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samedi, 28 janvier 2012

L’Arabie Saoudite, faire-valoir idéal pour les ingérences américaines en Iran

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Alessia LAI:

 

L’Arabie Saoudite, faire-valoir idéal pour les ingérences américaines en Iran

L’Iran avertit: “Si les Saoudiens veulent se substituer à nous, ils seront responsables de tous les incidents qui se produiront”

La question nucléaire iranienne et les sanctions internationales qui en découlent sont en train d’attiser les tensions dans le Golfe Persique et d’exaspérer la rivalité historique entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Dimanche 15 janvier 2012, l’Iran a lancé un avertissement clair à ses voisins du Golfe: ils ne doivent pas s’aligner sur les sanctions de l’Occident en fournissant leur propre pétrole pour compenser le manque de fournitures qui seraient dues à l’embargo contre Téhéran. “Ces signaux, que nous lançons, ne sont nullement amicaux et nous invitons les responsables de l’Arabie Saoudite à réfléchir avant d’agir”: telle fut la réponse du ministre iranien des affaires étrangères Ali Akbar Salehi.

Le lendemain, lundi 16 janvier, le ministre saoudien du pétrole, Ali al-Nuaimi, a assuré que son pays pourrait rapidement compenser les exportations de brut iranien en cas de nécessité; il ajoutait que si l’Iran devait bloquer le Détroit d’Ormuz, passage stratégique à l’entrée du Golfe, en guise de représailles à tout éventuel embargo, ce détroit ne resterait pas fermé très longtemps. “Actuellement, nous produisons entre 9,4 et 9,8 millions de barils par jour”, a précisé al-Nuaimi, alors que “nous avons une capacité dep roduction de 12,5 millions de barils par jour. En peu de jours, nous pourrions facilement atteindre une production allant jusqu’à 11,4 barils par jour”.

Ces paroles ont évidemment déplu à Téhéran: “Si telle est la position officielle de l’Arabie Saoudite, nous invitons les autorités de ce pays à réagir plus calmement, avec un bon sens de la responsabilité et avec sagesse”. Telle fut la réplique de Salehi, qui a ajouté que les Iraniens ont bien l’intention de “rester tolérants à l’égard des pays du Golfe Persique, et à l’égard de l’Arabie Saoudite en particulier”. Il a rappelé que des affirmations du genre ont déjà été proférées dans le passé. Pourtant la situation est particulièrement tendue, vu la décision de l’UE d’imposer des sanctions à partir du 23 janvier et vu les pressions qu’exercent les Etats-Unis sur les pays asiatiques pour qu’ils réduisent leurs importations de brut iranien. Le Japon, sollicité par le ministre américain du trésor, craint de devoir réduire de 10% ses importations de brut iranien. Toutefois, un jour plus tard, le premier ministre japonais a redimensionné les déclarations du ministre des finances Azumi.

L’offensive américaine s’est alors concentrée sur la Corée du Sud, dont les importations de pétrole iranien sont plus importantes: 9,6% de toutes ses nécessités en brut viennent d’Iran. Séoul devra opter pour une exemption temporaire des restrictions en matière d’importation de pétrole, à condition de réduire significativement tous les autres échanges avec Téhéran. Les Coréens motivent comme suit la demande temporaire d’exemption: ils doivent d’abord trouver d’autres sources d’approvisionnement. La proposition saoudienne va évidemment dans ce sens: fournir les clients de l’Iran quand celui-ci sera soumis à l’embargo promis et appuyer à sa façon les mesures vexatoires que les Etats-Unis prennent à l’égard de l’Iran.

La situation est rendue encore plus compliquée, notamment vu la tournée (la première depuis vingt ans dans la région) du premier ministre chinois Wen Jiabao dans la péninsule arabique. Wen Jiabao a commencé ce voyage à Ryad, où il a signé un accord pour la construction d’une raffinerie à Yanbou, ville portuaire sur les rives de la Mer Rouge. La Chine, qui a approuvé les sanctions de l’ONU mais critique celles prises unilatéralement par les Etats-Unis et l’UE, est le premier pays importateur de brut iranien, pour un volume correspondant à 5% de sa demande interne. En revanche, les Chinois couvrent 25% de leurs besoins en se fournissant auprès des monarchies du Golfe. La position de la Chine sur la question du nucléaire iranien est donc d’une importance cruciale.

Malgré les pressions américaines, l’Inde a déclaré qu’elle continuerait à se fournir en Iran: “Nous continuerons à acquérir notre pétrole en Iran”, a dit le ministre indien des affaires étrangères, Ranjan Mathai, au cours d’une conférence de presse. Demeure le fait que les offres saoudiennes constituent non seulement un affront à l’Iran mais sont contraires aux principes mêmes de l’OPEP, l’organisation qui équilibre la production de pétrole dans le monde. Pour cette raison, le représentant de l’Iran auprès de l’OPEP, Mohammed Ali Khatibi, dans un entretien accordé au quotidien “Sharq”, a affirmé que “si nos voisins du Sud utilisent leur capacité de production pour se substituer à notre pétrole et s’ils décident de coopérer avec des pays aventuriers (c’est-à-dire dans sa terminologie: “occidentaux”), ils seront responsables de tous les incidents qui se produiront et leur attitude ne sera pas considérée comme amicale”’.

Ensuite, Téhéran a invité les pays européens, qui, prochainement, décideront d’un embargo sur le pétrole iranien, à tenir compte de leurs “intérêts nationaux”. Quelque 18% des exportations iraniennes s’acheminent vers l’Europe et, en particulier, vers l’Italie (180.000 barils/j.), l’Espagne (160.000 barils/j.) et la Grèce (100.000 barils/j.). On sait déjà que Rome s’est immolée sur l’autel des intérêts américains, est restée sourde aux bons conseils venus de Téhéran: “Si l’Union Européenne se veut sérieuse quand elle affirme son indépendance, alors elle devrait se concentrer sur ses intérêts nationaux et non céder aux pressions politiques américaines”, comme l’a dit le porte-paroles du ministère iranien des affaires étrangères, Ramin Mahmanparast.

Alessia LAI.

( a.lai@rinascita.eu ).

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 18 janvier 2012; http://www.rinascita.eu ).

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