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samedi, 22 juillet 2023

Les États-Unis fomentent des affrontements entre l'Arabie et les Émirats. Et Ankara provoque Moscou avec les Circassiens

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Les États-Unis fomentent des affrontements entre l'Arabie et les Émirats. Et Ankara provoque Moscou avec les Circassiens

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/gli-usa-fomentano-scontri-tra-arabia-ed-emirati-e-ankara-provoca-mosca-con-i-circassi/

Même RimbamBiden s'est rendu compte que les atlantistes étaient de plus en plus isolés à cause de leur arrogance. Et ses marionnettistes ont couru se mettre à l'abri. Les premiers signes commencent à se manifester. L'Arabie saoudite, sous l'impulsion de la Chine, améliore ses relations avec l'Iran, qui, lui, se rapproche de la Russie. Et les États-Unis font pression sur les Émirats arabes pour qu'ils commencent à détériorer leurs relations avec Riyad. Y a-t-il un risque d'affrontement armé? Pas pour l'instant, mais le cas échéant, les marchands d'armes feraient aussi sauter les bouchons de champagne dans les pays arabes.

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D'autres signaux viennent de la Turquie. Celle-ci a d'abord décidé de flanquer une gifle aux Russes en violant les accords qui concernaient les prisonniers du bataillon Azov. Ensuite, elle a donné le feu vert aux nouvelles entrées scandinaves dans l'OTAN. Enfin, elle accueille une vague réunion de Circassiens qui veulent créer un État indépendant et anti-russe dans le Caucase.

Tout cela alors que se prépare une rencontre entre Erdogan et Poutine, le premier étant persuadé de pouvoir convaincre le second de la reprise de l'accord sur les exportations de blé et de maïs de l'Ukraine.

De toute évidence, Erdogan estime que quelques gifles aujourd'hui et demain ne sont pas une provocation, mais juste une manière commode de faire monter les prix. En revanche, il cherche à obtenir le feu vert de Bruxelles pour entrer dans l'Union européenne.

Une entrée qui ne serait pas facile à gérer. Non pas pour des raisons religieuses, mais parce que la Turquie représenterait la première armée de l'UE et aurait droit à plus de députés européens que l'Italie et la France. Avec tout ce que cela implique en termes de poids politique dans l'Union.

 

lundi, 05 juin 2023

Moyen-Orient 2.0

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Moyen-Orient 2.0

Ivan Plotnikov

Source: https://www.geopolitika.ru/article/blizhniy-vostok-20

Les pays musulmans ont refusé d'être des satellites de Washington

Le territoire du Moyen-Orient (de l'Asie occidentale à l'Afrique du Nord) a toujours attiré les puissances étrangères. Tout d'abord, la région est une source majeure d'hydrocarbures, principalement de pétrole. Deuxièmement, c'est le centre du système logistique de transport de l'énergie. Il suffit de se rappeler le canal de Suez, le détroit de Gibraltar, les Dardanelles, le Bosphore, etc.

En raison de ces avantages, le Moyen-Orient a été conquis, d'abord par la Grande-Bretagne et la France, dans le cadre de leurs entreprises coloniales, puis par l'alliance de l'OTAN, qui a joué un rôle majeur dans la déstabilisation de la région lors du printemps arabe.

Mais aujourd'hui, les pays du Moyen-Orient poursuivent une politique de souveraineté, privilégiant la Russie et la Chine plutôt que le bloc de l'OTAN.

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Le conflit entre l'Iran et l'Arabie saoudite est terminé

L'Iran et l'Arabie saoudite sont des acteurs clés de la scène géopolitique du golfe Persique.

L'histoire de leur conflit, qui dure depuis plus de 40 ans, remonte à 1979, après les événements de la révolution islamique. La révolution a détruit la monarchie en Iran et a établi la République islamique (État théocratique avec un chef religieux à sa tête).

Téhéran a adopté une politique d'exportation de la révolution vers les pays islamiques voisins. L'Arabie saoudite, qui était à l'époque le leader informel du monde musulman, s'y est opposée.

De plus, le conflit religieux est au cœur de l'aversion réciproque que se vouent ces deux pays. Les deux nations professent des courants différents de l'islam. Alors qu'en Iran, la majorité de la population est chiite, en Arabie saoudite, ce sont les sunnites qui dominent.

Depuis l'invasion américaine de l'Irak et le renversement de Saddam Hussein en 2003, Téhéran a rapidement étendu son influence en Irak, en Syrie, au Yémen, au Liban et à Bahreïn. En outre, l'Iran est en train de devenir un leader dans la lutte contre l'influence américaine, alors que les Saoudiens sont des alliés traditionnels de Washington.

En 2011, sur fond de printemps arabe, l'Iran et l'Arabie saoudite ont de nouveau entamé une lutte pour les sphères d'influence en Méditerranée. Riyad a accusé les Iraniens de soutenir l'opposition chiite, tandis que Téhéran a accusé les Saoudiens de restreindre les droits de la minorité chiite.

Les deux pays ont finalement rompu leurs relations diplomatiques en 2016 lorsque le prédicateur chiite Nimr al-Nimr a été exécuté en Arabie saoudite. Par la suite, l'ambassade diplomatique des Saoudiens à Téhéran a été vandalisée par des chiites en colère. Bien que les émeutiers aient été punis, les Saoudiens ont rejeté la faute sur le gouvernement iranien.

En 2022, la Russie a tenté de réconcilier les parties. Oman et l'Irak ont également réussi à organiser une série de consultations. Mais il n'a pas été possible de rétablir les relations entre les adversaires.

En 2023, cela a été possible grâce à la Chine. Des pourparlers entre l'Iran et l'Arabie saoudite ont eu lieu à Pékin du 6 au 10 mars.

Plusieurs réunions ont abouti à la reprise des relations diplomatiques. Les pays ont rouvert leurs ambassades et réaffirmé les principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires de l'autre.

Du côté iranien, la délégation était conduite par Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, et du côté saoudien par le conseiller à la sécurité nationale et ministre d'État Musayed al-Aiban.

"La visite du président Raisi en Chine en février et sa conversation avec le président chinois Xi Jinping ont ouvert la voie à de nouvelles discussions très sérieuses entre les délégations de l'Iran et de l'Arabie saoudite", a déclaré Ali Shamkhani, de Téhéran, à un porte-parole.

La Chine est l'un des principaux alliés et partenaires commerciaux des pays du Moyen-Orient. Pékin est intéressé par l'achat de pétrole, ainsi que par la participation des puissances musulmanes au projet "Une ceinture, une route". Le rétablissement des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite réduira les risques d'escalade des conflits militaires au Moyen-Orient, et donc les risques pour la logistique des ressources énergétiques vers la Chine.

Il convient de noter que ces dernières années, l'Arabie saoudite n'a en fait plus adhéré aux sentiments pro-américains et a tenté de mener une politique indépendante. Par exemple, Riyad continue de coopérer avec la Russie. Le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan, a proposé sa médiation dans le conflit entre la Russie et l'Ukraine.

Le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux États musulmans pourrait avoir des conséquences considérables. Par exemple, les dirigeants du monde entier prédisent déjà une trêve ou une fin complète du conflit interne au Yémen.

La crise financière et d'autres problèmes intérieurs au Liban et en Syrie pourraient également s'améliorer de manière significative.

Mais le changement progressif le plus important est la résolution des relations entre les deux centres religieux du monde musulman. Ainsi, la confrontation religieuse entre les courants chiite et sunnite a de bonnes chances de prendre fin.

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Damas n'est plus un paria

Les relations diplomatiques entre la Syrie et l'Arabie saoudite ont également été rétablies en mars 2023. Les deux pays ont rouvert leurs ambassades diplomatiques après une décennie d'interruption.

En avril, le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan, s'est rendu à Damas pour s'entretenir avec le président syrien Bachar al-Assad. Ils ont discuté de l'acheminement de l'aide humanitaire et de la résolution des conflits nationaux dans la République arabe.

Rappelons que le conflit entre les deux États a éclaté en 2012 après que Bachar el-Assad a été accusé de réprimer les manifestations populaires. Les Saoudiens ont également soutenu financièrement les groupes armés d'opposition en Syrie.

Le réchauffement des relations entre les deux pays a été rendu possible par plusieurs facteurs.

Tout d'abord, les tremblements de terre en Turquie et en Syrie ont joué un rôle important. Il est apparu clairement que les conséquences de ces catastrophes ne pouvaient être évitées que par des efforts conjoints. L'Arabie saoudite a envoyé de l'aide humanitaire à ces deux pays.

Deuxièmement, les Saoudiens espèrent trouver un allié dans la lutte contre l'Iran pour l'influence au Moyen-Orient. La plupart des Syriens sont chiites et sont susceptibles de soutenir leur groupe religieux.

Troisièmement, l'influence des États-Unis, qui ont consacré tous leurs efforts à la lutte économique avec la Chine et aux fournitures militaires à l'Ukraine, s'amenuise. Malgré l'aversion des Américains pour le régime de Bachar el-Assad, il est devenu évident que le gouvernement syrien a résisté à la guerre civile et que les relations doivent être rétablies d'une manière ou d'une autre. En outre, un certain nombre de pays du Moyen-Orient (EAU, Oman, Tunisie, Égypte, Irak, etc.) estiment que la politique d'isolement de la Syrie devrait être reconsidérée.

La Russie a un rôle clé à jouer dans la réconciliation des États. En mars 2023, le ministre saoudien des affaires étrangères Faisal bin Farhan s'est rendu à Moscou, et Poutine et Bachar el-Assad se sont rencontrés quelques jours plus tard. C'est très probablement à ce moment-là que les solutions possibles au conflit ont été discutées.

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Sommet de la LEA 

La Ligue des États arabes est une organisation internationale composée de 22 États arabophones. L'objectif principal de l'organisation est de développer une position politique commune pour défendre la souveraineté et les intérêts de tous les États arabes. Les membres de l'alliance coopèrent également dans les domaines économique, social, culturel et administratif.

Une victoire diplomatique importante a également été remportée dans le cadre de la coopération avec la Ligue arabe. Après 12 ans, la Syrie a retrouvé sa représentation au sein de l'organisation.

Il convient de mentionner que la Syrie a joué un rôle clé dans la création de la LEA en 1945. Cependant, en 2011, lorsque la guerre civile a éclaté et que le gouvernement Assad et l'opposition armée se sont affrontés, la Syrie a fait l'objet d'un boycott économique et a été privée de ses droits de membre.

Le 32e sommet de la LEA s'est ouvert le 19 mai à Djeddah, en Arabie saoudite. La plupart des participants ont soutenu le retour du représentant syrien Bachar al-Assad. Cependant, l'absence de l'émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, a été une note désagréable. L'homme politique a quitté le sommet sans explication. Il convient de noter que le Qatar s'était précédemment opposé au rétablissement des droits d'adhésion de Damas à la LEA.

On peut donc parler d'un rétablissement de l'interaction diplomatique entre la Syrie et d'autres acteurs géopolitiques du Moyen-Orient. Au cours du sommet, le ministre syrien des affaires étrangères Faisal Mikdad s'est entretenu avec ses homologues de Jordanie, du Liban, des Émirats arabes unis, d'Oman, d'Arabie saoudite et de Tunisie.

L'ordre du jour des chefs d'État portait sur la résolution des crises politiques au Yémen, en Libye et en Syrie, ainsi que sur le règlement du conflit israélo-palestinien.

Le conflit russo-ukrainien a également été abordé. Les États arabes ont décidé d'adhérer au principe de "neutralité positive", c'est-à-dire de maintenir des relations tant avec Moscou qu'avec Kiev. Les représentants de Riyad ont réitéré leur volonté de médiation entre les parties.

En outre, la déclaration finale a posé les jalons de l'indépendance vis-à-vis des ingérences étrangères dans les affaires intérieures. Le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État, des valeurs et des cultures des autres nations a été proclamé.

"Cette réunion marque le début d'une nouvelle phase d'action arabe commune visant à instaurer la paix, le développement et la prospérité dans notre région au lieu de la guerre et de la destruction", a déclaré le président de la RAS, Bachar el-Assad.

La Maison Blanche n'a pas approuvé le retour de la Syrie au sein de la LEA.

"Nous ne pensons pas que la Syrie mérite d'être réadmise au sein de la Ligue arabe. Les Etats-Unis ne vont pas normaliser les relations avec Assad et son régime", a déclaré le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken.

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La diplomatie irakienne 

Malgré ses problèmes internes, l'Irak a poursuivi une politique étrangère visant à résoudre de nombreux conflits au Moyen-Orient.

En août 2021, la Conférence de Bagdad sur la coopération et le partenariat s'est tenue. Y participent le président égyptien, l'émir du Qatar, le roi de Jordanie, les premiers ministres du Koweït et des Émirats arabes unis, ainsi que les ministres des affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Iran et de Turquie.

Il est à noter que Bachar el-Assad n'a pas été invité à la réunion en raison des tensions qui existaient encore à l'époque entre le gouvernement syrien et d'autres pays musulmans.

Dans le communiqué final de la conférence, les pays ont appelé à créer les conditions pour résoudre les conflits interétatiques et accroître la stabilité au Moyen-Orient. Le rôle prépondérant de la sphère économique dans la coopération interétatique a été souligné.

D'autres questions importantes ont également été abordées, telles que la lutte contre le terrorisme et la pandémie de Covi d-19.

Cependant, malgré ses politiques progressistes, l'Iran reste dépendant des États-Unis, en particulier sur le plan économique. Par exemple, selon Elbrus Koutrachev, l'ambassadeur russe en Irak, les fonds provenant des ventes de pétrole sont versés sur des comptes américains. Bagdad reste également très dépendant du dollar.

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Les Emirats Arabes Unis

Les Émirats arabes unis poursuivent désormais également leurs propres politiques, qui vont à l'encontre des intérêts américains dans la région.

En 2023, les Émirats arabes unis se sont vu accorder le statut de partenaire de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). L'accord a été signé lors d'une réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères qui s'est tenue dans la ville indienne de Panaji les 4 et 5 mai.

"Au cours de la période à venir, les Émirats arabes unis s'efforceront de participer activement aux travaux de l'OCS et de renforcer l'interaction avec les États membres. Nous sommes heureux de devenir partenaire d'une organisation dont l'influence et l'importance mondiales ne cessent de croître". - a déclaré le ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdullah bin Zayed Al Nahyan.

Toutefois, les Émirats arabes unis ont gardé une relation plutôt froide avec les États-Unis. Par exemple, M. Biden a invité le président des Émirats arabes unis, Mohammed bin Zayed, à se rendre aux États-Unis au cours de l'été 2022. La rencontre n'a toutefois pas encore eu lieu.

En outre, les États-Unis ont exigé à plusieurs reprises que les Émirats arabes unis cessent d'exporter des produits électroniques vers la Russie. Les Émirats arabes unis ont reçu la visite de plusieurs fonctionnaires des États-Unis, de l'Union européenne et du Royaume-Uni. Ils craignent que les Émirats arabes unis ne soient utilisés comme plaque tournante pour contourner les sanctions antirusses et fournir des produits à l'industrie militaire russe. Selon les médias, des responsables américains ont même menacé les Émirats arabes unis de détériorer leurs relations s'ils continuaient à coopérer avec la Russie et la Chine, notamment sur des questions militaires et de renseignement.

Dans l'impasse entre la Russie et l'Ukraine, les Émirats arabes unis sont également restés neutres. Le gouvernement omanais ne s'est pas encore joint aux sanctions antirusses. Par ailleurs, nos partenaires arabes ont également proposé leur aide pour résoudre le conflit en tant que médiateur.

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Spécificités de la politique et de la religion omanaises

La politique étrangère d'Oman peut être décrite comme neutre et multisectorielle. Oman s'efforce d'entretenir des relations amicales avec tous les États voisins, qu'il s'agisse de l'Arabie saoudite, du Yémen ou des Émirats arabes unis. Le gouvernement omanais est rarement impliqué dans des conflits. Mascate n'a pas participé au boycott du Qatar en 2017, lorsque le pays a été accusé de financer le terrorisme. Oman n'a pas non plus participé à une action militaire contre Israël ni coupé ses relations commerciales avec lui. Par ailleurs, Oman a été le seul pays arabe à reconnaître les accords de Camp David (entre Israël et l'Égypte), ce qui a provoqué une réaction négative dans le monde musulman.

Lorsque l'on parle d'Oman, il convient de prendre en compte les spécificités de la religion. L'ibaditisme est pratiqué dans le pays et est suivi par environ 45% de la population. Il s'agit d'un courant de l'islam différent de l'islam chiite et de l'islam sunnite, caractérisé par la paix, la tolérance et la compréhension mutuelle. Il est possible que ce choix de la voie religieuse ait déterminé le rôle d'Oman en tant que médiateur politique dans l'arène géopolitique.

Par ailleurs, Oman est un membre fondateur du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Les pays membres du CCG coopèrent dans les domaines économique, militaire, culturel et législatif.

Les relations d'Oman avec la Russie s'améliorent également.

En 2019, le ministre des affaires étrangères d'Oman s'est rendu deux fois en Russie.

En 2022, le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, s'est rendu à Oman et s'est entretenu avec le sultan Haisam bin Tarek Al Said.

Le 23 mars 2023, le président russe Vladimir Poutine a eu une conversation téléphonique avec le sultan d'Oman Haisam bin Tarek Al Said. Cette conversation a eu lieu à l'initiative de la partie omanaise.

Selon un communiqué du Kremlin, les entretiens ont porté sur le développement de la coopération économique et la mise en œuvre de projets communs, notamment dans le secteur des transports et de la logistique. La situation géopolitique au Moyen-Orient a également été abordée.

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Le Caire et Téhéran se rapprochent

En mai, Fada Hussein Maliki, membre de la commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Majlis iranien, a déclaré que l'Iran et l'Égypte menaient des discussions en Irak. Il a ajouté que l'ouverture d'ambassades était prévue, suivie d'une rencontre entre le dirigeant iranien Ibrahim Raisi et le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi.

Le conflit entre les deux pays dure depuis 43 ans. Les relations diplomatiques ont été rompues en 1980 après la révolution islamique iranienne, lorsque l'Égypte a accordé l'asile au dernier monarque iranien, Mohammad Reza Pahlavi. Les accords de Camp David, mentionnés ci-dessus, ont également refroidi les relations.

La résolution de ce conflit a été influencée par le réchauffement des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Les Saoudiens étant un investisseur et un partenaire majeur en Egypte, le Caire bénéficie désormais de l'alignement géopolitique nouveau de son allié.

Il faut également noter que l'Iran et l'Egypte ont une influence énorme sur l'establishment et les factions politiques en Palestine. Par exemple, c'est grâce à l'action du Caire que des accords de cessez-le-feu ont été conclus entre Israël, le Hamas et le Jihad islamique.

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Sur le conflit israélo-arabe 

En 1947, l'Assemblée générale des Nations unies a élaboré un plan visant à créer deux États en Palestine, l'un juif et l'autre arabe.

Certains pays du Moyen-Orient ne soutiennent pas cette décision (Arabie saoudite, Égypte, Syrie, Yémen, Irak, Liban).

Après la déclaration d'indépendance d'Israël en 1948, une guerre éclate entre Israël et les États membres de la LEA. Les forces combinées de l'Égypte, de la Jordanie, de l'Irak et du Liban participent aux combats. Malgré la supériorité numérique des musulmans, Israël a réussi à résister.

Bien que l'ONU ait tenté d'intervenir en 1949 pour résoudre le conflit, la plupart des pays du Moyen-Orient n'ont pas reconnu l'indépendance d'Israël et les négociations de paix ont également été refusées.

En conséquence, Israël occupe les trois quarts du territoire palestinien, y compris la ville de Jérusalem. Dans le même temps, le gouvernement juif refuse de donner à la ville un statut international, ce qui provoque des réactions négatives dans le monde musulman.

Pendant des décennies, les zones frontalières ont été le théâtre d'affrontements entre Arabes et Juifs. Le déclenchement d'une nouvelle guerre n'était qu'une question de temps. La "guerre des six jours" a débuté le 5 juin 1967 par des attaques aériennes et terrestres contre l'Égypte. Le Caire est soutenu par la Syrie, l'Irak et la Jordanie.

Israël réussit à nouveau à l'emporter. Il réussit à s'emparer de la bande de Gaza (territoire situé sur la Méditerranée), de la péninsule du Sinaï, de la Cisjordanie et du plateau du Golan.

En réponse à l'occupation, les États arabes ont signé la résolution de Khartoum, qui interdit la reconnaissance, la paix et les négociations.

En 1973, un nouveau conflit, appelé la guerre du Jugement dernier, éclate entre l'Égypte et la Syrie d'une part, et Israël d'autre part. L'affrontement n'est réglé que grâce à l'intervention de l'URSS et des États-Unis.

Le conflit israélo-arabe s'est donc estompé pour reprendre de plus belle pendant une longue période. Des contacts diplomatiques n'ont été établis qu'avec l'Égypte et la Jordanie.

Mais il est impossible d'être entouré en permanence de voisins inamicaux. Un point clé du changement dans les relations israélo-arabes a été la visite du Premier ministre Binyamin Netanyahou à Oman en octobre 2018. Il s'agissait du premier pas vers la paix.

En 2020, Israël et les Émirats arabes unis ont repris leurs relations diplomatiques. Dans le cadre des nouveaux accords, le gouvernement des Émirats arabes unis s'est engagé à lever son boycott économique de l'État juif.

En 2022, des contacts diplomatiques ont également été établis avec la Turquie. À la suite d'une conversation téléphonique entre le Premier ministre Yair Lapid et le président turc Recep Tayyib Erdogan, les ambassades des deux pays ont été rouvertes.

Les relations entre Jérusalem et Ankara ont été rompues après l'attaque par l'armée israélienne du navire d'aide humanitaire Mavi Marmara. Le président Erdogan a qualifié cette attaque d'"acte de terrorisme".

En avril 2023, le Premier ministre israélien Netanyahu a déclaré que les relations du pays avec le monde arabe devaient encore être améliorées. Il est notamment prévu d'organiser des pourparlers de paix avec l'Arabie saoudite.

Ainsi, pour l'instant, le gouvernement israélien s'efforce de trouver une solution pour résoudre pacifiquement toutes les questions litigieuses.

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En résumé

La région du Moyen-Orient traverse une période de changements politiques. Une ère de coopération et de bon voisinage s'est ouverte. La région a donné la priorité à des politiques visant à accroître la souveraineté et le multidimensionnalisme.

La région a d'abord été marquée par une extrême volatilité. Les pays se livraient à des guerres ouvertes et hybrides. Cette situation était extrêmement bénéfique pour Washington et l'Occident, car elle leur permettait de maintenir une position de leader dans le monde et d'obtenir des ressources bon marché.

Aujourd'hui, les États-Unis perdent rapidement de l'influence au Moyen-Orient et le sentiment pro-américain qui dominait auparavant dans la région est en train de s'estomper. En outre, les efforts de Washington se concentrent déjà sur la confrontation avec Pékin (dans la région Asie-Pacifique) et l'implication dans le conflit ukrainien.

La Russie et la Chine, intéressées par la stabilité économique et politique de la région, sont devenues de nouveaux alliés pour les pays musulmans.

Par exemple, les échanges commerciaux entre la Russie et les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) ont augmenté de 83 % au cours des cinq dernières années, pour atteindre plus de 90 milliards de dollars.

Il convient également de mentionner que la Russie défend depuis longtemps l'idée de créer un système de sécurité pour le Moyen-Orient. Il pourrait s'agir d'une organisation sur le modèle de l'OSCE.

Nikita Danyuk, directeur adjoint de l'Institut de recherche stratégique et de prévision de l'Université russe de l'amitié des peuples et membre de la Chambre publique de la Fédération de Russie, estime que "le processus de création d'un monde véritablement multipolaire consistera, entre autres, à ce que les alliés et satellites traditionnels des Etats-Unis au Moyen-Orient s'éloignent de la ligne américaine". Selon lui, les alliés les plus probables des États de la région du Moyen-Orient sont la Russie, la Chine et l'Inde.

mercredi, 26 avril 2023

L'expansion de l'OTAN contre le choc pétrolier de l'OPEP

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L'expansion de l'OTAN contre le choc pétrolier de l'OPEP

par Luciano Lago

Source: https://www.ideeazione.com/espansione-della-nato-contro-lo-shock-petrolifero-opec/

L'inclusion de la Finlande et l'expansion conséquente de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) auraient apporté beaucoup de joie au monde occidental qui combat soi-disant la Russie pour la protection de la démocratie et des droits de l'homme (sic !). Le véritable objectif de cette lutte, comme nous le savons déjà, est tout autre et consiste à préserver l'ordre mondial dominé par l'Occident, principalement dirigé par Washington, après la Seconde Guerre mondiale, qui a pris la forme d'une hégémonie unilatérale des États-Unis après la chute de l'Union soviétique au début des années 1990.

La Russie - et la Chine - constituant jusqu'à présent la résistance la plus évidente à cette hégémonie unilatérale des États-Unis, ces derniers font tout ce qu'ils peuvent pour gagner de plus en plus d'alliés afin de renforcer leur position face à une menace réellement redoutable.

L'expansion de l'OTAN est l'une des nombreuses mesures que l'Occident - encore une fois, principalement les États-Unis - a récemment prises pour préserver l'ordre mondial. Cependant, le conflit militaire en cours entre la Russie et l'Ukraine (OTAN) a changé le monde de plusieurs façons significatives. Tout d'abord, malgré l'expansion de l'OTAN, les États-Unis ne peuvent même pas espérer "isoler" la Russie au niveau mondial. Quant à la Chine, les États-Unis ne peuvent pas s'en "séparer" sans que cela leur coûte cher, et ils ne le feront pas non plus sans conséquences géopolitiques majeures.

Plus que toute autre chose, la récente décision des pays de l'OPEP+ de réduire leurs niveaux de production - et par conséquent d'augmenter les prix du pétrole - montre que les producteurs de pétrole les plus puissants du monde continuent de se ranger du côté de la Russie. Cette décision unanime n'est pas seulement une question économique. En effet, la capacité des pays de l'OPEP à résister aux pressions américaines et à suivre une approche autonome - et à soutenir la Russie - montre que ces pays suivent en réalité la vision russe et chinoise d'un monde multipolaire dans lequel les pays - ou blocs - peuvent agir en fonction de leurs propres intérêts nationaux et sans les compromettre pour satisfaire l'obsession de domination des États-Unis. Pour l'hégémonie américaine, cette dérive irrésistible vers le multipolarisme est bien plus dommageable pour son avenir que les effets négatifs de l'expansion de l'OTAN.

Alors que la décision de réduire la production de pétrole nuira aux États-Unis et à leurs alliés en Europe, qui sont déjà confrontés à une crise économique et à une crise du coût de la vie, les délibérations du groupe de l'OPEP montrent également une grande indifférence à la façon dont elles nuiront directement à l'administration Biden, à la fois sur le plan géopolitique et sur le plan intérieur.

Considérez ceci : depuis le début du conflit entre la Russie et l'Ukraine (OTAN), les États-Unis ont vendu du pétrole cher à l'Europe. En mars, les ventes de pétrole des États-Unis à l'Europe ont atteint un niveau record. Mais cette augmentation de l'offre a également entraîné une hausse des prix d'environ 50 %. Maintenant que l'OPEP a décidé de réduire sa production et d'augmenter les prix du pétrole, les alliés européens de Washington - et même les consommateurs américains - achèteront du pétrole et du gaz encore plus chers, ce qui pourrait aggraver la crise du coût de la vie que les classes moyennes et laborieuses des pays européens endurent et paient déjà.

Sur le plan intérieur, la décision de l'administration Biden de forcer l'Europe à réduire les ventes de pétrole russe et/ou à fixer un plafond et de déclencher ainsi une guerre économique contre la Russie deviendra donc encore plus délicate.

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Sur le plan politique, la politique de l'administration Biden consistant à libérer régulièrement du pétrole de la réserve stratégique américaine pour tenter de micro-gérer les prix du pétrole et de les maintenir à un niveau anormalement bas dans l'intérêt des consommateurs américains deviendra encore plus difficile à mettre en œuvre dans les semaines à venir.

Pour l'administration Biden - qui jubile vu l'expansion de l'OTAN - la diminution de sa capacité à micro-gérer en permanence les prix du pétrole coïncide avec le début de ce que beaucoup considèrent comme la campagne présidentielle agressive de Donald Trump.

Il y a donc deux chocs. Le fait que la Russie ait l'OPEP de son côté signifie que les États-Unis et l'OTAN n'ont jusqu'à présent pas réussi à vaincre la Russie de manière significative. Joe Biden ne peut pas se prévaloir d'une victoire sur la Russie pour sa réélection l'année prochaine.

D'autre part, l'incapacité de Washington à influencer l'OPEP signifie un échec radical de la politique étrangère, ce qui laisse présager un succès russe. En termes géopolitiques, la décision de l'OPEP+ est intervenue après une réunion entre le vice-premier ministre russe Alexander Novak et le ministre saoudien de l'énergie, le prince Abdulaziz bin Salman, qui s'est tenue à Riyad le 16 mars et qui portait sur la coopération sur le marché du pétrole. Cette rencontre est donc largement considérée comme la consolidation du lien entre la Russie et l'Arabie saoudite.

L'incapacité à gérer la crise du coût de la vie et le fait que l'administration Biden a perdu des alliés importants, tels que l'Arabie saoudite, le Brésil et d'autres, se combinent pour devenir des points de friction cruciaux pour un Donald Trump sûr de lui, qui présente déjà les obstacles à son retour en termes de "conspiration" de l'administration Biden visant à le faire condamner et finalement arrêter.

En Europe, ce choc pétrolier va encore compliquer la politique intérieure et extérieure. Les récentes manifestations à grande échelle en France contre la réforme des retraites ou les grèves généralisées en Grande-Bretagne pour l'augmentation des salaires deviendront une scène récurrente. La reproduction de ces manifestations en Europe pourrait contraindre de nombreux pays européens à reconsidérer l'ampleur de leur soutien à la guerre des États-Unis contre la Russie (et la Chine).

Le choc pétrolier provoqué par la Russie et l'Arabie saoudite l'emporte donc sur le choc que les États-Unis prévoyaient d'infliger à la Russie par le biais de l'expansion de l'OTAN - qui n'aura probablement aucun effet sur le terrain en Ukraine et que la Russie a d'autres moyens de contrer.

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mardi, 04 avril 2023

Vers où se déplace l'axe du monde?

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Vers où se déplace l'axe du monde?

par Sembe

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2023/03/18/bs-dove-si-sta-spostando-lasse-del-mondo/

L'accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran conduisant à la réouverture de leurs ambassades respectives dans les deux pays date de quelques semaines. Les deux plus grandes puissances musulmanes du Moyen-Orient, l'une référence du courant chiite, l'autre du courant sunnite, l'une alliée de l'Occident, l'autre alliée des puissances " multipolaires ".

Après huit ans de guerre froide, qui s'est d'ailleurs déroulée sur plusieurs fronts régionaux comme le Liban et le Yémen, cet accord est une véritable surprise. Mais la véritable surprise réside dans le lieu où il a été conclu: à Pékin.

Oui, le vieux maître américain qui, ces dernières années, a mis fin à 20 ans de domination militaire au Moyen-Orient, laisse la région "ouverte" aux tentacules d'autres superpuissances, en l'occurrence la Chine, qui révèle toute sa nouvelle importance dans le scénario international.

Avec son arme acérée qu'est la diplomatie, la Chine avance là où l'Occident a échoué, comme en Afrique où les Européens reculent, les États africains préférant faire des affaires avec les Chinois puisqu'ils n'ont pas, à leur avantage, la prétention morale moderne de l'Occident.

Il faut ajouter que l'Arabie Saoudite, allié historique de l'Amérique depuis les années 1990 avec l'invasion du Koweït, a récemment manifesté son intérêt pour rejoindre les BRICS (pacte économique des pays en voie de développement). 

En résumé, il ne faut pas se laisser séduire par "l'avancée" des puissances non-européennes en pensant qu'elles vont nous libérer du carcan de Washington.

Voir en la Chine un nouveau pôle auquel se raccrocher reviendrait à passer d'un maître hypercapitaliste à un autre maître hypercapitaliste, où, pour l'amour du ciel, il n'y aurait peut-être pas de propagande Lgbt. La civilisation européenne ne peut et ne doit pas finir entre les mains de l'Asie.

Aujourd'hui comme en 1945, notre continent continue d'être aux prises avec ses ennemis sur tous les fronts, il nous appartient de construire son avenir de manière à faire enfin de l'Europe un acteur géopolitique majeur sans avoir à la reléguer au rang de partenaire de soutien de la Russie, des États-Unis, de la Chine ou de toute autre puissance aléatoire à votre guise.

samedi, 25 mars 2023

La paix chinoise entre Téhéran et Riyad s'étend à Damas. Et l'Égypte bouge aussi...

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La paix chinoise entre Téhéran et Riyad s'étend à Damas. Et l'Égypte bouge aussi...

Enrico Toselli

https://electomagazine.it/la-pace-cinese-tra-teheran-e-riad-si-estende-a-damasco-e-si-muove-anche-legitto/

Alors que Schlein et Meloni s'affrontent pour le titre convoité de majordome le plus fidèle de Biden, le repositionnement géopolitique s'intensifie en Méditerranée. La démarche de Pékin qui a conduit à l'incroyable rapprochement entre l'Iran et l'Arabie Saoudite porte des fruits rapides et de plus en plus étendus. Car l'effet domino concerne aussi la Syrie, où c'est précisément l'Arabie saoudite qui va reprendre son siège diplomatique. Et le geste de Riyad ouvrira la voie à la réintégration de Damas dans le contexte du monde arabe dont la Syrie avait été exclue.

Mais l'Egypte bouge aussi, qui, après l'accord avec la Russie sur la dédollarisation des échanges, est en train de conclure des accords similaires avec la Chine et l'Inde. Des signaux évidemment ignorés par les clercs de la désinformation italienne (ndt: et européenne). Et le système bancaire américain connaît simultanément des difficultés qui se répercutent aussi en Suisse. Ce n'est pas vraiment la meilleure façon de convaincre le monde d'accepter la domination de Washington et de Wall Street.

Entre-temps, Téhéran et Bagdad, pour fêter dignement le 20ème anniversaire de l'invasion anglo-américaine, conviennent de renforcer leur collaboration dans une fonction anti-kurde. En théorie, c'est contre le terrorisme kurde, en pratique c'est contre l'utilisation des Kurdes par les Etats-Unis. Les Turcs, qui sont appelés à voter en mai, sont également tout à fait d'accord sur ce point.

Justement, les élections en Turquie font apparaître les situations paradoxales. Erdogan, qui est particulièrement détesté par l'administration américaine pour ses nombreux volte-face et pour ne pas avoir adhéré aux sanctions contre Moscou, a ralenti ces dernières semaines ses initiatives de coopération avec la Russie. Un refroidissement des relations pour plaire à Washington, qui soutient le candidat rival Kilicdaroglu, en tête dans les sondages. Alors que fait Kilicdaroglu ? Il annonce qu'il renforcera la coopération avec Moscou s'il gagne.

Les déclarations dans une campagne électorale, on le sait, ont très peu de valeur (en Italie, quelqu'un avait même promis un blocus naval pour empêcher l'arrivée d'immigrés clandestins), mais elles sont intéressantes pour évaluer les humeurs et les tendances. Et, pour l'instant, la tendance est d'ignorer complètement le "plan Mattei" qui a tant enthousiasmé les ministres italiens. Hormis la Tunisie, en mal d'argent, d'où qu'il vienne et sans contrepartie, le reste de la Méditerranée, le Proche-Orient et l'Afrique subsaharienne ignorent superbement le projet italien. Mais il vaut mieux éviter d'interrompre le sommeil de Tajani, Crosetto et de Lady Garbatella (= surnom de Giorgia Meloni, ndt).

mardi, 14 mars 2023

Beijing gagne la partie de Go (encercler)

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Beijing gagne la partie de Go (encercler)

par Antonio de Martini

Source : Antonio de Martini & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-gioco-del-go-accerchiare-lo-vince-pechino

La réouverture des communications entre l'Arabie Saoudite et l'Iran met fin à une ère de domination anglo-américaine dans la zone MENA (Middle East and North Africa) qui a commencé en 1915 avec la création de l'IPC (Iranian Petroleum Company), une société à capitaux publics voulue par Churchill, qui a commencé avec la reconversion de la flotte du charbon au naphte, grâce à la méga-raffinerie d'Abadan.

À la base de toute stratégie, on a toujours vu la tendance - qui avait déjà fait ses preuves sur le continent européen avec l'introduction du concept de "balance of power" qui divisait l'Europe continentale, laquelle est restée une entité unique même après la chute de l'empire occidental - à opposer les différents potentats et à opérer dans une fonction d'arbitrage.

À la rivalité israélo-palestinienne s'est ajoutée la difficile rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite, après que l'effondrement irakien s'est révélé insuffisant pour contrer les Ayatollahs.

Sur la carte, œuvre de Cyrous Ashtari Tafti, les premiers bénéficiaires possibles de la détente sont indiqués : le Liban, avec une élection présidentielle bloquée depuis huit mois et onze tours électoraux restés vains; le Yémen, déchiré par une guerre qui atteint sa onzième année; le Qatar, mis à l'index par les Saoudiens et les Emiratis pour ne pas avoir isolé l'Iran conformément aux décisions des Etats-Unis et de leurs satellites.

L'échange d'ambassadeurs aura lieu dans deux mois, mais les contacts, notamment à Pékin, ont déjà commencé.

Tous deux sont d'infatigables négociateurs mais conscients de l'urgence d'une nouvelle politique énergétique mondiale et unis, ils sont une superpuissance. Divisés, ils ont laissé le marché aux Etats-Unis.

Puis, petit à petit, ils aborderont le super dossier de la guerre syrienne qui les oppose.

Les deux pétro-puissances auront l'opportunité de contrôler les routes du pétrole (du Golfe Persique à Suez), de se partager le marché pétrolier asiatique (avec l'Indonésie), de réduire les allocations de défense et de pouvoir se diversifier en Mésopotamie et au Soudan au lieu d'investir dans les pays anglo-saxons et d'être à la merci de sanctions unilatérales sur la base de valeurs commodes et non partagées. Vous verrez les États-Unis commencer à chercher (à Djibouti ?) une nouvelle base pour la 5e flotte basée à Bahreïn. Trop exposée maintenant.

Celui qui ne dort déjà plus, c'est Netanyahou qui pensait ne pas avoir à se réguler en se déchaînant contre un Iran isolé et qui va se retrouver embarqué dans un Nouvel Ordre Mondial auquel il ne s'attendait pas et qui ne promet rien de bon.

 

dimanche, 11 décembre 2022

Une rencontre historique : la visite de Xi Jinping en Arabie Saoudite

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Une rencontre historique: la visite de Xi Jinping en Arabie Saoudite

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/12/08/kaanteentekeva-kohtaaminen-xi-jinping-saudi-arabiassa/

Alors que l'attention des médias finlandais est toujours focalisée sur l'Ukraine, les soubresauts provoqués par la ratification de l'adhésion finlandaise à l'OTAN et les épreuves de force entre gouvernements, l'Asie occidentale (le "Moyen-Orient" anglo-saxon) bouillonne sous la surface. Le centre d'intérêt de la politique mondiale se déplace. En fait, ces changements sont perceptibles depuis un certain temps.

À titre d'exemple, une rencontre décisive de haut niveau entre la Chine et le monde arabe est en cours. Le président chinois Xi Jinping a entamé une visite historique de trois jours en Arabie saoudite, où la Chine et le monde arabe mettent en synergie leurs modes de coopération et leurs visions de l'avenir.

Le royaume saoudien a traditionnellement été l'un des plus proches partenaires des États-Unis dans la région, mais la monarchie en place cherche désormais à resserrer ses liens avec la Chine, qui est déjà son plus grand partenaire commercial. Le voyage de Xi dans le plus grand pays exportateur de pétrole du monde intervient deux mois après que Riyad ait rejeté les plaidoyers du président américain Joe Biden en faveur de la production de pétrole.

Au cours de la visite de Xi, des sommets sur la coopération et le développement seront organisés avec des représentants de trente pays, ainsi que de nombreuses organisations internationales. En Finlande, du moins, les médias n'abordent pas le sujet ; après tout, on ne comprend pas, ici, que la mondialisation centrée sur l'Occident est déjà terminée et qu'un nouvel ordre est en train de se construire à sa place, dans lequel les États-Unis n'auront plus un rôle dominant.

Selon certains observateurs, le "tournant vers l'Est" commun constitue un changement stratégique majeur pour les pays du Golfe. Alors que le président américain Joe Biden a reçu un accueil discret, Xi Jinping a eu droit à une cérémonie de bienvenue plus festive avec une escorte de chasseurs.

Les relations entre la Chine et les Saoudiens pourraient devenir un modèle pour d'autres pays arabes. Comme les relations bilatérales deviennent de plus en plus bénéfiques pour les parties, d'autres pays de la région suivront. Plusieurs nouveaux accords seront signés pendant la visite de Xi.

Alors que la crise ukrainienne s'intensifie, l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe ont exprimé des points de vue différents de ceux des États-Unis et de l'UE, faisant ainsi preuve d'indépendance et d'autonomie stratégiques, ce qui a suscité la colère des décideurs de Washington et de la Maison Blanche.

Aux États-Unis, on prétend que la Chine profite du différend entre les régimes démocratiques et l'Arabie saoudite -et d'autres pays de la région- pour étendre son influence, dans le but ultime de chasser les États-Unis de la région du Golfe. Fait révélateur, la Chine a réussi à conclure un accord de partenariat stratégique à la fois avec l'Arabie saoudite et la République islamique d'Iran.

"Certains décideurs américains continuent de nourrir des ambitions hégémoniques et s'imaginent qu'ils peuvent dicter leur conduite au monde arabe. Ils croient à tort que la région arabe est leur terrain de jeu réservé et qu'ils ont droit à des relations unilatérales qui leur profitent principalement - aux dépens des peuples de la région", a déclaré Ebrahim Hashem, un chercheur, à un journal chinois.

Les différences dans la façon dont les superpuissances interagissent ne pourraient être plus grandes. La Chine met l'accent sur les principes de respect mutuel, de bénéfice mutuel et de co-bénéfice, tandis que les États-Unis donnent la priorité aux questions relevant des droits de l'homme et de la démocratie et accusent l'Arabie saoudite et d'autres pays d'être des dictatures, ce que beaucoup dans la région n'acceptent plus. La Chine apparaît ainsi comme un partenaire plus attrayant que l'Occident arrogant.

Les pays arabes savent clairement quelles politiques sont dans leur intérêt. L'Asie occidentale devient de plus en plus un espace où le cours des événements est déterminé par l'interaction entre les acteurs régionaux et les puissances eurasiennes.

Alors que les États-Unis, la Grande-Bretagne et diverses puissances européennes ont été les artisans de l'instabilité dans le Golfe, la nouvelle phase verra la région acquérir un contrôle plus autonome de ses affaires. Les puissances occidentales ne sont pas complètement hors jeu, mais leur influence a diminué.

Comme l'affirme Xi dans une lettre adressée au public arabe, les relations entre la Chine et les États arabes remontent à plus de deux millénaires, aux flux des antiques caravanes de la Route de la soie et aux premières innovations scientifiques. Il cite également le prophète de l'islam, Mahomet, qui aurait dit à ses adeptes de "rechercher la connaissance même si vous devez aller jusqu'en Chine".

La visite chinoise en Arabie saoudite est-elle le début de ce que Xi appelle une "nouvelle ère", reflétant le multilatéralisme et la stabilité mondiale ? L'ordre mondial réussira-t-il à changer de direction au milieu des crises ? Que feront les États-Unis, qui vivent encore dans leurs fantasmes de domination, en observant la montée de la Chine avec un visage sombre ?

mardi, 25 octobre 2022

Ukraine : les pays du Golfe se détournent de l'Amérique

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Ukraine: les pays du Golfe se détournent de l'Amérique

Source: https://piccolenote.ilgiornale.it/mondo/ucraina-i-paesi-del-golfo-si-allontanano-dallamerica#

Les bourses des pays qui ne se sont pas joints sans réserve à l'affrontement contre la Russie suite à l'intervention en Ukraine connaissent des hausses inconnues de celles de l'Occident, qui vivent au contraire une crise dont aucune sortie n'est en vue. C'est ce qu'indique un article du Il Sole 24Ore, qui enregistre un pic en Turquie, avec + 34%, et des hausses plus modérées mais significatives en Amérique du Sud et surtout dans la péninsule arabique.

Un chiffre qui semble révélateur de la façon dont le conflit pourrait remodeler l'économie mondiale. Dans ce contexte, les pays du Golfe se détachent de leur alliance traditionnelle avec les États-Unis, qui s'est transformée en véritable rupture après le refus de l'Opep d'augmenter la production de pétrole, qui a d'ailleurs été réduite, un rupture qui apparaît plus que significative.

Biden a juré que la volte-face des pays arabes aura des "conséquences", mais la décision risque d'avoir surtout des conséquences plus immédiates pour son parti, puisque les démocrates espéraient que l'augmentation de la production de l'Opep conduirait au moment des midterms à maintenir le pays de Biden sans une récession galopante, ce qui pourrait aliéner l'électorat des démocrates.

Pour remédier à ce malheureux outrage, le président Biden a décidé d'ouvrir les robinets des réserves de pétrole dans l'espoir que cela suffise à lubrifier la machine électorale de son parti (Politico).

Les Saoudiens dans les Brics et les relations entre les Émirats et la Russie

Quant aux conséquences sur les pays arabes, nous devons attendre, car pour l'instant l'establishment américain est concentré sur les midterms, mais des articles contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont commencé à paraître dans les médias américains. Peut-être verrons-nous également surgir bientôt des émeutes contre le foulard des femmes ou des choses similaires.

Entre-temps, il y a un autre signe de ce détachement : l'Arabie saoudite a exprimé son désir de rejoindre les BRICS, un organisme économique international qui a la Russie et la Chine comme points de référence. C'est ce qu'a déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa lors d'une visite à Riyad (InfoBrics).

Mais si les bonnes relations entre l'Arabie saoudite et la Russie étaient connues depuis longtemps, plus récentes et surprenantes semblent être celles entre Moscou et les Émirats arabes, autre pays phare du golfe Persique, qui se sont manifestées avec la visite de Mohammed bin Zayed en Russie le 11 octobre.

Voici comment M. K. Bhadrakumar sur Indianpunchline décrit la rencontre entre le président émirati et Poutine : "Il y avait quelque chose de profondément significatif dans le fait que le président des EAU, le Cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, ait entrepris une visite en Russie au milieu de la tempête ukrainienne.

"Conscient du symbolisme, le président russe Vladimir Poutine a reçu mardi le cheikh Mohammed dans un cadre grandiose digne d'un monarque, dans le splendide palais Konstantinovksy de Saint-Pétersbourg, dont l'héritage remonte à Pierre le Grand, symbole de la renaissance de la Russie, de sa culture et de son patrimoine."

Enfin, il faut noter que contrairement à l'Europe, qui est subordonnée aux diktats des faucons américains, les pays du Golfe ont décidé de soutenir l'effort de la Turquie pour initier une médiation entre Russes et Ukrainiens. Un petit pas, mais dans la bonne direction (d'autres, dans la direction opposée, conduiraient le monde au bord de l'abîme).

Le niet du Qatar et les milices libyennes

En ce qui concerne les relations entre l'Occident et le monde arabe, le niet du Qatar à l'égard de l'Europe mérite également d'être souligné : Doha a en effet déclaré qu'il ne détournera pas de gaz vers l'Asie dans le cadre de contrats préexistants afin de le détourner vers le Vieux Continent avide d'énergie.

De toute évidence, cette proposition indécente venait d'Europe, ce qui montre comment la dite "défense des Règles", invoquées par cette partie du monde a modulé leurs applications.

À cet égard, il est intéressant de voir ce que rapporte Rafaa Tabib, professeur à l'École supérieure de guerre de Tunis et expert de la Libye, dans un article publié dans al Manar. Le professeur explique que l'une des plaques tournantes énergétiques sur lesquelles le Vieux Continent mise pour surmonter l'hiver froid qui s'annonce est la Libye.

Mais malheureusement, l'or noir libyen partage la situation chaotique produite dans le pays par l'intervention de l'OTAN contre Kadhafi. Un non-État où, à côté des institutions internationalement reconnues, prospèrent des milices de toutes sortes, contrôlant de vastes zones du territoire et souvent du pétrole.

En achetant sur ce marché-là, explique le professeur, l'Europe fait prospérer ces milices, parmi lesquelles on trouve également des factions et des miliciens liés au terrorisme. Après le bain de sang qui a inondé l'Europe ces dernières années et les promesses solennelles de poursuivre les organisations responsables des attentats, un tel retournement de l'histoire semble une tragique ironie. Nous allons payer cher, nous allons payer pour tout.

 

mercredi, 12 octobre 2022

Pourquoi l'Arabie saoudite a rejeté les demandes de M. Biden de faire baisser les prix du pétrole

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Pourquoi l'Arabie saoudite a rejeté les demandes de M. Biden de faire baisser les prix du pétrole

Par Sylvia Westall et Fiona MacDonald

Source : https://worldoil.com/news/2022/10/10/why-saudi-arabia-reb...

(Bloomberg) - Les États-Unis ont accusé l'Arabie saoudite de se ranger du côté de la Russie après qu'elle ait amené l'OPEP+ à prendre la décision renversante de réduire la production de pétrole brut, maintenant ainsi les prix du pétrole à un niveau élevé à un moment où l'inflation inquiète le monde entier. Le plus grand exportateur de pétrole au monde insiste sur le fait que la décision est économique et non politique. 

Cette décision marque un moment important dans l'alliance de plus de 70 ans entre l'Arabie saoudite et les États-Unis. La réduction de la production est intervenue moins de trois mois après que le président Joe Biden se soit rendu en Arabie Saoudite pour demander une augmentation de la production afin de faire baisser les prix.

Voici quelques-unes des raisons possibles de la décision de l'Arabie saoudite :

Le pétrole contre la sécurité

Les relations entre la monarchie du Moyen-Orient et la superpuissance occidentale reposent sur un accord selon lequel les États-Unis fournissent au royaume une protection militaire en échange d'un approvisionnement fiable en pétrole. 

Mais avant même que M. Biden ne se rende à Djeddah en juillet, les responsables saoudiens affirmaient que la nature du partenariat entre Washington et Riyad avait fondamentalement changé. L'alliance, disaient-ils, était devenue déséquilibrée. 

Les tentatives des États-Unis pour relancer un accord nucléaire avec l'Iran, l'ennemi régional de Riyad, la participation de l'Arabie saoudite à la guerre au Yémen et ce que les États du Golfe ont perçu comme un manque de protection de la part de Washington contre les attaques des mandataires soutenus par l'Iran, ont tous contribué aux tensions et à une divergence de vues croissante. 

En privé, les responsables du Golfe se plaignent depuis longtemps des tentatives des États-Unis de les contraindre à adopter certaines positions politiques. Les responsables américains ont tardé à reconnaître que l'intimidation ne fonctionne pas et que Washington doit s'accommoder d'un nouvel ordre fondé sur des intérêts mutuels, selon une personne au fait des délibérations au sein de l'OPEP+, qui a demandé à ne pas être nommée pour discuter de sujets diplomatiques sensibles. 

L'influence saoudienne

Le prince Mohammed, âgé de 37 ans, a pour mission de présenter l'Arabie saoudite comme un acteur majeur, en utilisant les milliards qu'elle gagne aujourd'hui grâce au pétrole pour la préparer à devenir une puissance du XXIe siècle. Quatre ans après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, qui a conduit le prince à être à moitié banni de la compagnie de ses pairs internationaux, certains signes montrent que sa confiance et son ambition sont intactes. 

Le mois dernier, l'Arabie saoudite a pris la décision inhabituelle d'annoncer que le prince avait aidé à négocier un échange de prisonniers entre la Russie et l'Ukraine, présentant le prince héritier comme un médiateur international. 

Dans son pays, il a également assumé le rôle supplémentaire de premier ministre de son père, le roi, qui a fait de lui officiellement le chef du gouvernement. Cette décision, selon ses avocats, devrait également le protéger des poursuites judiciaires américaines liées à l'affaire Khashoggi.

D'autres dirigeants sont revenus l'embrasser, alors que les problèmes énergétiques s'intensifiaient à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Outre M. Biden, le prince héritier a accueilli les dirigeants de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne dans le royaume cette année. Il a prudemment réparé les liens avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui cherche des investisseurs [pour l'économie turque] dans une économie qui est en passe de devenir l'une des plus dynamiques du groupe des 20. 

Cette semaine, le royaume du désert a même remporté l'appel d'offres pour accueillir les Jeux asiatiques d'hiver de 2029 à Trojena, dans une mégapole qui n'a pas encore été construite. 

Économie

Le ministre saoudien de l'énergie, Abdulaziz bin Salman, a déclaré que la décision de l'OPEP+ était motivée par les fondamentaux du marché et que le groupe devait être réactif en cette période d'extrême volatilité du marché. La décision de réduire la production était fondée sur des indications de l'arrivée d'une récession mondiale, a déclaré le secrétaire général de l'organisation, Haitham Al Ghais, dans une interview à la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya.

La déclaration budgétaire préliminaire de l'Arabie saoudite contient quelques indices sur les perspectives du royaume. Selon les économistes de la banque d'investissement saoudienne Al Rajhi Capital, le mois dernier, sur la base de ces chiffres, les autorités semblent prévoir un prix du baril de Brent d'environ 76 dollars l'année prochaine. 

C'est environ 20 % de moins que le prix du pétrole cette semaine, et beaucoup plus baissier que prévu par la plupart des analystes. Compte tenu de ces éléments, l'Arabie saoudite prévoit que son budget annuel dégagera à peine un excédent de 9 milliards de riyals (2,4 milliards de dollars), inférieur aux estimations précédentes. 

Confrontés à un choix entre soutenir l'économie mondiale à la demande des États-Unis et risquer la leur, les Saoudiens ont choisi leur intérêt. Et les autres États du Golfe ont fait de même.

Équilibrer les puissances

Les responsables du Golfe affirment qu'ils doivent équilibrer leurs liens avec à la fois les États-Unis et la Russie, cette dernière joue un rôle important non seulement dans les marchés de l'énergie, mais aussi dans les conflits régionaux, de la Syrie à la Libye. La Russie est également impliquée dans des négociations avec l'Iran et, contrairement aux États-Unis, elle ne critique pas l'Arabie Saoudite sur les droits de l'homme.

L'Arabie saoudite et ses alliés régionaux ne se sont pas associés aux sanctions contre Moscou pour l'invasion de l'Ukraine et, en privé, les responsables disent qu'isoler complètement la Russie pourrait se retourner contre eux. Ils se méfient également des tentatives des États-Unis de punir la Russie au moyen d'outils tels que le plafonnement des prix de ses exportations d'énergie, qui ont pour effet de transférer le pouvoir de fixation des prix des vendeurs aux acheteurs d'énergie.

Les responsables américains, quant à eux, tentent de trouver un équilibre entre leurs efforts pour punir la Russie et les répercussions inflationnistes de telles mesures. Ils doivent également trouver un équilibre entre leur désir immédiat d'obtenir davantage de pétrole de l'OPEP et leur ressentiment croissant à l'égard d'un cartel peu coopératif qui ne partage pas les intérêts des États-Unis.

A la suite de la dernière réduction de la production, un communiqué de la Maison Blanche a appelé à "des outils supplémentaires pour réduire le contrôle de l'OPEP sur les prix de l'énergie." La décision a également rappelé pourquoi les États-Unis doivent réduire de toute urgence leur dépendance à l'égard des sources étrangères de combustibles fossiles, a-t-il déclaré.

mardi, 05 avril 2022

Le Moyen-Orient et la guerre des sanctions

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Le Moyen-Orient et la guerre des sanctions

par Salam Rafi Sheik

Source: https://www.ideeazione.com/il-medioriente-e-la-guerra-delle-sanzioni/

Alors que les États-Unis ont jusqu'à présent réussi à ressouder l'"unité" transatlantique qui s'effrite en poussant de manière agressive, provocante et irresponsable l'expansion de l'OTAN en Europe de l'Est, soi-disant contre la Russie, le Moyen-Orient - autrefois une aire géographique complètement dominée par les États-Unis - a refusé de se ranger du côté des États-Unis.

En raison des mauvaises relations de Washington avec les principaux acteurs du Moyen-Orient, les États-Unis n'ont plus assez de poids pour les persuader de faire pression sur la Russie. Comme l'ont indiqué sans équivoque les médias occidentaux, Riyad a clairement rejeté l'insistance de l'administration Biden à augmenter la production de pétrole en rompant l'accord OPEP+Russie sur la production de pétrole.

Lorsque Joe Biden a appelé le roi Salman au cours de la troisième semaine de février pour discuter d'une série de questions relatives au Moyen-Orient, notamment pour "assurer la stabilité des approvisionnements énergétiques mondiaux", il a soulevé la question de la rupture de l'accord OPEP Plus. Peu après l'appel, une déclaration du roi Salman a refusé de se plier à Biden et a souligné "le rôle de l'accord historique OPEP+", affirmant qu'il était important de respecter ses engagements. Il ne s'agit pas seulement du roi ; le prince héritier Mohammad bin Salman (MBS) est également derrière, grâce à la décision de l'administration Biden de l'impliquer dans le meurtre de Jamal Khashoggi, en espérant que cette controverse aidera finalement à renverser MBS.

Comme le rapporte l'agence de presse Saudia, lors de son appel téléphonique au président Poutine, "SAR porteur de la Couronne a réitéré le désir du Royaume de maintenir l'équilibre et la stabilité des marchés pétroliers, soulignant le rôle de l'accord OPEP+ à cet égard et l'importance de le maintenir."

La décision saoudienne est particulièrement alarmante pour l'administration Biden car, comme le pensent certains à Washington, le rejet par Riyad des appels américains à augmenter la production de pétrole fera grimper les prix du pétrole, ce que le public américain reprochera directement au parti démocrate qui détient actuellement la Maison Blanche et la majorité au Congrès. Mais les États du Moyen-Orient s'en tiennent à leur politique, quel qu'en soit le coût pour les États-Unis.

Par conséquent, le président Poutine a également eu un entretien téléphonique avec le prince héritier d'Abu Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed al-Nahyan. Les dirigeants auraient discuté de l'accord OPEP+ et se seraient engagés à poursuivre la coordination sur les marchés énergétiques mondiaux, selon les agences de presse russe et émiratie.

En conséquence, la réunion de l'OPEP+ du 2 mars a réaffirmé la position susmentionnée, concluant non seulement à maintenir les niveaux actuels de production de pétrole, mais déclarant également que la volatilité actuelle du marché n'était pas due à des changements dans la dynamique du marché mais à l'évolution géopolitique, c'est-à-dire à la politique américaine de sanctionner la Russie pour avoir porté atteinte à son économie.

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Cela se traduit, en termes simples, par un refus de se ranger du côté des États-Unis pour nuire à l'économie russe. Si les pays de l'OPEP avaient décidé d'augmenter leur production de pétrole, cela aurait réduit la hausse actuelle des prix du pétrole et nui à l'économie russe, qui compte davantage sur des prix du pétrole plus élevés pour maintenir sa santé économique face aux sanctions occidentales pendant la crise. Le fait que l'OPEP ait refusé d'aider les efforts occidentaux visant à endommager l'économie russe signifie que la maison énergétique mondiale est contre les États-Unis.

Lors du Forum international de l'énergie qui s'est tenu récemment en Arabie Saoudite, selon un rapport du Wall Street Journal, le ministre saoudien de l'énergie, le prince Abdulaziz bin Salman, a rejeté les appels à pomper davantage de pétrole. Selon le rapport, d'autres délégués de l'OPEP ont déclaré que "le royaume n'est pas sur la même longueur d'onde que les États-Unis en ce moment" et que "nous savons tous qu'ils ne sont pas prêts à travailler avec les États-Unis pour calmer le marché".

Rien n'aurait pu être plus embarrassant pour les Etats-Unis de voir leurs anciens alliés snober la pression de Washington.

Si l'on peut avancer que la raison du refus des principaux producteurs de l'OPEP de soutenir les États-Unis peut être le résultat de leurs mauvaises relations, le fait qu'Israël ait également refusé de soutenir les États-Unis montre non seulement que le soutien à la politique américaine d'encerclement de la Russie n'existe pas en dehors de l'alliance transatlantique, mais que ce soutien est en train de se réduire à l'échelle mondiale.

Comme l'ont montré les médias israéliens, Tel Aviv a effectivement torpillé les projets américains de vente de Dôme de Fer à l'Ukraine pour renforcer son système de défense contre la Russie. Comme le montrent les rapports, Israël a catégoriquement rejeté le plan américain en raison de sa politique visant à ne pas déstabiliser ses liens avec la Russie pour le moment.

Israël a décidé de rester dans le camp opposé aux États-Unis lorsqu'il a refusé de coparrainer la résolution du Conseil de sécurité américain sur l'Ukraine contre la Russie. Cette politique est très cohérente avec la manière dont le Premier ministre israélien Naftali Bennett a évité de condamner la Russie à l'instar des États-Unis ou même de mentionner le pays par son nom, même depuis le début de la crise.

À l'instar d'Israël, d'autres États du Moyen-Orient n'ont pas non plus critiqué la Russie. Les Émirats arabes unis, qui ont présidé le CSNU en tant que membre non permanent en mars, se sont abstenus de voter contre la Russie. Bien que la décision des Émirats arabes unis puisse donner l'impression qu'Abu Dhabi se trouve en équilibre entre deux géants, sa décision, lorsqu'elle est analysée dans le contexte de ses liens tendus avec les États-Unis depuis qu'il s'est retiré des pourparlers avec Washington sur la vente d'avions à réaction F-35, devient un message particulièrement poignant pour les États-Unis, à savoir que Washington ne doit pas s'attendre à être soutenu s'il ne tient pas sa part du marché.

Le manque de soutien de la part du Moyen-Orient est le résultat direct de la prise de distance des États-Unis vis-à-vis de la région et de l'attention croissante qu'ils portent à l'Asie du Sud-Est pour faire face à la montée en puissance de la Chine dans la région indo-pacifique. De plus en plus d'États du Moyen-Orient affirment leurs choix autonomes en matière de politique étrangère, ce qui signifie que Washington a peut-être surestimé le soutien qu'il pensait pouvoir obtenir pour sa politique d'expansion de l'OTAN.

vendredi, 25 mars 2022

Boomerang pour les Etats-Unis et coup dur pour le dollar: l'Inde utilisera le rouble avec la Russie et l'Arabie Saoudite le yuan pour son pétrole avec la Chine

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Boomerang pour les Etats-Unis et coup dur pour le dollar: l'Inde utilisera le rouble avec la Russie et l'Arabie Saoudite le yuan pour son pétrole avec la Chine

Source: https://kontrainfo.com/boomerang-para-eeuu-y-golpe-al-dolar-india-usara-el-rublo-con-rusia-y-arabia-saudita-el-yuan-para-su-petroleo-con-china/

Les sanctions américaines contre la Russie, excluant la Russie du système interbancaire SWIFT, pourraient finir par s'avérer un boomerang pour le pouvoir hégémonique du dollar en tant que monnaie internationale. L'Inde a indiqué qu'elle négociait avec la Russie pour acheter du pétrole et des engrais dans le cadre d'un échange de roubles et de roupies, et l'Arabie saoudite a laissé entendre qu'elle pourrait échanger ses exportations d'hydrocarbures avec la Chine en utilisant le yuan, deux situations impensables jusqu'à récemment du fait de la domination mondiale du pétrodollar.

Les engrais font partie des produits offerts par Moscou à New Delhi qui intéressent le plus le gouvernement indien. L'attrait réside dans les remises importantes que la Russie est prête à accorder et la possibilité de réaliser la transaction dans ses propres devises.

L'Inde bénéficierait du pétrole bon marché offert par la Russie. New Delhi voit en Moscou un fournisseur d'armes fiable - ce qu'elle considère comme vital face aux tensions avec la Chine et le Pakistan - et a même proposé en décembre dernier un plan de fabrication de 500;000 fusils russes AK-203. C'était lors de la visite de Poutine au Premier ministre indien Narendra Modi.

L'Inde, qui, comme la Russie, est membre du bloc des BRICS, a refusé de suivre les États-Unis dans leurs sanctions. Elle n'a pas non plus condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie lors de l'Assemblée générale des Nations unies. L'Inde reste en marge du conflit, avec un profil plus bas que la Chine, et sans même tenter un rôle de médiateur comme la Turquie ou Israël.

L'Inde et la Russie étudient également la possibilité d'utiliser le yuan chinois comme monnaie de référence pour valoriser le mécanisme commercial roupie-rouble. Tous deux peuvent également envisager un arrangement à taux variable. En septembre, l'Inde et Singapour ont décidé de relier leurs systèmes de paiement rapide respectifs : UPI et PayNow. La RBI et l'Autorité monétaire de Singapour ont annoncé le projet de liaison des systèmes de paiement rapide, qui devrait être opérationnel en juillet.

Les discussions avec la Russie s'inscrivent dans le cadre de l'obtention d'un mécanisme de paiement alternatif à la suite des sanctions occidentales contre la Russie. Selon M. Solodov, la Russie et l'Inde encouragent l'utilisation des monnaies nationales tant au niveau bilatéral que multilatéral, notamment dans le cadre des BRICS. En outre, un mécanisme d'échange roupie-rouble est déjà en place depuis plusieurs années, les paiements étant effectués dans les monnaies nationales par l'intermédiaire de banques désignées.

En début de semaine, les systèmes de cartes occidentaux ont suspendu leurs opérations en Russie, après quoi plusieurs banques russes seraient en train de se connecter au système de l'opérateur de cartes chinois UnionPay ainsi qu'au réseau russe MIR.

"L'utilisation des cartes fait encore l'objet de discussions directes au niveau des banques centrales de nos pays", a déclaré un second responsable de l'ambassade russe, qui n'a pas souhaité être identifié, ajoutant que l'utilisation des cartes sera importante pour les touristes et visiteurs indiens et russes. "Mais ce sera de toute façon un grand pas", a-t-il déclaré.

De son côté, l'Arabie saoudite est en négociations actives avec Pékin pour régler une partie de ses fournitures de pétrole à la Chine en yuans, rapporte le Wall Street Journal, citant des sources familières avec la question.

L'entrée de la monnaie nationale chinoise dans les contrats de pétrole brut réduirait la domination du dollar sur le marché mondial, et marquerait un pas en direction de l'Asie en tant que grand exportateur mondial.

La Chine achète plus de 25 % des exportations de brut de l'Arabie saoudite. Si elles sont payées en yuan, les ventes renforceront le prestige du yuan dans le monde.

Le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, a déclaré que "nous avons les ressources nécessaires pour payer nos dettes". Le Kremlin affirme que les sanctions sont une occasion pour la Russie d'acquérir une plus grande indépendance.

 

mardi, 08 mars 2022

La contre-mesure diplomatique de Poutine pour étrangler l'Occident

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La contre-mesure diplomatique de Poutine pour étrangler l'Occident

Federico Giuliani

Source: https://it.insideover.com/economia/la-contromossa-diplomatica-di-putin-per-strozzare-loccidente.html

Des armes pour vaincre la résistance ukrainienne sur le champ de bataille. Une diplomatie, menée en parallèle et avec audace, pour s'assurer un précieux parapluie contre les sanctions occidentales. L'opération militaire de Vladimir Poutine en Ukraine consiste en deux directives qui vont dans le même sens et au même rythme. La tentative de la Russie semble plutôt évidente : créer un nouvel espace géopolitique au sein duquel opérer économiquement avec des acteurs capables de remplacer, en tout ou en partie, les désormais anciens partenaires européens et américains.

Il est impossible de ne pas regarder la Chine, dont le rôle, aux fins de l'avenir de la Russie, est d'une importance vitale. Bien sûr, Pékin condamne la guerre et espère la résolution pacifique de chaque conflit, mais cette opportunité est trop belle pour que Xi Jinping fasse complètement volte-face. D'autre part, le principal rival des Russes et des Chinois est les États-Unis, pris au piège, ou du moins concentrés malgré eux sur le siège de Kiev. Flatter Washington, surtout d'un point de vue psychologique, est trop tentant pour ceux qui voudraient proposer un modèle alternatif à celui des Etats-Unis.

C'est peut-être la raison pour laquelle, lors des derniers Jeux d'hiver Pékin 2022, et avant le 24 février, Xi et Poutine ont conclu quelques accords dont la signification stratégique n'est comprise que maintenant. Anticipant une possible tempête économique de sanctions et d'interdictions, Moscou a préféré être sûr de déverser son gaz et son pétrole dans une nation de 1,4 milliard d'habitants. Une belle clientèle qui, au moins à court terme, pourrait endiguer les effets des sanctions sur les Russes.

Les jeux du pétrole ?

Attention, toutefois, à l'Arabie saoudite. Au cours des dernières heures, bien que peu se soient attardés sur ce détail, il y a eu un appel téléphonique entre Poutine et Mohammed bin Salman Al Saud, le prince héritier saoudien. Selon les rapports du Kremlin, les deux dirigeants ont souligné, et avec satisfaction, que les pays membres de l'Opep+ remplissent leurs obligations.

Obligations contractées et Opec+ : le pétrole et l'Organisation des pays exportateurs et producteurs de pétrole

L'Opec+ implique les 14 membres de l'Opep (Arabie saoudite, Algérie, Angola, Équateur, Émirats arabes unis, Gabon, Guinée équatoriale, Iran, Irak, Koweït, Libye, Nigeria, Qatar, Venezuela) et les producteurs non-OPEP, à savoir l'Azerbaïdjan, le Bahreïn, le Brunei, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, la Russie, le Soudan et le Sud-Soudan. Ce club produit environ 71% du pétrole mondial. Son objectif est, entre autres, de stabiliser les prix du pétrole en contrôlant les quotas de production.

Pour en revenir aux entretiens Poutine-Bin Salman, il est apparu que les membres de l'Opep+ "contribuent à assurer la stabilité du marché mondial du pétrole" et que la Russie et l'Arabie saoudite continueront à coordonner leurs approches dans ce cadre.

Le rôle de l'Arabie Saoudite

Le sujet des sanctions imposées à la Russie par divers pays occidentaux a également été abordé lors de l'appel téléphonique. Les deux dirigeants ont parlé du caractère "inacceptable" que revêt la "politisation" de la question de l'approvisionnement énergétique mondial.  "Les parties ont exprimé leur intérêt mutuel pour la poursuite du développement global du partenariat mutuellement bénéfique entre la Russie et l'Arabie saoudite et sont convenues de poursuivre les contacts à différents niveaux", peut-on encore lire dans la note du Kremlin.

En bref, en rassemblant tous les points, on ne peut exclure que la Russie ait non seulement cherché à obtenir davantage de certitudes de la part de l'Arabie saoudite, mais qu'elle tente également de trouver un moyen de déclencher une tempête de pétrole contre les pays occidentaux, ou quelque chose de similaire. De quelle manière ? En faisant entrer Ryadh dans le club formé par la Russie et la Chine. Il n'y a pas de certitudes, mais les hypothèses assez fortes ne manquent pas.

Reuters a rapporté deux nouvelles qui méritent d'être étudiées. Tout d'abord, bin Salman ferait pression sur le président américain Joe Biden pour qu'il le reconnaisse comme le véritable dirigeant du royaume et pour obtenir un appui plus fort dans la coûteuse guerre du Yémen. Ce serait l'une des raisons pour lesquelles le prince héritier résiste à la pression américaine pour pomper davantage de brut afin de faire baisser le prix du pétrole, qui a augmenté depuis le début de l'opération militaire russe en Ukraine. En outre, Ryadh souhaite maintenir en vie la relation pétrolière avec Moscou.

Venons-en au deuxième point : l'agence de presse saoudienne SPA, citant bin Salman lui-même, a écrit que l'Arabie saoudite a la possibilité de réduire ses investissements aux États-Unis. Pour mémoire, les investissements saoudiens à Washington et dans ses environs s'élèveraient à quelque 800 milliards de dollars. De même, bin Salman pourrait se rapprocher encore plus de la Chine pour boucler le cercle autour de la Russie.

mardi, 28 décembre 2021

Un nouvel axe géopolitique en devenir ? Arabie Saoudite - Iran - Pakistan - Chine

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Un nouvel axe géopolitique en devenir? Arabie Saoudite - Iran - Pakistan - Chine

par Peter Logghe

Source: Nieuwsbrief Knooppunt Delta - Nr. 164 - December 2021
 
Le programme nucléaire iranien a régulièrement fait la une de la presse par le passé ; le fait que les États-Unis soient à couteaux tirés avec l'Iran y est probablement pour beaucoup. La politique nucléaire saoudienne est beaucoup plus discrète. En 2008, les États-Unis et l'Arabie saoudite ont signé un accord sur l'utilisation non militaire de l'énergie nucléaire produite par l'Arabie saoudite. En novembre 2021, l'Arabie saoudite a annoncé qu'elle allait bientôt annoncer qui sera en charge du programme nucléaire, avec 4 candidats restants.

L'énergie nucléaire et l'Arabie saoudite continuent de provoquer des troubles, mais pas dans le monde occidental. En 2003, il y a déjà eu un tollé dans la région lorsqu'il est apparu que le royaume saoudien voulait fabriquer la bombe atomique. En 1988, les Saoudiens ont acheté aux Chinois des missiles qui peuvent atteindre n'importe quelle cible au Moyen-Orient. Et en 1984, une équipe militaire saoudienne, dont faisait partie le prince Sultan, alors ministre de la défense, a été reçue au Pakistan où elle a visité les installations nucléaires en compagnie de Nawaz Sharif, alors Premier ministre du Pakistan. Le scientifique pakistanais, Abdul Qadeer Khan, père spirituel de la bombe atomique pakistanaise, a fourni au prince saoudien des informations sur l'énergie nucléaire et la bombe atomique. En 2012, le Pakistan et l'Arabie saoudite ont signé un accord de coopération mutuelle sur l'énergie nucléaire.

La question a longtemps été minimisée par les États-Unis : l'Arabie saoudite n'a-t-elle pas été un allié privilégié des États-Unis pendant des décennies ? Les relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite semblent se détériorer sous l'influence de la nouvelle politique étrangère "idéaliste" de Biden. Le président John Biden a souligné que sa politique étrangère serait désormais déterminée par les droits de l'homme - même si ces droits sont interprétés de manière hypocrite par les États-Unis dans leurs relations avec certains pays comme la Colombie et le Maroc.

La politique étrangère "idéaliste" crée des tensions entre les États-Unis et l'Arabie saoudite. Par exemple, les rebelles houthis au Yémen (qui luttent contre le régime légal yéménite, soutenu par l'Arabie saoudite) ne sont plus considérés comme des terroristes par les États-Unis. Les États-Unis ont également annulé un contrat de vente d'armes à l'Arabie saoudite. 
 
La Chine exploite toutes les failles laissées par l'Occident

Le programme nucléaire saoudien a été lancé en 2018 avec le soutien de la Chine. Israël et les États-Unis ne sont pas à l'aise avec cela. Pékin a aidé à mettre en place une usine saoudienne pour extraire le yellowcake des minerais d'uranium. Se pourrait-il que Riad penche de plus en plus vers de bonnes relations diplomatiques avec Pékin plutôt que de poursuivre ses relations avec les États-Unis ?

Si ce scénario se vérifie, les autorités pakistanaises pourraient bien être la passerelle vers de nouvelles relations sino-saoudiennes élargies. Ce n'est peut-être pas sans importance que le royaume saoudien a décidé, début octobre, d'offrir au Pakistan - qui connaît de graves difficultés économiques - une enveloppe financière de 4,2 milliards de dollars.

Il n'est pas surprenant que des rumeurs fassent état d'un nouvel axe Chine-Arabie saoudite-Pakistan, dont la plaque tournante serait le port de Gwadar au Pakistan, sur les rives de la mer d'Oman. Islamabad a cédé le contrôle du port à une entreprise d'État chinoise en 2013. Le port revêt une importance stratégique pour la Chine, car plus de la moitié du pétrole importé par la Chine provient de la région du Golfe et passe par le détroit d'Ormuz, situé à 650 kilomètres à peine de Gwadar. Gwadar est l'un des principaux points économiques de la route chinoise "One Belt One Road"


Lors de sa visite au Pakistan au mois de février 2021, le prince saoudien Sultan a annoncé que le royaume allait investir dans la raffinerie de pétrole de Gwadar. La Chine et l'Arabie saoudite ont de lourds intérêts géoéconomiques dans les infrastructures pakistanaises.

À la lumière du partenariat entre la Chine, le Pakistan et l'Arabie saoudite, le partenariat entre la Chine et l'Iran revient également sur le devant de la scène. La Chine pourrait jouer le rôle de médiateur afin d'accélérer l'amélioration des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran.  Après tout, l'Arabie saoudite, qui est actuellement plutôt isolée sur le plan géopolitique, a besoin de nouveaux partenaires. Si le royaume saoudien parvient à optimiser ses relations avec la Chine et à mettre sur les rails ses relations avec l'Iran, alors les ambitions nucléaires de l'Arabie saoudite pourront également se concrétiser. En tout état de cause, elle ne favorisera pas le calme géopolitique au Moyen-Orient et en Asie centrale, mais elle modifie fondamentalement le cadre géopolitique de la région.
 
Peter Logghe

mercredi, 12 mai 2021

Les relations saoudo-iraniennes peuvent-elles s'améliorer?

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Les relations saoudo-iraniennes peuvent-elles s'améliorer?

Anastasia Solonskaya

Ex : https://www.geopolitica.ru/article/mogut-li-saudovsko-ira...

Pendant des années, les relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite ont été marquées par une solide rivalité. Récemment, cependant, les relations entre les deux États se sont encore tendues. La raison de ce long conflit entre les deux pays est leur rivalité pour le leadership et l'influence dans leur région commune. Leurs différences dans la perception religieuse du monde aggrave leur confrontation.

L'islam est la religion officielle des deux pays, mais ils adhèrent à deux courants différents: l'Arabie saoudite est dominée par l'islam sunnite, tandis que l'Iran est majoritairement chiite. L'islam a vu le jour sur le territoire de l'Arabie saoudite, et l'État estime donc avoir le droit de revendiquer la suprématie dans la région.

"Le printemps arabe a déclenché plusieurs conflits et tensions régionales au Moyen-Orient. Une des causes en est le conflit entre les sunnites d'Arabie Saoudite et les chiites d'Iran. Les États-Unis ont tenté d'étendre leur influence dans la région en envahissant l'Irak. L'Iran ne pouvait pas rester les bras croisés, surtout avec la menace sécuritaire que représente l'Irak à sa frontière occidentale, il a donc tenté par tous les moyens de réduire l'influence américaine dans une région déjà fortement fracturée. Téhéran s'en est plutôt bien sorti, compte tenu des graves sanctions imposées par les États-Unis et les Nations unies. En conséquence, les Iraniens ont réussi à établir en Irak leur influence sur le secteur de la sécurité et sur diverses forces politiques, y compris l'aspect religieux. Toutefois, comme on pouvait s'y attendre, une telle activité chiite ne pouvait manquer de mettre à mal le camp sunnite (celui que l’Arabie Saoudite cherche à contrôler et à dominer). Les Saoudiens ont trouvé un moyen de contrer l'influence iranienne en Irak en demandant l'aide des États-Unis. Ainsi, les États de Téhéran et de Riyad se sont une nouvelle fois retrouvés de part et d'autre des barricades. Dans le conflit irakien, les Saoudiens sont du côté des États-Unis et soutiennent l'opposition, tandis que l'Iran agit en faveur du gouvernement irakien.

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Il ne faut pas oublier un autre aspect dans cette question, à savoir la Russie, qui a également signé un traité sur base de relations et de principes de coopération avec l'Iran en mars 2001. À en juger par les déclarations du ministre russe des affaires étrangères, Serguei Lavrov, les relations avec l'Iran atteignent un nouveau niveau et se renforcent. Le 13 avril, une réunion a eu lieu entre les représentants des ministères des affaires étrangères des deux pays, au cours de laquelle il a été décidé de signer un nouvel accord de coopération dès qu'il sera prêt.

Compte tenu des conflits récurrents, des attentats et du chevauchement des intérêts des deux États, les relations entre ces pays islamiques se sont détériorées année après année. Avec les sanctions imposées à l'Iran et les graves dommages causés au pays par la pandémie du virus COVID-19, les Iraniens bénéficieraient d'une amélioration des relations avec les États-Unis et les Saoudiens. La possibilité de coopérer pourrait non seulement mettre un terme au conflit régional, mais aussi devenir une alliance puissante au Moyen-Orient, capable de contrer l'influence de pays d'autres régions.

En avril de cette année, l'Iran et l'Arabie saoudite ont convenu de tenir une série de pourparlers. La première réunion n'a pas mis fin au conflit de longue date, ce qui était prévisible, car de telles questions ne sont pas résolues du premier coup. L'Irak a joué le rôle de médiateur entre les pays, alors que les États-Unis sont la partie intéressée par une résolution pacifique de la question. Il n'est pas certain que l'on puisse attendre des résultats sérieux des prochaines réunions.

Bien que les discussions entre les rivaux régionaux se déroulent sur le territoire irakien, les actions de Téhéran et de Riyad ne sont pas discutées dans le pays. Les principaux objectifs sont plutôt de mettre fin aux attaques des Houthis contre les installations pétrolières saoudiennes et de trouver une issue à l'impasse politique. L'Irak ne participe donc pas aux pourparlers, mais est seulement un médiateur entre les deux protagonistes.

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Pour l'Arabie saoudite, une solution pacifique au conflit est tout aussi importante que pour les Iraniens. Étant donné que Biden n'a pas l'intention de poursuivre les mêmes relations avec les Saoudiens que Donald Trump, la perte d'un ami américain pourrait avoir un impact sérieux et plutôt négatif sur le pays. Par conséquent, Riyad a tout avantage à s'en tenir à ses seuls intérêts pour sécuriser ses relations avec l'Iran, au bénéfice de ses propres intérêts et de sa sécurité.

En ce qui concerne les relations américano-iraniennes à ce jour, la partie américaine est désireuse d'améliorer les relations avec l'Iran. En 2018, Donald Trump s'est retiré de l'accord nucléaire signé en 2015 par l'administration de Barack Obama. Maintenant, Biden espère relancer l'accord nucléaire autrefois perdu. La détermination de M. Biden est alarmante. Comme toujours, les Américains sont prêts à tout pour accroître leur influence dans la région. Pour l'Iran, le maintien de liens normaux avec les États-Unis l'aidera à résoudre ses problèmes économiques. Le gouvernement iranien a déjà présenté un certain nombre d'exigences, dont le respect permettra de rétablir l'accord nucléaire. Tout d'abord, Téhéran demandera la levée des sanctions précédemment imposées par les États-Unis sur les exportations de pétrole, le transport maritime et d'autres restrictions.

L'amélioration des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite n'est pas une tâche diplomatique facile, mais elle est possible. L'influence des États-Unis dans la région pourrait être un aspect important du réchauffement des relations saoudo-iraniennes, si le nouveau président Joe Biden y voit un avantage pour lui-même et son pays. Il envisage déjà une coopération diplomatique avec l'Iran et est un allié de l'Arabie saoudite. Bien que les Saoudiens se méfient de cette décision, ils espèrent une issue heureuse. Toutefois, des progrès clairs sur cette question pourraient ne pas se manifester avant longtemps, voire des années. Après tant d'années de confrontation et de désaccord en vue d'une réconciliation, il ne faut pas s'attendre à des solutions définitives. Par ailleurs, si la paix s'installe, elle peut être temporaire, jusqu'au premier signe d'un nouveau conflit. Compte tenu de la nature des deux pays et de leur insistance à avoir raison, des changements radicaux ne sont peut-être pas en vue avant longtemps. Les relations entre les Saoudiens et les Iraniens ne prendront une direction décisive vers un accord diplomatique entre les États que lorsque les dirigeants des deux pays seront prêts à faire des compromis et à poursuivre leur coopération.

mardi, 13 avril 2021

S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

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S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

Damir Nazarov

Ex : https://www.geopolitica.ru

Alors que la communauté mondiale est occupée à "résoudre" les crises en Libye et au Yémen et à mener des "espèces de simili-négociations" sur la Syrie, un autre conflit majeur, mais tout à fait attendu, mûrit dans le labyrinthe du Moyen-Orient. Ses origines remontent à l'agression de Saddam contre la République islamique d’Iran, mais après l'émergence de DAESH, il est devenu évident que nous pourrions très bientôt assister au début d'une confrontation directe entre les protagonistes. Nous évoquons ici une lutte potentielle entre l'Arabie saoudite et l'Irak (du moins sa partie pro-iranienne). Saddam et ISIS* (vous pouvez mettre un signe égal ici) sont depuis quelque temps la principale force de frappe des impérialistes contre Téhéran, mais malgré l'influence majeure des élites anglo-saxonnes, on ne peut ignorer l'énorme contribution(1) de la plus grande autocratie de la péninsule arabique au potentiel de combat des agresseurs du Baathisme*. Le subtil enchevêtrement entre pétrodollars et idéologie (arabisme, takfirisme) a fait l'affaire.

La première vague de "réveil islamique" a déclenché un mouvement tectonique dans la région et a mis à nu les anciennes contradictions antagonistes entre les partisans de la révolution islamique, d'une part, et les dictatures pro-occidentales, d'autre part. Ainsi, en 2012, les services de renseignement saoudiens avaient accusé le Conseil suprême de la révolution islamique d'Irak de fournir des armes aux révolutionnaires des zones chiites d'Arabie saoudite. C'est précisément en raison des nouvelles réalités, dans lesquelles la République islamique est devenue le premier allié des peuples rebelles de l'Oumma et les Saoudiens le premier ennemi intérieur (le sionisme est l'ennemi extérieur numéro un, après tout), que Riyad a commencé à agir directement contre la RII, ce qui a directement affecté l'Irak. Par exemple, en 2013, la milice irakienne Jaish al Mukhtar a tiré des roquettes sur les Saoudiens en représailles à une attaque terroriste contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth.

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Mais l'année 2019 a marqué un certain tournant, les services de renseignement américains signalant que les Irakiens ont attaqué les Saoudiens pour la première fois d'une ‘’nouvelle manière’’ (2). L'ombre du soupçon s'est abattue sur la Brigade du Hezbollah. Que cela soit vrai ou non n'a aucune importance, car il est devenu évident que l'"ancien" conflit est entré dans une nouvelle phase. Cette année encore, nous avons pu assister à un échange de coups. Le 21 janvier, les services spéciaux saoudiens, sous couvert d'ISIS, ont organisé une attaque à Bagdad, et deux jours plus tard, la ‘’Brigade de la vraie promesse’’ a utilisé un drone pour attaquer le palais royal.

L'omniprésence des Américains dans la région a également permis d'établir un lien entre l'organisation nouvellement fondée et le Hezbollah irakien. Acte de terreur, contre-attaque de guérilla, nous serons probablement témoins, encore et encore, d'un acte de terreur des Saoudiens et d'actions de guérilla de représailles des Irakiens qui illustrent qui est le guerrier et qui est le terroriste dans cette guerre.

Il est difficile de prédire à quelle faction de la Résistance islamique appartiennent les groupes qui attaquent la dictature saoudienne, mais sur un point, les Américains ont sans doute raison, le corps du Hezbollah d'Irak a vraiment des capacités énormes. Avec le soutien de la RABD et de l'IRGC, la ‘’Brigade du Hezbollah’’ a réussi à construire son propre "État profond" et à poursuivre son développement avec succès sur divers fronts. Dans ce contexte, il convient d'ajouter que les "partisans irakiens de Wilayat al-Faqih" ont établi des relations solides avec diverses forces politiques islamiques dans le pays, ce qui témoigne de leur crédibilité personnelle et de leur capacité à être des tacticiens flexibles.

Conclusion : peut-on encore affirmer qu'une nouvelle guerre à grande échelle nous attend ? Certainement oui (3), toute la question est celle du timing. Une guerre au plein sens du terme entre les éléments clés des deux alliances (4) est à prévoir dans un avenir proche, mais la "guerre froide" locale, utilisant des tactiques de sabotage, bat déjà son plein et trouve son origine dans l'intervention de Washington en Irak. Personnellement, je suis sûr que l'aventure yéménite n'aura absolument aucun effet sur les ambitions de la cour saoudienne. Il ne s'agit même pas ici de "folie politique", mais plutôt de "continuer la politique par d'autres moyens". Car ce n'est qu'une question de temps avant que l'Irak ne devienne "islamo-révolutionnaire", après quoi la présence des colonialistes commencera à reculer de manière accélérée, et leur départ imminent affectera certainement les marionnettes pro-occidentales de la région. Mais ce qui effraie le plus la Maison des Saoud, c'est qu'un État jeune et ambitieux, doté d'une nouvelle idéologie, émerge à côté d'une autocratie décrépite, Etat jeune qui a bien l'intention d'exporter des idées révolutionnaires. Riyad comprend que, dans ce scénario, le "nouvel Irak" ne se limitera manifestement pas à soutenir les enclaves chiites de l'Arabie saoudite; l'essentiel de l'aide ira aux forces sunnites et salafistes locales qui s'opposent au régime.

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En décrivant le régime saoudien au pouvoir comme un agresseur intransigeant, on peut se référer aux conclusions du camp du "Grand Satan". En 2019, le Washington Post a décrit Mohammad bin Salman (MBS) comme le "nouveau Saddam". Et si l'on compare les années 80 à notre époque, on constate effectivement de nombreuses similitudes. Le régime de Saddam, profitant du soutien des grandes puissances mondiales des deux camps de l'époque, a attaqué la jeune république révolutionnaire, et n'a pas caché la raison de l'agression - en pointant du doigt l'idéologie islamique de la révolution. Aujourd'hui en Irak, avec quelques réserves, mais il y a bien un "changement révolutionnaire", symbolisé par Hashad al-Shaabi et ses alliés. Le renforcement du facteur islamique dans un pays voisin, n'est-il pas une raison pour tenter une intervention visant à détruire l'institution de pouvoir nouvellement apparue et indépendante ? Une analogie avec le comportement de l'Irak baasiste à la fin du XXe siècle s'impose.

Le "Saddam saoudien" a déjà déclenché un massacre contre la Révolution (événements au Yémen), en échouant lamentablement, mais il faut savoir que le prince héritier n'est qu'un des nombreux intrigants ambitieux qui ne manqueront pas de saisir l'occasion pour éteindre la lumière d'un "nouveau soulèvement" ou déclencher une autre guerre au nom de leurs propres intérêts et d'une tentative de plaire au sionisme. En particulier lorsque les ressources pro-occidentales brossent le tableau d'un "Irak faible" avec une abondance de problèmes internes, le désir d'organiser une "guerre victorieuse éclair" est multiplié. La faiblesse de l'appareil d'État, gangrené par la corruption et protégé par les Américains, les tendances séparatistes au Kurdistan et à Anbar, la lutte à l'intérieur du camp chiite (Sistani, laïcs, chiraziens contre l'Iran), tous ces éléments présentent à première vue une perspective assez favorable à une nouvelle aventure saoudienne, surtout avec le soutien actif du sionisme et des États-Unis, mais Riyad se rend-il compte des conséquences évidentes ? Probablement pas, et l'histoire du Yémen en est la preuve.

Les Américains sont déjà activement engagés dans le développement de scénarios pour une future guerre entre les Saoudiens et l'Irak. Ainsi, The Economist, citant des "responsables irakiens", parle d'une prétendue "milice armée de 1400 missiles qui se rassemble près de la frontière avec l'Arabie saoudite". N'est-ce pas une remise en jeu provocante ?

Le soutien de Riyad aux Takfiris a été symbolisé par les propos du prince Saoud al-Faisal, alors ministre des Affaires étrangères, qui a déclaré au secrétaire d'État John Kerry à l'automne 2014: "ISIS est notre réponse à votre soutien au parti Dawa'a".

 

  • (1) Ce soutien se poursuit à ce jour, même en termes de logistique, les Saoudiens fournissent aux Takfiris tout ce dont ils ont besoin. Exemple avec les voitures, les Saoudiens en ont fourni à DAESH depuis début 2014 jusqu'à aujourd'hui.
  • (2) Signifie le rôle important du corps du Hezbollah dans le cadre de la force de mobilisation populaire irakienne.
  • (3) "La guerre ne peut être évitée, elle ne peut être que retardée - à l'avantage de votre ennemi", Nicolo Machiavelli.
  • (4) Il s'agit ici de la confrontation entre le bloc pro-américain, où les Saoudiens jouent un rôle majeur, et le bloc pro-iranien, pour lequel l'Irak est le principal maillon de l'Axe de la Résistance.

DAESH (ISIS) - interdit dans la Fédération de Russie.

dimanche, 28 février 2021

Britanniques et Saoudiens au Yémen

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Britanniques et Saoudiens au Yémen

Par Marco Ghisetti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

La guerre civile yéménite a éclaté en 2014, lorsque les insurgés houthi, rassemblant autour d'eux le mécontentement populaire généralisé causé par la "double" et continue ingérence américaine et saoudienne (1) dans leurs affaires intérieures, ont conquis la capitale yéménite Sanaa, incitant le président Hadi à se rendre en Arabie Saoudite et à demander au gouvernement de Riyad d'intervenir militairement contre les rebelles. Le 26 mars 2015, encouragée par le consentement tacite des États-Unis, l'Arabie saoudite a lancé la campagne de bombardement massif appelée "Storm of Resolve", qui est toujours en cours. Actuellement, les forces sur le terrain sont divisées en trois groupes : les Houthi, dirigés par Ansar Allah et soutenus par l'Iran (qui gagne de plus en plus de terrain), le gouvernement en exil de Hadi, soutenu par l'Arabie Saoudite, et le Conseil de transition du Sud, de moindre poids et soutenu par les Émirats. La guerre au Yémen a jusqu'à présent entraîné la mort violente de 100 000 à 250 000 personnes, selon les estimations, en plus des 4 millions de personnes déplacées et des 24 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire. La guerre au Yémen est considérée comme la plus grave catastrophe humanitaire en cours, "dont il est presque interdit de parler et d'écrire pour le moment"(2). Le silence du cirque médiatique et du clergé journalistique s'explique peut-être par l'insistance sur l'importance stratégique du Yémen et le rôle que jouent deux alliés des Etats-Unis - l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni - dans le conflit et, par conséquent, leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui gangrène la population yéménite.

***

Quelle que soit l'ampleur des bombardements contre les forces houthi, il ne fait désormais aucun doute que le Royaume-Uni a joué un rôle d'accompagnement aux côtés des Saoudiens depuis le début de la campagne aérienne. Depuis 2015, "le Royaume-Uni a accordé au régime saoudien des licences d'armes d'une valeur d'au moins 5,4 milliards de livres sterling. 2,7 milliards de livres ont été dépensés pour les licences ML10, y compris les avions, les hélicoptères et les drones, et 2,5 milliards pour les licences ML4, y compris les grenades, les bombes, les missiles et les contre-mesures. En juin 2020, l'ONU a rapporté que plus de 60 % des morts de civils au Yémen sont causés par des frappes aériennes dirigées par les Saoudiens. BAE Systems - la plus grande société d'armement du Royaume-Uni - a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards de livres sterling en ventes et services à l'Arabie saoudite depuis 2015" (3).

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John Develler, un ancien employé du ministère britannique de la défense en Arabie Saoudite, a déclaré que "les Saoudiens sont complètement dépendants de BAE Systems. Ils ne pouvaient rien faire sans nous". Le soutien britannique aux Saoudiens va au-delà de la simple vente d'armes et d'équipements de guerre : on estime qu'il y a actuellement 6300 forces britanniques en Arabie Saoudite qui fournissent un soutien logistique continu, auquel il faut ajouter environ 80 soldats de la RAF. Un employé de BAE a déclaré : "Sans nous [les Britanniques], il n'y aurait pas un seul jet [saoudien] dans le ciel d'ici sept ou quatorze jours"(4).

L'aide britannique à l'Arabie Saoudite n'a pas été sans susciter des critiques internes. En raison de l'illégalité, au regard du droit international, de l'intervention saoudienne au Yémen, en 2019, un tribunal britannique a ordonné l'arrêt immédiat des ventes d'armes car elles étaient également utilisées contre la population civile. Toutefois, cette décision a été de facto annulée l'année suivante par la secrétaire d'État au Commerce national, Liz Truss : elle a déclaré qu'elle pouvait être rétablie après avoir "constaté" que de telles armes n'avaient pas été utilisées contre des civils, confirmant ainsi la volonté du Royaume-Uni de continuer à soutenir l'Arabie saoudite.

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L'importance du Yémen

Le choix des Britanniques et des Saoudiens d'intervenir au Yémen est dû au fait suivant : ces deux acteurs doivent maintenir leur relation privilégiée avec le géant nord-américain, ils doivent partager les "responsabilités" qui leur ont été confiées par les Etats-Unis alors que ces derniers s’occupent de l'Asie. Par exemple, la "nécessité de créer un espace d'action pour Londres" a incité le Royaume-Uni à "renforcer les liens qui existent déjà entre les deux côtés de l'Atlantique" (5), afin de cultiver et de raviver la "relation spéciale" qu'il entretient avec le géant d'outre-mer après s'être séparé de l'Union européenne. Et de ce point de vue, si la guerre par procuration contre le Yémen est en fait une des "responsabilités" que Riyad doit assumer tandis que les Etats-Unis se concentrent sur l'Asie, la guerre et le soutien logistique britanniques à Riyad est une des "responsabilités" qui incombent à Londres.

La République du Yémen est stratégiquement positionnée pour dominer les voies maritimes qui, comme l'indique la stratégie navale américaine pour la décennie 2020-30, détermineront l'équilibre des pouvoirs au XXIe siècle (6). Selon cette stratégie, les États-Unis doivent maintenir leur domination sur les mers qu'ils ont acquise grâce à leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, mais doivent également la partager et la placer partiellement sur les épaules de leurs "alliés" afin de tenir tête aux acteurs qui érodent leur suprématie navale (principalement: la Chine, la Russie et l'Iran). Le détroit de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de la Corne de l'Afrique, peut être facilement fermé par une puissance qui exploite le Yémen comme un pivot terrestre ; c'est, avec le détroit de Gibraltar, le point terminal qui relie la route maritime qui, en passant par la Méditerranée, le canal de Suez et la mer Rouge, relie l'océan Atlantique à l'aire maritime indo-pacifique. Celui qui est maître de ces centres névralgiques de la mer est donc aussi maître d'une des principales routes maritimes mondiales.

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Plus précisément, le rival des États-Unis que l'Arabie saoudite et le Royaume-Uni combattent au Yémen est l'Iran. En fait, si la République islamique devait obtenir, par l'intermédiaire des rebelles houthi qu'elle soutient, un accès direct au détroit de Bab al-Mandeb, "l'équilibre des forces dans la région changerait considérablement" (8) au détriment des États-Unis, car la suprématie américaine dans ces eaux serait grandement renforcée en faveur de son rival iranien. En outre, "un Yémen contrôlé par des Houthi serait un client potentiel pour les compagnies pétrolières russes ou chinoises" (9).

En tout cas, "si l'Arabie Saoudite est jusqu'à présent le grand perdant de la guerre" et que le Royaume-Uni a beaucoup perdu en termes d'image, "la population yéménite est sans aucun doute la grande victime de ce conflit" (10). Le rôle joué par l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni, deux des principaux alliés des Etats-Unis, au Yémen - et donc leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui se déroule dans ce pays - explique pourquoi les médias occidentaux restent silencieux sur ce que les Nations Unies ont qualifié de crise humanitaire des plus graves en cours.

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Notes :

  • (1) Haniyeh Tarkian, La guerra contro lo Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, 3/2019, p. 142
  • (2) Marco Pondrelli, Continente eurasiatico. Tra nuova guerra fredda e prospettive di integrazione. Prefazione di Alberto Bradanini, Anteo, 2021, p. 89.
  • (3) Gabrielle Pickard-Whitehead, UK urged to follow Biden’s lead and end Yemen war support,  leftfootforward.org, 8 febbraio 2021
  • (4) Arron Merat, ‘The Saudis couldn’t do it without us’: the UK’s true role in Yemen’s deadly war, theguardian.com, 18 giugno 2019
  • (5) Andrea Muratore, Il tramonto della “global Britain”?, eurasia-rivista.com, 3 luglio 2020
  • (6) Pour une analyse de la nouvellestratégie navale américaine, voir : Marco Ghisetti, “Advantage at Sea”: la nuova strategia navale statunitense, 26 dicembre 2020, eurasia-rivista.com
  • (7) Haniyeh Tarkian op. cit., p. 142
  • (8) Angelo Young, War In Yemen: Tankers Moving Unimpeded Through Bab Al-Mandeb Oil Shipment Choke Point, Says Kuwait Petroleum Corporation, 29 marzo 2015, ibtimes.com
  • (9) William F. Engdahl, Yemen Genocide About Oil Control, 20 novembre 2018, williamengdahl.com
  • (10) Massimiliano Palladini, Cinque anni di guerra in Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 4/2020, p. 196

mardi, 05 janvier 2021

Le Moyen-Orient entre Trump et Biden

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Le Moyen-Orient entre Trump et Biden

par Alberto Negri

Sources : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

Le pacte abrahamique entre Israël et les monarchies arabes, plus qu'une stabilisation, est un moyen d'annuler les droits des peuples et s'applique négativement aux Iraniens, Palestiniens, Kurdes, Libanais, Irakiens, Yéménites, et à tous ceux qui n'ont pas l'intention d'obéir. Au Moyen-Orient, Biden est déjà sous le poids des décisions de Trump.

La nouvelle année s'ouvre alors que l'année de la pandémie se termine. Les Américains peuvent faire ce qu'ils veulent contre l'Iran et les Israéliens aussi peuvent faire tout ce que les autres ne peuvent jamais faire : agir contre le droit international. Une synthèse du double standard qui, en négatif, s'applique aux Iraniens, Palestiniens, Kurdes, Libanais, Irakiens, Yéménites, et à tous ceux qui n'ont généralement pas l'intention d'obéir. Ces peuples, au mieux, peuvent obtenir des "concessions" mais ne sont pas titulaires de "droits". L'Alliance Abrahamique a sanctionné cet état de fait.

Au milieu se trouvent Erdogan et Poutine : le premier s’avère fonctionnel pour le second. Non seulement parce que le sultan de l'OTAN s'oppose à Moscou et traite en même temps avec la Russie en Libye et en Syrie, mais aussi parce qu'il sert les États-Unis en endiguant l'influence russe, comme en témoigne la guerre du Haut-Karabakh contre les Arméniens soutenue par les Turcs et les armes israéliennes. Biden déteste Erdogan (il l'a également attaqué quand il était l’adjoint d'Obama) mais l'affrontera non pas sur la base de ses aversions ou de ses références démocratiques mais sur son utilité sur le flanc oriental de l'Alliance atlantique.

Un an après l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani et de son lieutenant irakien Al Muhandis à Bagdad le 3 janvier dernier par les Américains, nous pouvons aujourd’hui en mesurer pleinement les conséquences. 2020 était l'année de l'attaque contre l'Iran - illustrée également par le meurtre en novembre du scientifique Mohsen Fakhrizadeh, attribué au Mossad – et celle du Pacte d'Abraham concocté dans une optique hostile à Téhéran, et scellé entre Israël et les monarchies du Golfe, suivies rapidement par le Soudan et le Maroc. Plus qu'une stabilisation, c'est un bond en avant vers de nouvelles annulations de droits des peuples : au Moyen-Orient, l'administration Biden, qui entrera en fonction le 20 janvier, pèse déjà sous le poids des décisions de Trump.

L'héritage contrasté d'Obama au printemps 2011 dans le monde arabe - soutien en Égypte aux Frères musulmans, guerre contre Kadhafi et soutien à la déstabilisation de la Syrie - avait eu comme issue positive le 14 juillet 2015 l'accord nucléaire avec l'Iran qui avait exaspéré Israël et jeté la panique en l'Arabie saoudite et dans les monarchies du Golfe. Trump est sorti unilatéralement de ce traité international et a établi de nouvelles règles de jeu qui n'étaient finalement pas si nouvelles que cela car elles remontent au président démocrate Roosevelt et à l’année 1945 : les monarchies devaient payer "cash" et par le truchement d’achats d'armes américaines pour la protection des intérêts des Etats-Unis ; s’ajoutait à la facture la normalisation avec Israël, la vente aux Arabes de pétrodollars comme artifice de survie face à la menace réelle ou présumée de l'Iran.

C'est ainsi que sont apparues les "incitations". Nétanyahou, qui se prépare à de nouvelles élections en mars, a profité de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Américains de Trump et de l'annexion du plateau du Golan. En 2020, l’Israélien n'a eu besoin que d'un coup de pouce pour l'annexion annoncée de la Cisjordanie et pour concrétiser les nouvelles alliances avec les Arabes. Le pacte abrahamique a été rejoint par les Emirats et le Bahreïn, puis est venue la normalisation entre Israël et le Soudan, puis celle avec le Maroc.

L'Égypte d'Al Sisi fait déjà partie du jeu : elle reçoit l'argent des Émirats et des Saoudiens ayant comme tâche idéologique et répressive d'éliminer les Frères musulmans. Même le général Haftar en Cyrénaïque, s'il adhère au Pacte Abrahamique, serait entièrement recyclé.

Le souverain Mohammed VI a obtenu des incitations financières mais surtout il a obtenu la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. L'occupation marocaine des territoires sahraouis comme l'occupation israélienne de la Palestine est contraire au droit international et à toutes les résolutions de l'ONU sur l'autonomie et l'autodétermination des peuples. Ce sont là les deux mots que la philosophie lapidaire du pacte abrahamique fait oublier aux Kurdes, ainsi qu'aux Yéménites.

L'autonomie des Kurdes irakiens s’est désormais réduite à une peau de chagrin : le Premier ministre Al Khadimi préfère rencontrer Erdogan dans le cadre d'opérations anti-Pkk que "ses" Kurdes d'Erbil ou de Suleimanya. Ceux de Rojava, alliés des Occidentaux contre l’Etat islamique, avaient déjà payé le prix du sang en 2019, en subissant le retrait américain du nord de la Syrie. La réalité est que tant les Américains que les Européens sont prêts à sacrifier les Kurdes à tout moment si Erdogan garde trois millions de réfugiés chez lui et modère ses revendications en Méditerranée orientale où il se heurte à l'axe France-Grèce-Chypre-Egypte-Israël-Emirats.

Le pacte d'Abraham a également divisé les Yéménites en bons et en mauvais. Selon le Financial Times, avant le 20 janvier, le Département d'Etat américain se préparait à inclure les alliés houthis de l'Iran dans la liste des organisations terroristes. C'est l'une des conditions que l'Arabie saoudite demande, avec le protectorat sur le Yémen, pour la reconnaissance d'Israël, objectif recherché par le prince meurtrier Mohammed bin Salman et jusqu'ici rejeté par le roi Salman.

Mais c'est probablement encore en Irak qu'il faudra s'attendre à de nouvelles opérations des milices pro-américaines et pro-israéliennes anti-iraniennes et anti-chiites. Un récent rapport du Monde le prétend, tout comme le ministre iranien des affaires étrangères Javad Zarif hier. L'année à venir ressemble déjà beaucoup, trop, à celle qui vient de s'écouler.

 

samedi, 09 mai 2020

Quand le Covid-19 contamine le "Pacte du Quincy"...

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Quand le Covid-19 contamine le "Pacte du Quincy"...

par Richard Labévière

Ex: http://prochetmoyen-orient.ch

Le président des Etats-Unis ne conseille pas seulement aux victimes du Covid-19 de se désinfecter les poumons à l’eau de javel, il menace aussi ses grands amis saoudiens de retirer toutes ses troupes de la péninsule arabique, si Riyad ne cesse pas sa guerre des prix du pétrole, de connivence avec la Russie. Dans un appel téléphonique au prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS) – début avril -, Donald Trump a expliqué, en substance, que les pays producteurs devaient réduire l’offre mondiale de pétrole en raison de l’effondrement de la demande consécutive à la pandémie du Covid-19.

Au cours de la conversation téléphonique, Donald Trump aurait à peu près tenu ce langage à MBS : à moins que les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole ne réduisent leurs productions, je ne pourrai empêcher la Chambre des Représentants et le Sénat d’adopter une loi décidant le retrait des soldats américains qui assurent la protection de la monarchie wahhabite.

Apparemment, le prince héritier n’en a pas cru ses oreilles, à tel point – selon Reuters – qu’il aurait demandé à ses collaborateurs de quitter la salle afin de poursuivre la conversion en privé… Le téléphone raccroché, le locataire de la Maison blanche a aussitôt « tweeté » qu’il espérait que le « chef de facto » du royaume réduise la production saoudienne de plusieurs millions de barils !

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Verbatim : « je viens de parler à mon ami MBS d’Arabie saoudite, qui a parlé avec le président Poutine et je m’attends à ce qu’il réduise d’environ 10 millions de barils/jour la production saoudienne et peut-être beaucoup plus. Si cela arrive, cela sera bénéfique pour l’industrie du pétrole et du gaz… ». Dans un « tweet » suivant, il a ajouté : « Si l’Arabie saoudite pouvait diminuer sa production de 15 millions de barils/jour, ce serait une grande et bonne nouvelle pour tout le monde ».

Après avoir déchiré l’accord de la COP-21 de Paris sur le réchauffement climatique, l’accord sur le nucléaire iranien ( signé en format 5 plus un :les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne) du 15 juillet 2015 à Vienne obtenu après quinze ans d’âpres négociations, celui sur les missiles de portée intermédiaire, suspendu le financement de plusieurs agences de l’ONU dont l’OMS tout récemment, fragilisant ainsi toutes espèces d’approches et de négociations multilatérales, Donald Trump donne un sérieux coup de canif à l’un des principaux piliers de la diplomatie américaine en vigueur depuis la fin de la Seconde guerre mondiale : le Pacte du Quincy.

UN PACTE HISTORIQUE DE 75 ANS

Au retour de la conférence de Yalta (14 février 1945), le président des Etats-Unis Franklin Roosevelt convoque le roi Ibn Séoud – le fondateur du royaume d’Arabie saoudite – à bord du croiseur lourd USS-Quincy (CA-71) qui mouille dans le lac Amer, au beau milieu du canal de Suez.

Débattant d’abord de la colonisation juive en Palestine, Roosevelt cherche à obtenir l’appui du roi saoudien en faveur de l’établissement du « foyer national juif en Palestine » que le Royaume-Uni a promis au baron Rothschild par la Déclaration Balfour (2 novembre 1917). Face à un refus catégorique du monarque wahhabite, la discussion glisse ensuite sur la Syrie et le Liban afin d’écarter définitivement la France de ces deux pays.

Enfin, les deux chefs d’Etat abordent la question de l’avenir de la dynastie saoudienne et du pétrole arabe. Traumatisée par le blocus japonais de la Seconde guerre mondiale qui a coupé les Etats-Unis d’un accès aux matières premières – gaz, pétrole et caoutchouc -, la Maison blanche considère désormais que ce type d’approvisionnement relève de la sécurité nationale. Profitant des incertitudes qui pèsent sur l’avenir de la famille Saoud – qui n’a aucune légitimité à gérer les lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine) face à la dynastie historique des Hachémites – Roosevelt propose un premier marchandage « pétrole contre sécurité ». Autrement dit, laissez les compagnies pétrolières américaines exploiter les plus grandes réserves d’hydrocarbures du monde. En contrepartie, les Etats-Unis d’Amérique protégeront le maintien en place et la reproduction de votre dynastie ploutocrate…

ibn-seoud-635677-264-432.jpgL’historien français Jacques Benoist-Méchin (1901 – 1983) relate avec une grande précision comment les deux chefs d’Etat ont noué ce marchandage du siècle. Le résultat de cette discussion s’articule en quatre points : 1) la stabilité de l’Arabie saoudite fait partie des « intérêts vitaux » des États-Unis qui assurent, en contrepartie, la protection inconditionnelle de la famille Saoud et accessoirement celle du Royaume contre toute menace extérieure éventuelle ; 2) par extension, la stabilité de la péninsule arabique et le leadership régional de l’Arabie saoudite font aussi partie des « intérêts vitaux » des États-Unis ; 3) en contrepartie, le Royaume garantit l’essentiel de l’approvisionnement énergétique américain, la dynastie saoudienne n’aliénant aucune parcelle de son territoire. 

Aramco, à l’époque américaine, bénéficie d’un monopole d’exploitation de tous les gisements pétroliers du royaume pour une durée d’au moins soixante ans ; 4) les autres points portent sur le partenariat économique, commercial et financier saoudo-américain ainsi que sur la non-ingérence américaine dans les questions de politique intérieure saoudienne. La durée de cet accord est prévue pour une durée de 60 ans. Ce pacte a été renouvelé pour une nouvelle période de 60 ans, le 25 avril 2005 lors de la rencontre entre le président George W. Bush et le prince héritier Abdallah à Crawford (Texas).

Auparavant dès 1933, le roi wahhabite avait déjà concédé à la Standard Oil of California (SOCAL) une concession de 60 ans concernant l’est de l’Arabie saoudite, concession partagée avec la Texas Oil Company (Texaco) à partir de 1936. Le même accord est étendu en superficie en 1938, intégrant en 1948 la Standard Oil of New Jersey (Esso) et la Standard Oil of New York (Socony) au sein de l’Aramco. Les promesses verbales de Roosevelt concernant le « foyer national juif » – renouvelées par écrit dans une lettre datée du 5 avril 1945 – seront actées par le président Truman, qui va favoriser la fondation d’Israël en 1948.

Depuis la signature de ce pacte, le Pentagone dispose d’unités de ses services spéciaux déployées dans l’ensemble de la péninsule arabique, assurant aussi le fonctionnement d’un véritable « pipeline » pour transférer à prix d’or noir des cargaisons d’armements parmi les plus sophistiqués dont les Saoudiens ne savent pourtant pas se servir, nombre de cargaisons sous emballages plastiques restant dans des entrepôts sous haute surveillance…

Mais cet accord permet surtout aux troupes américaines d’occuper et de « protéger » la reproduction de la ploutocratie wahhabite, favorisant ses initiatives diplomatiques, religieuses et militaires visant l’Iran chi’ite et la prétention géopolitique d’une domination sans partage de l’ensemble des mondes musulmans. Comme l’ont souligné de nombreux chercheurs comme Faouzi Skali et Alain Chouet1, cette politique américaine a favorisé une « wahhabisation » des islams d’Asie et d’Afrique, favorisant aussi l’expansion de l’Islam radical et du terrorisme, également en Europe et en France.

LA FIN DU PETROLE DE SCHISTE AMERICAIN

Selon une note blanche d’un service européen de renseignement : « plusieurs entreprises avaient pris l’engagement d’acheter une grande quantité de pétrole brut West Texas Intermediate à un certain prix. Le prix proposé par les vendeurs semblait bon marché au moment de la signature des contrats. La date de règlement des contrats était le 21 avril 2020. Mais cette fois, les vendeurs ont insisté pour livrer physiquement le pétrole aux acheteurs avant le paiement. Cela a posé un problème. Les acheteurs n’avaient pas la capacité de stockage nécessaire pour accepter le pétrole qu’ils avaient acheté il y a plusieurs mois. Ils ne pouvaient le stocker nulle part. La seule solution était de vendre immédiatement à quelqu’un d’autre. Mais personne n’était intéressé. Tous avaient déjà rempli leurs capacités de stockage. Les sociétés qui avaient l’obligation d’accepter le pétrole des producteurs ont alors proposé de payer d’autres personnes pour prendre leur pétrole. Lorsque le prix a commencé à être négatif, la décision a été prise de proposer un stockage supplémentaire à moins 50 dollars. Finalement, le contrat d’option de Mai du West Texas Intermediate a été clôturé à moins 37 dollars ».

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Pour la première fois de leur histoire, les contrats à terme sur le pétrole West Texas Intermediate (WTI) se sont négociés en valeur négative sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) et le brut américain prévu à la livraison en Mai a perdu 55,90 dollars en une journée pour clôturer à moins 37,63 dollars le baril ! Cette chute vertigineuse est en partie le résultat de la liquidation forcée sur le marché à terme « à tout prix ». En fait, l’effondrement des prix s’explique par l’accroissement des cargaisons bloquées par les raffineries qui réduisent leur production, puisqu’elles ne peuvent vendre leurs produits sur un marché où la demande s’est asséchée à cause de la propagation de la pandémie du Covid-19. Le prix négatif élevé « signifie que le stockage est au maximum de ses capacités », a déclaré Albert Helmig, PDG de la société de conseil Grey House et ancien vice-président du Nymex.

La plupart des grands pays consommateurs sont encore en situation de confinement. Le trafic aérien mondial a diminué de plus de 80 % et la demande d’essence et d’autres produits pétroliers raffinés est faible. Conséquence structurelle majeure pour l’économie américaine : les producteurs de pétrole de schiste ont déjà réduit une partie de leur production, mais ils devront la réduire encore beaucoup plus. Le nombre de plates-formes pétrolières et gazières américaines en activité est passé de plus de 1 000 l’année dernière à 529, la semaine dernière. Elle pourrait tomber en dessous d’une centaine durant les prochaines semaines.

La production de pétrole de schiste nécessite un prix du baril à environ 45 dollars. Actuellement, aucun producteur américain de pétrole de schiste ne peut atteindre ce prix plancher. Tous sont déjà très endettés et envisagent de fermer leurs puits. Une fois fermés, les puits ont tendance à se boucher et nécessiteront d’importants travaux coûteux pour être réouverts. Dans ces conditions, il est peu probable qu’ils soient de nouveau rentables au cours des deux à cinq prochaines années, voire jamais, puisqu’il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que le pétrole brut atteigne à nouveau son précédent pic aux environs de 100 dollars le baril.

Aujourd’hui, la dette totale des producteurs américains de pétrole de schiste est estimée à plus de 200 milliards de dollars. Selon certains experts, cette situation pourrait même engendrer un effondrement du système bancaire américain et la situation de l’Arabie saoudite aggrave ces perspectives !

LA DICTATURE WAHHABITE FRAGILISEE

En effet avec le Covid-19, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour la dictature wahhabite : exacerbation des tensions régionales, enlisement saoudien dans le conflit yéménite (depuis 2015) et guerre des prix du pétrole liée à la récession amorcée par la pandémie.

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Avec un prix du baril qui plafonne aux alentours de 20 dollars depuis Mars, Riyad devrait connaître un accroissement de son déficit budgétaire, déjà estimé à hauteur de 6,6 % de son PIB pour 2020. Début avril, la monarchie a demandé aux agences d’État d’amputer leur budget en cours d’au moins 20 % pour faire face à la baisse du prix du baril. Le budget 2020 avait déjà été revu à la baisse avec une réduction de 8 % des dépenses. En fait, l’Arabie saoudite a besoin d’un prix du pétrole d’au moins 85 dollars le baril pour équilibrer le déficit budgétaire de son gouvernement et d’au moins 50 dollars le baril pour équilibrer les comptes courants. Selon plusieurs prévisionnistes, ces deux déficits vont s’aggraver par rapport au prix actuel du pétrole et le déficit budgétaire notamment sera beaucoup plus important, au moins à hauteur de 15 % du PIB.

L’impact économique du Covid-19 remet en question certaines perspectives du plan « Vision-2030 », en particulier les plans pour NEOM – mégalopole du futur qui devait s’installer dans le Nord-Est saoudien. Les nouvelles politiques du « divertissement » et du « tourisme », pierres angulaires initiales du plan, seront fortement impactées, sinon abrogées.

La dictature wahhabite se trouve ainsi dans une situation très délicate qui n’est pas sans conséquences politiques et géopolitiques. Riyad se retrouve de plus en plus isolé, du moins avec des alliés sur lesquels elle ne peut plus systématiquement compter, dans un environnement toujours plus hostile. Cette évolution explique partiellement pourquoi depuis quelques mois la dictature wahhabite essaie de jouer l’apaisement avec Téhéran et cherche une porte de sortie à la guerre au Yémen.

MBS lui-même a dû revoir à la baisse ses ambitions de transformer la monarchie et de devenir le leader incontesté du monde sunnite. Dans cette conjoncture, il durcit le régime et réprime toute personne ou organisation susceptible de contester son pouvoir personnel. Accusés de trahison, quatre membres de la famille royale ont été arrêtés le mois dernier, dont le dernier frère vivant du roi Salmane – Ahmad ben Abdelaziz – et l’ancien prince héritier Mohammad ben Nayef.

Toujours à cause du Covid-19, la suspension « temporaire » de la omra (le petit pèlerinage) et la possible annulation du hajj (le grand pèlerinage annuel à La Mecque), sont d’autres défis. La défection des quelque deux millions de pèlerins qui étaient attendus en Juillet prochain risque d’affecter la légitimité des Saoud, censés être gardiens des lieux saints. On peut en tout cas s’attendre à une recrudescence d’attaques politiques ciblant personnellement MBS.

MBS avait aussi beaucoup misé sur le prochain G-20 qui devrait se dérouler à Riyad en Novembre prochain. Celui-ci risque d’être annulé ou de se tenir par visioconférence. Mais la dictature wahhabite devra affronter une échéance encore plus décisive avec l’élection présidentielle américaine. Alors que la monarchie pâtit d’une image de plus en plus négative aux Etats-Unis, particulièrement dans le camp démocrate, le prince-héritier devrait beaucoup prier pour une nouvelle victoire de Donald Trump. Dans le cas contraire, le cauchemar pourrait s’avérer de plus grande ampleur pour la dynastie des Saoud.

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LE RETOUR DE L’IRAN ?

La Maison Blanche a déchiré l’accord sur le nucléaire iranien le 8 mai 2018. La semaine dernière, Le New York Times indiquait que les États-Unis veulent maintenant y revenir : « Le secrétaire d’État Mike Pompeo prépare une singulière volte-face affirmant que les États-Unis sont toujours partie prenante à l’Accord nucléaire iranien auquel le président Trump a pourtant renoncé, dans le cadre d’une stratégie complexe visant à faire pression sur le Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il prolonge un embargo sur les armes à destination de Téhéran ou qu’il impose de nouvelles sanctions beaucoup plus sévères contre ce pays… ».

Dans cette perspective, Mike Pompeo est en train de bricoler un plan qui ne peut qu’inquiéter les pays européens : les États-Unis prétendent, en substance, qu’ils restent légalement « partie-prenante » de l’accord nucléaire – mais seulement pour invoquer un « retour à la case départ » qui permettrait de rétablir les sanctions de l’ONU contre l’Iran, les mêmes qui étaient en vigueur avant l’accord. Si l’embargo sur les armes n’est pas renouvelé, les États-Unis feraient valoir leur « droit » de pays membre originel de l’accord. Cette mesure obligerait à rétablir le large éventail de sanctions qui interdisaient les ventes de pétrole et les arrangements bancaires avant l’adoption de l’accord en 2015. L’application de ces anciennes sanctions serait, en théorie, contraignante pour tous les membres des Nations unies.

Désormais pris à son propre piège, l’administration américaine cherche non seulement à imposer de nouvelles sanctions à l’Iran, mais veut forcer Téhéran à renoncer à toute prétention de préserver l’accord de l’ère Obama. Ce n’est qu’en le brisant « de l’intérieur », disent plusieurs hauts fonctionnaires américains, que l’ayatollah Ali Khamenei et le président Hassan Rouhani seraient contraints de négocier un tout nouvel accord conforme aux intérêts de Donald Trump qui a fait de ce dossier l’un de ses principaux arguments électoraux pour l’élection présidentielle de novembre prochain.

Le plan Pompeo ne peut fonctionner. Il n’y aura pas de « retour à la case départ » pour les sanctions et l’Iran s’en tiendra à l’accord. L’option de retour à la case départ fait partie du mécanisme de règlement des différends prévu aux articles 36 et 37 de l’accord. Le site UN Dispatch en donne une brève description : « L’accord … crée un panel de huit membres, appelé « Commission conjointe », qui servira de mécanisme de résolution des litiges. Les membres de ce panel sont les cinq membres du Conseil de sécurité ayant le droit de veto, plus l’Allemagne, l’Iran et l’Union européenne. Il y a huit membres au total. Si une majorité estime que l’Iran a triché, la question est renvoyée au Conseil de sécurité. Aucun pays ne dispose d’un droit de veto ».

Selon l’accord nucléaire le Conseil de sécurité ne peut imposer de nouvelles sanctions. En fait, le Conseil de sécurité doit décider s’il continue ou non à lever les sanctions en vigueur. S’il ne le fait pas, les anciennes sanctions restent en vigueur. Ce cadre évite la perspective d’un veto russe et garantit que si les pays occidentaux pensent que l’Iran triche, les sanctions seront automatiquement réimposées.

Les États-Unis ne participent plus à la « commission conjointe » et ne peuvent donc pas déclencher le processus. Il n’y aura pas non plus de majorité pour soumettre le désaccord au Conseil de sécurité des Nations unies. Dans sa résolution 2231, le Conseil de sécurité des Nations unies a également établi que seuls les participants à l’accord peuvent déclencher un processus de retour en arrière. Le fait que les États-Unis déclarent aujourd’hui être toujours un « État participant » à l’accord sera considéré comme une véritable farce par tous ceux qui se souviennent des remarques de l’administration Trump concernant la décision d’en sortir ! Un diplomate européen de haut rang a déjà rejeté « le plan Pompeo », estimant que celui-ci « était parfaitement farfelu, irréaliste et indécent. On ne peut pas piétiner à longueur de journée le multilatéralisme et, en même temps, lui imposer des virages à 360 degrés ! ».

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L’article du New York Times conclut : « la stratégie de l’administration pourrait bien fonctionner, même si d’autres membres des Nations unies ignoraient cette initiative. A ce moment-là, sur le papier du moins, les Nations Unies retourneraient à toutes les sanctions contre l’Iran qui existaient avant que M. Obama ne signe l’accord avec Téhéran… Pourtant, seuls les participants à l’accord peuvent déclencher un tel processus de retour à la case départ. Or, les États-Unis ne sont plus reconnus en tant que participant effectif ».

Il est peu probable que les pays européens acceptent la dernière initiative de Washington. En janvier dernier, ils ont fait savoir qu’ils déclencheraient le mécanisme de règlement des différends qui prévoit une relance des sanctions, parce que l’Iran a dépassé certaines limites de l’enrichissement d’uranium. L’Iran a répliqué en faisant valoir qu’il était toujours dans les limites de l’accord et a ensuite menacé de quitter le traité de prolifération nucléaire si les Européens continuaient dans cette voie. Depuis, on observe le plus grand silence des Européens, dont plusieurs chancelleries admettent que le bras de fer déclenché par les Américains est en train de tourner à l’avantage de l’Iran.

En effet, à force de vouloir absolument faire rendre gorge à l’Iran – et ce par les moyens les plus tordus -, Washington pousse non seulement Pékin, Moscou et Ankara à soutenir davantage Téhéran, mais aussi les pays européens à se dissocier de cet objectif qui tourne à l’obsession. Plusieurs pays arabes – sunnites -, pas seulement le Qatar, et non des moindres, comme l’Egypte sont aussi en train de ce dissocier de cet « iran-bashing » en train de tourner à l’hystérie.

Un haut-diplomate européen qui a longtemps été en poste a Téhéran conclut : « Comment les Européens pourraient-ils accepter les dernières manipulations de Mike Pompeo alors que Washington leur crache dessus depuis plusieurs mois ! En définitive et malgré les difficultés économiques et politiques qui frappent l’Iran, il se pourrait bien que la pandémie du Covid-19 favorise, à terme, un singulier retour politique et géopolitique de Téhéran… ».

En attendant, bonne lecture. A la semaine et continuez à bien prendre soin de vous.

Richard Labévière
4 mai 2020

1 Alain Chouet : Au cœur des services spéciaux – La menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers. Editions La Découverte, Paris, 2011.

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vendredi, 08 mai 2020

L'Arabie saoudite au bord du désastre économique

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L'Arabie saoudite au bord du désastre économique

par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Comme on pouvait le pressentir, l'épidémie mondiale de coronavirus qui ralentit considérablement la demande de pétrole pose un véritable problème de survie économique au Royaume saoudien.

Celui-ci subsiste essentiellement sur une seule ressources, le pétrole et le gaz dont la nature (Allah ?) l'avait richement doté. Pour réduire cette dépendance, le prince héritier Mohammad bin Salman al Saoud (MBS) avait envisagé de diversifier l'économie. Pour cela, il avait tenté d'y appeler des investisseurs étrangers compétents notamment dans le domaines des nouvelles sciences et technologies. Il avait élaboré à cette fin un plan dit Vision 2030. Mais aujourd'hui il n'a plus les moyens de leur offrir des conditions d'accueil attrayantes.

Ceci d'autant plus que le pétrole saoudien est désormais en compétition avec le pétrole russe. Certes, la Russie souffre aussi de la baisse des cours pétroliers, mais elle dispose d'une économie suffisamment puissante pour ne pas en dépendre. Le roi Salman, père du prince, a prévenu le 19 mars que le Royaume devait se préparer à une bataille très difficile. C'était  peu avant le 26 mars, où il devait présider une réunion du G20, autrement dit des 20 puissances les plus riches du monde. Cette réunion était supposée proposer une politiques internationale permettant de lutter contre le virus. Comme l'on sait, rien de sérieux n'en est sorti.

MBS, sunnite, avait initialement accusé l'Iran chiite d'être à la source de l'épidémie, alors qu'elle en est elle-même durement frappée. Ses proches avaient porté la même accusation contre le Qatar, supposé s'opposer à la Vision 2030. Ce furent ensuite les travailleurs éthiopiens venus chercher de l'emploi à Riyad qui furent suspectés d'être des porteurs du virus. Des milliers d'entre eux furent expulsés, dans des conditions dites inhumaines par les associations.

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Il est vrai que l'Arabie Saoudite est particulièrement victime du coronavirus. Début avril, 200.000 cas ont été identifiés, dont 150 membres de la famille royale, famille il est vrai très nombreuse. Le 6 avril, un couvre-feu a été décrété dans les principales villes. De nombreux magasins alimentaires ont été fermés, provoquant l'inquiétude des milieux populaires. 

De plus le Hajj, pèlerinage annuel que font, au moins une fois dans leur vie, les musulmans aux lieux saints des villes de La Mecque et Médine, en Arabie saoudite, devant se tenir du 28 juillet au 3 août, ne pourra avoir lieu. Ce pèlerinage est traditionnellement une source de profits considérables pour le Royaume. Deux millions de pèlerins étaient attendus. On rappellera par ailleurs que MBS prévoyait la création d'une ville dite futuriste, nommée Neom, à laquelle il espérait pouvoir consacrer 600 milliards de dollar, lesquels rapporteraient des profits bien supérieurs. On devait y trouver, entre autres, des automobiles volantes et des serviteurs robotiques. .

Certes le Royaume dispose de réserves financières considérables, provenant de la vente du pétrole. Mais celles-ci s'épuiseront vite. Malheureusement, selon les observateurs, la crise actuelle aurait semé la panique dans l'esprit de MBS. Perdant son sang-froid, il envisagerait un retour à un nationalisme agressif et à d'autres décisions irrationnelles qui seraient la risée de toute la région, à commencer par l'Iran et la Russie. Il ne pourra espérer aucun appui de Washington, l'allié de toujours, qui affronte bien d'autres nécessités.

 

lundi, 23 mars 2020

Arabie saoudite : le prince héritier frappe la monarchie en plein cœur

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Arabie saoudite : le prince héritier frappe la monarchie en plein cœur

(Jean-Pierre Perrin, Mediapart, 10 mars 2020).

Repris dans prochetmoyen-orient.ch, n° 274, 16/03/2020

Lorsqu’il avait fait arrêter des dizaines de princes, de gouverneurs et de richissimes hommes d’affaires en novembre 2017, un journaliste saoudien, sous couvert d’anonymat, avait comparé le prince héritier Mohammed ben Salmane, alias MBS, à « un nouveau Saddam Hussein ». Si le défunt raïs irakien purgeait sans cesse le parti Baas, en particulier au moment de son accession au pouvoir, le dauphin du roi Salmane procède de même au sein de la famille royale. Cette fois, il a frappé fort en faisant arrêter le propre frère cadet du souverain, le prince Ahmed ben Abdelaziz al-Saoud. Son neveu, Mohammed ben Nayef, alias MBN, qui fut à la fois un ancien prétendant au trône et un tout-puissant ministre de l’intérieur, a été également incarcéré. De même que le frère cadet de ce dernier, Nawaf ben Nayef, ainsi que l’un des fils du prince Ahmad, Nayef ben Ahmed, ancien chef des renseignements de l’armée. Ces arrestations, annoncées vendredi soir par le Wall Street Journal, puis par le New York Times, n’ont pas été démenties par les autorités de Riyad, qui observent un silence total. Une manière d’aveu. Un nombre inconnu d’autres notabilités ont été également appréhendées. Selon le Wall Street Journal, les quatre princes sont accusés de trahison et risquent la perpétuité, voire la peine de mort. Dans un pays où l’opacité est totale, il est difficile de savoir s’il y a eu effectivement complot, si un coup d’État était en cours ou si le jeune prince héritier – il est âgé de 34 ans –, que l’on dit paranoïaque, a simplement voulu éliminer toute opposition de la part de rivaux dans la perspective de la succession du vieux roi Salmane. Âgé de 84 ans, ce dernier est fatigué et malade, souffrant notamment d’Alzheimer. Pourtant, c’est encore lui qui doit signer les décrets d’arrestation quand il s’agit de membres de la famille royale. Mais était-il en capacité de le faire ? « On ne peut pas ne pas avoir d’interrogations à ce sujet, souligne David Rigoulet-Roze, spécialiste du Golfe et directeur de la revue Orients stratégiquesPour permettre au prince héritier de se protéger, on a pris soin de montrer qu’il n’avait pas pris cette décision tout seul, que le souverain était toujours en vie et disposait de toutes ses facultés intellectuelles. Il a ainsi reçu le ministre britannique des affaires étrangères, Dominic Raab, le 5 mars, soit juste avant la purge contre les princes royaux annoncée le lendemain. Et on l’a vu à la télévision d’État AlEkhbariya, deux jours après celle-ci, recevoir des ambassadeurs saoudiens lors d’une cérémonie d’assermentation. » 

Avec cette dernière purge, le vieux roi Salmane laisse son fils accaparer tout le pouvoir. Ahmed ben Abdelaziz et MBN, qui souhaitaient accéder au trône, étaient les deux derniers princes susceptibles de lui faire de l’ombre. Le premier avait été l’un des trois seuls membres du Conseil d’allégeance à refuser l’accession de MBS au titre de prince héritier lors d’une révolution de palais, en 2017. Ce qui surprend le plus, c’est que le souverain ait accepté l’arrestation de son frère germain, appréhendé alors qu’il revenait semble-t-il d’une chasse au faucon. Le prince Ahmed paraissait en effet intouchable. Avec le roi Salmane, il est l’un des deux derniers survivants du clan Soudayri, ce qui lui confère une auréole de prestige et des privilèges innombrables. Ce clan était formé des sept fils de Hassa bint Ahmed al-Soudayri, l’épouse préférée du roi Ibn Saoud, le fondateur, en 1932, de l’Arabie saoudite, qui a eu au total 34 fils. Le prince Ahmed, âgé de 76 ans, fut lui-même brièvement ministre de l’intérieur en 2012, avant d’être limogé et de quitter le royaume. « Il était revenu de Londres en octobre 2018 après l’éclatement du scandale Khashoggi [le journaliste tué et découpé à la scie le 2 octobre 2018 à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul – ndlr], à la suite de ce qui semble avoir été une transaction, laquelle comprenait des garanties sur sa sécurité personnelle. Notamment de la part des États-Unis et du Royaume-Uni. Ce retour aurait donc été paradoxalement favorisé par les conséquences, délétères en termes d’image pour le royaume, de l’assassinat du journaliste. La famille régnante donnait ainsi l’impression de serrer les rangs face à ce scandale sans précédent. Mais on voit à présent que MBS veut faire, le plus rapidement possible, un ultime grand ménage au sein de celle-ci. Il accélère le mouvement en vue d’une prochaine accession au trône », indique David Rigoulet-Roze.

Même si le prince Ahmed gardait un profil bas et ne cherchait sans doute pas à régner, il est probable qu’il a agrégé autour de sa personne les mécontentements au sein de la famille royale, ceux nés de l’assassinat de Jamal Khashoggi, de la mise au pas des princes, de l’accaparement de leur richesse, de l’échec de la guerre au Yémen et de son incapacité à réagir aux missiles iraniens contre les installations pétrolières d’Abqaiq et de Khurais, qui ont montré la vulnérabilité du royaume. Il est possible que MBS ait aussi anticipé une défaite de Donald Trump à la présidentielle américaine. Car, comme le souligne un expert, « MBS, c’est avant tout l’homme de Trump ». La mise en détention de Mohammed ben Nayef étonne également. Ministre de l’intérieur, il avait réussi à casser la branche saoudienne d’Al-Qaïda, obligée pour survivre de se fondre avec la branche yéménite pour devenir Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA). 

À ce titre, il était particulièrement apprécié à la fois par la famille régnante, la CIA et les autres services de renseignement occidentaux. Lui-même, en août 2009, avait survécu par miracle à un attentat et n’avait été que blessé. Cette « baraka », assimilée à un don de Dieu, avait encore renforcé son prestige. Pas auprès de MBS, qui, pour l’affaiblir, faisait courir le bruit qu’il était devenu dépendant aux drogues depuis sa blessure. Les diplomaties européennes auraient aussi préféré que MBN reste le dauphin en titre, ce qu’il a été jusqu’en juin 2017, date à laquelle il fut évincé par un décret du roi Salmane au profit de son fils MBS, et dépouillé de toutes ses fonctions – en plus de diriger le ministère de l’intérieur et la lutte antiterroriste, il était vice-premier ministre. 

Chassé du pouvoir, humilié, assigné à résidence, l’ancien dauphin est donc désormais emprisonné, semble-t-il dans une villa privée, comme les autres princes arrêtés. En fait, les purges dans le royaume ont commencé dès la nomination de MBS comme prince héritier. En avril 2017, elles visent les services de sécurité. Puis viendra celle du 26 février 2018, qui verra le commandement de la défense saoudienne totalement laminé : le chef d’état-major, le général Abdel Rahmane ben Saleh al-Bunyan, ainsi que les chefs de l’armée de l’air et de l’armée de terre sont limogés, probablement pour les échecs subis dans la guerre du Yémen, qui va s’enliser. Entre-temps, il y a eu la purge phénoménale du 4 novembre 2017, qui a vu quelque 200 personnes, dont onze princes, quatre ministres et plusieurs dizaines d’anciens ministres, être appréhendées, enfermées au Ritz-Carlton de Riyad, certaines pendant deux mois, et littéralement essorées d’une grande partie de leurs richesses. Parmi elles, le flamboyant prince al-Walid ben Talal, l’un des plus gros investisseurs dans des compagnies occidentales telles que Citigroup, Twitter, Apple, l’hôtel George-V ou Disneyland Paris, le prince Miteb ben Abdallah, qui était à la tête de la Garde nationale, et le prince Turki ben Abdallah, ancien gouverneur de la province de Riyad. « Avec l’arrestation du prince Nayef ben Ahmed, on voit que ce sont les renseignements militaires qui passent désormais sous le contrôle des hommes de MBS. C’était l’un des derniers secteurs qui n’avait pas été encore affecté par les purges, avec en arrière-plan la question très sensible de la guerre au Yémen. On sait que les principaux responsables saoudiens qui s’opposaient à ce conflit ont été marginalisés ou limogés. Il y a eu des dizaines d’arrestations parmi les officiers de l’armée et au ministère de l’intérieur. À l’évidence, le prince héritier ne veut voir aucune tête qui dépasse. 

À l’intérieur du royaume, beaucoup aujourd’hui sont terrorisés, comme tétanisés. Ils ne prennent même plus le risque de s’exprimer sur les réseaux sociaux, qu’ils savent étroitement surveillés », insiste le même chercheur. Cette ultime purge, brève et brutale, qui donne l’image d’un pays déstabilisé et risque d’effrayer les investisseurs étrangers dont le royaume a tant besoin, s’inscrit dans la stratégie suivie par MBS depuis qu’il est sur les marches du pouvoir. On la voit aussi à l’œuvre dans la nouvelle guerre du pétrole, née de l’échec de la réunion de l’Opep à Vienne, la semaine dernière, et dont l’issue reste incertaine. La stratégie pétrolière du prince héritier, à savoir tailler comme jamais depuis 30 ans dans les prix du brut et augmenter de façon substantielle sa production pour intimider Moscou est assez comparable à la purge entreprise contre les princes. L’expert Julian Lee soulignait lundi sur le site Bloomberg que c’était également la même stratégie que MBS avait développée en 2015 contre le Yémen, où l’opération militaire devait être « rapide et tranchante ». Mais, soulignait le même spécialiste, au Yémen, cette stratégie s’est enlisée et les chances qu’elle réussisse pour le pétrole sont « minces ». Qu’en sera-t-il au sein de la monarchie saoudienne, qui compte quelque 10 000 princes ? Depuis sa prise de facto du pouvoir, MBS semble avoir été visé par plusieurs attentats ou tentatives d’assassinats, qui n’ont jamais été reconnus par le régime et dont certains auraient été ourdis par certains de ces princes. Il y aurait eu une première tentative, en octobre 2017, dans son palais d’Al-Salam, à Djeddah. Puis, une seconde, plus sérieuse, en juillet 2018. Enfin, le 21 avril 2018, il y aurait eu une tentative de coup d’État et un drone aurait même été abattu au-dessus de son palais. Le 19 mars 2018, dans une longue interview dans l’émission « 60 minutes » de la chaîne américaine CBS, MBS avait eu ces mots : « Seule la mort peut m’empêcher de régner. » Une phrase étrange, ambiguë. À plusieurs sens. 

 

dimanche, 15 mars 2020

Haine russo-saoudienne : Fracking the Fracking

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Haine russo-saoudienne : Fracking the Fracking

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Cette nouvelle, à partir d’extraits d’une élision de RT.com, permet d’avoir une bonne idée du climat actuel d’effondrement général, de la façon dont les masques tombent et volent dans tous les sens, de la rapidité avec laquelle les simulacres se vident de toute leur fausse substance... Ici, il s’agit du Professeur Richard D. Wolff, fameux professeur dans toutes les grandes universités US, auteur, économiste, de tendance marxiste, voire Rethinking Marxism, fameux également pour son émission télévisée hebdomadaire Economic Update.

Wolff donne une version qui est de plus en plus favorisée sur la crise pétrolière, qui appréhende l’explication d’une complicité dissimulée entre les Russes et les Saoudiens, dans :le but de la destruction de l’industrie du pétrole de schiste US, – l’industrie dite du Fracking, pour son avidité à fracturer les sous-sols à la chasse au schiste. « Ils[les Russes et les Saoudiens] ont haï cette industrie dès le premier jour »

La description de la situation par Wolff est catastrophique, sinon apocalyptique, mais certes sans grande originalité car qui ne flirte pas avec cette perspective aujourd’hui ? La crise Covit-19 et la crise de la “guerre du pétrole” « sont comme un droite-gauche [asséné par un boxeur] », directement sur le pif de Wall Street, avec suffisamment de force pour dissiper tous les mirages des narrative et faire comprendre que la toute-puissance proclamée “première du monde” de l’économie US n’est rien de moins qu’un simulacre entretenu par les politiciens corrompus et grassement subventionnés pour cette tâche, – simulacre qui n’a pas la moindre base sérieuse, la moindre assise, la moindre fondation.

Le spectacle est donc horrible, de l’effondrement d’une civilisation qui a accepté de devenir la serveuse obéissante du Système, – horrible mais également sublime c’est selon. Ainsi en est-il de la colère des dieux, nous suggère le professeur Wolff, qui nous conduit comme tout expert qui se respecte aujourd’hui sur la terra incognita de l’Effondrement du Système.

... Sur RT.com le 12 mars 2020 : « [L’émission] ‘Boom Bust’ reçoit le professeur Richard Wolff, de Economic Update, pour discuter de la crise pétrolière en cours. Wolff explique que les États-Unis, qui voulaient “l’indépendance énergétique”, ont décidé il y a 10-20 ans de se lancer dans l’industrie de fracturation simplement parce que cela était jugé comme étant rentable.
» “Certes, l’industrie de la fracturation est très coûteuse... mais tout était basé sur l’idée que le prix du pétrole resterait très élevé”, explique Wolff. “Les Saoudiens et les Russes ont été touchés par l'émergence de l'industrie américaine de la fracturation ; ils ont haï cette industrie dès le premier jour parce que c’était un concurrent[jugé déloyal].”
» “L’idée qu'ils se battent entre eux est une illusion“, précise Wolff. “En fait, les Russes et les Saoudiens se battent contre les États-Unis parce qu’en faisant baisser le prix du pétrole, toutes ces compagnies pétrolières américaines de fracturation vont faire faillite. Elles sont finies”.
» Il ajoute que les compagnies pétrolières de la fracturation “ne peuvent pas rembourser leurs dettes et cela plonge le marché du crédit et les banques dans une nouvelle crise que nous commençons à peine à comprendre et qui en fait menace l’ensemble du système financier”.
» “Vous mettez le coronavirus avec le pétrole et vous avez un droite-gauche directement enchaîné qui fait réaliser à la plupart des gens de Wall Street que la description élogieuse de l'économie américaine comme la plus grande du monde était une illusion des politiciens et n'a aucun fondement... »

mercredi, 12 février 2020

Détroit d’Ormuz – Une mission navale européenne…

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Détroit d’Ormuz – Une mission navale européenne…

 
 
par Richard Labévière
Ex: http://www.zejournal.mobi

La dernière provocation américaine d’un soi-disant « plan de paix » israélo-palestinien – qu’il faudrait plutôt qualifier, selon Guillaume Berlat, de « plan de guerre » – ravive les tensions récurrentes dans le Détroit d’Ormuz, véritable couloir stratégique.

Entre Iran et Oman – large de 40 km et long de 63 km – le Détroit voit passer près de 30% du pétrole mondial, ce qui en fait l’un des segments maritimes les plus importants du monde. Principalement dans les eaux territoriales d’Oman, il est organisé en « rails de navigation » empruntés par les supertankers à destination de l’Atlantique, de la mer Rouge et des mers de Chine. L’essentiel des installations pétrolières de la région (raffinage, stockage et transport) borde le golfe dont il est la porte. C’est donc une zone hautement stratégique, qui explique notamment l’importance du budget militaire omanais (10% du PIB, deuxième rang mondial derrière la Corée du Nord). Les intérêts américains dans cet « axe vital du pétrole » sont assurés, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, par la Vème Flotte basée au Bahreïn et appuyés par la base arrière de Diego Garcia[1].

Depuis l’accord conclu le 1er janvier 1975, l’Iran et le sultanat d’Oman assurent – conjointement – la surveillance du libre transit. En réalité, l’essentiel du passage se fait dans la partie omanaise du Détroit, là où se trouvent les eaux les plus profondes et le dispositif de séparation du trafic. Les navires en transit suivent des couloirs de circulation larges de 3 km (l’un dans le sens est-ouest, et l’autre dans le sens ouest-est), séparés par un espace interdit à la navigation sur 3 km. Ces dispositions ont été arrêtées en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (art. 41-42). Par ailleurs, Oman dispose d’une station radar située à la pointe de la péninsule de Musandam pour le contrôle du trafic.

Enjeux pétroliers

Durant la guerre Irak-Iran (1980 – 1988), le Détroit a été plusieurs fois miné par les Iraniens pour faire pression sur les alliés occidentaux de Saddam Hussein – États-Unis, France, Royaume Uni. Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le risque de nouvelles atteintes à la liberté de circulation dans le Détroit ressurgit d’autant que l’Iran dispose, désormais, de missiles de croisière de nouvelle génération. De fait, la géopolitique du Détroit s’est vue modifiée à travers les tentatives de trouver des routes alternatives : les projets de pipeline vers la Turquie pour évacuer la production irakienne vers le nord ; le développement des terminaux sur la côte ouest de l’Arabie saoudite (en mer rouge) ; les plans de contournement via l’Afghanistan et le Pakistan pour charger les pétroliers hors du golfe Persique, quitte à privilégier le pétrole d’Asie centrale au détriment de celui du Golfe ; l’installation par la Chine de bases navales dans l’océan Indien – notamment à Djibouti et à Gwadar au Pakistan, qui pourrait concurrencer le projet de terminal pétrolier américain de Karachi… Ces différentes initiatives traduisent l’intensité de la menace à laquelle s’ajoutent les difficultés de normalisation du terminal de Bassorah (Irak), le plus important de la région.

Les enjeux du Détroit s’étendent aussi à la Turquie, à la Syrie, aux républiques d’Asie centrale – où le Pakistan joue un rôle majeur dans le marchandage énergétique en cours. Ces enjeux expliquent partiellement les excellentes relations que La Russie et la Chine maintiennent avec Téhéran. Les Américains, quant à eux, sont pris au piège. Un rapprochement diplomatique avec l’Iran reste des plus improbables et ils ne peuvent lâcher ni l’Irak, ni l’Afghanistan, ni le Yémen, quand bien même le candidat Trump a promis de faire rentrer ses « Boys » à la maison.

En dépit de cette géopolitique élargie, sinon distendue, il demeure que le Détroit d’Ormuz borde les eaux iraniennes, Téhéran conservant un accès privilégié à cet espace qui demeure un verrou potentiel aux ressources pétrolières les plus importantes du monde. Pour la France, il constitue l’une des charnières de son axe vital Méditerranée/océan Indien à partir duquel notre pays entend élargir et affermir sa grande ambition Indo-Pacifique associant, non seulement l’Inde, mais aussi l’Australie et le Japon.

Eaux tumultueuses

D’une manière générale, les Gardiens de la révolution – qui assurent la surveillance des eaux iraniennes dans le Détroit – sortent régulièrement de leur base militaire du port de Bandar Abbas, avec leurs vedettes rapides (équipées de mitrailleuses, de canons sans recul et de mines dérivantes et mines Ludion[2]) dès qu’un bâtiment militaire croise dans la zone. Plateforme interarmées, le port de Bandar Abbas se situe au niveau du détroit de Clarence, qui la sépare de la grande île de Qeshm par une mangrove naturelle dite « forêt d’Hara », ainsi que des deux îles d’Ormuz et Larak. Malgré l’absence de port naturel, sa localisation géographique en fait l’un des « hubs » portuaires de la zone.

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Le Détroit a été le théâtre de nombreux affrontements, on l’a dit, durant la guerre Irak/Iran (1980 – 1988). Le 18 avril 1988, la frégate américaine USS Samuel B. Roberts est gravement endommagée par une mine iranienne. Les États-Unis, qui soutiennent l’Irak, lancent une opération de représailles sous le nom de code Praying Mantis (mante religieuse). Plusieurs unités navales appuyées par l’aviation embarquée d’un porte-avions, attaquent et détruisent les plates-formes pétrolières iraniennes Sassan et Sirri. Une bataille navale s’ensuit, au cours de laquelle les Iraniens perdent un patrouilleur, une vedette, ainsi que la frégate Sahand. Quatre-vingt-sept militaires iraniens sont tués et plus de trois cents blessés. Cet affrontement est la plus grande bataille navale livrée par les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’Iran saisit la Cour internationale de Justice (CIJ) contre les États-Unis pour la destruction de ses deux plates-formes. Dans son arrêt du 6 novembre 2003, la Cour estime que considérant les circonstances, cette destruction ne pouvait pas se justifier au nom de la légitime défense car elle ne répondait pas aux critères de nécessité et de proportionnalité de la légitime défense en droit international. Cependant, elle repousse la demande iranienne d’indemnisation.

Le 3 juillet 1988, un Airbus de la compagnie aérienne Iran Air est abattu au-dessus du détroit d’Ormuz par un tir de missiles provenant du croiseur américain USS Vincennes. La catastrophe fait 290 victimes civiles, dont 66 enfants. Elle est due à une méprise des militaires américains qui ont cru avoir affaire à un avion militaire iranien.

Le 6 janvier 2008, le gouvernement américain annonce que trois de ses navires de guerre, patrouillant dans le détroit d’Ormuz, ont été menacés par des vedettes rapides des Pasdaran iraniens agissant de manière coordonnée. Les vedettes sont parties après les sommations d’usage. Washington dénonce des manœuvres « provocatrices » commanditées par le gouvernement iranien. Le 29 juin 2008, le commandant des Gardiens de la révolution – Mohammad Ali Jafari – déclare que si l’Iran est attaqué par Israël ou les États-Unis, il fermera le détroit d’Ormuz. Le vice-amiral commandant la Vème Flotte américaine réagit en indiquant qu’une telle mesure sera considérée comme un acte de guerre.

Le 27 décembre 2011, dans un contexte de renforcement des sanctions occidentales contre l’Iran – en raison de son programme nucléaire -, le premier vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi annonce que son pays peut fermer le détroit d’Ormuz en cas de sanctions visant les exportations iraniennes de pétrole. Survenu le 12 mai 2019 au large du port de Fujaïrah (Émirats Arabes Unis), ce qu’on appelle « l’incident du golfe d’Oman » correspond au sabotage de quatre navires (Pétroliers) naviguant dans le golfe d’Oman.

Paris lance la mission « EMASOH »

Dans ce contexte, en janvier dernier, le Quai d’Orsay a annoncé la création d’une nouvelle mission de surveillance maritime dans le Golfe et le détroit d’Ormuz en partenariat avec plusieurs pays de l’Union Européenne (UE). Baptisée EMASOH (pour European-led Maritime Awareness mission in the Strait Of Hormuz), cette mission a pour objet de garantir la liberté de navigation dans le golfe Persique tout en protégeant les intérêts économiques européens et internationaux. Elle ne vise aucun État particulier et cherche à assurer la stabilité de la zone.

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Considérant que l’instabilité politique de la région porte atteinte à la sécurité de la navigation, des navires et des équipages, les pays engagés estiment que cette situation risque de compromettre les échanges commerciaux et l’approvisionnement énergétique, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences économiques dans le monde entier. Communiqué du ministère français des Armées : « les récents événements au Moyen-Orient sont très préoccupants car ils attisent les tensions et accroissent le risque d’un éventuel conflit de grande ampleur, qui aurait des conséquences sur toute la région. Le contexte exige des initiatives de désescalade renforcées pour interrompre la tendance actuelle ».

Cette surveillance maritime sera exercée au travers de moyens aériens et navals et portera sur les activités aériennes et maritimes, civiles et militaires, pour les rendre plus sûres et restaurer la confiance et la sécurité dans la région. Cette mission reste ouverte à la participation de tous les pays désireux de s’investir au profit de la stabilité régionale du Détroit d’Ormuz. Pour l’instant, l’EMASOH réunit : la France, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal. La Belgique a également proposé de fournir des officiers de liaison pour la cellule de coordination installée sur la base française d’Abu Dabi, siège du commandement d’ALINDIEN (Amiral commandant de la zone maritime de l’océan Indien). Le Danemark a été le premier pays à annoncer sa participation : la société danoise Maersk est en effet la première compagnie de transport maritime du monde.

Le déploiement opérationnel se décompose comme suit. La France : la frégate Courbet de la Marine Nationale, qui assure déjà une mission de présence dans la zone, assure le premier mandat de cette mission multilatérale. Le Courbet a souvent été le précurseur d’opérations maritimes de grande ampleur. Il a ainsi été l’un des premiers navires en escorte de l’opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalante au large des côtes de Somalie et du Yémen. Le Danemark fournit depuis le lancement de l’opération un ou deux officiers d’état-major au QG d’EMASOH, à l’état-major français d’Abu Dhabi pour une durée de douze mois. À partir de l’automne 2020, elle mettra à disposition une frégate avec 150 personnes et un hélicoptère, pour une durée de quatre mois. « EMASOH constituera un instrument utile de préservation de la liberté de la navigation en garantissant l’existence d’une coordination appropriée et de mécanismes de partage d’informations entre tous les partenaires actifs dans le domaine, notamment l’industrie maritime. De plus, EMASOH a pour objectif d’encourager la désescalade et de compléter les efforts diplomatiques fondamentaux visant à assurer une stabilité accrue et un dialogue régional ouvert dans un contexte critique », souligne le communiqué du ministère danois des affaires étrangères.

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Les Pays-Bas intégreront également une frégate pour un coût de déploiement estimé entre 10 et 15 millions d’euros. « Assurer un passage libre et sûr pour le trafic maritime dans cette zone est expressément dans notre intérêt » détaille Ank Bijleveld-Schouten. En effet, l’une des principales compagnies pétrolières mondiales, Shell, est anglo-néerlandaise. « La frégate de commandement et de défense aérienne Zr. Ms De Ruyter va partir pour la région du Golfe en janvier » indique le communiqué gouvernemental. Elle sera dotée d’un hélicoptère de transport NH90 – équipé pour la surveillance comme pour les évacuations médicales – et renforcée d’officiers d’état-major supplémentaires à bord. La frégate restera jusqu’en juin sur zone, dans le cadre de cette mission EMASOH.

Vu de Téhéran

Évidemment vu de Téhéran, l’initiative française n’est pas forcément accueillie avec des fleurs. Mais dans la mesure où elle ne comporte pas de dimension étatsunienne, Téhéran en profite habilement pour en faire un pion de sa diplomatie dialectique. Un communiqué récent des Gardiens de la révolution souligne que « le Détroit n’est pas la propriété des États-Unis (…) L’intégrité et la souveraineté des eaux nationales iraniennes doivent être respectées, même si celles-ci bordent une zone d’intense trafic international ».

Malgré les dernières péripéties de la tension Washington/Téhéran, l’Iran n’envisage plus un minage du Détroit d’Ormuz qui impacterait directement les intérêts de son allié stratégique chinois. Selon plusieurs experts pétroliers, 65% des flux énergétiques de la Chine transitent par le Détroit d’Ormuz. Aussi Pékin, comme Washington et les autres pays occidentaux, a le plus grand intérêt à surveiller, sinon à participer directement à la stabilité de ce passage maritime. Du reste, le dossier est évoqué par la Chine et l’Iran lors de leurs échanges réguliers sur leurs intérêts communs de défense et de sécurité. A plusieurs reprises, Téhéran a dû rassurer ses interlocuteurs chinois en leur précisant qu’il n’était plus question désormais de miner le détroit, sauf dans le cas d’une crise majeure qui aboutirait à une confrontation directe avec les États-Unis et/ou Israël.

L’autre intérêt de la diplomatie iranienne est de démontrer que la stabilité de cette zone maritime peut être garantie, non seulement sans la participation des États-Unis, mais avec des pays occidentaux ne partageant pas toujours les mêmes intérêts que ceux de Washington. Et ce n’est pas la première fois que Téhéran cherche à dissocier certains pays européens de leur arrimage traditionnel au parrain américain. Si les experts du ministère iranien des Affaires étrangères savent parfaitement que l’exercice a ses limites et, qu’en dernière instance la solidarité des pays membres de l’OTAN finit toujours par prévaloir, ils ne renoncent pas pour autant à chercher à capitaliser toute espèce de nuances ou de différences entre alliés occidentaux.

Sur cet échiquier de finesses et de complexités diplomatiques, la France occupe une position particulière. Même si Nicolas Sarkozy a ramené la France éternelle dans le Commandement intégré de l’Alliance Atlantique en 2008, les dirigeants iraniens ne désespèrent pas de pouvoir réactiver – sur tel ou tel dossier et selon des circonstances toujours différentes – la dimension gaulliste, sinon gaullienne de la politique étrangère française. Malgré la vaine tentative de rencontre entre les présidents américain et iranien – tentée par Emmanuel Macron lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier -, la relation bilatérale Paris/Téhéran demeure sinusoïdale. Vu de Téhéran, Paris a cautionné l’assassinat ciblé du général Qassem Soleimani et n’a pas clairement désavoué le dernier « plan de paix » américain pour le Proche-Orient, considéré en Iran comme la dernière provocation de Donald Trump.

Liberté des mers

En dépit de ces considérations diplomatiques, énergétiques et militaires, l’avenir de la stabilité du Détroit d’Ormuz touche à la liberté de navigation qui est en jeu non seulement dans le golfe Persique, mais aussi en mer de Chine méridionale, dans les mers d’Azov, Méditerranée et d’ailleurs. Partout, il s’agit d’assurer et de garantir la liberté de navigation sur l’ensemble des mers et des océans de la planète. De manière opérationnelle, il s’agit de maintenir une « posture de vigilance à 360 degrés ».

Parce que dans le contexte de la mondialisation contemporaine, « une course à l’armement naval » ne cesse de s’intensifier, souligne le capitaine de vaisseau Hervé Hamelin : « Les nations voulant compter sont désireuses de disposer d’une Marine de dernier cri, pouvant mettre en œuvre tout l’éventail des moyens modernes, du porte-avions au missile de croisière, en passant par les drones »[3]. Il ajoute : « Un avion de chasse décollant d’un porte-avions croisant dans les eaux internationales dispose aujourd’hui d’un rayon d’action de 1 850 kilomètres. S’y ajoute la mise en service de missiles de croisière à bord des frégates et des sous-marins dont la portée est encore plus impressionnante ».

Il est dans cette perspective indispensable d’améliorer la coordination des différents acteurs, au sein des États, entre les États, entre États et organisations internationales, et entre organisations internationales. Et ce, pour promouvoir le développement des normes internationales et de prévenir les menaces identifiées et à venir.

« Dans cette perspective, Téhéran comme Pékin et Moscou ont compris, semble-t-il, que la mission EMASOH ne leur est pas a priori hostile, que cette mission européenne n’est pas au service de Washington mais bien au service de la liberté des mers dans le golfe Persique », explique un ambassadeur de France, « comme pour la mission Atalante pour la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, EMASOH peut faire la preuve par l’acte d’un non-alignement opérationnel au service de la paix ».

Notes:

[1] Diego Garcia est un atoll de l’archipel des Chagos, dans le territoire britannique de l’océan Indien. L’île principale de l’atoll – Diego Garcia – abrite une base militaire américaine que le Royaume-Uni lui loue.

[2] Mine « Ludion » : mine dont l’immersion est assurée par un système de contrôle hydrostatique qui la maintient à une profondeur prédéterminée.

[3] Hervé Hamelin : « La liberté des mers » – L’ENA hors les murs – numéro 689, avril 2019.

lundi, 30 septembre 2019

Analyse d’un Général français sur les frappes Houties

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Analyse d’un Général français sur les frappes Houties

 
Ex: https://www.katehon.com

À l’annonce des frappes revendiquées par les Houthis et aux diverses questions qu’elles suscitent, je réponds ceci :

Je n’ai aucune raison de mettre en doute la revendication houthie pour les raisons suivantes :

– C’est une action en légitime défense parfaitement compréhensible.

Les territoires tenus par les Houthis sont bombardés quotidiennement depuis près de quatre ans par la coalition initiée et conduite par l’Arabie saoudite sous l’égide des États-Unis et d’Israël et de leurs vassaux occidentaux (France et Royaume-Uni). Face à cette agression, les Houthis, incontestablement soutenus par l’Iran, ont résisté comme ils ont pu, puis se sont organisés.

Ils mènent depuis deux ans des attaques aux drones contre le territoire de leur adversaire principal. Ces attaques à l’intérieur du territoire saoudien sont devenues, au fil du temps, plus précises, plus puissantes, plus fréquentes, plus profondes. Elles sont conduites en « légitime défense » dans le seul but de faire cesser l’agression saoudienne et l’ingérence de la « coalition occidentale » qui, toutes deux, sont meurtrières pour la population yéménite, et illégales car non approuvées par l’ONU. Des frappes houthies au cœur de l’Arabie saoudite ne sont donc pas nouvelles. Elles ont toujours été annoncées avant (sans préciser l’objectif) et revendiquées après.

Accuser l’Iran est d’une stupidité sans nom. Pourquoi l’Iran mènerait-il une attaque illégitime, voire suicidaire à partir de son sol, alors que leur allié houthi peut le faire, en légitime défense, à partir du territoire yéménite ? En outre, tous les mouvements d’objets volants sont suivis avec précision, surtout au Moyen-Orient, tant par les Occidentaux que par les Russes qui disposent des moyens les plus sophistiqués pour le faire (radars, satellites). Je ne parle évidemment pas des Saoudiens qui disposent de tous ces moyens de protection anti-aériens de fabrication US mais qui ne savent peut être pas s’en servir…. Bien sûr, l’Iran a aidé les Houthis à construire leurs drones (ingénieurs, technologies). Peut-être les a-t-il même conseillés pour leur mise en œuvre. Et alors ?

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Après tout, les avions de la coalition saoudienne qui frappent quotidiennement le Yémen et les bombes ou obus qui tuent les Yéménites sont de fabrication US, britannique ou française. Les bateaux qui assurent le blocus maritime du Yémen et réduisent la population yéménite à la famine le sont aussi. Que dire devant un tel constat ?

Ce qui me frappe, c’est la frénésie des fausses accusations occidentales de plus en plus fréquentes et de moins en moins crédibles qui nous sont rabâchées quotidiennement par les médias mainstream. Tout ce qui ne va pas en Europe dans le sens voulu par nos élites dirigeantes, c’est la faute à la Russie (Ukraine, Brexit, élections nationales, affaire Skripal) ; tout ce qui ne va pas en Asie, c’est la faute à la Chine ; tout ce qui ne va pas au Proche-Orient et au Moyen-Orient, c’est la faute à l’Iran ; tout ce qui ne va pas en Amérique du Sud, c’est la faute au Venezuela, etc. On ne construit pas des politiques étrangères solides en imputant aux autres les résultats de ses insuffisances.

Dans les cercles du pouvoir, personne ne semble vouloir s’interroger sur les véritables causes des désordres mondiaux qui crèvent pourtant les yeux. Pour faire simple il s’agit, avant tout, des ingérences néoconservatrices tous azimuts et tous prétextes dans les affaires de pays souverains, ingérences d’une coalition occidentale en déclin qui cherche désespérément à maintenir son hégémonie sur le reste du monde et ses « avantages acquis » au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Au-delà de cette frappe et de ses conséquences en terme d’approvisionnement pétrolier, on peut se demander si cette action houthie ne constitue pas aussi un triple message de l’Iran à l’adresse des États-Unis, de l’Arabie saoudite et du reste du monde.

Le premier message adressé aux USA, et plus largement à la « coalition occidentale », pourrait bien être le suivant :

« Si les Houthis sont parvenus, avec une vingtaine de drones et missiles, et des moyens limités, à frapper des cibles à 1 000 kilomètres de leurs bases, en déjouant “le dôme de fer” saoudien, s’ils sont parvenus à réduire de moitié la production saoudienne de pétrole en une seule attaque, imaginez quel pourrait être le résultat si un grand pays comme l’Iran devait riposter à une “agression” saoudienne ou US avec plusieurs centaines de drones aussi furtifs qu’efficaces. L’Iran 2019 n’est pas l’Irak de 2003. Il est équipé et armé pour un conflit asymétrique et il n’est pas seul. Russie, Chine, Inde notamment coopèrent avec lui. N’oubliez pas que l’équilibre économique du monde est aujourd’hui très fragile et peut être ébranlé à votre détriment. À bon entendeur, salut… »

Ce message est fort, et semble avoir été entendu jusqu’à présent par ses destinataires d’autant qu’il a été appuyé par une action incontestablement efficace et d’ampleur inattendue…

Le deuxième message adressé aux Saoudiens et plus largement aux pays du Golfe, pourrait être le suivant :

« La confiance aveugle que vous avez mise dans les armements occidentaux achetés à grands frais et dans des alliances destinées à protéger vos familles régnantes n’est pas justifiée. Le résultat de la “frappe d’avertissement” houthie montre que ni l’armement, ni le soutien achetés à vos alliés n’ont permis de vous protéger. Cessez donc d’écouter et de suivre ceux qui s’ingèrent dans vos affaires pour leur seul intérêt. La sécurité dans la région du Golfe est l’affaire des pays riverains qui doivent coopérer entre eux et refuser les ingérences intéressées des pays occidentaux. »

Ce message est également fort et a été reçu 5 sur 5 par les Émirats et le Qatar à défaut de l’être encore par la jeune « tête brûlée » d’Arabie saoudite qui surestime les capacités de son pays alors même qu’il est mis en échec par le David yéménite. Un à un, les pays du Golfe reprennent peu à peu le chemin de Téhéran.

Le troisième message iranien adressé au monde entier et qui sera relayé par de nombreux pays « amis » (de l’OCS notamment) pourrait être le suivant :

« Ne confiez pas la direction du monde et votre protection à un État unique qui sème aujourd’hui le désordre et le chaos partout où il s’ingère, qui n’a plus de parole et remet en cause les traités du jour au lendemain, qui agit par la contrainte et les sanctions extraterritoriales, même à l’encontre de ses alliés, et surtout qui n’a plus les moyens militaires classiques adaptés à ses ambitions pour l’emporter dans des conflits asymétriques. Et, pour votre protection anti-aérienne, achetez le S400 russe, plus efficace et moins cher que le Patriote US qui a montré ses limites tant en Arabie saoudite qu’en territoire israélien ».

 

Source : Réseau International

 

L’Iran et l’art de la guerre

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L’Iran et l’art de la guerre

ex: http://www.dedefensa.org

20 septembre 2019 – Six jours après l’attaque terriblement efficace contre les installations de l’Aramco le 14 septembre et l’absence de riposte du Système qui aurait dû immédiatement sanctionner ce crime de lèse-majesté, le paysage commence à s’éclaircir. Il s’agit d’une défaite majeure pour le Système ; peut-être pas encore Waterloo mais au moins la Bérézina qui ouvre irrésistiblement la voie la voie à Waterloo, tout cela très rapide parce que le temps historique devenu métahistorique pourrait être, dans certaines circonstances, bien plus rapide qu’en 1813-1815.

Ce qui est caractéristique de notre époque complètement encalminée dans les illusions technologiques de la postmodernité est ce fait remarquable : ce que nous classons comme une grande date métahistorique, l’attaque contre Aramco, est complètement dépendant des performances et contre-performances de la ferraille technologique dont le Système et son serviteur américaniste sont si complètement férus, et s’avèrent pourtant si complètement les prisonniers à vie et jusqu’à la mort. En effet, l’attaque d’Aramco tend désormais à être unanimement appréciée en termes de ferraille technologique ; en d’autres mots : pourquoi le Parrain américaniste, en termes mafieux s’entend, n’a-t-il rien fait pour prévenir et contrer décisivement l’attaque, et ainsi sauver son valet saoudien ?

Réponse du ministère de la défense russe, d’habitude très peu expansif mais qui , cette fois, sort de sa réserve : « Après l'attaque contre Saudi Aramco, un responsable du ministère russe de la Défense a déclaré que le système Patriot n'était pas conforme aux caractéristiques déclarées.
[...]
» “Les justifications du secrétaire d’État américain [Mike Pompeo]qui a déclaré que ‘parfois, les systèmes antiaériens du monde entier donnent des résultats contradictoires’ n’auraient pu être acceptées que s’il était question d’un seul système Patriot qui défendait concrètement le site attaqué, selon une source au sein du ministère de la Défense. Mais grâce aux États-Unis, l’Arabie saoudite a déployé ces dernières années sur son territoire, surtout dans sa partie septentrionale, un puissant système de défense antiaérienne dans la région à champ de radar ininterrompu.”
» Mike Pompeo avait précédemment évoqué les batteries antiaériennes saoudiennes, qui comprennent le système américain Patriot, en déclarant que ces systèmes ne donnaient pas toujours “le résultat escompté”.
» “Il ne peut y avoir qu’une seule raison: les systèmes Patriot et Aegis tant vantés par les Américains ne sont pas conformes aux paramètres déclarés et n’ont qu’une faible efficacité de lutte contre des cibles aériennes de petites dimensions et les missiles de croisière, a poursuivi le responsable. Ils ne sont tout simplement pas capables de repousser une large utilisation par l’ennemi de moyens d’attaque aérienne dans la réalité du combat.”
» Toujours selon la même source, la frontière septentrionale de l’Arabie saoudite est protégée par 88 batteries de de tir du Patriot. En outre, trois frégates lance-missiles de la Marine américaine dotées du système Aegis contrôlant 100 missiles SM-2 se trouvent dans le Golfe au large des côtes de l’Arabie saoudite. »

patriot-launch-200px.jpgLe Patriot est une bonne vieille histoire (depuis 1976-1984) d’un caractère exceptionnel dans la durabilité et la solidité de la farce déguisée en simulacre. La firme Raytheon, qui en est la mère-nourricière (voir le secrétaire à la défense Esper pour plus d’informations : il y officia pendant dix ans), sort régulièrement une nouvelle version (PAC-1, PAC-2, PAC-3...) après une démonstration des caractéristiques catastrophiques de sa progéniture, assurant alors que ses “défauts de jeunesse” sont corrigés ; il est manifeste qu’il y a eu des changementsentre chaque version par rapport à la précédente, puisque chaque version coûte beaucoup plus cher que la précédente. Les premiers exploits du Patriot datent de la première Guerre du Golfe, puis enchaînant sur la seconde (quelques détails dans ce texte). On rappellera plus en détails, à partir d’un autre texte du 29 juillet 2010, ce passage du type-anecdote, où l’on voit s’opposer l ‘un des très rares hommes politiques israéliens de grande vertu et adversaire de la dépendance d’Israël des USA, l’ancien ministre de la défense Moshe Arens, et le président Bush à propos des exploits du Patriot chargés de protéger Tel-Aviv en 1990-1991, – selon les confidences d’Arens lui-même dans un documentaire sur la Guerre du Golfe :

« Arens s’est toujours signalé par une forte affirmation nationaliste, et, à partir de sa formation d’ingénieur en aéronautique et sa position à la défense, par la transcription de cette position dans la recherche de l’affirmation de la souveraineté nationale au niveau des programmes d’armement, ce qui l’amenait à des conflits avec les USA. Il eut en 1991 un sévère accrochage avec le président Bush-père, au cours d’un entretien. Bush, qui avait une tendresse particulière pour Raytheon et son missile sol-air Patriot, avait été informé par le même Raytheon des performances exceptionnelles du Patriot durant la guerre du Golfe. Ces performances étaient un pur argument de relations publiques mais l’enthousiasme de Bush-père était purement ingénu. Le recevant à la Maison-Blanche, le président parla à Arens en termes dithyrambiques des performances du Patriot dans la défense de Tel Aviv contre des missiles irakiens Scud, lors de la guerre du Golfe. Arens lui répondit, sur un ton glacial, que le taux de réussite des Patriot contre les Scud dans cette occurrence était équivalent à zéro, – aucun Scud intercepté par le moindre Patriot. La réaction du président US fut extrêmement vive et la rencontre tourna à l’aigre. L’anecdote marque la considération de Arens pour les équipements US, et donc permet d’encore mieux entendre sa position d’aujourd’hui vis-à-vis du JSF. »

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On ajoutera bien entendu que les missiles Standard (Standard Missile, ou SM) montés sur les frégates et croiseurs-AEGIS, également cités pour la défense d’Arabie, n’ont pas un pedigree plus glorieux. C’est le croiseur USS Vincennes qui, naviguant en 1988 dans le Golfe pour “protéger la liberté des mers”, repéra grâce à son système AEGIS/Standard un Airbus de la compagnie aérienne civile iranienne et l’identifia aussitôt comme un F-14 Tomcat de la force aérienne iranienne, le détruisant aussi sec en un seul tir de Standard, pour cette fois extrêmement précis : 290 morts civils et pas une seule condoléance ni excuse de l’administration Reagan. 

Tout cela est vite dit et écrit, mais illustre le vrai des capacités habituelles des armes et des systèmes américanistes, essentiellement depuis les années 1980 et encore plus vite depuis la fin de la Guerre froide, avec un déclin vertigineux de toute attention portée à leurs capacités et à leurs performances réelles (essais truqués, évaluations faussées, etc.) et une croyance religieuse des commanditaires (les hommes politiques) et des utilisateurs (les chefs militaires) dans les arguments de relations publiques des firmes productrices. L’attaque de l’Aramco en constitue une démonstration étonnante, au-delà même de ce qu’on pouvait concevoir auparavant s’il s’avère effectivement que pas un seul coup ne fut tenté et tiré contre l’attaque des drones. A ce point du raisonnement, que ces drones soient iranien, houthis ou monégasques importe peu : c’est l’inexistence de la défense qui constitue l’événement fondamental, et cette défense est entièrement américaniste ; elle est, certainement du point de vue quantitatif et très probablement du point de vue “qualitatif” (des équipes US contrôlant les systèmes les plus sensibles), mieux équipée que la plupart des zones stratégiques américanistes elles-mêmes.

Les déclarations de Pompeo à son départ vers l’Arabie sont d’un ridicule à mesure de l’ampleur de l’événement, – en même temps qu’ils donnent une idée de l’impuissance des USA à comprendre la vérité-de-situation, c’est-à-dire leur vérité-de-situation, c’est-à-dire qu’ils sont entraînés dans une spirale d’incapacité, de paralysie, d’effritement, – voire d’entropisation... Se répétant en Arabie, Pompeo a été jusqu’à préciser : « Même les meilleurs systèmes antiaériens du monde entier donnent parfois des résultats décevants », précisant qu’il était à Ryad notamment pour proposer aux Saoudiens des changements et des améliorations dans leur système de défense (sans doute un Patriot PAC-4 à guidage en or massif et beaucoup plus cher ?) ; exactement comme si eux, les Saoudiens, étaient complètement fautifs de l’échec des défenses, à cause de leur propre matériel, de leurs propres technologies, de leur propre méthodologie...

Ce que l’on peut constater au cours ces six derniers jours, c’est l’ampleur de l’écho de l’échec US au niveau militaire aussitôt transcrit en termes politiques sinon métahistoriques dans cette occurrence, tant l’Arabie est perçue à cet égard comme une sous-colonie illettrée, entièrement contrôlée par ces mêmes USA ; en appendice évidemment important, on trouve, quelles que soient les circonstances de l’attaque, la perception de l’affirmation militaro-technologique de l’Iran (et des forces qui lui sont liées, par conséquent), et cela de ses propres capacités pour l’essentiel, tant l’Iran entretient jalousement son autonomie et son indépendance, tant ses liens avec d’autres puissances (la Russie par exemple) sont à mille lieues de la vassalisation réciproque et corrompue entre les USA et l’Arabie, – quasiment d’une autre nature.

Sur ces sujets, on lira quelques paragraphes de la plus récente analyse (de ce jour) d’Alastair Crooke, le directeur de Conflict Forum, qui nous restituent effectivement les grandes significations de l’événement :

« Ce que la frappe de précision a fait, c’est de pulvériser le simulacre des États-Unis se faisant passer pour le “gardien” du Golfe et le garant de la sécurité du flot de pétrole brut alimentant les veines d’une économie mondiale fragile.  Il s’agissait donc d'une frappe de précision visant le paradigme dominant, – et elle a réussi un coup mortel.  Elle a mis en évidence le caractère faussaire des deux affirmations. Anthony Cordesman écrit que “les frappes contre l'Arabie saoudite constituent un avertissement stratégique clair que l'ère de la suprématie aérienne américaine dans le Golfe, et du quasi-monopole américain sur la capacité de frappe de précision, s'estompe rapidement”.
» Les Iraniens étaient-ils directement ou indirectement impliqués ?  Et bien.... ça n’a pas vraiment d’importance.  Pour bien comprendre les implications, il faut comprendre l’événement comme un message commun, venant d'un front commun (Iran, Syrie, Hezbollah, Hash’d a-Shaibi et les Houthis).  Il s’agissait de pulvériser la crise des sanctions au sens large : un tir stratégique (missile) crevant le “dirigeable” sur-gonflé de l’efficacité des tactiques américaines de “pression maximale”. Il fallait retourner la méthode de contrôle du monde par les sanctions et les tarifs et la fracasser littéralement. La Russie et la Chine sont presque certainement d’accord et sans doute applaudissent-ils (discrètement).
» Cette approche comporte des risques évidents. Le message sera-t-il entendu correctement à Washington ? Car, comme le souligne Gareth Porter dans un contexte différent, la capacité de Washington de comprendre, ou de “bien lire” dans “l’esprit” de ses ennemis semble avoir été en quelque sorte perdu, – par impuissance de Washington à éprouver quelque empathie que ce soit pour “l’altérité” (iranienne, chinoise ou russe).  Les perspectives ne sont donc probablement pas très bonnes.  Washington ne “comprendra pas”, au contraire il pourrait en rajouter, avec des conséquences potentiellement désastreuses. Porter écrit :
» “L’attaque d’Abqaiq est aussi une démonstration dramatique de la capacité de l'Iran à surprendre stratégiquement les États-Unis, bouleversant ainsi ses plans politico-militaires. L’Iran a passé les deux dernières décennies à se préparer en vue d'une éventuelle confrontation avec les États-Unis, et le résultat est une nouvelle génération de drones et de missiles de croisière qui donne à l’Iran la capacité de contrer beaucoup plus efficacement tout effort américain visant à détruire ses ressources militaires et de viser des bases américaines à travers le Moyen-Orient.

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» “Le système de défense aérienne de l'Iran a été continuellement mis à niveau, à commencer par le système russe S-300 qu'il a reçu en 2016. L'Iran vient également de dévoiler en 2019 son système de défense aérienne Bavar-373, qu’il considère comme plus proche du système russe S-400, acheté par l’Inde et la Turquie, que du système S-300.
» “Ensuite, il y a le développement par l’Iran d’une flotte de drones militaires, ce qui a incité un analyste à qualifier l’Iran de ‘superpuissance des drones’. Parmi ses réalisations en matière de drones, mentionnons le Shahed-171 ‘drone furtif’ avec missiles à guidage de précision et le Shahed-129, qu'il a conçu à partir du Sentinel RQ-170 des États-Unis et du MQ-1 Predator”.
» Comprendre le message de Porter représente la clef pour comprendre la nature du ‘grand basculement’ qui a lieu dans la région. Les avions robots et les drones, – tout simplement, – ont changé les données fondamentales de la guerre. Les anciennes vérités ne tiennent plus, – il n'y a pas de solution militaire américaine simple pour l'Iran.  
» Une attaque américaine contre l'Iran n'apportera qu'une réponse iranienne ferme, – et une escalade. Une invasion américaine complète, – comme l'invasion de l'Irak en 2003, – n'est plus dans les capacités américaines. »

L’art de la guerre et leur psychologie

... Mais il nous apparaît évidemment, à nous aussi, que “ce que les Américains ne sont plus capables de faire” est en l’occurrence bien plus important que “ce que les Houthis [ou les Iraniens ou les Monégasques] sont capables de faire” ; en quelque sorte, c’est notre “Bye bye FDR” par obligation et par faiblesse, autant que par volonté unilatéraliste de repli : « Non seulement ils ne peuvent plus, mais ils ne veulent plus (à moins qu’ils ne veuillent plus parce qu’ils ne peuvent plus ?)... Bref, et comme disait l’avisé Macron : “Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l'hégémonie occidentale sur le monde.” » 

Le plus dramatique dans ce constat est évidemment ce qui se dit de plus en plus, et qui constitue l’élément fondamental de la psychologie de l’américanisme, cette impuissance totale de l’américanisme pour l’empathie, y compris et surtout cette absence complète d’empathie objective (se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre) pour comprendre ce qui se passe dans “l’esprit” de l’adversaiere. Crooke/Porther le disent précisément : « ...la capacité de Washington de comprendre, ou de “bien lire” dans “l’esprit” de ses ennemis semble avoir été en quelque sorte perdue, – par impuissance de Washington à éprouver quelque empathie que ce soit pour “l’altérité” (iranienne, chinoise ou russe). » Nous serions tentés de proposer une nuance, de taille au demeurant : cette capacité n’a pas été “perdue”, parce que, selon ce que nous croyons de la psychologie de l’américanisme faite d’inculpabilité et d’indéfectibilité et ainsi si parfaitement spécifique, cette capacité n’a jamais existé dans cette psychologie ; la raison étant simplement que, pour la psychologie américaniste et donc exceptionnaliste, l'“autre” ne peut exister sinon bien entendu à être aussitôt gobé et digéré subito presto par l'américanisme.

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Dans l’article qu’il consacre à l’attaque, Pépé Escobar écrit ceci : « Le refrain du renseignement américain selon lequel les Houthis sont incapables d'une attaque aussi sophistiquée trahit les pires courants de l’orientalisme et du “fardeau de l’homme blanc” exprimant le complexe de supériorité [le suprémacisme] de l’homme blanc. » Nous comprenons parfaitement cette affirmation, et ce qu’elle a de justifiée dans le chef de la reconnaissance des capacités des “autres”, sauf pour ce qui est de l’emploi du terme “homme blanc” rejoignant les thèmes LGTBQ à la mode du “suprémacisme de l’homme blanc”. L’histoire de la couleur n’a pas sa place ici ; il s’agit de psychologie et de technologie et, s’il faut parler de “suprémacisme”, alors nous dirions qu’il est question essentiellement, sinon exclusivement pour la séquence en cours qui est infiniment plus importante que l’histoire réécrite et caviardée postmodernistement du colonialisme, de “suprémacisme anglo-saxon” ; ou encore mieux, de “suprémacisme américaniste” (les Anglais s’y mettraient dedans), auquel nombre d’hommes de couleur, Obama en premier et en position de dirigeant suprême, souscrivent avec enthousiasme. Le philosophe de l’histoire, l’Anglais Arnold Toynbee, avait, trois-quarts de siècle avant nous, largement explicité la chose et donné tous les éléments permettant de comprendre la Grande crise actuelle...

Cela bien compris à propos du “suprémacisme anglo-saxon/américaniste” et qui est d’une importance fondamentale, il est bien évident que l’attaque de l’Aramco démontre, – directement ou indirectement qu’importe, – après plusieurs autres événements dans ce sens (de la capture du drone RQ-170 fin 2011 à la destruction du RQ-4C Global Hawk de juin 2019), que l’Iran dispose de capacités technologiques directement opérationnelles d’une ampleur et d’une qualité dont bien peu de puissances peuvent se targuer aujourd’hui. Depuis l’amère défaite de l’armée israélienne face au Hezbollah à l’été 2006, on sait également que des organisations non-étatiques peuvent, dans des guerres classiques d'une réelle impoirtance, s’affirmer comme des puissances d’une dimension d’organisation et de cohésion dont nombre de pays ne disposent pas, et les Houthis ne font ainsi que nous en apporter confirmation...

Bien entendu, on observera, sans guère de surprise, que tous les exemples que nous donnons vont dans le même sens, qui est antiaméricaniste comme on est antiSystème. Il n’y a aucune surprise dans ce constat, dans la mesure où les USA eux-mêmes, par leur folie belliciste et autodestructrice, leur technologisme d’une extrême surpuissance mais parvenu au point de l’autodestruction, nourrissent leurs adversaires des armes et des technologies dont ces adversaires useront contre eux (Blowbackou Janus)sans être infectés par la psychologie de l’américanisme.

Cela signifie que la résistance dans le domaine même qui nourrit l’hybris américaniste (le technologisme) n’a pas cessé d’augmenter, sur le terrain même où cet hybrisse manifeste (le technologisme). Le résultat n’est nullement d’inspirer de la prudence ou de l’habileté manœuvrière aux USA, – choses qui leur sont parfaitement inconnues, – mais plutôt de susciter une incompréhension sans cesse grandissante de “l’autre” (empathie nulle) et un réflexe de plus en plus automatisée dans le sens de la surenchère, de ce que l’on croit être de la surpuissance (de l’hyper-surpuissance) et qui s’avère être de l’autodestruction parce que les moyens de la guerre américaniste sont en chute sidérale pour ce qui est de la capacité opérationnelle véritable (voir également la fable des porte-avions).

... Et parce qu’en face, il y a l’Iran, pays qui maîtrise la technologie suffisamment pour la retourner contre son adversaire, et qui montre une résolution sans faille jusqu’à ne pas craindre d’aller jusqu’au bout. Ce faisant, l’Iran est un chiffon rouge agité avec sa propre habileté devant un taureau épuisé et dont la psychologie est aujourd’hui entrée dans le domaine de la folie. L’“art de la guerre” de l’Iran n’a, finalement, rien à voir fondamentalement avec la maîtrise de la technologies, même s’il passe nécessairement par cette maîtrise, mais avec une attaque directe, centrale et décisive contre le centre matriciel et absolument fécond de la faiblesse de l’ américanisme : sa psychologie.

Il est ainsi par conséquent bien dans le registre des possibilités que la fameuse prédiction du néo-sécessionniste du Vermont Thomas Naylor soit fondée, notamment grâce à la ténacité et la volonté de l'Iran : « Il y a trois ou quatre scénarios de l’effondrement de l’empire. L’un d’entre eux est la possibilité d’une guerre contre l’Iran... » Mais naturellement, cet effondrement n’aurait pas tant lieu sur le champ de bataille, que sur la perspective qu’il y ait la possibilité d’un tel champ de bataille, ce qui produirait à “Washington D.C.” un choc tel qu’effectivement la folie aurait raison de l’empire, – par ailleurs, dans un environnement déjà bien préparé à l’incursion de la folie., – on n’est pas “D.C.-la-folle” sans raison.

mardi, 13 novembre 2018

Apokalypse auf halbem Weg

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Apokalypse auf halbem Weg

 

In seinem neuesten Buch sieht Michael Lüders den Orient am Abgrund. Und spiegelt dabei deutsche Dämonen.

„Armageddon im Orient – wie die Saudi-Connection den Iran ins Visier nimmt“, so der programmatische Titel. Der Autor der beiden Bestseller „Wer den Wind sät“ und „Die den Sturm ernten“ legt damit nach.

Mutig für Moslems

Lüders, so viel zur Person, ist studierter Politologe und Islamwissenschaftler, betreibt eine auf den Mittleren Osten spezialisierte Beraterfirma, ist Autor zahlreicher Sachbücher zu dieser Region, sowie einer Handvoll Romane. Er ist außerdem der Nachfolger Peter Scholl-Latours als Präsident der Deutsch-Arabischen Gesellschaft.

Die emotionale Bindung an die islamische Welt mag erklären, warum sich Lüders mit seinem neuen Buch so weit aus dem Fenster lehnt und gleichzeitig im Rahmen bleibt. „Armageddon im Orient“ ist ein sehr mutiges Buch, allerdings nur im Einsatz für Orient und Islam.

Lüders stellt darin nicht nur die im Untertitel so bezeichnete „Saudi-Connection“ an den Pranger, sondern ebenso in einer für westliche Länder und insbesondere Deutschland ganz außergewöhnlichen Schärfe und Deutlichkeit den jüdischen Einfluß auf die amerikanische Politik.

Von dieser amerikanischen Politik zeichnet er allerdings ein Zerrbild, daß primitiver in keinem Pamphlet gegen die „alten weißen Männer“ zu finden ist. Präsident Trump sei „die Verkörperung eines karikaturhaften Simpels“, dessen Politik der Gipfel der Plutokratie sei, in der reiche Großspender für die entsprechende Summe alles haben könnten. Seine Präsidentschaft sei die unverhüllte Fortsetzung der Privatgeschäfte mit anderen Mitteln.

Beweise?

Aus diesem Grund folgt Lüders Entstehungsgeschichte der Trumpschen Nahostpolitik auch großteils den Spuren von Jared Kushner. Die Geschäfte des jüdischen Schwiegersohns von Trump mögen noch so zwielichtig und seine Parteinahme für Israel noch so offensichtlich sein, Lüders Behauptung, der saudische Boykott Katars sei von Kushner eingefädelt worden, um Katar dafür zu bestrafen, daß sein Staatsfonds eine Verhandlung über die Refinanzierung einer Immobilie der Kushner Company platzen ließ, bedürfte starker Indizien und nicht nur der Spekulation.

Mit zweierlei Maß

Während Lüders seinen Lesern kompetent die politischen Verstrickungen des Orients entwirrt, bleibt die westliche Politik holzschnittartig primitiv: Trump habe sich von Saudis und jüdischen Zionisten kaufen lassen. Eine Betrachtung über die Verbindung von Innen- und Außenpolitik, wie er sie den Ländern des Orients angedeihen läßt, findet nicht statt.

Während er richtigerweise vor den Falschbehauptungen und der Gräuelpropaganda in der westlichen Presse warnt und seinen Lesern den machtpolitischen Hintergrund dieser Berichterstattung vor Augen führt, belegt er Behauptungen über den amerikanischen Präsidenten unreflektiert mit Zitaten aus amerikanischen Zeitungen, die Trump aus hauptsächlich innenpolitischen Gründen seit drei Jahren bis aufs Messer bekämpfen.

Selbst bei Zitaten aus „Fire and Fury“ läßt Lüders jegliche Quellenkritik vermissen. Obwohl es sich beim Autor dieses Buches um den Skandaljournalisten Michael Wolff handelt, gegen dessen Arbeitsweise auch bei früheren Veröffentlichungen erhebliche Vorwürfe erhoben wurden.

Während er immer wieder vor den moralischen Simplifizierungen warnt, mit denen die Propagandapresse die Weltpolitik in Gut und Böse einteilt, hat er am Ende seines Buches einfach die Rollen vertauscht. Nun steht das „anti-schiitische Dreieck“ aus Washington, Tel Aviv und Riad als großer Bösewicht da, während man für die Interessen Assads, Rußlands und des Irans Verständnis aufzubringen habe.

Dieses Messen mit zweierlei Maß hat System. Lüders füllt eine bestimmte Nische aus. Er bietet seinen Lesern scharfe Kritik an dem Narrativ, das uns tagtäglich aus der Mainstreampresse entgegenschallt. Diese Kritik untermauert er mit einer einseitig vereinfachten, aber umso eindringlicheren Beschreibung der Machtfaktoren, die den Mittleren Osten prägen.

Das ist erst einmal nicht schlecht. Aus meiner eigenen Jugenderfahrung kann ich bestätigen, daß dergleichen Literatur gerade bei jungen Menschen geeignet ist, überhaupt erst einmal die Ausbildung eines Bewußtseins zu fördern, das in politischen Tatsachen denkt, anstatt der planmäßigen Verblödung durch unsere politische Bildung zu folgen.

Trotzdem gegen das Eigene

Lüders liefert seinen Lesern aber gleichzeitig etwas, wovon ein Großteil des kritischen politischen Publikums doch nicht lassen will: Jenem schäbigen Überlegenheitsgefühl, daß dadurch entsteht, die eigenen Leute herunterzumachen. Das Selbstbild eines aufgeklärten Kämpfers für die von der eigenen Gemeinschaft Unterdrückten. Es ist die stärkste Triebkraft des etwas unglücklich als „Ethnomasochismus“ bezeichneten Phänomens.

Der Leser bekommt von Lüders ein Gefühl vermittelt, ähnlich demjenigen, daß ein grüner Student hat, nachdem ihm sein Postkolonialismusprofessorx erklärt hat, wie der strukturelle Rassismus Braune und Schwarze überproportional arbeitslos macht.

Am Ende seines Buches fordert Lüders die europäischen Staaten auf, Washington gegenüber entschlossen und einig ihre Interessen zu wahren. Doch diese Interessen bestehen für Lüders nur darin, keine armen Moslems zu bombardieren und keine Flüchtlingsströme abzubekommen, welche den Populismus förderten und der liberalen Demokratie schadeten. Eine sichere Grenze scheint ihm hierfür allerdings keine Lösung zu sein.

Keine eigenen Interessen

Hier liegt der Hund begraben. Lüders kennt keine eigenen Interessen Deutschlands, jedenfalls nicht des deutschen Volkes, allenfalls der Bundesrepublik. Für seine Liebe zur islamischen Welt riskiert er das Todesurteil der westlichen Nachkriegsöffentlichkeit: Antisemit zu sein. Doch bricht er nicht aus dem Opferspiel aus, er nimmt nur die Underdogs unter den Opfern, die Muslime, gegen die jüdischen Edelopfer in Schutz.

Seinem eigenen Nicht-Opfer-Volk fehlt in diesem Schema die Rechtssubjektivität. Ebenso allen anderen westlichen Ländern. Deshalb kann er nicht verstehen, daß der Orient nicht gerade Trumps oberste Priorität ist, er es sich aber nicht leisten kann, jene Republikaner im Kongreß zu verlieren, die bei AIPAC auf der Soldliste stehen. Lüders kommt gar nicht auf den Gedanken, daß ein Amerikaner die geplante Umsiedelung der Palästinenser auf die Sinaihalbinsel bedauern mag, die geplante Umsiedelung von Guatemalteken nach Iowa und Wisconsin hingegen als direkte Bedrohung auffaßt.

Kein Horrorszenario im Orient, sondern nur die Wiedergewinnung unseres Status als eines eigenständigen Rechtssubjekts kann uns die Handlungsfähigkeit zurückgeben, eigene Interessen zu vertreten und unabhängig von dem heuchlerischen Geschrei fremder Interessengruppen zu wahren.

Michael Lüders: Armageddon im Orient, Wie die Saudi-Connection den Iran ins Visier nimmt, München 2018, 272 S., 14,95 €. ISBN 978-3-406-72791-7