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lundi, 30 janvier 2012

Syrie, Egypte: les guerres civiles menacent

Syrie, Egypte: les guerres civiles menacent

Entretien avec Peter Scholl-Latour

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz

Q.: Lors des élections législatives égyptiennes, la parti radical islamiste “Nour” sera le deuxième parti du pays, immédiatement derrière les Frères Musulmans. En êtes-vous surpris?

PSLarabien.jpgPSL: Que les Frères Musulmans allaient constituer le premier parti d’Egypte, ça, nous le savions dès le départ. Ce qui m’a surpris, c’est la force des mouvements salafistes; elle s’explique partiellement par deux faits: d’abord, les petites gens, surtout dans les campagnes, adhèrent à une forme rigoriste de l’islam; ensuite, les salafistes reçoivent appui et financement de l’Arabie Saoudite.

Q.: Les Frères Musulmans ont annoncé qu’ils organiseront un référendum populaire sur le traité de paix avec Israël; cette consultation amènera une majorité d’Egyptiens à rejeter ce traité de paix. Quelles vont en être les conséquences?

PSL: Pour israël, cela créera une situation entièrement nouvelle, où l’état de guerre sera restauré en pratique. Cela signifie que l’armée israélienne devra à nouveau se renforcer le long de la frontière du Sinai: c’est une charge supplémentaire et considérable. Et surtout l’Egypte ira soutenir le Hamas dans la Bande de Gaza, ce qui créera une situation très lourde à gérer pour Israël, surtout si, en Syrie, le régime d’El-Assad tombe et que, au Nord aussi, la frontière cessera d’être plus ou moins sûre.

Q.: Récemment, vous étiez à Damas et vous y avez rencontré El-Assad: quelle est le situation que vous avez observée en Syrie?

PSL: Lorsque j’étais à Damas, tout était absolument calme. Je suis allé me promener et j’ai pu voir quelques manifestations organisées pour soutenir El-Assad. Dans une autre partie de la ville, se déroulait, paraît-il, une manifestation contre El-Assad, où il y aurait eu trois morts. Mais ce genre d’incident est à peine perceptible dans une ville qui compte six millions d’habitants: les magasins étaient ouverts et les Syriens sirotaient comme d’habitude leur café aux terrasses. L’impression que donnait la ville était absolument pacifique; surtout, on ne voyait pas d’uniformes, sans doute parce la police secrète patrouillait en civil.

Q.: La guerre civile menace-t-elle en Syrie, comme le pense la Ligue Arabe?

PSL: Pour partie, on peut dire que la guerre civile sévit déjà, mais elle se limite aux régions frontalières du Nord, le long de la frontière turque. A Homs, la frontière libanaise est toute proche et, au-delà de celle-ci, un mouvement radical islamiste est très actif et offre un appui aux rebelles syriens. La guerre civile, qui éclatera probablement à l’échelle du pays entier, est indubitablement téléguidée depuis l’étranger.

Q.: Et qui incite à la guerre civile en Syrie, et pour quels motifs?

PSL: Dans le fond, l’enjeu n’est pas tant la Syrie. Ce pays est certes géré par une dictature qui n’hésite jamais à faire usage de la violence, mais ni plus ni moins que d’autres dictatures de la région; cependant, il faut savoir que la Syrie a amorcé une certaine coopération avec l’Iran et l’objectif de la manoeuvre en cours est d’empêcher les Iraniens de bénéficier d’un lien territorial, via l’Irak et la Syrie, avec le Hizbollah libanais et de créer ainsi de facto une zone chiite entre l’Afghanistan et la Méditerranée.

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°3/2012 – http://www.zurzeit.at ).

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