’existe Israël, donc depuis soixante ans, les tensions irrésolues n’ont cessé de s’accumuler et elles sont les plus perceptibles à Gaza. Cette ville est un cauchemar pour les deux partis. Déjà David Ben Gourion avait exprimé sa crainte en 1948, quand il a donné l’ordre aux troupes sionistes d’entrer dans la région. Dans les années 90, les premiers ministres israéliens Yitchak Rabin et Shimon Peres souhaitaient clairement la disparition de Gaza ; ils disaient qu’il fallait tout simplement couler la Bande et l’expédier au fond de la mer.

 

On ne sait pas quand le sang cessera bientôt de couler à Gaza : quoi qu’il en soit, la pause et le répit ne seront que les préludes de nouvelles catastrophes. Les experts ès questions militaires se demandent ce qu’Israël cherche à gagner en lançant ses troupes à l’assaut de la Bande. Car le but officiel de toute l’opération, selon le ministre de la défense Ehud Barak, reste vague. Les militaires israéliens disent vouloir forcer « un changement radical de la situation en matière de sécurité dans le Sud d’Israël », afin que cette partie du pays ne soit plus menacée dans l’avenir par les tirs de missiles des Palestiniens. Ne s’agit-il pas plutôt qu’un coup politicien en vue des élections prochaines, qui auront lieu en février ? Ou s’agit-il vraiment de conjurer une menace mortelle ?

 

Ceux qui critiquent l’action de l’armée israélienne évoquent la disproportion des moyens : au cours de ces sept dernières années, 17 Israéliens ont été tués par des missiles tirés depuis la Bande de Gaza. Certes, Israël a le droit indiscutable de ne pas accepter plus longtemps cette menace qui pèse sur ses citoyens et d’invoquer son droit à se défendre. En Occident, mais aussi à Berlin, ce droit est posé comme « non négociable ». Dans le même laps de temps, plus de 4000 Palestiniens ont été tués lors d’opérations israéliennes. En Cisjordanie, d’où aucun missile n’est lancé, 45 Palestiniens ont été tués par les Israéliens, rien qu’en 2008. Les Palestiniens, dès lors, évoquent, eux aussi, leur droit à se défendre. Ils ne comprennent pas pourquoi personne ne considère ce droit comme « non négociable » ou le dénonce comme du « terrorisme ».

 

Assurément, Israël, qui est la principale puissance militaire du Proche Orient, emportera la victoire dans l’actuelle « Guerre de Gaza », du moins sur le plan militaire. Mais, en revanche, sur le plan politique, Israël ne gagnera rien. L’opération militaire, qui n’est pas la première, loin s’en faut, ne préparera pas le terrain, à Gaza, pour des partis politiques fiables et compétents, que les Israéliens pourront prendre comme interlocuteurs. Les groupes radicaux ne mettront jamais vraiment un terme à leurs attaques, si les conditions politiques et économiques ne changent pas. Même Israël, tout puissant, n’a pas réussi à empêcher ces attaques lorsque ses armées occupaient Gaza et tenaient la région sous son contrôle. Le Hamas ne disparaîtra pas si on le boycotte et si, simultanément, on affame 1,5 million de Palestiniens.

 

Les objectifs du Hamas sont les suivants : arrêter les opérations militaires, mettre un terme au blocus de la Bande de Gaza et ouvrir tous les points de passage sur la frontière. Depuis avril 2008, dans les rangs du Hamas, on discute ferme pour savoir si l’on reconnaîtra Israël ou non, du moins dans les frontières de 1967, telles qu’elles sont reconnues par le droit international. Cela correspond exactement au plan que l’Arabie Saoudite, en tant que puissance très influente du monde arabe, a suggéré maintes fois. Négocier sur base de telles requêtes rapporterait plus à Israël que cette succession interminable de guerres,  d’armistices, d’actions de représailles, d’attaques suicides et d’assassinats « ciblés », qu’il connaît depuis plus de soixante ans. Quant à l’influence iranienne, qu’Israël perçoit comme une menace pour ses intérêts vitaux, elle ne cessera de croître au fur et à mesure que disparaîtra l’espoir des Palestiniens d’obtenir un Etat, qui soit le leur

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Günther DESCHNER.

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°3/2009 ; trad. franç. : Robert Steuckers).

Commentaires

Comme le disait Raymond Aron: "Israël a toujours gagné les guerres et perdu les paix."
Un article formidable!

Écrit par : Salazar | vendredi, 16 janvier 2009

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