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lundi, 07 octobre 2024

Et les « Royals » devinrent british…

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Et les « Royals » devinrent british

Pendant la première guerre mondiale, la famille royale britannique, de souche allemande, est devenue les »Windsor »…

Xaver Warncke

Les Anglais tiennent beaucoup à leurs « Royals » et peu d’institutions sont aussi représentatives de la Grande –Bretagne que la famille royale. Mais il y a en fait tromperie sur l’étiquette en ce cas précis. Car la monarchie anglaise n’est pas aussi britannique qu’on ne le croit. Si l’on jette un regard plus pénétrant sur le cas de cette monarchie, celle-ci est bel et bien la seule et unique monarchie allemande qui existe encore en Europe. Alors que le dernier Empereur d’Allemagne a abdiqué en 1918.

Voici les faits : jusqu’à la moitié du 19ème siècle quatre lignées de la haute noblesse allemande se sont incrustées dans la famille régnante en Grande-Bretagne. Les historiens anglais le savent pertinemment bien : ils nous parlent, à ce propos, de « trois invasions » de la noblesse allemande sur l’île.

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La première de ces invasions fut celle de la Maison des Saxe-Cobourg-Gotha. Ce petit duché dans la région frontalière entre la Thuringe et la Franconie était dirigé par une lignée qui pratiqua une habile politique matrimoniale si bien qu’elle devint une dynastie de dimension européenne. En 1840, le Prince Albert de Saxe-Cobourg fut promis à sa cousine, la future Reine Victoria qui devint la régente de cet Empire britannique aux dimensions planétaires, comme nous le narrent les livres d’histoire. Albert resta toute sa vie dans l’ombre de son épouse mais conquit néanmoins le cœur des Britanniques. En témoignent aujourd’hui le « Royal Albert Hall », qui lui doit son nom,  et le monument qui lui est dédié à Hyde Park.

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Georges I.

Mais les politiques matrimoniales des lignées allemandes avaient commencé bien plus tôt sur l’île au-delà de la Manche. Déjà en 1714, les Guelfes du Hanovre s’étaient montrés très actifs en Angleterre. Ils prirent la succession de la dynastie des Stuarts. Cinq rois d’Angleterre, Georges I, Georges II, Georges III, Georges IV et Guillaume IV furent tout à la fois princes électeurs du Hanovre et y dirigèrent les affaires au nom d'une union personnelle guelfe-britannique. Il fallut attendre l’absence d’un héritier mâle et l’accession au trône de Victoria en 1837, pour assister à l’éclipse des Hanovriens et à la montée des Saxe-Cobourg.

Pour être complet, il faut évoquer deux autres lignées princières allemandes qui ont joué un rôle non moins glorieux dans l’histoire de la monarchie britannique. D’abord la lignée hessoise des Battenberg a poussé le Prince Philippe à devenir l’époux de la reine Elizabeth II, si bien qu’il est le grand-père des actuels princes William et Harry. Philippe descend également, côté paternel, de la Maison du Schleswig, une lignée parallèle de la Maison nord-allemande des Oldenbourg.

Pendant la Première Guerre mondiale, les liens qui unissaient depuis des siècles la haute noblesse européenne se sont dissous, au cours de ces quatre années de conflits entre les peuples. Le nom de Battenberg a ainsi cessé d’être accepté en Grande-Bretagne. Il fallait absolument que l’on traduise ce nom en « Mountbatten ».

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Cette transformation ne s’est pas bien passée. Elle ne témoigne pas de la tolérance que l’on prête généralement aux Britanniques. Les Battenberg jouissaient, avant la guerre, d’une très haute estime et avaient accumulé les mérites. Le Prince Ludwig-Alexander von Battenberg servait depuis 1868 dans la marine de guerre britannique et était devenu, à la fin de l’année 1912, amiral et premier Sealord. Il avait dès lors le grade le plus élevé de la Royal Navy.

Ludwig-Alexander von Battenberg avait œuvré à augmenter considérablement les capacités de la flotte britannique et l’avait préparée à une guerre future. Ce fut son grand mérite. Mais cela ne compta plus dès le déclenchement de la guerre en 1914, quand les Allemands devinrent soudain l’ennemi. Une campagne de presse anti-allemande d’une violence inouïe secoua le pays, activée, notamment, par le germanophobe le plus calamiteux de toute l’histoire anglaise : le ministre de la marine d’alors, Winston Churchill (dont le douteux palmarès fut, après la deuxième guerre mondiale, d’avoir ruiné l’Empire). Quoi qu’il en soit, Battenberg, qui n’avait rien à se reprocher, fut démis de toutes ses fonctions le 27 octobre 1914. Il dut même renoncer à son titre de prince et changer son nom.

Mais on ne se limita pas à ce lynchage. Georges V était sur le trône depuis 1910. Il était un homme assez affable mais, lui aussi, avait la marque de Caïn : il avait un nom d’origine allemande.

Le Roi était fort navré d’avoir dû, à son corps défendant, assister à la chute de Battenberg : c’est pourquoi il nomma l’homme tombé en disgrâce membre du « Conseil secret de la Couronne » (Privy Council) et lui conféra le titre de Marquis de Milford Haven. Bien sûr, cette initiative royale alimenta encore plus la rage germanophobe qui sévissait au Royaume-Uni. Le Times n’hésita pas à injurier la Maison royale en l’accusant d’être « déterminée par l’étranger ».

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Le cours ultérieur de la guerre fit que les choses devinrent pires encore. La situation s’aggrava en décembre 1916 avec l’accession aux affaires du premier ministre nationaliste David Lloyd George (tableau, ci-dessus). Lorsque Georges V convia le nouveau chef du gouvernement à présenter son rapport, Lloyd George aurait dit, ironiquement : « Je suis très impatient de savoir ce que mon petit ami allemand va me dire ». Le roi Georges entra alors dans une violente colère. « Il se peut que je ne donne pas l’impression d’être particulièrement authentique mais que je sois maudit si je suis un étranger », aurait-il dit en protestant.

Pendant un an, le Roi tint bon face à la pression de l’opinion publique mais il dut céder. Le 17 juillet 1917, il proclama qu’il abandonnait le nom de la dynastie des Saxe-Cobourg-Gotha pour adopter celui, qui sonne très anglais, de « Windsor ». Le nom était tiré d’un des lieux de résidence de la famille royale, le château de Windsor, construit au début du 14ème siècle dans le Comté de Berkshire situé à la lisière ouest de Londres.

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Le passé « allemand » de la dynastie britannique prenait ainsi fin de manière abrupte. De manière ostentatoire, toutes les bannières de guerre allemandes furent enlevées de la Chapelle Saint-Georges du château. Ce qui est plus important encore : par sa proclamation de juillet 1917, Georges V renonçait officiellement, pour lui et pour tous les descendants de la Reine Victoria, à son nom et à ses titres allemands. Ce ne fut qu’à ce moment-là que la campagne de presse prit fin. D’un jour à l’autre, l’atmosphère changea et Georges V fut à nouveau accepté.

De l’autre côté de la Manche et de la Mer du Nord, l’Empereur Guillaume II, lui aussi petit-fils de la Reine Victoria, commenta avec son sens personnel de l’humour les événements qui venaient de se dérouler en Angleterre : il proposa de changer le titre de la célèbre comédie de Shakespeare « Les joyeuses commères de Windsor » en « Les joyeuses commères de Saxe-Cobourg-Gotha ». A l’heure où j’écris ces lignes, cent ans se sont écoulés depuis la métamorphose des Saxe-Cobourg d’Angleterre en Windsor.

(article tiré de Zuerst, n°8-9/2017).

 

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