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samedi, 26 mars 2016

A la folie des terroristes, une autre folie

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A la folie des terroristes, une autre folie

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015, j’éprouve une étrange sensation. Celle d’assister à des crises de délire dans la presse, les gouvernants et les élites intellectuelles à chaque fois que se produisent des attaques terroristes. Raymond Aron qualifiait de terroriste « une action violente dont les effets psychologiques sont sans commune mesure avec ses résultats purement physiques ».

Nul besoin de s’adonner à une profonde analyse pour voir, à partir de cette définition, que la première chose à faire, devant une action terroriste, est, pour les responsables, de limiter ses effets psychologiques : la peur, des mesures prises dans la panique, des discours grandioses ou grandiloquents sur un état de guerre. Or c’est le contraire qui se passe : tout est fait pour augmenter l’angoisse des populations, à tel point qu’un éditorialiste de la Tribune de Genève parle des citoyens désespérés de démocraties européennes. Les psychiatres vont avoir du pain sur la planche.

Les soldats dans les rues, les logorrhées médiatiques, les appels à une vigilance permanente pour repérer des terroristes, ne peuvent qu’augmenter les effets psychiques dont parle Raymond Aron. On voudrait plaire aux djihadistes qu’on ne ferait pas mieux. On leur donne en effet un statut de révolutionnaires qui luttent contre le monde entier et un tel statut, en plus d’être glorieux, séduit des jeunes un peu partout. Surtout quand la vie se réduit à la gestion de l’idiotie d’une vie privée et rien que privée, sans dimension politique ou patriotique ! Comme le faisait remarquer un journaliste du Guardian, Jason Burke, après les attentats du 13 novembre 2015, « l’État islamique, c’est plus excitant que de travailler au McDonald’s » ! Pourquoi alors ne pas se faire kamikaze ?

Mais que faire, demandera-t-on ? Eh bien, on pourrait au moins commencer par regarder ce qui se passe dans notre monde avant de prétendre le défendre avec de grandes formules creuses. En amplifiant le vide de ces formules, en allant répétant que l’islamisme est un totalitarisme (ce qu’il n’est pas) pour mieux s’aveugler sur ce qui se passe, nous en sommes arrivés à nourrir la folie terroriste avec une autre folie, celle qui consiste à donner un énorme écho médiatique à des assassins. Il me semble que l’énormité de cet écho est assourdissante, mais rares sont ceux qui entendent. Rares mais pas inexistants : Mathieu Guidère, par exemple, qui, hier soir, sur Arte, expliquait qu’on avait tout faux en s’égosillant sur les attentats de Bruxelles. Un peuple libre ne s’égosille pas. Les Anglais sous les bombardements de la Luftwaffe ne se sont pas égosillés. Quand cesserons-nous de nous égosiller ?

Les gouvernants européens ne gouvernent plus rien parce qu’ils sont pénétrés par une idéologie du vivre-ensemble ou des droits de l’homme qui est destructrice du seul vivre-ensemble qui tienne, une communauté politique. Une telle communauté se reconnaît un ennemi et le désigne. Cette désignation n’est pas une déclaration de guerre. Elle consiste à reconnaître des forces potentiellement dangereuses pour une communauté et à prendre les mesures qui s’imposent. Depuis trente ans, ces mesures n’ont pas été prises et aujourd’hui, dans l’affolement, on déclare une guerre tous azimuts. Normal ! Quand on n’a rien fait pendant des années, on bascule dans l’autre extrême, une agitation hystérique qui n’augure rien de bon.

Les attentats sont terribles pour les proches et les familles. Mais ils sont aussi terribles par ce qu’ils révèlent et annoncent. Ils révèlent une rhétorique hystérique, signe d’impuissance politique – ils annoncent une guerre civile si l’islamisme progresse. « Si Dieu décide de détruire, il commence par rendre fou, » écrivait Euripide au 5ème siècle avant Jésus Christ. Nous en sommes presque là. Des deux côtés !

Jan Marejko, 23 mars 2016

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