Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 18 juin 2025

Sur Eisenhower et son complexe militaro-industriel

552b569b52fa637088d73c6241353ecf.jpg

Sur Eisenhower et son complexe militaro-industriel

Nicolas Bonnal

On est en 1961, année peu rassurante de ma naissance. Premier souvenir télé deux ans après, avec Kennedy à Dallas. Le 17 janvier 1961 Eisenhower fait ce speech, alors que Debord écrit : « …l’année 1961 est certainement le tournant décisif de la guerre froide, un saut qualitatif dont on distinguera plus tard l’immense importance dans le processus de formation d’une société totalitaire cybernétisée à l’échelle planétaire (bio de l’ami Bourseiller, p. 241)  ». L’œuvre de Kubrick va dans le même sens : Folamour, 2001 et Orange cybernétique (ou pharmaceutique)…

Ce discours étonnant a plus de soixante ans et ne cesse de nous étonner. Comment un chef d’Etat US, venu du Pentagone de surcroît, a pu le commettre ? Etait-ce une preuve de bonne foi ou de naïveté, ou un simple piège tendu façon Kennedy aux humanistes qui restaient ? Aujourd’hui il n’y a plus d’humanistes, et tous les chefs d’Etat ont basculé dans le techno-fascisme et les peuples dans l’hébétude, mot-clé qu’on retrouve déjà (ce monde moderne, tout de même…) sous la plume de Mgr Gaume, Tocqueville, Chateaubriand, Drumont, Baudrillard, etc. : bref c’est le maître-mot pour comprendre la civilisation nécro-politique qui s’achève en nous achevant. Alors, pas d’inquiétude.

cf1deb88c237d028d1f387d8789f554d.jpgDebord donc sur cette gentillesse, ce cadeau que nous a fait (nous aurait fait, ne sous-estimons personne) Eisenhower :

« De vieux préjugés partout démentis, des précautions devenues inutiles, et jusqu’à des traces de scrupules d’autres temps, entravent encore un peu dans la pensée d’assez nombreux gouvernants cette compréhension, que toute la pratique établit et confirme chaque jour. Non seulement on fait croire aux assujettis qu’ils sont encore, pour l’essentiel, dans un monde que l’on a fait disparaître, mais les gouvernants eux-mêmes souffrent parfois de l’inconséquence de s’y croire encore par quelques côtés. Il leur arrive de penser à une part de ce qu’ils ont supprimé, comme si c’était demeuré une réalité, et qui devrait rester présente dans leurs calculs ».

Je me souviens, c’est l‘époque de mes dissertations de jeunesse: il allait faire une synthèse pour réconcilier tout le monde. C’est ce que va proposer le vieux président qui s’en va et rappelle (sans rire !) le projet humaniste américain :

« Nous vivons aujourd'hui dix ans après le milieu d'un siècle qui fut le témoin de quatre guerres majeures entre de grandes nations. Trois d'entre elles ont impliqué notre propre pays. En dépit de ces holocaustes l'Amérique est aujourd'hui, la nation la plus forte, la plus influente et la plus productive au monde. S'il est compréhensible que nous soyons fiers de cette prééminence, nous nous rendons pourtant compte que la première place et le prestige des USA ne dépendent pas simplement de notre progrès matériel inégalé, de notre richesse et de notre force militaire, mais aussi de la façon dont nous employons notre puissance dans l'intérêt de la paix dans le monde et de l'amélioration de la condition humaine. »

Il en remet une couche même :

« Au travers de l'aventure d'un gouvernement dans la liberté pour l'Amérique, nos buts premiers ont été de préserver la paix, de stimuler les progrès de la réalisation humaine et d'en faire grandir la liberté, la dignité et l'intégrité parmi les peuples et les nations. Ne pas s'efforcer d'en faire autant serait indigne d'un peuple libre et religieux. Tout manquement dû à l'arrogance, au manque de compréhension ou de promptitude au sacrifice nous infligerait d'ailleurs un grave préjudice moral, ici comme à l'étranger. »

Presque du Leslie Nielsen.

s-l400.png

Puis il y a les ombres au tableau : 

« Mais des menaces, nouvelles de par leur nature ou leur degré, surgissent constamment. Je n'en mentionnerai que deux ici. »

La première est la formation du monstre tératologique militaire :

« Un élément essentiel pour conserver la paix est notre système militaire. Nos bras doivent être puissants, prêt pour une action instantanée, de sorte qu'aucun agresseur potentiel ne puisse être tenté de risquer sa propre destruction. Notre organisation militaire est aujourd'hui sans rapport avec ce que connurent mes prédécesseurs en temps de paix, ou même les combattants de la Deuxième Guerre Mondiale ou de la Guerre de Corée. »

Les chiffres sont déjà énormes :

« Jusqu'au plus récent conflit mondial, les États-Unis n'avaient pas d'industrie d'armement. Les fabricants américains de socs de charrues pouvaient, avec du temps et sur commande, forger des épées. Mais désormais, nous ne pouvons plus risquer l'improvisation dans l'urgence en ce qui concerne notre défense nationale. Nous avons été obligés de créer une industrie d'armement permanente de grande échelle. De plus, trois millions et demi d'hommes et de femmes sont directement impliqués dans la défense en tant qu'institution. Nous dépensons chaque année, rien que pour la sécurité militaire, une somme supérieure au revenu net de la totalité des sociétés US. »

Après, Eisenhower montre que la matrice militaire US couvre le territoire : elle est partout (Castellani a parlé de l’ubiquité de l’Antéchrist…). Et d’évoquer l’influence SPIRITUELLE du lobby :

« Cette conjonction d'une immense institution militaire et d'une grande industrie de l'armement est nouvelle dans l'expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie dans chaque ville, dans chaque Parlement d'Etat, dans chaque bureau du Gouvernement fédéral. Nous reconnaissons le besoin impératif de ce développement. Mais nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications. Notre labeur, nos ressources, nos gagne-pain... tous sont impliqués ; ainsi en va-t-il de la structure même de notre société. »

d5eb7c93e6232a576b0b4e3746a76ffd.jpg

Ici intervient le point important : menace sur la liberté et les « processus démocratiques ». On peut rappeler que tout menace nos libertés : les fous de Bruxelles, l’ONU, les agences mondialistes, les clubs de rencontres au sommet, les GAFAM, etc. Et que le monde multipolaire n’est qu’un leurre : partout règne la dictature militariste technocratique, militariste et cybernétique. Inde, Chine, Pakistan, Russie, Afrique du sud font rire tout le monde. Bizarrement le seul pays où l’on observe une résistance de poids mais maladroite est l’Amérique. Le reste est soumis à l’autoritarisme de l’Angleterre (toujours elle, depuis 1066) et de Bruxelles.

« Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu'elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d'une désastreuse ascension d'un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. »

La résistance cyber vient j’insiste pour les distraits des USA et Eisenhower reprend à son compte la tradition antisystème et libertarienne américaine, inexistante (pour prendre l’exemple le plus dérisoire) en France :

« Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l'énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. »

991b37f4e356e56b7a747a65c6ca1594.jpg

Eisenhower souligne un point important : la recherche a perdu son « air d’innocence ».

« De même la révolution technologique des décennies récentes fut en grande partie responsable des changements radicaux de notre position militaro-industrielle. Dans cette révolution, la recherche est devenue centrale, elle est également plus formalisée, plus complexe, et coûteuse. Une part toujours croissante en est conduite pour, par, ou sous la direction du Gouvernement fédéral. »

Il précise :

« Aujourd'hui, l'inventeur solitaire, bricolant au fond de sa boutique, a été dépassé par des troupes de choc formées de scientifiques dans les laboratoires et des centres d'essai. De la même manière, l'université libre, historiquement source d'idées et de découvertes scientifiques nées dans la liberté, a vécu une révolution dans la conduite de la recherche. En bonne partie à cause des coûts énormes impliqués, obtenir un contrat avec le gouvernement devient quasiment un substitut à la curiosité intellectuelle. »

Il se permet même une brillante formule :

« Pour chaque vieux tableau noir il y a maintenant des centaines d'ordinateurs. »

Ici on dirait qu’il prêche dans le vide en toute connaissance de cause (le monde va réagir, nous allons parier sur le futur, nous redresser, etc.) :
« Un autre facteur de maintien de l'équilibre implique l'élément de temps. Alors que nous envisageons la société future, nous devons - vous et moi et notre gouvernement - éviter la tentation de vivre seulement pour le jour qui vient, pillant pour notre propre aisance, et à notre convenances les précieuses ressources de demain. Nous ne pouvons pas hypothéquer les actifs de nos petits-enfants sans risquer de dilapider également leur héritage politique et spirituel. Nous voulons que la démocratie survive pour les générations qui viennent, non pour devenir le fantôme insolvable de demain. »

Le fantôme insolvable de demain c’est bien ce qu’est devenue l’Amérique de l’American rigolo Trump, non ?

152e6be2ea7894c4ad6cb4eeb111ea41.jpg

Le projet déclaré est humaniste et mondialiste dans le respect des peuples (cf. notre texte sur le discours d’Ulysse S. Grant, 1877) :

« Nous prions pour que les peuples de toutes fois, de toutes races, de toutes nations, puissent voir leurs plus principaux besoins satisfaits. Pour que ceux qui actuellement n'ont pas cette occasion puissent l'apprécier un jour entièrement ; que tous ceux qui aspirent à la liberté puissent en éprouver ses bénédictions spirituelles ; que ceux qui possèdent la liberté comprennent les grandes responsabilités [qu'elle engendre] ; que tous ceux qui sont peu sensibles aux besoins des autres apprennent la charité ; que les fléaux de la pauvreté, de la maladie et de l'ignorance soient amenés à disparaître de la surface de la terre, et que, avec le temps, tous les peuples viennent à vivre ensemble dans une paix garantie par la force du respect et de l'amour mutuels qui les lient. »

Eisenhower (qui était témoin de Jéhovah) évoque cette liaison intéressante entre la liberté et le bienfait spirituel. On rappellera que la liberté a commencé à disparaître partout avec sa proclamation et sa pratique occidentale, en même temps que les bienfaits spirituels. Mais il est bon de souligner ce lien essentiel pour comprendre le messianisme américain à sa grande époque.

« Au travers de l'aventure d'un gouvernement dans la liberté pour l'Amérique, nos buts premiers ont été de préserver la paix, de stimuler les progrès de la réalisation humaine et d'en faire grandir la liberté, la dignité et l'intégrité parmi les peuples et les nations. Ne pas s'efforcer d'en faire autant serait indigne d'un peuple libre et religieux. Tout manquement dû à l'arrogance, au manque de compréhension ou de promptitude au sacrifice nous infligerait d'ailleurs un grave préjudice moral, ici comme à l'étranger. »

7f6419f81de8aaaae3c4e94022702fdc.jpg

L’autre problème est bien sûr la Russie, pardon le communisme (on a bien vu que la disparition du communisme a rendu l’Occident plus fou et dangereux depuis quarante ans maintenant) :

« La progression vers ces nobles buts est constamment menacée par le conflit qui s'empare actuellement du monde. Il commande notre attention entière et absorbe nos êtres mêmes. Nous faisons ici face à une idéologie globale hostile, athée dans son caractère, impitoyable dans ses buts et insidieuse dans ses méthodes. Malheureusement le danger qu'elle présente promet de durer longtemps. Pour y faire face avec succès, nous sont demandés, non pas tant les sacrifices passionnés et transitoires des temps de crise, que ceux qui nous rendront capables de porter sans faillir, sûrement et sans se plaindre le fardeau d'une longue et complexe lutte, dont le prix est la liberté. C'est seulement ainsi que nous resterons, en dépit des provocations, sur le chemin que nous nous sommes fixés vers une paix permanente et l'amélioration du genre humain. »

L’idéologie globale hostile peut être le nationalisme (Eisenhower parla comme on sait de croisade en Europe…), le communisme, l’islamisme, l’hétérosexualité… : l’important est d’avoir un ennemi qui nous permette de ne jamais arriver à destination (la liberté US et ses bienfaits spirituels).

Tout de même quand on compare American rigolo Trump ou Biden à Eisenhower on mesure le chemin parcouru. Et on ne parlera pas de la France.

Le reste est chez Tocqueville et Kubrick : un pouvoir absolu pourvu de la technologie...

Quelques sources :

https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictio...

https://lesakerfrancophone.fr/theodore-kaczynski-enfin-vu...

https://achard.info/debord/CommentairesSurLaSocieteDuSpec...

https://www.amazon.fr/Vie-mort-Debord-Christophe-BOURSEIL...

https://www.amazon.fr/STANLEY-KUBRICK-GENIE-DU-CINEMA/dp/...

https://www.dedefensa.org/article/le-president-grant-et-l...

https://www.dedefensa.org/article/tocqueville-et-la-priso...

 

 

Écrire un commentaire