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jeudi, 12 avril 2012

Après la mort de Merah le feu couve

Après la mort de Merah le feu couve

Mais nos gouvernants ont la trouille de regarder la réalité en face
Michel Lhomme

Ex: http://metamag.fr/

 

 

Après un siège de 32h, le plus long de toute l’histoire du RAID, Mohamed Merah est mort sous une couverture médiatique sans précédent. L’enseignante de Rouen, "dérangée" nous dit-on -mais comment se fait-il qu’on laisse des professeurs « malades mentaux » devant nos enfants ?- ne voulait pas directement lui rendre hommage par sa minute de silence; mais elle avait dédié une minute de recueillement à la « tuerie médiatique », pour en dénoncer la spectacularisation outrancière. 
 
En pleine campagne électorale, dans une stratégie classique de la tension et de l’agent-bannière, l’affaire de Toulouse, avec ses nombreuses zones d’ombre, a fini, petit à petit, par révéler les carences quotidiennes de l’Etat et peut-être, finalement, comme pour l’attentat de la rue Copernic, se retournera-t-il contre ses réels commanditaires, français ou étrangers. 
 

Une minute de recueillement
 
La fuite des responsabilités des agents de l’Etat à tous les niveaux, la politisation d’opérations techniques qui réclament au contraire la neutralité (présence de Claude Guéant, le Ministre de l’Intérieur sur le théâtre d’opérations !), un certain état de déliquescence dans la surveillance du territoire, avec des armes de guerre qui circulent en toute impunité, un manque criant de moyens en personnel affecté au renseignement intérieur, une succession de peines de petite délinquance non accomplies, l’islamisation radicale des prisons françaises, des policiers occupés à encadrer les meetings ou les déplacements de Sarkozy au lieu de traquer les voyous, une chasse coûteuse aux pédophiles et aux récidivistes sexuels, privilégiée à celle contre les jihadistes suite à des politiques suivistes calquées sur l’émotion judiciaire...  
 
Nicolas Sarkozy donne ton d’une France forte. En réalité à genoux. Même si le président annonce que toute personne se rendant en Afghanistan ou au Pakistan pour y suivre une formation de terroriste sera poursuivi comme tous ceux qui fréquenteraient  des sites  de propagande salafiste. C'est bien, mais pourquoi, seulement maintenant? Que n'y a-t-on pensé plus tôt? Mais surtout, les politiques fréquentent-ils la banlieue ? La page Facebook d’hommage à Mohamed Merah a bien été ouverte et visitée, très rapidement avant sa fermeture. 
 

Un ministre omni-présent
 
Pire, tout le monde devine qu’après l’assassinat du lycée juif de Toulouse, certains musulmans ont fait la fête et que les mêmes ont pleuré, jeudi soir, la mort-martyre de Mohamed Merah. Où ? Qui? Nous ne sommes pas affectés à la surveillance policière mais nous pouvons certifier que ce fut bien le cas, par exemple, dans certains studios de la cité universitaire de Clermont-Ferrand. Pire même, de la part de certains membres, pourtant bien connus, du comité de défense de Wissam el Yamni.   
 
A quand le printemps des banlieues musulmanes?
 
Wissam El-Yamni est ce jeune homme (!) de 30 ans, mort à la suite d’une interpellation, dans la nuit du 31 décembre 2011 au 1er janvier 2012, au quartier de La Gauthière, à Clermont-Ferrand. Il s’amusait à "caillasser" les forces de l’ordre dans un état d’énervement et de surexcitation. Depuis cette nuit tragique de la Saint-Sylvestre, Clermont-Ferrand ne passe quasiment pas un week-end sans un rassemblement à sa mémoire, où l’on peut entendre, ouvertement et sans que d’ailleurs, personne ne s’en inquiète, des discours extrémistes !
 
 
Des comités Wissam El-Yamni se sont constitués dans la banlieue parisienne et le samedi 17 mars, 300 personnes se sont rassemblées, à Clermont-Ferrand, à l'appel du comité "Justice et vérité pour Wissam". "Que celui qui souhaite devenir Président de la République, quel qu'il soit, vienne-nous voir, vienne-nous parler !" scandaient les proches de la victime, en prétextant, enflammés, ne pas vouloir baisser les bras. 
 
La justice, pourtant, suit son cours ; des enquêtes de la police des polices ont très tôt été diligentées, un jugement est même prévu pour avril, mais cela n’empêche pas le comité de soutien "Justice et vérité pour tous" de poursuivre ses actions. Si nous plaçons, ici, au premier plan l’affaire Wissam El-Yamni, dont les médias parlent peu, c’est que sans amalgame, insidieusement, depuis janvier, cette affaire mobilise des comités dans les banlieues dans une discrétion médiatique et politique qui finit par être complice. 
 
Certes, les discours politiques autour de cette affaire sont a priori classiques mais, pour certains observateurs plus perspicaces, le ton des banlieues a changé, les proclamations devenant de plus en plus radicales avec des protestations qu’on situerait, de plus en plus, hors système. A Clermont-Ferrand, les slogans classiques de gauche tels que : "On attend la justice, on attend la vérité, on attend l'égalité", voisinent ouvertement avec des appels à la vengeance « anti-français », à la rébellion et surtout, à la naissance d’un printemps arabe en France, un «printemps des banlieues musulmanes », voulant faire de Wissam, le Bouazizi français. 
 
Mélenchon se voile la face, comme les autres 
 
A notre connaissance, personne, nous disons bien personne, n’a été inquiété après de telles prises de parole publique. Le samedi 17 mars, après une longue intervention orale du secrétaire du comité et un point de la situation fait par les avocats, les personnes présentes ont été conviées à former un "W" et respecter un "die in", en s'allongeant par terre et en faisant le mort en signe de protestation sur un titre de rap enregistré pour Wissam. La famille, toujours pas mise au pas (?!) a remercié le public présent, avant de se rendre, aux côtés des membres du comité, pour échanger avec les personnes venues soutenir leur combat, des personnes venues de la région parisienne, de Lyon, de Marseille... Des actions étaient prévues pour le 6 avril et le 17 avril, c’est-à-dire en pleine campagne électorale, qui exige traditionnellement un devoir de réserve républicain, même pour les familles en deuil !
 
 
 
Alors oui, nous posons la question : de quoi nos gouvernants ont-ils la trouille ? Par exemple, la semaine dernière, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il devait être mis un terme à l'embrigadement islamiste des détenus en prison, alors que les rapports concernant cette réalité sont tellement nombreux qu’on en a même tiré d’excellents films, le tout nouveau "La désintégration", mais aussi "Le prophète" de Jacques Audiard ! 
 
Jean-Luc Mélenchon, préfère, lui, insulter : "Débile", "crétin", "dégénéré", tel était Mohamed Merah ». Admettons ! Mais, il y a tout de même un problème. Une femme, Aïcha, a porté plainte contre le "monstre" (dès 2010!) pour des actes qui auraient largement justifié une haute surveillance. Fou furieux, abruti dangereux et pourtant, pas inquiété quand il montrait à un enfant des gens égorgés par Al-Qaida ! L’affaire Mohamed Merah est un fiasco du RAID, contraint d’arrêter un forcené franco-algérien avec 400 policiers d’élite. 
 
C’est, en fait, surtout le fiasco de toute une politique sécuritaire, impuissante à prévenir la dérive d’un déséquilibré connu de ses services policiers, incapable de mobiliser les alertes des diverses administrations qui l’avaient croisé, aveugle au trafic d’armes de guerre en banlieue, sourd à de réelles menaces (la semaine dernière, une bombe avait  explosé devant l’Ambassade d’Indonésie à Paris, quelques heures avant le procès d’un islamiste à Jakarta). 
 
Le karcher n'a été qu'un pistolet à eau 
 
Plus profondément, ce pourrait être le fiasco de la politique de la peur, de la karchérisation sarkoziste dont la virulence angoissante masque la profonde inefficacité sur le long terme. A moins…  A moins que tout cela ne participe, sous la marque déposée d’Al Quaida-CIA à une simple pression internationale sur les élections d’un pays qui a perdu toute souveraineté, pris en tenaille par l’immigration musulmane et l’électorat juif (la kippa de Alain Juppé lors de l’enterrement en Israël des quatre victimes juives de Toulouse). 
 

Des armes en vente libre !
 
Mais, à Toulouse, il s’est aussi passé autre chose… Nous avions jusqu’alors l'assassin qui touchait des droits d'auteur sur son livre. Nous avons désormais, depuis Toulouse et avec les exécutions de Montauban, le tueur grand reporter de ses propres crimes, metteur en scène de ses nouveaux "idiots utiles" que deviennent les passants, les voisins, les experts en rien et les journalistes. Chacun s’est précipité pour son "quart d'heure de célébrité", à la Andy Warhol. Et on a eu l'impression de voir se transformer, tour à tour sous nos yeux, tueur et journalistes en soupes Campbell, répétées à l'infini, dans une rafale d'images anticipant les rafales de tirs automatiques d’une probable guerre civile ! On a relevé le défaut professionnel des journalistes : ils sont avides de réponses et préfèrent même inventer carrément des réponses lorsqu’ils n’en ont pas (au début de l’affaire, l’accusation portant sur les soldats néo-nazis et toute l’extrême-droite). 
 
Depuis Karl Kraus, on sait bien que le journalisme c’est le commérage, alors que la pensée et l’analyse se nourrissent forcément de silence et reculent les frontières de la question pour mieux la cerner. Le tueur, tué et médiatisé, a ainsi démarré la polémique annoncée, la guerre interne, le polemos civil à venir. Nouveau spectacle, nouveau champ d'auto-destruction du pays. 
 
Guerre civile: en noir et blanc ou en couleurs?
 
Les reporters de guerre ont pourtant montré, depuis longtemps, que l'image pouvait permettre l’analyse, mais à condition de faire silence et d’étudier. De là, nous en venons à parler de la photographie de Merah, la photographie où il sort de sa voiture joueur et malin, photographie diffusée en  boucle jusqu’à plus soif. Il reste, là, un certain sourire qui laisserait presque transparaître l’amitié, la tendresse. Elle rappelle que, dans une France, après tout, en guerre (Afghanistan, Libye, demain Syrie et Iran) et, comme dans toute guerre, les combattants peuvent s’amuser, qu’il y a toujours un repos du guerrier, que le crime politique, la lutte armée (toujours légitime pour un camp !), est forcément un engagement avec un certain sourire d’où, à notre avis, l’évidente efficacité hypocrite des lois répressives promises.
 
 
L'Etat devant ses responsabilités ?
 
La guerre religieuse c’est - et il faudra bien se l’avouer- le sourire des armes d’Allak Akbar ! Un certain sourire sur tous les politiques –ah, le rictus de Sarkozy, même dans les enterrements de soldats « musulmans en apparence »- qui prétendent peser le normal et l'anormal comme les anges du Jugement Dernier pesaient, hier, le Bien et le Mal sur les tympans des cathédrales. Si le Bien c'est l'Amour et, si le Mal c'est la Haine, il semble bien que les légistes de tous poils se trompent de cible et filtrent le moucheron pour mieux digérer le chameau. 
 
Qu’on le veuille ou non, dans certains studios de Clermont-Ferrand et de Fontenay-sous-Bois, Mohamed Merah et ses rodéos en voiture sont devenus des images-icônes. Or, qui dit icône, dit théologie en couleurs. Au Ministère de l’Intérieur, par peur des couleurs, on cache les vidéos filmées et le Président lui-même, en plein meeting, salit la mémoire d’un soldat berbère catholique et de sa famille. 
 
Ce qui est en tout cas certain, c’est que, avec Mohamed Merah, la confusion de la « laïcité positive » et l’Islam de France ont surgi en pleine campagne électorale, au moment où on s'y attendait le moins, où l’on s’efforçait d’éviter la question épineuse des banlieues. 
 
L’Etat est, une fois de plus, mis devant ses responsabilités, alors que toute sa politique sécuritaire des banlieues a consisté, depuis que Nicolas Sarkozy a été ministre de l’Intérieur, à ne pas faire de vagues, à tout cacher, même les kalachnikovs dans les caves. Quand Toulouse découvrait ses islamistes, la France redécouvre ainsi ses banlieues, faites de vols de scooters, d’achat d’armes de guerre, de mosquées clandestines. En pleine commémoration éhontée de l’indépendance algérienne (quid, dans les reportages diffusés, des exactions FLN de l’après-accord d’Evian), nous avons finalement eu « la France algérienne », tandis que les complices de Merah courent toujours et que le père, en Algérie, réclame vengeance !    
 

 

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