jeudi, 04 juin 2015
Le latin? Même le peuple y tient!
Tout a été dit sur les aberrations de la réforme du collège de Mme Vallaud-Belkacem : suppression des classes bilangues, des classes européennes, des options latin et grec, qui permettent d’avancer efficacement avec des groupes homogènes ; généralisation du collège unique, avec un menu pédagogique unique pour tous, alors que nos mauvais classements viennent précisément de la faillite de notre collège indifférencié ; délégation de 20 % des horaires au bon vouloir des chefs d’établissement et des conseils d’administration, ce qui assurera le triomphe des pressions locales de tous ordres ; fuite en avant dans le « pratique » et « l’interdisciplinaire », qui sont peut-être efficaces pour certains élèves, mais pas pour tous (11-15 ans, n’est-ce pas aussi l’âge des idées et des abstractions ?). Comme il est étrange, ce refus de la diversité des intelligences et des aptitudes chez les adeptes de la « diversité ». Mais il doit y avoir une bonne et une mauvaise « diversité ».
Que dire de la défense pitoyable du ministre et du dernier carré socialiste ? Invective et mépris pour les enseignants et les intellectuels contestataires, accusation de racisme contre ceux qui osent s’opposer au ministre, mise au ban de ceux qui commettent le sacrilège de ne pas adhérer à sa réforme et à son idéologie, parution du décret le lendemain d’une journée de grève soutenue par plus de 60 % des Français. Mais il doit y avoir une bonne et une mauvaise liberté d’expression.
Pourtant, un aspect inattendu de la contestation a touché le petit professeur de latin et de grec : c’est l’onde de choc profonde provoquée par cette réforme dans les consciences, et dans les consciences les plus diverses. C’est le coup de fil de ma tante : « Pascal, j’ai honte. J’ai toujours voté socialiste. Mais c’est fini. » Ce sont ces voisins, affligés : « Vous ne croyez pas qu’il y aurait d’autres économies à faire que celles-là ? » Ce sont ces parents d’élèves, ouvriers : « Nous n’en avons pas fait, mais nous voulons qu’il fasse du latin et du grec avec vous, comme ses frères! », etc.
Le pouvoir socialiste, décidément bien aveugle, ne se doutait pas une seconde que l’on se mobiliserait contre cette réforme qui faisait la part belle à des revendications de la droite la plus libérale (autonomie des établissements, diminution massive des horaires et des postes), et la plus inculte (suppression des options latin et grec), et de la gauche la plus extrémiste (les pédagos forcenés et les égalitaristes). Et puis, se disait-il, en pleine période de crise économique et identitaire après les attentats, personne ne se soucierait du collège.
Erreur : un peuple plongé en plein doute ne peut accepter sans ciller qu’on lui coupe une partie de ses racines culturelles, et les rares dispositifs éducatifs efficaces. Le décret a été publié. Tous ces abus de pouvoir sont le symptôme d’un pouvoir aux abois. Et, avec Antigone, nous savons qu’il y a des lois non écrites et des résistances plus fortes que tous les décrets des Créon de la terre.
00:05 Publié dans Actualité, Ecole/Education | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : latin, école, enseignement, éducation, philologie classique, humanités classiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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