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jeudi, 14 mars 2024

Louis-Ferdinand Céline et la malédiction du pacifisme

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Louis-Ferdinand Céline et la malédiction du pacifisme : ou pourquoi les vrais pacifistes se font toujours traiter de nazis et de collabos par les humanistes et autres défenseurs des droits

Nicolas Bonnal

On l’a vu avec Trump : les pacifistes sont toujours considérés comme des nazis. Celui qui veut l’humanité cuite au nucléaire (péril chinois, russe, arabo-iranien, nord-coréen, etc.) est le héros humanitaire et démocrate et nobélisable. C’est le Malhuret qui menace tout le monde « pétainiste-poutiniste » ou « wokiste-poutiniste » (et la croisade LGBTQ de Biden et Ursula-Macron alors ? Elle est wokiste la Russie ?) comme il menaçait hier les non-vaccinés.

Mais on ne la refera pas leur république. Elle aime s’envoyer en l’air sur les champs de bataille – et ce depuis le début.

C’est comme ça, on ne discutera pas. On nous fait le coup de Churchill à chaque fois, l’homme qui rasa gratis l’Allemagne, affama l’Inde et livra l’Europe à la Russie soviétique.

On rappelle ce que l’on peut dire sur cette histoire de Céline et du pacifisme.

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Dans le Voyage au bout de la nuit le mot n’apparaît pas.

Dans les pamphlets le mot apparaît et désigne Léon Blum et sa bande, mais ce sont eux bien sûr dit Céline qui veulent la guerre. A la fin de Bagatelles il se dit quand même plus pacifiste que Blum. Le partisan de la paix (Macron, Biden, Malhuret, Valls, BHL) veulent atomiser la Russie ou la repousser (on ne leur a pas encore dit que ce serait difficile ?) jusqu’au Kamtchatka mais c’est parce qu’ils sont pacifistes. En ordonnant à Sarkozy de détruire la Libye, BHL précisait qu’il le faisait parce qu’il détestait la guerre.

Toute ressemblance avec la novlangue, etc.

Après la guerre, Céline se désignera comme pacifiste. Mais les pacifistes sont alors les nazis, comme Charles Lindbergh et les partisans d’America First en Amérique (Hitchcock les accuse de nazis, les pacifistes ricains : voyez mon livre). John T. Flynn reprochera à Lindbergh sa bourde du 11 septembre (tiens, tiens, c’est le jour du honni discours de Des Moines !) lorsque Lindbergh accuse le gouvernement américain, les Anglais mais aussi les Juifs de pousser à la guerre. C’était la fin pour les pacifistes américains, et ils seraient nazifiés ad vitam. Depuis lors toutes les interventions militaires sont jugées favorablement et célébrées en Amérique. C’est le Truman (Harry) chaud qui commence !

Raser et bombarder le monde au nom de la lutte contre la barbarie.

Sinon on est nazi.

Evidemment on pourrait dire que l’on se paie de mots et qu’on n’ira pas loin. Céline encore :

« Si c’était par la force des mots on serait sûrement Rois du Monde. Personne pourrait nous surpasser question de gueule et d’assurance. Champions du monde en forfanterie, ahuris de publicité, de fatuité stupéfiante, Hercules aux jactances. Pour le solide: la Maginot ! le Répondant : le Génie de la Race ! Cocorico ! Cocorico ! Le vin flamboye ! On est pas saouls mais on est sûrs ! En file par quatre ! Et que ça recommence ! »

Céline se trahit le 6 août 1946 (premier anniversaire d’Hiroshima) dans une lettre :

« Si j’ai attaqué les juifs c’est que je les voyais provocateurs de guerre et que je croyais le national-socialisme pacifiste ! ».

C’est vrai que le national-socialisme en a déçu beaucoup après. S’il avait fini l’Angleterre au lieu de s’en prendre à la Russie… Le grand scénariste Dalton Trumbo était opposé à l’intervention contre l’Allemagne jusqu’au 22 juin 41. Il était communiste, et il croyait au pacte germano-soviétique.

Il dit aussi dans une autre lettre notre écrivain :

« Je n’ai jamais été nazi. Je suis un pacifiste et c’est tout. J’ai été antisémite par pacifisme. »

Cela suffit à diaboliser le pacifisme.

D’où les guerres à mort à venir contre la Chine ou la Russie etc.

Trump devra faire guerre ou il sera tué et remplacé : par amour de la paix.

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L’économiste-philosophe-historien-pacifiste juif libertarien Murray Rothbard (foto) souligne cette infamie avec le sourire. Mais c’est hélas somme ça. C’est parce qu’on adore la paix partout qu’on veut la guerre, la guerre universelle. Il faut faire un monde sûr pour la démocratie dit le couillon Wilson qui brise l’Europe et crée en 1918 le soviétisme et les conditions du nazisme. Mais rien ne les arrêtera. On le cite encore et toujours notre Ferdinand furioso :

« Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s’accomplit. »

Pacifisme donc : le mot n’est pas présent dans le Voyage. C’est quand il parle à Lola que notre pacifiste sans le savoir parle le mieux de son refus de la guerre. Il y a le refus de la guerre perso, charnelle, et le refus de la guerre totalitaire, globale (la Deuxième Guerre, la première est encore humaine, elle a encore des relents charnels franco-allemands, c’est celle d’Adenauer et de De Gaulle). Ici Céline parle de la première et il en est bouleversant parce qu’il dit honnêtement qu’il veut sauver sa peau et ne pas mourir pour rien, même s’il va en perdre l’amour de sa belle américaine (il aurait dû se taire peut-être ? Mais il n’a jamais su se taire ce fanfaron avec la Lola) :

« ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir. »

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Ce « Je ne veux plus mourir » est sublime. Mais il fallait dire peut-être à la belliciste yankee : je ne veux pas mourir comme ça ou pour ça (pour la république ou même Jeanne d’Arc car la Lola le bombarde avec Jeanne d’Arc et on utilise alors la figure de Jeanne pour vendre des bons du trésor-guerre en Amérique). Le jeu de la vérité en valait-il la chandelle ? Il n’est pas traité de nazi mais de lâche. Il insiste quand même avec un bon jeu de mots :

— Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom par exemple, Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent Ans ?… Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms ?… Non, n’est-ce pas ?… Vous n’avez jamais cherché ? Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papier devant nous, que votre crotte du matin…

La postérité c’est pour les asticots dira-t-il.

Puis dans un bel élan infinitif notre auteur assène (son prof prisonnier Princhard en fait, l’idole du début du Voyage) :

« Engraisser les sillons du laboureur anonyme c’est le véritable avenir du véritable soldat ! Ah ! camarade ! Ce monde n’est je vous l’assure qu’une immense entreprise à se foutre du monde ! Vous êtes jeune. Que ces minutes sagaces vous comptent pour des années ! »

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Mais finalement on lui laisse quand même le dernier mot parce que c’est Céline et parce qu’il a raison. La guerre démocratique, humanitaire ou pacifiste… la guerre pacifiste est un scandale éternel à l’horizon. Charles Beard l’a dit en Amérique que ce sera « la guerre perpétuelle pour une paix perpétuelle » :

« Les hommes qui ne veulent ni découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, qu’on s’en empare et qu’on les écartèle ! Et les trucide aussi de treize façons et bien fadées ! Qu’on leur arrache pour leur apprendre à vivre les tripes du corps d’abord, les yeux des orbites, et les années de leur sale vie baveuse ! »

Princhard conclut avec infinitifs, accumulation et gradation :

« Qu’on les fasse par légions et légions encore, crever, tourner en mirlitons, saigner, fumer dans les acides, et tout ça pour que la Patrie en devienne plus aimée, plus joyeuse et plus douce ! »

Ils vont faire la guerre à cette Russie (qui est trop molle depuis le début, je suis d’accord avec Craig Roberts, et aura donc enhardi tous les pacifistes démocrates et démocratiques et autres) et on aura les charniers remplis et puis niés, et on aura la Bombe, et on aura la chasse aux collabo-pacifistes.

On sait comment finit Jean Jaurès.

mercredi, 21 février 2024

Sanctions, guerre, châtiment, fin du monde ? « Il suffit d’insister » (Watzlawick)

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Sanctions, guerre, châtiment, fin du monde ? « Il suffit d’insister » (Watzlawick)

par Nicolas Bonnal

L’Occident ne veut plus s’arrêter quel que soit le sujet : sanctions, guerres, guerre mondiale, sanctions, dette, propagande, vaccin, sanctions, Reset, mondialisme, féminisme, antiracisme, immigration sauvage, sanctions toujours (dix-sept doses pour rien), Europe, etc. Et s’il y a des problèmes c’est qu’il n’y a pas assez de tout cela. C’est qu’on n’a pas assez insisté, comme dit le psychologue et humoriste de Palo Alto Paul Watzlawick, qui semble avoir été doté d’une double personnalité.

71V-eyZ0l8L._SL1319_.jpgOn l’écoute (extrait de son extraordinaire « Faites vous-même votre malheur ») :

« Cette formule apparemment toute bête: «il suffit d'insister», est l'une des recettes les plus assurément désastreuses mises au point sur notre planète sur des centaines de millions d'années. Elle a conduit des espèces entières à l'extinction. C'est une forme de jeu avec le passé que nos ancêtres les animaux connaissaient déjà avant le sixième jour de la création... »

La solution souvent n’est plus adaptée; mais au lieu de le reconnaître, on INSISTE. Watzlawick :

« L’Homme, comme les animaux, a tendance à considérer ces solutions comme définitives, valides à tout jamais. Cette naïveté sert seulement à nous aveugler sur le fait que ces solutions sont au contraire destinées à devenir de plus en plus anachroniques. Elle nous empêche de nous rendre compte qu'il existe - et qu'il a sans doute toujours existé - un certain nombre d'autres solutions possibles, envisageables, voire carrément préférables. Ce double aveuglement produit un double effet. D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. »

On répète car on boit du « petit laid » : « D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. »

Le maître autrichien poursuit :

« Ensuite, l'inconfort croissant qui en résulte, joint à la certitude inébranlable qu'il n’existe nulle autre solution, ne peut conduire qu'à une conclusion et une seule: il faut insister. Ce faisant, on ne peut que s'enfoncer dans le malheur. »

Watzlawick redéfinit ce phénomène :

« Ce mécanisme, depuis Freud, assure l'existence confortable de générations de spécialistes qui ont toutefois préféré à notre « il suffit d'insister » un terme de consonance plus scientifique : névrose. »

Ensuite il reformule cette aberration du comportement qui est l’essence du comportement a-pragmatique contemporain :

« Mais qu'importe le terme, pourvu qu'on ait l'effet. Et l'effet est garanti aussi longtemps que l'étudiant s'en tient à deux règles simples. Premièrement, une seule solution est possible, raisonnable, autorisée, logique; si elle n'a pas encore produit l'effet désiré, c'est qu'il faut redoubler d'effort et de détermination dans son application. Deuxièmement, il ne faut en aucun cas remettre en question l’idée qu'il n'existe qu'une solution et une seule. C'est sa mise en pratique qui doit laisser à désirer et peut être encore améliorée. »

Nous allons à la catastrophe. Mais ce n’est pas grave. « Ils » trouveront bien quelque chose…

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samedi, 10 février 2024

La Boétie et la servitude volontaire via la crétinisation et les jeux

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La Boétie et la servitude volontaire via la crétinisation et les jeux

Nicolas Bonnal

La Boétie: « Mais cette ruse de tyrans d’abêtir leurs sujets ne se peut pas connaître plus clairement que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardis, la maîtresse ville de Lydie, et qu’il eut pris à merci Crésus, ce tant riche roi, et l’eut amené quand et soi: on lui apporta nouvelles que les Sardains s’étaient révoltés; il les eut bientôt réduits sous sa main; mais, ne voulant pas ni mettre à sac une tant belle ville, ni être toujours en peine d’y tenir une armée pour la garder, il s’avisa d’un grand expédient pour s’en assurer: il y établit des bordels, des tavernes et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée ».

Il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration. Le peuple n’est pas un gentil innocent, une victime naïve. Le peuple, cette somme d’atomes agglomérés, de « solitudes sans illusions » (Debord) aime naturellement être mené à l’étable ou à l’abattoir. Telle est la leçon de la Boétie qui s’extasie devant la capacité des hommes à s’aplatir devant l’autorité. Idole des libertariens et de Murray Rothbard, l’adolescent s’écœurait lui-même en écrivant ces lignes, en rappelant ces faits:

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« Il n’est pas croyable comme le peuple, dès lors qu’il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu’il n’est pas possible qu’il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu’on dirait, à le voir, qu’il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude. Il est vrai qu’au commencement on sert contraint et vaincu par la force; mais ceux qui viennent après servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. »

Dostoïevski observe dans sa Maison des morts (qui est plutôt une maison des vivants, son roman le plus drôle) que l’on s’habitue en effet à tout. La Boétie:

 « C’est cela, que les hommes naissant sous le joug, et puis nourris et élevés dans le servage, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et ne pensent point avoir autre bien ni autre droit que ce qu’ils ont trouvé, ils prennent pour leur naturel l’état de leur naissance ».

C’est la vraie conspiration dont parle aussi en prison le fasciste non repenti Rebatet: nous nous soumettons au joug de la bagnole, de la salle de bains américaine, des artefacts électroniques. La Boétie explique ensuite comment on développe les jeux, l’esprit ludique, et dans quel but politique :

« Mais cette ruse de tyrans d’abêtir leurs sujets ne se peut pas connaître plus clairement que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardis, la maîtresse ville de Lydie, et qu’il eut pris à merci Crésus, ce tant riche roi, et l’eut amené quand et soi : on lui apporta nouvelles que les Sardains s’étaient révoltés ; il les eut bientôt réduits sous sa main ; mais, ne voulant pas ni mettre à sac une tant belle ville, ni être toujours en peine d’y tenir une armée pour la garder, il s’avisa d’un grand expédient pour s’en assurer : il y établit des bordels, des tavernes et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée. Ces pauvres et misérables gens s’amusèrent à inventer toutes sortes de jeux, si bien que les Latins en ont tiré leur mot, et ce que nous appelons passe-temps, ils l’appellent ludi, comme s’ils voulaient dire Lydi».

Les bordels et les tavernes: comptez le nombre de sites porno sur le web pour voir un peu (Snyder parle de quatre millions); et comparez aux sites anti-conspiration. Vous verrez que nous sommes peu de chose. Un milliard de vues pour une chanson de la Gaga, un million de commentaires…

La Boétie dénonce, politiquement incorrect, l’efféminisation des cités et des Etats soumis à la tyrannie. Elle croît avec la société de services qui nous dévirilise.

« Tous les tyrans n’ont pas ainsi déclarés exprès qu’ils voulussent efféminer leurs gens ; mais, pour vrai, ce que celui ordonna formellement et en effet, sous-main ils l’ont pourchassé la plupart… Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres telles drogueries, c’étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements avaient les anciens tyrans, pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, rendus sots, trouvent beaux ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, s’accoutumaient à servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire. »

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Puis La Boétie compare les méthodes éducatives, et ce n’est pas piqué des vers. Lui aussi promeut et aime Sparte – comme Rousseau et comme d’autres.

« Lycurgue, le policier de Sparte, avait nourri, se dit-on, deux chiens, tous deux frères, tous deux allaités de même lait, l’un engraissé en la cuisine, l’autre accoutumé par les champs au son de la trompe et du huchet, voulant montrer au peuple lacédémonien que les hommes sont tels que la nourriture les fait, mit les deux chiens en plein marché, et entre eux une soupe et un lièvre : l’un courut au plat et l’autre au lièvre. « Toutefois, dit-il, si sont-ils frères ». Donc celui-là, avec ses lois et sa police, nourrit et fit si bien les Lacédémoniens, que chacun d’eux eut plus cher de mourir de mille morts que de reconnaître autre seigneur que le roi et la raison. »

Ensuite La Boétie est encore plus révolutionnaire, il est encore plus provocateur et méprisant pour le populo ; il remarque que, comme sur Facebook, on aime jouer à Big Brother, qu’on aime participer à son propre emprisonnement (empoisonnement) moral et physique – et qu’on paierait même pour. C’est le Panopticon de Bentham à la carte :

« Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes ? »

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Le citoyen participe à sa propre aliénation. Il est collabo, pas victime. On n’a jamais autant payé d’impôts en Amérique ou en France en 2016. L’Etat n’a jamais été aussi dominateur. Quant au monstre froid européen… No comment.

Mais on en redemande.

Puis le jeune auteur parle des réseaux de la tyrannie qui sont sur une base de six, comme le web (WWW_666, voyez mon livre republié). On pense à Musset et à Lorenzaccio qui eux-mêmes répètent déjà la redoutable antiquité gréco-romaine :

« Toujours il a été que cinq ou six ont eu l’oreille du tyran, et s’y sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ont été appelés par lui, pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et communs aux biens de ses pilleries. Ces six adressent si bien leur chef, qu’il faut, pour la société, qu’il soit méchant, non pas seulement par ses méchancetés, mais encore des leurs. Ces six ont six cents qui profitent sous eux, et font de leurs six cents ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent sous eux six mille, qu’ils ont élevé en état, auxquels ils font donner ou le gouvernement des provinces, ou le maniement des deniers, afin qu’ils tiennent la main à leur avarice et cruauté et qu’ils l’exécutent quand il sera temps…".

Nicolas Bonnal

Bibliographie:

La Boétie _ Discours sur la servitude volontaire

Nicolas Bonnal – Les grands auteurs et la théorie de la conspiration ; internet et les secrets de la globalisation (amazon.fr)

18:54 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tyrannie, philosophie, la boétie, nicolas bonnal | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 24 janvier 2024

« J’ai peur que l’humanité n’avance plus » : quand Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire

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« J’ai peur que l’humanité n’avance plus »: quand Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire

Nicolas Bonnal

C’est dans un chapitre de la Démocratie, of course : « Pourquoi les grandes révolutions deviendront rares. » Ici Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire au sens de Fukuyama : on laisse de côté le Grand Jeu (qui est devenu petit) de la géopolitique et on constante l’émergence d’un citoyen mondial, homme de confort et de médias, celui qu’entrevoient à la même époque (revoyez mes textes) Poe, Thoreau, Balzac ou Baudelaire. Qu’il soit Chinois ou Russe (ces Américains pauvres, comme disait Kojève) n’importe pas : c’est la même mouture d’homme limité spirituellement et dépendant de l’Etat moderne et de son autoritarisme forcené (voir Jouvenel ou Günther Anders) ; Etat qui sait le tenir en le tenant par ses aspirations au confort. Revoyez la scène centrale de du grand film de Jewison, Roller Ball, quand Maud Adams explique à James Caan que la civilisation c’est le confort, qu’on ne saurait donc y renoncer. Deux fois James Bond girl (L’Homme au pistolet d’or et Octopussy), Maud Adams sait de quoi elle parle.

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Tocqueville donc prévoit (comme l’étonnant et ignoré Cournot, voyez mes textes) la fin des révolutions (avènement des pseudo-révolutions de droite ou de gauche) et ce règne du citoyen confortable, toujours soumis, non encore doté de sa télé :

« Je tremble, je le confesse, qu’ils ne se laissent enfin si bien posséder par un lâche amour des jouissances présentes, que l’intérêt de leur propre avenir et de celui de leurs descendants disparaisse, et qu’ils aiment mieux suivre mollement le cours de leur destinée, que de faire au besoin un soudain et énergique effort pour le redresser. »

La France n’a plus connu que des pseudo-révolutions après la Grande qui a amené le règne bourgeois. Et ce système s’est accommodé de la République. Et paradoxalement donc Tocqueville redoute la fin des révolutions :

« Oserais-je le dire au milieu des ruines qui m’environnent ? Ce que je redoute le plus pour les générations à venir, ce ne sont pas les révolutions. »

Le présent permanent arrive parce que le but de la vie est matérialiste et médiocre dans une société que Tocqueville croit devenir égalitaire (rappelons que les 500 ultra-riches possèdent aujourd’hui 43% du PNB contre 6% en 2000) :

« Si les citoyens continuent à se renfermer de plus en plus étroitement dans le cercle des petits intérêts domestiques, et à s’y agiter sans repos, on peut appréhender qu’ils ne finissent par devenir comme inaccessibles à ces grandes et puissantes émotions publiques qui troublent les peuples, mais qui les développent, et les renouvellent. Quand je vois la propriété devenir si mobile, et l’amour de la propriété si inquiet et si ardent, je ne puis m’empêcher de craindre que les hommes n’arrivent à ce point, de regarder toute théorie nouvelle comme un péril, toute innovation comme un trouble fâcheux ; tout progrès social comme un premier pas vers une révolution, et qu’ils refusent entièrement de se mouvoir de peur qu’on les entraîne. »

Et notre génie de conclure sur un ton inquiet :

« On croit que les sociétés nouvelles vont chaque jour changer de face, et moi j’ai peur qu’elles ne finissent par être trop invariablement fixées dans les mêmes institutions, les mêmes préjugés, les mêmes mœurs, de telle sorte que le genre humain s’arrête et se borne ; que l’esprit se plie et se replie éternellement sur lui-même sans produire d’idées nouvelles ; que l’homme s’épuise en petits mouvements solitaires et stériles ; et que, tout en se remuant sans cesse, l’humanité n’avance plus. »

C’est ce que j’appelle le présent permanent dans toutes mes chroniques, qui rend les analyses de nos contemporains si inférieures aux génies de l’époque (voyez Tolstoï ou Balzac sur la dépendance addictive  au Journal, Dostoïevski et les « expositions »).

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On rappellera le texte de Péguy sur les retraites : « C’est toujours le système de la retraite. C’est toujours le même système de repos, de tranquillité, de consolidation finale et mortuaire. Ils ne pensent qu’à leur retraite, c’est-à-dire à cette pension qu’ils toucheront de l’État non plus pour faire, mais pour avoir fait. Leur idéal, s’il est permis de parler ainsi, est un idéal d’État, un idéal d’hôpital d’État, une immense maison finale et mortuaire, sans soucis, sans pensée, sans race. Un immense asile de vieillards. Une maison de retraite. Toute leur vie n’est pour eux qu’un acheminement à cette retraite, une préparation de cette retraite, une justification devant cette retraite. Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à cette retraite. Mais c’est pour en jouir, comme ils disent. »

C’est évidemment cet esprit de retraite qui accompagnera l’humanité jusqu’à son extinction totale en ce siècle ou un autre.

Sources:

Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne » (1914, posthume), dans Œuvres complètes de Charles Péguy, éd. La Nouvelle Revue française, 1916-1955, t. 9, p. 250

Démocratie en Amérique, Chapitre XXI, Troisième partie. - Pourquoi les grandes révolutions deviendront rares…

jeudi, 11 janvier 2024

Fukuyama et la création du bourgeois comme clé de l’Histoire universelle

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Fukuyama et la création du bourgeois comme clé de l’Histoire universelle

Nicolas Bonnal

J’ai dit vingt fois le bien que je pense de Fukuyama, qui n’est absolument pas démenti depuis quarante ans (Reset, unification numérique, dictature verte, totalitarisme sanitaire global, et mondialisme obtus de l’ONU), et je n’y reviendrai pas. Il faut le compléter par Kojève pour dépasser l’imbécile observation géopolitique « qu’on va voir ce qu’on va voir avec les Russes et les Chinois » (Kojève s’en moque déjà de ces « Américains du pauvre » et ça le fait doucement rigoler). Pour moi le meilleur chapitre de son étourdissant et captivant livre est le dix-septième (sic) qui décrit la fabrication du bourgeois par l’ingénierie sociale d’alors (Fukuyama cite cette expression).

On l’écoute alors :

« Hobbes et Locke, les fondateurs du libéralisme moderne, cherchaient à éradiquer le thymos de la vie politique, et à le remplacer par une combinaison de désir et de raison. Ces premiers libéraux anglais modernes voyaient la mégalothymie (l’orgueil guerrier, la personnalité aristocratique) sous la forme d’une fierté passionnée et obstinée des princes, ou le fanatisme surnaturel des prêtres militants, comme la principale cause de la guerre et, ce faisant, s'est attaqué à toutes les formes de fierté. »

Un qui a parfaitement compris cela en France c’est Alfred de Vigny, dernier très grand esprit aristocratique de notre littérature, auteur de Cinq-Mars (peine de mort pour les duellistes) et de la Servitude et grandeur militaire, que j’ai commentée, et qui explique nos Gamelin et nos Goya et nos tragi-comiques défaites à répétition depuis deux siècles.

Fukuyama poursuit :

« Leur dénigrement de l'orgueil aristocratique s'est poursuivi par un certain nombre d'écrivains des Lumières, dont Adam Ferguson, James Stewart, David Hume et Montesquieu. Dans la société envisagée par Hobbes, Locke et d'autres premiers penseurs libéraux des temps modernes, l’homme n’a besoin que de désir et de raison. »

Enfin la cerise sur le catho moderniste (qui effare Drumont, Bloy, Bernanos, Bruckberger, tout le monde enfin) :

« Le Bourgeois était une création entièrement délibérée de la pensée moderne, un effort d'ingénierie sociale qui cherchait à créer la paix sociale en changer la nature humaine elle-même. Au lieu d'opposer la mégalothymie du petit nombre contre celui du grand nombre, comme Machiavel l'avait suggéré, les fondateurs du libéralisme moderne espéraient vaincre complètement la mégalothymie en opposant, en fait, les intérêts de la partie désirante de la nature humaine aux passions de sa nature thymotique. »

Ici il faut relire Platon qui a bien décrit (livre VIII de la République, voyez mon texte) cette émergence de l’être démocrate-républicain qui dans l’Athènes pas si antique est déjà bobo, ludique, cool, technophile, zoophile, vérolé de bonnes news et plus très guerrier (voir mes textes sur Démosthène aussi).

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Un autre qui a bien vu l’importance eschatologique du bourgeois est Taine :

« Le bourgeois est un être de formation récente, inconnu à l'antiquité, produit des grandes monarchies bien administrées, et, parmi toutes les espèces d'hommes que la société façonne, la moins capable d'exciter quelque intérêt. Car il est exclu de toutes les idées et de toutes les passions qui sont grandes, en France du moins où il a fleuri mieux qu'ailleurs. Le gouvernement l'a déchargé des affaires politiques, et le clergé des affaires religieuses. La ville capitale a pris pour elle la pensée, et les gens de cour l'élégance. L'administration, par sa régularité, lui épargne les aiguillons du danger et du besoin. Il vivote ainsi, rapetissé et tranquille. A côté de lui un cordonnier d'Athènes qui jugeait, votait, allait à la guerre, et pour tous meubles avait un lit et deux cruches de terre, était un noble… »

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C’est dans ses Fables de La Fontaine. Rappelons que La Fontaine saisit l’émergence de la civilisation technoscientifique anglo-saxonne :

« Vous l’aimez. Les Anglais pensent profondément ;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament ;
Creusant dans les sujets, et forts d’expériences,
Ils étendent partout l’empire des sciences. »

C’est dans le renard anglais.

Le bourgeois français est moins spectaculaire que l’anglais. Il va inspirer Molière qui le dépeint sous toutes ses formes, autoritaire, rapiat, féminisé, pédant, cacochyme, bigot, hypocondriaque, servile, médiocre.

C’est ce bourgeois qui après la Réforme, les guerres et la contre-réforme, va intégrer la religion moderne, mise en place dès le dix-septième siècle, celle dont parlent Guénon et les « marxistes » dont Feuerbach qu’on relit ici :

« Depuis longtemps la religion a disparu et sa place est occupée par son apparence, son masque, c’est-à-dire par l’Eglise, même chez les protestants, pour faire croire au moins à la foule ignorante et incapable de juger que la foi chrétienne existe encore, parce qu’aujourd’hui comme il y a mille ans les temples sont encore debout, parce qu’aujourd’hui comme autrefois les signes extérieurs de la croyance sont encore en honneur et en vogue. »

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Et ici d’une manière extraordinaire, Fukuyama s’accorde avec Dostoïevski qui découvre l’importance cardinale du roi Louis XIV (l’Etat c’est moi, le métier de roi…) qui met fin à l’Histoire avant le Napoléon et le Robespierre du duo Kojève-Hegel :

« D'ailleurs, il ne sait que très peu de l'univers en dehors de Paris. De plus, il ne tient pas savoir. C'est un trait commun à toute la nation et très caractéristique. Mais la particularité la plus caractéristique, - c'est l'éloquence. L'amour de l'éloquence vit toujours et augmente de plus en plus. J'aurais bien voulu savoir à quelle époque a commencé cet amour de l'éloquence en France. Certainement, le début principal date de Louis XIV. Il est remarquable qu'en France tout date de Louis XIV. Comment a-t-il fait pour prévaloir ainsi - je ne saurais le comprendre! Car il n'est pas de beaucoup supérieur aux rois précédents. Peut-être, parce qu’il a été le premier à dire: l'Etat, c'est moi. Cela a énormément plu, cela a fait tout le tour de l'Europe. Je pense que c'est par ce mot seul qu’il s'est rendu célèbre. »

Louis XIV comme date-charnière de la Fin de l’Histoire ? Baudrillard (anti-jésuite) et Debord (anti-baroque) ne sont pas loin de le penser (on y reviendra). Une dernière remarque : sur ce milieu si extra-lucide du dix-neuvième siècle, on redécouvrira deux auteurs chrétiens et français essentiels, Gougenot des Mousseaux et Mgr Gaume, qui avaient surnaturellement tout compris.

En tout cas personne mieux que Dostoïevski, sauf Marx et Guénon peut-être, n’aura dénoncé le monstrueux et si périlleux mirage occidental. De Guénon j’aime toujours à citer cette remarque, que le Français de Louis XIV, déjà bien abruti (vive le romantisme ultérieur tout de même) ne pige plus rien à son moyen âge :

« Ce qui est tout à fait extraordinaire, c’est la rapidité avec laquelle la civilisation du moyen âge tomba dans le plus complet oubli; les hommes du XVIIe siècle n’en avaient plus la moindre notion, et les monuments qui en subsistaient ne représentaient plus rien à leurs yeux, ni dans l’ordre intellectuel, ni même dans l’ordre esthétique ; on peut juger par-là combien la mentalité avait été changée dans l’intervalle. »

Cette mentalité avait changé, comment et pourquoi ? J’en reviens toujours à cette remarque de Thomas Frank dans la conquête du cool: sur les panneaux publicitaires on voit que la nation américaine a muté en cinq ans. Le peuple nouveau de l’autre… Rôle de la typographie (Macluhan, qui a bien expliqué comment la typographie nous aura altérés en occident, et définitivement, et continuellement) et des nouvelles formes de communication.

Toujours est-il que la bourgeoisie s’est mise en place sous les Rois (autorité spirituelle et pouvoir temporel…) et pas en 1789 – et qu’elle a la vie dure. N’est-elle pas la seule classe révolutionnaire (Marx), celle dont l’ultime mission révolutionnaire (Schwab-Harari-Malleret) est maintenant l’extermination physique de l’humanité-pas-argentée pour sauver le climat ? Avec des bourgeois-puritains comme ça, on n’a vraiment pas besoin de bolchéviques ou de maoïstes.

Sources:

https://old.tsu.ge/data/file_db/anthim/011.pdf

http://classiques.uqac.ca/classiques/taine_hippolyte/la_f...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/01/07/q...

https://strategika.fr/2024/01/09/quand-dostoievski-denonc...

https://www.dedefensa.org/article/feuerbach-et-la-copie-d...

https://www.dedefensa.org/article/rene-guenon-et-notre-ci...

12:56 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : francis fukuyama, bourgeoisisme, nicolas bonnal | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 06 janvier 2024

Quand Dostoïevski dénonce la Babylone mondialiste et l’homoncule occidental…

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Quand Dostoïevski dénonce la Babylone mondialiste et l’homoncule occidental…

Nicolas Bonnal

Notes d’hiver sur des impressions d’été…

Ce voyage connu et oublié est essentiel pour compléter mon livre et mes réflexions sur Dostoïevski et la modernité occidentale (je vais rajouter ce texte à mon recueil traduit en roumain du reste). Ici il ne s’agit pas comme dans Crocodile d’un conte fantastique et comique, mais d’un ensemble de réflexions échevelées et épouvantées face à la grande modernité infernale occidentale et son troupeau bourgeois et consommant. Les cibles de ce voyage pas comme les autres sont surtout Londres et Paris, les deux capitales les plus folles alors de cet Occident qui fonctionne en mode turbo maintenant, contre le monde (toujours…) et contre sa population toujours plus hébétée et « hallucinée » (Guénon).

Ce qui est clair c’est que la civilisation (l’anti-civilisation de Guénon) est déjà là: elle est marchande, technique, mondialiste, fascinante, effrayante, babylonienne, apocalyptique. Et elle veut déjà refaire son homme à zéro façon Schwab:

« Mais, en revanche, quelle assurance avons-nous dans notre Vocation civilisatrice, de quelle façon hautaine résolvons-nous les questions, et quelles questions: le sol n'existe pas, le peuple non plus, la nationalité est un certain système de contributions, I'âme, - tabula rasa, c'est une cire que l'on peut modeler pour en faire I'homme véritable, l'homme universel en général, I'homonculus; il suffit de se servir des produits de la civilisation européenne et de lire deux ou trois livres. »

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Le ton est sarcastique mais résume ce que nous vivons depuis deux siècles : le refus de l’homme, des peuples et des nationalités qui survivent tant bien que mal. Rappelons cette observation de Debord :

« Non seulement on fait croire aux assujettis qu’ils sont encore, pour l’essentiel, dans un monde que l’on a fait disparaître, mais les gouvernants eux-mêmes souffrent parfois de l’inconséquence de s’y croire encore par quelques côtés. Il leur arrive de penser à une part de ce qu’ils ont supprimé, comme si c’était demeuré une réalité, et qui devrait rester présente dans leurs calculs. Ce retard ne se prolongera pas beaucoup. Qui a pu en faire tant sans peine ira forcément plus loin… »

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Donnons la note des éditeurs pour les moins érudits de nos lecteurs (s’il en reste) :

« 1. Tabula rasa, expression de Locke (Essai sur l'entendement humain) et des philosophes empiristes: elle compare l'esprit humain avant l'expérience à une « tablette rase », sur laquelle rien n'est écrit. Les choses viennent s'y imprimer de l’Extérieur et ne sont pas innées, comme chez Descartes. 2. L'homonculus : dans la tradition folklorique, homme de taille réduite auquel alchimistes et sorciers prétendaient pouvoir donner vie... »

Sur Locke relire De Maistre et Fukuyama qui, malgré les sarcasmes dont il fait inutilement l’objet, en a très bien parlé. La philo anglaise de l’époque est un social engineering destiné à fabriquer du bourgeois, explique tel quel notre petit maître sous-estimé et très mal lu (la différence entre des bourgeois US, euro, russe ou chinois, Alexandre Kojève – voyez mes textes – annonce qu’elle sera ténue aussi…).

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Comme Nietzsche ou Diderot, Dostoïevski comprend que notre civilisation déteste le petit peuple :

« Non, à présent je veux dire seulement ceci : l'article ne blâmait pas et ne maudissait pas uniquement les voiles légers, ne disait pas seulement que c'était un vestige de mœurs barbares, mais il critiquait la barbarie du peuple, la barbarie élémentaire, nationale, en l'opposant à la civilisation européenne de notre société de la plus haute noblesse. »

Idem chez Guénon dans ses aperçus : le peuple est un support plastique et initiatique, il garde toujours quelque chose du passé traditionnel, la classe moyenne fabriquée par l’Etat moderne jamais. Raison de cette rage à détruire partout et toujours les paysans.

La guerre des préjugés commence, et la caste occidentale veut toujours et partout imposer les siens:

« L'article raillait, l'article avait l'air d'ignorer que les accusateurs étaient peut-être mille fois pires et plus vils, que nous n'avons fait qu’échanger nos préjugés et nos des vilenies pour préjugés et des vilenies plus grandes. L'article faisait mine de ne pas s'apercevoir de nos propres préjugés et vilenies. »

Dostoïevski tape très fort sur le bourgeois. C’est l’homme uniforme de Fukuyama, la classe moyenne de Guénon, le philistin de Nietzsche, l’être moderne de Taine (pour qui le bourgeois a fleuri plus en France qu’ailleurs, à cause de l’Etat – on y revient) :

« Pourquoi regarde-t-il ayant l'air de dire: « Voilà, je ferai un peu de commerce dans ma boutique, aujourd'hui. Et si le Seigneur le permet, demain aussi, peut-être aussi après-demain, si le Seigneur veut bien m'accorder cette grâce... Eh bien, alors, alors, que je puisse mettre de côté quelque petite chose, et après moi le déluge. »

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Le bourgeois cache les pauvres, ajoute notre voyageur  :

« Pourquoi a-t-il fourré tous les pauvres dans un endroit quelconque et pourquoi assure-t-il qu'il n'y en a pas du tout? »

Surtout, il adore la presse et il croit tout ce que dit la presse et les journaux, les radios et les télés et les réseaux sociaux. Ecoutez bien :

« Pourquoi la littérature gouvernementale lui suffit-elle?

Pourquoi a-t-il une envie furieuse de se persuader que ses journaux sont incorruptibles?

Pourquoi consent-il à dépenser tant d'argent pour payer des espions? »

Oublions les espions, une vieille habitude anglo-saxonne ! Sur cette manie de la presse et cette intoxication, les grands esprits ont tout dit : Fichte, Thoreau, Balzac bien sûr, Léon Bloy, Drumont, Bernanos, Nietzsche encore. Mais je citerai le début d’Anna Karénine p. 15) :

« Le journal que recevait Stépane Arcadiévitch était libéral sans être trop avancé, et d’une tendance qui convenait à la majorité du public. Quoique Oblonsky ne s’intéressât guère ni à la science, ni aux arts, ni à la politique, il ne s’en tenait pas moins très fermement aux opinions de son journal sur toutes ces questions, et ne changeait de manière de voir que lorsque la majorité du public en changeait. Pour mieux dire, ses opinions le quittaient d’elles-mêmes après lui être venues sans qu’il prît la peine de les choisir ; il les adoptait comme les formes de ses chapeaux et de ses redingotes, parce que tout le monde les portait, et, vivant dans une société où une certaine activité intellectuelle devient obligatoire avec l’âge, les opinions lui étaient aussi nécessaires que les chapeaux. »

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On ajoute une dernière note tordante sur le bourgeois froncé décrit par notre auteur :

« Pourquoi n'ose-t-il souffler mot sur l'expédition du Mexique ? »

Oui, les expéditions punitives (Palestine, Yémen, Russie, Chine, Vietnam, Corée, Mali, Soudan, Cuba, Japon…), le bourgeois euro-américain ne s’en lasse et ne s’en lassera JAMAIS.

Mais continuons de voyager au gré des notes du plus rebelle et « flippant » des maîtres (un des rares écrivains de génie condamné à mort tout de même) ; nous arrivons à la fameuse et babylonienne exposition universelle:

« A Londres la même chose arrive, mais quelles larges images vous oppressent! Cette ville immense comme la mer qui s'agite jour et nuit, le bruit et le hurlement des machines, ces chemins de fer qui passent par-dessus les maisons (bientôt aussi en dessous), cette hardiesse d'entreprise, qui n'est en réalité que le degré le plus élevé de l'ordre bourgeois, cette Tamise empoisonnée, cet air saturé de charbon de terre, ces splendides Squares et ces parcs, ces terribles coins de la ville, tels que Whitechapel, avec sa population sauvage, à demi nue et affamée ; la cité avec ses millions et son commerce universel, le palais de cristal, l’Exposition, Oui, l’Exposition est étonnante. »

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On ne retrouvera cette cruauté des traits que chez Jack London (Les bas-fonds de Londres) et bien sûr chez Wilde (Dorian Gray est une parabole sur le Londres méphitique de Victoria-Rothschild et de l’aristocratie gay d’alors, parabole qui lui coûtera très cher).

Triomphe du capital mondialisé pétaradant et paradant :

« Vous sentez une force terrible, qui a réuni cette foule innombrable, venue de tous les points du monde en un seul troupeau ; vous sentez qu’ici il y a la victoire, le triomphe… »

Un mystérieux troupeau apparaît, celui de l’homme sans qualités qu’on réduit à l’état de bétail (voyez cette foule alignée avec ses smartphones devant l’Arc-de-Triomphe le soir du réveillon) devant la Babylone moderne enfin réalisée dans l’Angleterre biblique et puritaine de Milton, Cromwell et Rothschild :

« Vous paraissez même commencer à craindre quelque chose. Oui, si indépendant que vous soyez, vous commencez à craindre. Ceci ne serait-il pas l'idéal atteint? pensez-vous; n'est-ce pas la fin? Ne serait-ce pas « I'unique troupeau »? Ne faudrait-il pas I'accepter en effet comme vérité parfaite et se taire définitivement? Tout cela est si triomphant, si victorieux et si fier, que vous commencez à respirer avec peine. Vous regardez ces centaines de mille, ces millions d'hommes, qui y viennent humblement de toute la surface terrestre - des hommes venus avec une seule pensée, qui se tiennent silencieux et avec un calme entêtement, dans ce palais colossal, et vous sentez, que quelque chose de définitif s'est accompli, accompli et terminé. C’est comme une image biblique, quelque chose de Babylone, une prophétie de I'Apocalypse, qui s'accomplit devant vos yeux. »

Le maître ajoute même :

« Vous sentez qu'il faudrait énormément de résistance pour ne pas adorer Baal... »

Tiens, un peu d’Isaïe pour nous aider à comprendre (Isaïe, 60) :

« 9 Car les îles s’attendront à moi, et les navires de Tarsis [viennent] les premiers, pour apporter tes fils de loin, leur argent et leur or avec eux, au nom de l’Éternel, ton Dieu, et au Saint d’Israël, car il t’a glorifiée. 10 Et les fils de l’étranger bâtiront tes murs, et leurs rois te serviront. Car dans ma colère je t’ai frappée, mais dans ma faveur j’ai eu compassion de toi. 11 Et tes portes seront continuellement ouvertes (elles ne seront fermées ni de jour ni de nuit), pour que te soient apportées les richesses des nations, et pour que leurs rois te soient amenés. 12 Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas périront, et ces nations seront entièrement désolées. »

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Et comme on est français et qu’on a parlé de Louis XIV et de Taine, on ajoutera ces lignes de Dostoïevski sur notre moliéresque bourgeois qui accouche depuis quatre siècles, devant des Sganarelle contrits et confits, de femmes savantes, précieuses ridicules, Orgon, pédants, Trissotin, Tartufe, dévots blindés, avares, médecins malgré eux, George Dandins cocus électeurs et éternels contents, malades imaginaires et bourgeois gentilshommes mondialisés et islamisés :

« D'ailleurs, il ne sait que très peu de l'univers en dehors de Paris. De plus, il ne tient pas savoir. C'est un trait commun à toute la nation et très caractéristique. Mais la particularité la plus caractéristique, - c'est l'éloquence. L'amour de l'éloquence vit toujours et augmente de plus en plus. J'aurais bien voulu savoir à quelle époque a commencé cet amour de l'éloquence en France. Certainement, le début principal date de Louis XIV. Il est remarquable qu'en France tout date de Louis XIV. Comment a-t-il fait pour prévaloir ainsi - je ne saurais le comprendre! Car il n'est pas de beaucoup supérieur aux rois précédents. Peut-être, parce qu’il a été le premier à dire: l'Etat, c'est moi. Cela a énormément plu, cela a fait tout le tour de l'Europe. Je pense que c'est par ce mot seul qu’il s'est rendu célèbre. »

Louis XIV comme date-charnière de la Fin de l’Histoire ? Baudrillard et Debord non plus ne sont pas loin de le penser. On y reviendra. Une dernière remarque : sur ce milieu si effrayant du dix-neuvième siècle, on redécouvrira deux auteurs chrétiens et français essentiels, Gougenot des Mousseaux et Mgr Gaume, dont nous avons maintes fois parlé. En tout cas personne mieux que Dostoïevski, sauf Marx et Guénon peut-être, n’aura dénoncé le monstrueux et si périlleux mirage occidental.

Sources et notes :

Notes d’hiver sur des impressions d’été, éditions Entente.

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mardi, 02 janvier 2024

Diderot et Bougainville: le point sur la malignité des hommes blancs

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Diderot et Bougainville: le point sur la malignité des hommes blancs

Nicolas Bonnal

« Si tout y est ordonné comme ce que tu m'en dis, vous êtes plus barbares que nous »

De Gaza en Ukraine, de Bruxelles à Berlin, et de Paris à Washington jamais on n’a eu autant des preuves déplorables et de démonstrations de la malignité ontologique de l’homme blanc, dont l’élite kabbalistique et friquée rêve maintenant de zigouiller tout le monde à partir de Rome (du club ou du feint-siège) et de Davos. Occasion pour nous de relire les retouches au voyage de Bougainville dont ma formation de catho de droite et de français de souche m’avait perdre les finesses et les vérités. Je recommande aussi le voyage de notre navigateur serein, disponible sur archive.org.

On commence, en félicitant Diderot pour ce style incomparable caractéristique de la reine des langues – la nôtre alors - au siècle des Lumières (Bach, Schiller, Mozart, Rameau…).

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Sur le cannibalisme notre auteur ne cache rien et il écrit sans scrupule :

« Que deviennent-ils en se multipliant sur un espace qui n'a pas plus d'une lieue de diamètre ? A. Ils s'exterminent et se mangent; et de là peut-être une première époque très ancienne et très naturelle de l'anthropophagie, insulaire d'origine. B. Ou la multiplication y est limitée par quelque loi superstitieuse ; l'enfant y est écrasé dans le sein de sa mère foulée sous les pieds d'une prêtresse. A. Ou l'homme égorgé expire sous le couteau d'un prêtre ; ou l'on a recours à la castration des mâles... B. A l'infibulation des femelles ; et de là tant d'usages d'une cruauté nécessaire et bizarre, dont la cause s'est perdue dans la nuit des temps, et met les philosophes à la torture. »

Diderot, on l’attend au tournant avec son bon sauvage :

« B. Je n'en doute pas : la vie sauvage est si simple, et nos sociétés sont des machines si compliquées ! Le Tahitien touche à l'origine du monde, et l'Européen touche à sa vieillesse. L'intervalle qui le sépare de nous est plus grand que la distance de l'enfant qui naît à l'homme décrépit. Il n'entend rien à nos usages, à nos lois, ou il n'y voit que des entraves déguisées sous cent formes diverses, entraves qui ne peuvent qu'exciter l'indignation et le mépris d'un être en qui le sentiment de la liberté est le plus profond des sentiments. »

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Mais Goethe (revoyez mon texte sur la dévitalisation des Européens) soulignera aussi le déclin de notre perfection de civilisé :

« Du reste, nous autres Européens, tout ce qui nous entoure est, plus ou moins, parfaitement mauvais; toutes les relations sont beaucoup trop artificielles, trop compliquées; notre nourriture, notre manière de vivre, tout est contre la vraie nature; dans notre commerce social, il n’y a ni vraie affection, ni bienveillance. »

Goethe évoquait presque en disciple de Rousseau (beaucoup plus germanique que français, et si mal compris…) le modèle du sauvage :

« On souhaiterait souvent d’être né dans les îles de la mer du Sud, chez les hommes que l’on appelle sauvages, pour sentir un peu une fois la vraie nature humaine, sans arrière-goût de fausseté. »

Parfois même Goethe succombait – toujours devant l’extraordinaire et bienheureux Eckermann au pessimisme, quant à la misère de notre temps (on est en février 1828) :

« Quand, dans un mauvais jour, on se pénètre bien de la misère de notre temps, il semble que le monde soit mûr pour le jugement dernier. Et le mal s’augmente de génération en génération. Car ce n’est pas assez que nous ayons à souffrir des péchés de nos pères, nous léguons à nos descendants ceux que nous avons hérités, augmentés de ceux que nous avons ajoutés… »

L’homme blanc, c’est le fric et la propriété (200.000 palestiniens massacrés pour le gaz, le tourisme et pour l’immobilier – les colonies…) ; Diderot alors :

« Ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit : " Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ci soit de l'arrivée, et lion du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voulez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux… »

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Après on peut pleurer sur ce modèle communiste qui est celui des Evangiles :

« Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? »

Pour l’occidental, le monde est – reprenons leur dieu Malthus – un restaurant où seul le riche armé s’empiffre. Diderot écrit lui :

« Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. »

Les bons sauvages ne sont pas malthusiens pour un sou :

« Quel sentiment plus honnête et plus grand pourrais-tu mettre à la place de celui que nous leur avoir inspiré, et qui les anime ? Ils pensent que le moment d'enrichir la nation et la famille d'un nouveau citoyen et venu, et ils s'en glorifient. Ils mangent pour vivre et pour croître : ils croissent pour multiplier, et ils n'y trouvent ni vice, ni honte… »

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« Tu es en délire, si tu crois qu'il y ait rien, soit en haut, soit en bas, dans l'univers, qui puisse ajouter ou retrancher aux lois de la nature. Sa volonté éternelle est que le bien soit préféré au mal, et le bien général au bien particulier. Tu ordonneras le contraire ; mais tu ne seras pas obéi. Tu multiplieras les malfaiteurs et les malheureux par la crainte, par le châtiment et par les remords ; tu dépraveras les consciences ; tu corrompras les esprits ; ils ne sauront plus ce qu'ils ont à faire ou à éviter. Troublés dans l'état d'innocence, tranquilles dans le forfait, ils auront perdu de vue l'étoile polaire, leur chemin. »

Au moment où l’Occident achève d’imposer son monstrueux malthusianisme partout, lisons et écoutons le bon sauvage alors :

OROU. - Ô étranger ! ta dernière question achève de me déceler la profonde misère de ton pays. Sache, mon ami, qu'ici la naissance d'un enfant est toujours un bonheur, et sa mort un sujet de regrets et de larmes. L'enfant est un bien précieux, parce qu'il doit devenir un homme ; aussi, en avons-nous un tout autre soin que nos plantes et de nos animaux. Un enfant Supplément au Voyage de Bougainville III 20 qui naît, occasionne la joie domestique et publique : c'est un accroissement de fortune pour la cabane, et de force pour la nation : ce sont des bras et des mains de plus dans Tahiti, nous voyons en lui un agriculteur, un pécheur, un chasseur, un soldat, un époux, un prêtre… »

Sur les mœurs et la servitude volontaire le philosophe sauvage écrit :

« Qu'entendez-vous donc par des mœurs ? B. J'entends une soumission générale et une conduite conséquente à des lois bonnes ou mauvaises. Si les lois sont bonnes, les mœurs sont bonnes ; si les lois sont mauvaises, les mœurs sont mauvaises ; si les lois, bonnes ou mauvaises, ne sont point observées, la pire condition d'une société, il n'y a point de mœurs. »

Les lois ne sont plus observées chez nous par les riches et les puissants. Elles ne le furent un temps que par peur du communisme (voir notre texte sur Zinoviev).

https://bacdefrancais.net/diderot-supplement-voyage-bouga...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/03/12/g...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/17/f...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/08/17/z...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/05/13/d...

vendredi, 29 décembre 2023

Théodore Kaczynski enfin vu de droite

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Théodore Kaczynski enfin vu de droite

Nicolas Bonnal

Je n’avais lu que des extraits du texte de Kaczynski dont ma culture pyrrhonienne (encore un texte contre les machines ?) m’avait toujours tenu éloigné : et cet affreux terroriste d’ailleurs, n’était-il lui-même qu’une énième psy-op du système ? Et le terrorisme Una-bomber (opération stupide, compliquée, et peu efficace, vouée à l’échec donc…) relève-t-il aussi d’une énième manip’ du Deep State US dont la version totalitaire et post-moderne apparut avec le binôme Clinton et Janet Reno ? Même les procès sont comme les attentats ou les piteux «massacres dans les boites de nuit» mis en scène depuis les années Clinton (celui de Michael Jackson comme celui d’O. J. Simpson). L’avènement des chaînes info et du web a rendu le conditionnement perpétuel et hyper-efficace – et l’opposition liquide et virtuelle, qui se contente de cliquer toute la journée, totalement inefficace. Mais bon, parlons du texte.

Là, j’ai eu des surprises. Kaczynski est un homme de droite, un réac conservateur blanc (d’où la manip’ encore plus envisageable : le mâle blanc lucide - haï par Sartre et nos intellos froncés - = terroriste etc.) et il attaque le progressisme venu de la gauche dure.

On commence :

« 7. Mais qu'est-ce que le progressisme ? Dans la première moitié du 20ème siècle, on pouvait à peu près identifier le progressisme au socialisme. Aujourd'hui, les choses sont moins claires, et il est difficile de qualifier d'un seul mot un mouvement devenu très hétéroclite. Quand nous parlerons ici des progressistes, nous ferons surtout référence aux socialistes, aux collectivistes, aux gens «politiquement corrects», aux féministes, aux défenseurs des homosexuels et des handicapés, aux défenseurs des droits des animaux, etc. Mais n'est pas forcément progressiste celui qui participe à de telles activités… »

Attention : la pleurnicherie humanitaire de Philippe Muray a toujours existé : Marx en parle (la duchesse de Sutherland extermine ses paysans écossais mais elle chérit la case de l’oncle Tom – voyez le Capital, VI), Hobson en parle, et Gustave de Beaumont, et quelques dizaines d’autres. Ce qui importe ici c’est de noter la liquidation de la question sociale (les pauvres n’ont qu’à crever, il suffit comme dit Nietzsche dans la Volonté, §154, de leur couper l’appétit) remplacée par la question sociétale : féminine attitude, LGBTQ, haine rabique du blanc (d’autant plus facile que le petit blanc Ran-Tan-Plan ne comprend toujours pas pour qui il vote), etc.            

0269001985550P.JPGLe langage devient fou et on va retrouver Orwell et l’âme désarmée de Bloom (dont j’ai aussi parlé ailleurs – je répète que les pires intellos ne sont pas les juifs mais les froncés, à part Céline-Drumont-Céline, et pas pour les raisons qu’on croit, et ce depuis six siècles) :

« 11. Lorsqu'un individu juge dépréciatifs presque tous les propos tenus sur lui — ou sur les groupes auxquels il s'identifie — nous pouvons dire qu'il nourrit un sentiment d'infériorité ou de dépréciation de soi. C'est une attitude fréquente chez ceux qui militent en faveur des droits des minorités, qu'ils appartiennent ou non aux communautés qu'ils défendent. Ils sont particulièrement susceptibles sur les mots désignant les minorités. Les termes «nègre», «oriental», «handicapé», ou «nana» désignant un Africain, un Asiatique, un infirme ou une femme n'avaient pas à l'origine de connotation péjorative. «Nana» et «gonzesse» étaient presque les équivalents féminins de «gars», «mec» ou «type». »

Kaczynski voit comme Allan Bloom le rôle des militants dans les universités (cf. les éléments de Cornell university en 1959) ; car la vraie guerre culturelle a eu lieu en occident anglo-saxon, pas en Chine. Un qui l’avait compris était Eric Hobsbawn, juif communiste rationnel qui voit l’Occident démocratique anglo-saxon devenir totalement cinglé dans les années soixante (il est rejoint par Vargas Llosa et des dizaines d’autres) :

« Ce sont les militants eux-mêmes qui leur ont donné un sens péjoratif. Quelques défenseurs des droits des animaux vont jusqu'à rejeter le terme «animal domestique» et insistent pour le remplacer par «compagnon animal». Les anthropologues progressistes se donnent beaucoup de mal pour éviter le moindre propos dépréciatif sur les peuples primitifs. Ils veulent désormais les appeler des «peuples sans écriture».

Disons-le nûment alors. Le danger ne vient pas des races ou des immigrés, des noirs ou des « arabo-musulmans », mais des gauchistes blancs toqués, humanitaires tous cultivés et rêvant d’une bonne retraite (disait déjà Céline) :

« 12. Les plus sensibles au langage «politiquement incorrect» ne sont ni le Noir du ghetto, ni l'immigré asiatique, ni la femme battue, ni la personne handicapée ; il s'agit plutôt d'une minorité de militants dont la plupart n'appartiennent à aucun groupe «opprimé», mais viennent des couches privilégiées de la société. Le bastion du «politiquement correct» se trouve dans les universités, en majorité chez les professeurs, blancs, de sexe masculin, hétérosexuels, issus de la classe moyenne, avec emploi fixe et bon salaire. »

L’increvable fonctionnaire français (Godelier) qui a invité la théorie du genre se dit lui-même fonctionnaire au service de l’humanité… Rassurez-vous, Platon avait déjà tout dit sur la dégénérescence démocratique (livre VIII de la République, voyez mon texte).

On se met à adorer le faible ou la victime :

« 13. De nombreux progressistes font leurs les problèmes des groupes qui paraissent faibles (les femmes), historiquement vaincus (les Indiens d'Amérique), répulsifs (les homosexuels) ou inférieurs d'une quelconque façon. Ce sont eux qui pensent que ces groupes sont inférieurs et c'est précisément à cause de cela qu'ils s'identifient à eux, même s'ils ne s'avouent jamais de tels sentiments. (Nous ne voulons pas dire que les femmes, les Indiens, etc., sont inférieurs, nous relevons seulement un trait de la psychologie progressiste.) »

61eZWuuZKSL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgLe passage à la liquidation des sexes ou des races ou de la culture (qui est ontologiquement raciste, sexiste, etc., donc éliminable, tout comme la langue non inclusive est fasciste – dixit Barthes, grammairien-sémiologue qui fut le nouveau Vaugelas de nos interminables flemmes savantes) nous prépare au conditionnement informatique qui va métamorphoser ontologiquement. On va y revenir. Kaczynski ajoute :

« 14. Les féministes sont vraiment rongées par la crainte que les femmes ne soient pas aussi fortes et aussi compétentes que les hommes, et cherchent désespérément à prouver qu'elles le sont.

15. Les progressistes ont tendance à haïr tout ce qui renvoie une image de force, d'habileté et de réussite. Ils détestent les États-Unis, la civilisation occidentale, les Blancs de sexe masculin et la rationalité. »

La liquidation du « mâle blanc bourgeois » (Sartre dans sa monstrueuse conférence sur les intellectuels à Tokyo) est le programme numéro un. Et tous les Biden, Macron, Delors, Schäuble, von der Leyen, Lagarde, Biden (again, car je l’adore, et il va être réélu dans un fauteuil bourgeois de sa salle ovale) et Powell ne sont payés ou motivés que pour ça: nous réduire à néant. Rappelons que le pauvre doit et va crever, la cause est entendue depuis Gorbatchev et le virage à droite (1984…) Mitterrand-Fabius-Delors. L’extrême-gauche culturelle sert le milliardaire post-humain de la bourse (qui crève tous les plafonds avec son IA en dépit de tous les Bill Bonner, Delamarche, Greyerz et Gave de la place antisystème). Kaczynski note aussi qu’on reprogramme les caractères (en fait on programme l’humanité comme on veut, il est temps de le reconnaître) pour en faire des efféminés, des dégonflés et assistés :

« 16. Des locutions comme «confiance en soi», «indépendance d'esprit», «initiative», «esprit d'entreprise» ou «optimisme» ont peu de place dans le vocabulaire progressiste de gauche. Le progressiste est anti-individualiste et pro-collectiviste. Il demande à la société de résoudre les problèmes des individus et de les prendre en charge. Il n'a pas confiance en ses propres capacités à résoudre ses problèmes et à satisfaire ses besoins. Il est opposé à la notion de compétition parce que, dans le fond, il se sent minable. »

Qui a parlé le premier d’efféminé aux temps modernes ? Un certain La Boétie, dans sa Servitude volontaire ...)

La quête du vaccin par tous nos innombrables retraités et nos petits jeunes conditionnés par la télé et la hiérarchie sanitaire-administrative  (O Foucault si incompris – voyez mes textes encore…) a montré cette dimension minable du petit fonctionnaire post-humain. On se serait cru dans un épisode du prisonnier (« individualiste ! »), faux rebelle toujours facilement et manipulé et ridiculisé par les femmes – vive James Bond et Sean Connery donc. Le machisme ou donjuanisme est le seul moyen de mettre fin à ces temps du jésuitisme de la Fin.

L’art moderne et le cinéma des festivals doivent aussi dégénérer pour créer notre homoncule occidental dont la civilisation a déjà disparu, ce que plein de naïfs n’ont pas compris :

« 17. Les formes d'art prisées par les intellectuels progressistes modernes sont caractérisées par le sordide, l'échec et le désespoir. Ou bien encore elles prennent une tournure orgiaque, rejetant tout contrôle rationnel, comme s'il n'y avait plus aucun espoir de parvenir rationnellement à quoi que ce soit, comme s'il ne restait plus qu'à s'immerger dans les sensations du moment. »

51BsgiZu2ML._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgLe déclin de l’art est bien décrit par Tolstoï dans son essai sur l’art (voyez mon texte). A la même époque le sioniste Max Nordau en parle très bien (voyez mon texte aussi). Freud évoque même la disparition des races évoluées (si, si) du fait de la culture… C’est bien cela qui me désole chez Barzun : a-t-il compris de quels temps il parlait ?

Je trouve ensuite un deuxième lien, dernier et surtout essentiel : celui entre la sous-culture gauchiste festivalière, antiraciste-écologiste etc. et le triomphe de la toute-puissance technologique mise au service du contrôle des populations (ici Mélenchon s’incite à la table de Schwab à Davos) :

« 157. Si la société industrielle survit, il est probable que s'installera un contrôle technologique presque total du comportement humain. Il ne fait aucun doute que la pensée et le comportement humain sont pour une large part biologiquement déterminés. Les expériences l'ont démontré: des sensations comme la faim, ou des sentiments comme le plaisir, la colère ou la crainte peuvent être manipulés en stimulant électriquement des parties précises du cerveau. Les souvenirs peuvent être détruits en endommageant certaines régions du cerveau, ou ravivés par stimulation électrique. Des médicaments peuvent provoquer des hallucinations ou modifier l'état d'esprit. Il existe peut-être une âme humaine immatérielle mais, si elle existe, il est évident qu'elle est moins déterminante que les données biologiques du comportement humain. Dans le cas contraire, les scientifiques ne pourraient pas manipuler si facilement les sensations et les comportements à l'aide de médicaments et d'impulsions électriques. »

Ce que Kaczynski décrit (comme tant de films hollywoodiens de la bonne époque), nous le vivons maintenant :

« 158. Les autorités ne peuvent guère envisager de contrôler la population en branchant des électrodes dans tous les cerveaux. Mais le fait que les pensées et les sensations humaines soient si vulnérables aux interventions biologiques montre que le problème du contrôle du comportement est principalement un problème technique : un problème de neurones, d'hormones et de molécules complexes, le genre de problème auquel les scientifiques peuvent s'attaquer. Étant donné les extraordinaires performances techniques de notre société, il est plus que probable que de grands progrès seront accomplis dans le contrôle du comportement humain. »

Il explique pourquoi cela marchera (cf. la stratégie du salami des soviétiques) :

« 159. Les gens parviendront-ils à résister victorieusement à l'introduction d'un tel contrôle ? Ce serait certainement le cas si on tentait de l'instaurer brusquement. Mais parce qu'il sera installé très progressivement, il n'y aura aucune résistance rationnelle et efficace (voir paragraphes 127, 132, 153). »

Je termine par le meilleur : l’alliance entre la subversion et la technologie. C’est le 666. Un antéchrist machine uni à un Lucifer gnostique. C’est ce que nous avons maintenant en Europe comme en Amérique (la Chine et la Russie se contentent pour l’instant de la machine, ignorant quelque peu le LGBTQ…) :

« 216. Certains progressistes ont l'air de s'opposer à la technologie ; cela durera tant qu'ils seront exclus de la direction du système. Mais si le progressisme devient un jour dominant dans notre société et qu'alors il dispose de la technologie, les progressistes s'en serviront avec enthousiasme et favoriseront son développement. Ils ne feront ainsi que répéter ce qu'ils ont déjà fait tant de fois par le passé. Quand les bolcheviques étaient minoritaires en Russie, ils étaient vigoureusement opposés à la censure et à la police secrète, ils prônaient l'autodétermination des minorités nationales, etc. ; mais, aussitôt arrivés au pouvoir, ils imposèrent une censure plus stricte, créèrent une police secrète encore plus implacable que celle du tsarisme et opprimèrent les minorités nationales au moins autant que l'avaient fait les tsars. »

Mais comme on disait le danger vient et est venu des USA et de leurs légendaires et sataniques universités (ô confréries…) :

« Aux États-Unis, il y a une vingtaine d'années, alors que les progressistes étaient en minorité dans les universités, les professeurs progressistes s'étaient fait les ardents défenseurs de la liberté d'expression ; aujourd'hui ils ont réussi à imposer leur mode de pensée, à l'exclusion de tout autre, dans les universités où ils sont majoritaires : c'est le «politiquement correct». Même chose pour la technologie : s'ils arrivent jamais à la contrôler, ils s'en serviront pour opprimer tout le monde. »

C’est ce vers quoi nous allons, gaîment. J’oubliais : opprimer ne leur suffira pas.

Quelques sources :

https://www.dedefensa.org/article/max-nordau-et-lart-dege...

https://www.terreetpeuple.com/culture-enracinee-memoire-8...

https://yogaesoteric.net/fr/de-platon-a-packard-de-la-ges...

https://eurolibertes.com/societe/de-platon-a-cnn/

https://dissibooks.files.wordpress.com/2013/09/avenirsoci...

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/10/20/michel-fou...

https://www.dedefensa.org/article/sigmund-freud-politique...

https://www.dedefensa.org/article/allan-bloom-et-la-decon...

https://www.dedefensa.org/article/platon-nous-decrivait-i...

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mardi, 26 décembre 2023

Watzlawick et le rejet du père dans le monde américain-occidental

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Watzlawick et le rejet du père dans le monde américain-occidental

Nicolas Bonnal

guide_non_conformiste_pour_lusage_de_lamerique-258929-264-432.jpgDans son Guide non conformiste pour l’usage de l’Amérique, Watzlawick règle ses comptes avec la matrice de Palo Alto qui fit sa fortune et sa célébrité. Le bouquin est un règlement de comptes digne de figurer dans le répugnant brulot de Philippe Roger sur les anti-américains de tout poil, qui comme on sait ont perdu la partie en France et en Europe – car plus l’Amérique sombre et devient folle (militairement, démographiquement, politiquement, culturellement et économiquement), plus elle fascine et domine les esprits européens réduits à l’état de zombis et de miséreux bellicistes. Il reste aux politiciens européens à liquider la population locale sur ordre des labos, des GAFAM et des fonds de pension US (merci aux dibbouks de Kunstler et à cette volonté du Tikkoun olam qui devait réparer le monde – sont-ils stupides ou si mal intentionnés ?). Le problème est qu’en réduisant la population de leurs ouailles ici comme au Japon (-800.000/an depuis le vaccin) les « élites » américaines détruisent aussi leur capacité de nuire à l’échelle planétaire. Mais quand on dispose d’indices boursiers éternellement stratosphériques (quarante fois la valeur de 1980 quand l’or entre-temps n’a que triplé, et cinq fois celle de 2009), on peut tout se permettre, pas vrai ?

On sait que fille de l’Europe, l’Amérique, l’a toujours voulu détruire, ce qui est devenu possible à partir de la Première Guerre Mondiale. Ruinée et dépeuplée par cette guerre, l’Europe devient une colonie US, achève de se ruiner avec la Deuxième Guerre Mondiale qui se fait sur ordre américain (voir Frédéric Sanford, Barnes, Preparata, etc.) et ensuite peu à peu dépose les âmes et les armes. Elle n’est qu’un ombre et la construction européenne apparaît pour ce qu’elle est : une déconstruction sur ordre « anglo-saxon », qui aujourd’hui revêt un caractère haineux et carrément exterminateur.

Je reviendrai sur la lucidité des grands écrivains américains quant à la faculté de nuisance US qui est apparue dès la première moitié du dix-neuvième siècle : de Poe à Lovecraft en passant par Twain ou Hawthorne, il n’est pas un grand esprit US qui n’ait vu la catastrophe matérialiste et illuministe arriver : même Walt Whitman (voyez mon texte) en avait très bien parlé, une fois raccroché ses crampons de moderniste. Après la guerre de quatorze poursuivie pour les banquiers et la possession de la terre feinte, écrivains et dernières élites de souche anglo-saxonne culturelles décampent et vont sur l’Italie ou Paris ; et pendant que Stefan Zweig dénonce l’américanisation-uniformisation du monde (il dit bien que c’est la même chose), uniformisation qui repose sur le matérialisme, l’abrutissement et l’industrie culturelle (quelle alliance de mots tout de même), le banquier américain commence sa conquête de l’Europe, celle qui ravit nos leaders.

Donc dans son livre sur l’Amérique Watzlawick insiste sur la haine du père. Pays de grand remplacement et d’immigration, l’Amérique désavantage le père à partir des années 1870-1880.

51QAwJJ17XL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpg« Les relations avec le père géniteur sont toutes différentes. Au début de son traité The American People, devenu un classique, l'anthropologue britannique Geoffrey Gorer analyse le phénomène typiquement amérjcain du rejet du père, et l'attribue à la nécessité, qui s'imposait pratiquement à chacun des trente millions d'Européens qui émigrèrent aux Etats-Unis entre 1860 et 1930, de s'adapter aussi vite que possible à la situation économique américaine. Mais, en s'efforçant de faire de ses enfants (généralement nés aux États-Unis) de « vrais » Américains, il devint, pour ces derniers, un objet de rejet et de dérision. Ses traditions, ses connaissances insuffisantes de la langue et surtout ses valeurs constituaient une source de gêne sociale pour la jeune génération qui fut, à son tour, victime de la réprobation de ses enfants. »

Oui l’homme immigré est toujours désavantagé et ne peut plus éduquer ses enfants, car il ne maîtrise pas assez la nouvelle langue et sa nouvelle sous-culture de sport, de consommation ou de télévision. Lipovetsky en avait bien parlé pour les maghrébins en France. Dans la démocratie cool et nihiliste qu’il décrit, les parents n’ont plus droit de cité (sic). Comme dit ailleurs Guy Debord, on ressemble à son temps plus qu’à son père. Le grand livre de Booth Tarkington, la Splendeur des Amberson, mal adapté sur ce point essentiel par l’agent communiste et New Deal Orson Welles (et pour cause !), en parle très bien de ce grand remplacement.

1003857_TarkingtonB_Magnificent.jpgMais le maître enfonce encore le cou :

« Ce rejet du père comme symbole du passé va de pair avec la surestimation des valeurs nouvelles et donc de la jeunesse. Le trentième anniversaire est cette date fatidique qui vous met au rebut du jour au lendemain, et mieux vaut ne pas parler du quarantième. Il en va de même avec l'engouement pour tout ce qui est nouveau, et tire sa qualité de cette nouveauté, même s'il s'agit d'une vieillerie sortie tout droit du magasin de friperie. »

La société de consommation s’impose et impose la rapide consommation sexuelle ou autre des femmes (Ô James Bond et le Tavistock Institute !) et des hommes (aujourd’hui confondus dans le sac unisexe) :

« Les slogans proclament imprimés sur les emballages des produits du supermarché même si l'on peut supposer, à juste titre, que farine ou aspirine, il s'agit toujours du même produit. Et le modèle de l'année d'un type d'automobile doit se distinguer du précédent, au moins par une enjolivure, même si ce qui importe, la technique de construction, n'a pas changé depuis des années. »

L’idéal totalitaire va s’imposer : on oublie la famille et on impose un groupe manipulé par un conditionnement ou un danger extérieur (pensez à ces films des années 70 qui bâtis sur l’implosion terminale de la famille imposent la naissance d’un groupe tenu par la peur et l’obéissance à un prêcheur ou un chef-clone issu du Deep State) ; Watzlawick encore :

« A cette foi utopique en l'avenir et au rejet du passé s'ajoute un autre élément, déjà évoqué: l'égalité et la stéréotypie, une éducation fondée sur l'intégration à la communauté. Cette félicité à venir devra être partagée à parts égales, il ne saurait être question de privilèges individuels. Depuis le jardin d'enfants, on inculque aux Américains qu'ils font partie d'un groupe, et que les valeurs, le comportement et le bien-être de ce groupe sont prépondérants. Toute pensée individuelle est répréhensible, sans parler d'une attitude non conforme. Les enseignants s'adressent à leurs élèves comme à un collectif, en se servant du mot class: Class, you will now write a composition about..., et cette entité amorphe qu'est la classe commence sa rédaction. Alors qu'un Européen ne supporte pas d'être pris pour Monsieur Tout-le-monde, le souci majeur d'un Américain est de ne pas dévier des normes du groupe. »

Ce groupe totalitaire et festif, abruti et bien soumis a donné en Europe les fous de Bruxelles et cette communauté européenne qui nous promet guerre, misère, Reset et totalitarisme informatique.

lundi, 25 décembre 2023

Raymond Abellio et l’établissement du communisme sacerdotal en Europe

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Raymond Abellio et l’établissement du communisme sacerdotal en Europe

Nicolas Bonnal

L’Europe se retrouve soumise à une dictature technocratique et socialiste, mais aussi à une dictature de manipulateurs de symboles (Robert Reich) qui usent de l’informatique pour réordonner le monde un peu comme la théologie fut usée jadis. Voyons quel inspirateur peut nous expliquer ce projet.

Je l’ai rencontré en 1984-85 quand je découvrais joyeusement ces thèmes. D’un manière amusante, cet écrivain collaborateur, extrémiste (comme tous les anciens socialos) pendant la guerre, marginal, trempé d’ésotérisme, de sexualisme, de socialisme, d’européisme et de « communisme sacerdotal », ancien précepteur du fils Mitterrand, et tireur de cartes pour les filles de Mme Claude (ne le niez pas, je les ai vues) dans son studio de la rue des Bauches (sic) face au cimetière de Passy, a titillé mes souvenirs récemment ; car tout comme son disciple et ami Parvulesco, Abellio (alias Georges Soulès), était un partisan enjoué des grandes phrases, de romans du huitième jour (j’en écrivais alors…), des grandes constructions, de la métapolitique européenne et de la néo-grande synthèse hermétique post-guénonienne.

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On n’en parle plus beaucoup d’Abellio. Il a fatigué son monde comme tous les ésotéristes (Guénon n’est finalement qu’un historien décalé de la pensée comme Barzun ; ses états multiples de l’être font fuir tout le monde, sauf la poignée résiduelle de cinglés propre à toute secte). Mais je suis tombé sur ces lignes d’un site plus vulgarisateur que mes propos, et qui vont j’espère rappeler quelques bons souvenirs à certains :

« Il considère, comme il l'explique dans Les Militants, que la société se compose de quatre castes : à la base, les hommes d'exécution, au-dessus, les hommes de gestion, les technocrates, puis les hommes de puissance et, au sommet, les hommes de Connaissance, ceux-ci ne pouvant encore exister dans la société actuelle. Si la Connaissance est le but de sa quête, il ne peut résister à la fascination de la puissance, comme son personnage Pirenne, prêt à tout pour l'obtenir. Fortement influencé par Nietzsche, il veut voir l'avènement d'un "nouvel homme" forgé par cette volonté de puissance ».

Je vous laisse relire et apprécier. On ne relance pas en ce moment le mot de « caste » pour rien, on ne met pas l’Inde au-dessus de la Chine pour rien, alliée des anglo-saxons et détentrice maniaque de ce secret des castes. On relira mes textes sur Alain Daniélou que j’ai rencontré trop brièvement à la même époque.

Poursuivons. Le modèle national-socialiste revient à la mode sur fond d’effondrement démographique et de métissage généralisé (mais c’est  logique : dans Mein Kampf Hitler déjà est convaincu de l’un et de l’autre, comme Gobineau). Il est germano-européen, autoritaire-bureaucratique, russophobe rabique, et veut fonder dans le fer et dans le feu – enfin, dans la mesure de ses gâteuses capacités) un ordre européen qui se passera de Twitter…

md31053267733.jpgAbellio est socialiste jusqu’au bout, comme nos élites mondialistes actuelles (voyez mon texte sur Trotski et ce problème). Et il rejette le marxisme :

« Dans les années trente, alors qu’il avait à peine plus de vingt ans, il avait cru pouvoir réaliser cette volonté de puissance dans le militantisme socialiste. Sa déception, très forte, constitue la reconnaissance d'une première erreur. Dans le premier tome de ses Mémoires, Les Militants, violente attaque du marxisme, Abellio dénonce cette erreur et prophétise l'effondrement inévitable du marxisme. Celui-ci s'avérant incapable de réaliser ses rêves, notamment celui d'un socialisme européen qu'il expose dans Assomption de l'Europe (1954), c'est vers le national-socialisme qu'il se tourne ; c'est avec lui qu'il veut voir naître "une Europe idéale surgie de la guerre comme un bienfait des dieux".

Mais en 1942, il prend conscience de son aveuglement : "Les positions abstraites que j'avais pu prendre à l'Oflag deux ans auparavant sur la construction socialiste de l'Europe et sur lesquelles je vivais encore lors de l'attaque allemande en Russie avaient pu me faire croire à un dépassement possible de mon premier échec. J'étais bien obligé de constater qu'elles n'avaient pas résisté à l'épreuve des faits. Durant ces deux dernières années, j'avais cherché les socialistes allemands et ne les avais pas trouvés, et les rafles des Juifs posaient désormais sur le sens du nazisme une interrogation fondamentale qu'il était impossible d'éluder".

La volonté de puissance, miroir aux alouettes fatal à G. Soulès, n'a plus, pour Abellio à la fin de sa vie, qu'une acception mystique. C'est parce qu’il avait cru voir dans le socialisme européen prôné par le nazisme les fondements de cette "âme universelle" que Soulès tomba dans l'erreur et l'errance qui occultent hélas, aujourd'hui encore, la richesse de pensée et la perfection d'écriture de Raymond Abellio. »

Il me semble évident que derrière le charabia du maître et son occultisme de synthèse, les intuitions demeurent : l’Europe, l’ésotérisme, les castes, la vision dantesque, et le fanatisme bureaucratique et synarchique dont ce petit maître fut une manifestation.

https://books.openedition.org/msha/19840

 

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lundi, 27 novembre 2023

Stefan Zweig et l’autodissolution du monde dans l’américanisation

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Stefan Zweig et l’autodissolution du monde dans l’américanisation

Nicolas Bonnal

On dit Hollywood en liquidation à cause du LGBTQ, on dit l’Empire US en voie de disparition, on dit Trump en voie de réélection, on dit le dollar en voie de disparition, on dit tant de choses…

La réalité c’est que le triomphe US sur les esprits (la démocratie s’attaque aux esprits, pas aux corps, combien de fois me faudra-t-il te répéter, Tocqueville ?) est total et universel. 1.5 milliard de dollars pour le lamentable navet LGBTQ Barbie, un milliard ou plus pour le triquard Top Gun. La surpuissance de la machine américaine sur le monde est totale – et immatérielle. Oublions les productions Marvel – qui sont d’ailleurs israéliennes.

La marche à l’homogénéisation est devenue un galop ?

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Relisons alors Stefan Zweig qui finit au Brésil avant de se suicider aux barbituriques à Petrópolis (très bel et noble endroit hors du temps et des tropiques). Il écrit vingt ans auparavant dans son opuscule sur l’uniformisation du monde (traduit aux éditions Allia).

Il note cette surpuissance US dont tout le monde antisystème se targue d’assister à la fin aujourd’hui (rappelez-vous de Mao et de son tigre de papier qui est toujours là) :

« D’où provient cette terrible vague qui menace d'emporter tout ce qui est particulier dans nos vies? Quiconque y est allé le sait: d'Amérique. Sur la page qui suit la Grande Guerre, les historiens du futur inscriront notre époque, qui marque le début de la conquête de l’Europe par l'Amérique. Ou pis encore, cette conquête bat déjà son plein, et on ne le remarque même pas. Chaque pays, avec tous ses journaux et ses hommes d'Etat, jubile lorsqu'il obtient un prêt en dollars américains. Nous nous berçons encore d'illusions quant aux objectifs philanthropiques et économiques de l'Amérique: en réalité, nous devenons les colonies de sa vie, de son mode de vie, les esclaves d'une idée qui nous est, à nous Européens, profondément étrangère: la mécanisation de l'existence. Mais cet asservissement économique me semble encore peu de chose en comparaison du danger qu'encourt l'esprit. »

https://www.amazon.fr/com%C3%A9die-musicale-am%C3%A9ricaine-symbolismes-dun/dp/B09L564WJL/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1SCIGVEUOC4T6&keywords=bonnal+comedie&qid=1700150518&s=books&sprefix=bonnal+comedie%2Cstripbooks%2C108&sr=1-1

Voici comment commence le texte, comme un diagnostic triste : on est dans les années vingt et triomphe déjà la culture mondiale qui désole Duhamel et Hermann Hesse (le Loup des steppes est un pamphlet antiaméricain) :

41icPEOy6xL._SX210_.jpg« Malgré tout le bonheur que m’a procuré, titre personnel, chaque voyage entre pris ces dernières années, une impression tenace s'est une imprimée dans mon esprit: horreur silencieuse devant la monotonie du monde. Les modes de vie finissent par se ressembler, à tous se conformer à un schéma culturel homogène. Les coutumes propres à chaque peuple les disparaissent, costumes s'uniformisent, les mœurs  prennent un caractère de plus en plus international. Les pays semblent, pour ainsi dire, ne plus se distinguer les uns des autres, les hommes s'activent et vivent selon un modèle unique, tandis que les villes paraissent toutes identiques. Paris est aux trois quarts américanisée, Vienne est budapestisée : l'arôme délicat de ce que les cultures ont de singulier se volatilise de plus en plus, les couleurs s'estompent avec une rapidité sans précédent et, sous la couche de vernis craquelé, affleure le piston couleur acier de l'activité mécanique, la machine du monde moderne. »

Mais Zweig ajoute comme s’il avait lu Théophile Gautier qui en parle déjà très bien de cette unification mondiale dans son Journal de voyage en Espagne :

« Ce processus est en marche depuis fort longtemps déjà: avant la guerre, Rathenau avait annoncé de manière prophétique cette mécanisation de l'existence, la prépondérance de la technique, comme étant le phénomène le plus important de notre époque. Or, jamais cette déchéance dans l’uniformité des modes de vie n'a été aussi précipitée, aussi versatile, que ces dernières années. »

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C’est comme une religion ce monde moderne (cf. le Covid) avec les mêmes rituels imposés partout en même temps :

« Ils commencent à la même heure: tels les muezzins dans les pays orientaux, appelant chaque jour, au coucher du soleil, des dizaines de milliers de fidèles à la prière, toujours identique, comme s'il n'existait là-bas que vingt mots, vingt mesures invitent désormais quotidiennement, à cinq heures de l'après-midi, tous les Occidentaux à poursuivre le même rituel. Jamais, sauf dans certaines formules et formes musicales pratiquées au sein de l'Eglise, deux cents millions de personnes n'ont connu une telle simultanéité et une telle uniformité d'expression comme la race blanche d'Amérique, d'Europe et de toutes les colonies dans la danse moderne. Un deuxième exemple: la mode. Il n'y a jamais eu dans tous les pays une similitude aussi flagrante qu'à notre époque. Jadis, on comptait en années le temps nécessaire pour qu'une mode parisienne gagne les autres grandes villes, et plusieurs années encore pour qu'elle se propage dans les campagnes. Mais les peuples respectaient certaines limites et leurs coutumes, Ce qui leur permettait de résister aux exigences tyranniques de la mode. »

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Les caprices de la mode ? Zweig, qui malgré son érudition a oublié Montesquieu, écrit :

 « Aujourd'hui, sa dictature devient universelle le temps d'un battement de cil. New York dicte les cheveux courts aux femmes: en un mois, 50 ou 100 millions de crinières féminines tombent, comme fauchées par une seule faux. Aucun empereur, aucun khan dans l'histoire du monde n'avait connu une telle puissance, aucune doctrine morale ne s'était répandue à une telle vitesse. »

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Dans mon livre sur la comédie musicale j’ai noté l’importance de Potter la grande farandole (1941). Dans ce film Ginger Rogers impose sa coupe de cheveux  à des millions de femmes en un claquement de doigts (Story of Vernon and Irène Castel en anglais).

Mgr Gaume redoutait l’ubiquité et la simultanéité, marque de la Bête selon lui. Zweig écrit :

« II a fallu des siècles et des décennies au christianisme et au socialisme pour convertir des adeptes et rendre leurs commandements efficaces sur autant de personnes qu'un tailleur parisien ne les soumet à son influence en huit jours aujourd'hui. Le troisième exemple est le cinéma, où là encore sévit cette simultanéité sans commune mesure, dans tous les pays et toutes les langues, à travers lequel les mêmes représentations façonnent des centaines de millions de personnes et où les mêmes goûts (ou mauvais goûts) se forment. On célèbre l'abolition complète de toute touche personnelle, même si les producteurs vantent triomphalement leurs films comme étant nationaux: l’Italie acclame les Nibelungen tandis que les districts les plus allemands et populaires ovationnent Max Linder de Paris. »

Zweig voit cette culture de la masse qui va triompher avec le nazisme, le fascisme ou le communisme (mais pas seulement bien sûr, le libéralisme américain ayant balayé tout cela sans forcer) :

« Ici aussi, l'instinct de masse est plus fort et plus souverain que la libre pensée. La venue triomphale de Jackie Coogan a été une expérience plus forte pour notre époque que la mort de Tolstoï il y a vingt ans. Un quatrième exemple: la radio. Toutes ces inventions n'ont qu'un seul but: la simultanéité. Le Londonien, le Parisien et le Viennois entendent la même chose dans la même seconde, et cette simultanéité, cette uniformité enivre par son gigantisme. C'est une ivresse, un stimulant mais toutes ces merveilles techniques nouvelles entretiennent en même temps une énorme désillusion pour l'âme et flattent dangereusement la passivité de l'individu. Ici aussi, comme dans la danse, la mode et le cinéma, l'individu se soumet aux mêmes goûts moutonniers; il ne choisit plus à partir de son être intérieur, mais en se rangeant à l'opinion de tous. »

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Tout cela est lié à la jouissance et à l’illusion individualiste (il est dommage que Zweig n’ait pas débattu avec Bernays – pour tout un tas de raisons du reste) qui liquide les individus par cela même qu’elle les invite à être « nature » ou « eux-mêmes » ; c’est l’époque du Flapper, de la Jeune Fille:

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« On pourrait énumérer ces symptômes à l'infini, tant ils prolifèrent de jour en jour. Le sentiment de liberté individuelle dans la jouissance submerge l'époque. Citer les particularités des nations et des cultures est désormais plus difficile qu'égrener leurs similitudes. Conséquences: la disparition de toute individualité, jusque dans l'apparence extérieure. Le fait que les gens portent tous les mêmes vêtements, que les femmes revêtent toutes la même robe et le même maquillage n'est pas sans danger : la monotonie doit nécessairement pénétrer à l'intérieur. Les visages finissent par tous se ressembler, parce que soumis aux mêmes désirs, de même que les corps, qui s'exercent aux mêmes pratiques sportives, et les esprits, qui partagent les mêmes centres d'intérêt. »

On crée l’homme-masse dont a parlé Bernanos mais aussi un autre grand esprit juif (toujours cette Autriche-Hongrie dont le dépeçage fut la vraie fin de la civilisation européenne) de l’époque, Elias Canetti (voyez Masse et puissance) :

« Inconsciemment, une âme unique se crée, une âme de masse, mue par le désir accru d'uniformité, qui célèbre la dégénérescence des nerfs en faveur des muscles et la mort de l'individu en faveur d'un type générique. La conversation, cet art de la parole, s'use dans la danse et s'y disperse, le théâtre se galvaude au profit du cinéma, les usages de la mode, marquée par la rapidité, le "succès saisonnier", imprègnent la littérature. Déjà, comme en Angleterre, la littérature populaire disparait devant le phénomène qui va s'amplifiant du "livre de la saison", de même que la forme éclair du succès se propage à la radio, diffusée simultanément sur toutes les stations européennes avant de s'évaporer dans la seconde qui suit. Et comme tout est orienté vers le court terme, la consommation augmente: ainsi, l’éducation, qui se pour suivait de manière patiente et rationnelle, et prédominait tout au long d'une vie, devient un phénomène très rare à notre époque, comme tout ce qui s'acquiert grâce à un effort personnel. »

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Lettres-d-Amerique.jpgMais Zweig, qui aurait pu faire fortune à Hollywood comme l’élite culturelle juive autrichienne, préfère accuser ou plutôt désigner l’Amérique.

La colonisation de l’esprit arrive – on pense à ces personnages friqués et ennuyés d’Agatha Christie, qui entre deux croisières, deux bridges ou deux saouleries, écoutent le Poirot :

« Mais cet asservissement économique me semble encore peu de chose en comparaison du danger qu'encourt l'esprit. Une colonisation de l'Europe ne serait pas le plus à craindre sur le plan politique; pour les âmes serviles, tout asservissement paraît doux, et l’homme libre sait préserver sa liberté en tous lieux. Le vrai danger pour l'Europe me semble résider dans le spirituel, dans la pénétration de l’ennui américain, cet ennui horrible, très spécifique, qui se dégage là-bas de chaque pierre et de chaque maison des rues numérotées, cet ennui qui n'est pas, comme jadis l'ennui européen, celui du repos, celui qui consiste à s'asseoir sur un banc de taverne, à jouer aux dominos et à fumer la pipe, soit une perte de temps paresseuse mais inoffensive: l'ennui américain, lui, est instable, nerveux et agressif, on s'y surmène dans une excitation fiévreuse et on cherche à s'étourdir dans le sport et les sensations. »

Ennui et fuite (on croirait lire la France contre les robots ou bien Terre des hommes) :

9782070453726_1_75.jpg« L'ennui n'a plus rien de ludique, mais court avec une obsession enragée, dans une fuite perpétuelle du temps: il invente des médiums artistiques toujours nouveaux, comme le cinéma et la radio, nourriture de masse dont il appâte les sens affamés et transforme ce faisant la communauté des amateurs de plaisirs en corporations gigantesques, à l'image de ses banques et de ses trusts. De l'Amérique vient cette terrible vague d'uniformité qui donne à tous les hommes la même chose, qui leur met le même costume sur le dos, le même livre entre les mains, le même stylo plume entre les doigts, la même conversation sur les lèvres et la même automobile en place des pieds. Fatalement, de l'autre côté de notre monde, en Russie, sévit la même volonté de monotonie, mais sous une forme différente: la volonté de morceler l'homme et d'uniformiser la vision du monde, elle-même terrible volonté de monotonie. »

L’Europe resterait un rempart mais elle est condamnée :

« L'Europe est encore le dernier rempart de l’individualisme, et peut-être que les soubresauts survoltés des peuples, ce nationalisme exacerbé, malgré toute sa violence, est une sorte de rébellion inconsciente et fiévreuse, une dernière tentative désespérée de résister à l'égalitarisme. Mais c'est de précisément cette forme défense convulsive qui trahit notre faiblesse. Déjà le génie de la sobriété est à l’œuvre pour effacer l’Europe des livres d'histoire, la dernière Grèce de l'histoire. Résistance: que faire désormais? Prenant d'assaut le Capitole, le peuple s'écrie: en haut des redoutes, les barbares sont là, ils détruisent notre monde". Il profère encore une fois les paroles de César mais, dorénavant, dans un sens plus sérieux: Peuples d'Europe, préservez vos biens les plus sacrés !". Non, nous ne sommes plus aussi crédules et aveugles au point de croire qu'on puisse encore inventer des associations, des livres et des proclamations contre ce monstrueux mouvement mondial et mettre fin à cet appétit pour la monotonie. Tout ce que l'on écrivait restait un bout de papier, lancé contre un ouragan. »

Vers la fin du texte Zweig pousse à la résistance individuelle contre ce «monstrueux mouvement mondial». J’y reviendrai. Echapper à la technologie, à la radio, au cinéma (Albert Speer en a parlé à Nuremberg puis dans ses Mémoires), au web et aux réseaux aujourd’hui, est chose bien compliquée. C’est Daniel Estulin qui évoquait dans son livre sur la culture (Tavistock Institute) ces chansons de Gaga, Beyonce, Rihanna qui rassemblent et envoûtent des milliards de fans…

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https://www.youtube.com/watch?v=zuh2dIaLAYo

https://www.youtube.com/watch?v=Lm4wdmeRhzQ&t=1182s

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vendredi, 24 novembre 2023

Taine et le bourgeois numérisé comme catastrophe française

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Taine et le bourgeois numérisé comme catastrophe française

Nicolas Bonnal

Le bourgeois français était l’épicentre du système républicain. Il est maintenant la base du système woke, du système écologiste, mondialiste et même numérique. Le bourgeois progressiste a tourné avec son bien aimé pape François la page catho-chrétienne-bourgeoise (c’est Bernanos qui doit être content au paradis d’être ainsi confirmé sur sa conception du catholicisme entropique bourgeois) et il est le père du cauchemar mondialiste et  numérique qui s’abat sur ce foutu pays ou ce qu’il en reste. Essayons de comprendre.

31402894086.jpgIl se peut que La Fontaine soit l’écrivain le plus important de notre histoire. Taine lui a rendu un hommage vivifiant et oublié dans sa monographie et il a insisté sur un point négligé : le bourgeois dans les Fables. Et notre splendide historien, le premier à avoir décrit la France telle qu’elle est et pas telle qu’elle se rêve (pour reprendre son expression sur le Saint-Julien de Flaubert) explique très bien de quel bois se chauffe la fille de l’Eglise, de l’Etat, de maître Patelin et de Renard :

« Derrière le clergé et la noblesse, loin, bien loin, le chapeau à la main, dans une attitude respectueuse, marche le tiers-état, «frère cadet des deux premiers ordres» si on l'en croit, «simple valet» selon la déclaration des gentilshommes. Les bonnes villes, bourgeoisies et corps de métiers, ont envoyé leur députation de ridicules, et La Fontaine, qui semble un bourgeois quand il raille les nobles, semble un noble quand il raille les bourgeois. Et ce n'est pas ici la matière qui manque. Parlons-en tout à notre aise; nous sommes de cette bande, et nous avons le droit de la montrer telle qu'elle est. »

Je suis d’accord : bourgeois on l’est tous plus ou moins. N’est-ce pas Nizan (voyez mon texte) qui disait déjà que le bourgeois c’est celui qui vit en pantoufles devant son écran ? C’était il y  a presque cent ans !

Guénon a parlé (Autorité spirituelle...) de cette monarchie française bourgeoise ; de cette monarchie qui mit au pas la caste sacerdotale comme la classe guerrière aristocratique et qui a tout fonctionnarisé, récoltant en 1789 ce qu’elle avait semé : l’Etat bourgeois s’est passé d’elle. Devenu purement machine, il va se passer de tout l’Etat avec son inintelligence artificielle.

Taine écrit superbement (j’ai déjà cité cet extrait, un des plus importants de notre littérature – avec ceux de Balzac, Chateaubriand ou Tocqueville) :

« Le bourgeois est un être de formation récente, inconnu à l'antiquité, produit des grandes monarchies bien administrées, et, parmi toutes les espèces d'hommes que la société façonne, la moins capable d'exciter quelque intérêt. Car il est exclu de toutes les idées et de toutes les passions qui sont grandes, en France du moins où il a fleuri mieux qu'ailleurs. Le gouvernement l'a déchargé des affaires politiques, et le clergé des affaires religieuses. La ville capitale a pris pour elle la pensée, et les gens de cour l'élégance. L'administration, par sa régularité, lui épargne les aiguillons du danger et du besoin. Il vivote ainsi, rapetissé et tranquille. A côté de lui un cordonnier d'Athènes qui jugeait, votait, allait à la guerre, et pour tous meubles avait un lit et deux cruches de terre, était un noble. »

On se rapproche de cet Etat antiromantique qui en effet va nous ôter le trouble de penser et la peine de vivre. En attendant la télévision (voyez mon texte sur la méditation transfenestrale de d’Artagnan…).

L’homme rapetissé est déjà là, il n’a pas attendu Tati-Etaix-Godard, les congés payés, la télé et l’éternel parti de la majorité présidentielle :

« Ses pareils d'Allemagne trouvent aujourd'hui une issue dans la religion, la science ou la musique. Un petit rentier de la Calabre, en habit râpé, va danser, et sent les beaux-arts. Les opulentes bourgeoisies de Flandre avaient la poésie du bien-être et de l'abondance. Pour lui, aujourd'hui surtout, vide de curiosités et de désirs, incapable d'invention et d'entreprise, confiné dans un petit gain ou dans un étroit revenu, il économise, s'amuse platement, ramasse des idées de rebut et des meubles de pacotille, et pour toute ambition songe à passer de l'acajou au palissandre. Sa maison est l'image de son esprit et de sa vie, par ses disparates, sa mesquinerie et sa prétention. »

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Taine le trouve plus médiocre que ses voisins européens ce bourgeois froncé :

« Il n'est point un Cincinnatus. C'est l'orgueil, d'ordinaire, qui fait le désintéressement. Un campagnard suisse ou romain qui à l'occasion devenait chef d'armée, arbitre de la vallée ou de la cité, pouvait avoir des sentiments grands, laisser le gain à d'autres, vivre de pain et d'ognons, et se contenter du plaisir de commander: sa condition le faisait noble. Comment voulez-vous que cette manière de penser naisse parmi nos habitudes bourgeoises? Le bourgeois probe s'abstient du bien d'autrui; rien de plus. Il serait niais de se dévouer pour sa bicoque. Les dignités municipales exercées sous la main de l'intendant ne valent pas la peine qu'on se sacrifie à elles; échevin, maire, élu, il n'est qu'un fonctionnaire, fonctionnaire exploité et tenté d'exploiter les autres. »

Ce devenir-fonctionnaire du monde, bien plus fort que le devenir-marchandise du monde, explique très bien le totalitarisme européen façon Leyen-Macron-Breton et le Grand Reset de Schwab (banal bureaucrate boche). C’est le monde de maître-rat, comme dit La Fontaine. Et comme on en a produit industriellement dans les (grandes) écoles puis dans les fabiennes universités anglo-saxonnes, on n’a pas fini de reproduire ce modèle de bourgeois bureaucrate dont l’ONU ou l’Unesco ou le FMI ont fourni les modèles terrifiants.

Mais le Français est AUSSI un bourgeois râleur, un prof gauchiste, un étudiant écolo-trotskiste, un je-ne-sais-quoi. La fable sur les grenouilles (symbole français) et leur roi (on pense au macaron), voici comment Taine l’explique :

« Ils sont inconstants, mécontents par état, frondeurs, faiseurs de remontrances, fatigants, obstinés, insupportables, et par-dessus tout impertinents et poltrons. Ils se lassent de «l'état démocratique;» et, quand Jupin, fatigué de leurs clameurs, leur donne pour roi «un bon sire, tout pacifique,» la gent «sotte et peureuse» va se cacher dans tous les trous, jusqu'à ce qu'elle redevienne familière et insolente. Pourquoi sont-ils si déplaisants? Quand le roi des dieux leur envoie une grue «qui les tue, qui les croque, qui les gobe à son plaisir,» on est presque du parti de la grue et de Jupiter.

Oui, avec Jupiter on est servi ; et il y en a même  encore plein qui n’ont pas encore compris.

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Taine a compris bien avant les ingénieurs sociaux comme on fabrique du fonctionnaire, du militaire, du dernier homme :

« Nous naissons tous et nous croissons d'un mouvement spontané, libres, élancés, comme des plantes saines et vigoureuses. On nous transplante, on nous redresse, on nous émonde, on nous courbe. L'homme disparaît, la machine reste; chacun prend les défauts de son état, et de ces travers combines naît la société humaine. »

Toujours rat, le bourgeois est attiré par le people aristo, écrit Taine :

« Le bourgeois sait qu'il est bourgeois et s'en chagrine. Sa seule ressource est de mépriser les nobles ou de les imiter. Il se met au-dessus d'eux ou parmi eux «et se croit un personnage.» Cet orgueil est raisonneur et esprit fort. Par exemple le rat s'étonne de voir tout le monde tourner la tête au passage de l'éléphant. Il réclame contre cet abus en théoricien spiritualiste: la grosseur et l'étalage ne font pas le mérite; l'animal raisonnable ne vaut point «par la place qu'il occupe,» mais par l'esprit qu'il a. Il est clair que ce philosophe de grenier est un disciple anticipé de Jean-Jacques, et médite un traité sur les droits du rat et l'égalité animale. »

C’est le monde du moyen (c’est rigolo parce que le but de notre monde global-bourgeois-technocrate est de liquider la classe moyenne maintenant) :

« Là est la misère des conditions moyennes. Les extrêmes s'y assemblent et s'y heurtent; les couleurs s'y effacent l'une l'autre, et l'on n'a qu'un tableau ennuyeux et choquant. De là vient la laideur du monde moderne. Autrefois à Rome, en Grèce, l'homme, à demi exempt des professions et des métiers, sobre, n'ayant besoin que d'un toit et d'un manteau, ayant pour meubles quelques vases de terre, vivait tout entier pour la politique, la pensée et la guerre. »

Magnifiquement Taine ajoute (je crois qu’il n’est pas populaire – bien que très connu – parce qu’il est trop dur, ce n’est pas pour rien qu’il fut un fidèle correspondant de Nietzsche qui compare dans Zarathoustra le charbon au diamant) :

« Aujourd'hui l'égalité partout répandue l'a chargé des arts serviles; les progrès du luxe lui ont imposé la nécessité du gain; l'établissement des grandes machines administratives l'a écarté de la politique et de la guerre. La civilisation, en instituant l'égalité, le bien-être et l'ordre, a diminué l'audace et la noblesse de l'âme. Le bonheur est plus grand dans le monde, mais la beauté est moindre. Le nivellement et la culture, parmi tous leurs mérites, ont leurs désavantages: d'un paysage nous avons fait un potager. »

Qui se doutait qu’avec Malleret, Hollande ou Macron la machinerie administrative française allait accoucher du monstre administratif mondialiste et numérique ? Mais poursuivons :

« Les occupations nobles s'altèrent en devenant marchandises. Le sentiment s'en va et fait place à la routine. »

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Il va parler de Virgile notre Taine dont l’école m’avait dégoûté (la version latine ne servant qu’à sélectionner un ingénieur social, pas à découvrir le génie initiatique d’une littérature) :

« Une page de Virgile, que vous avez fait réciter à vingt écoliers pendant vingt ans vous touchera-t-elle encore? Vous devez la lire tel jour, à telle heure; l'émotion coulera-t-elle à point nommé comme quand on tourne un robinet? Sous cette obligation, et sous cette régularité, l'esprit s'émousse et s'use, ou, si la vanité le soutient, il devient une mécanique de bavardage qui, à tout propos, hors de propos, part et ne s'arrête plus. Lorsque nous naissons, les forces de notre âme sont en équilibre. Qu'un métier soit un emploi utile de ces forces, un remède contre l'ennui, à la bonne heure. Mais, ainsi qu'une maladie, il rompt ce balancement exact. En développant un organe spirituel, il fait périr les autres. Le rôle accepté détruit l'homme naturel. C'est un acteur qui partout est acteur, et qui, une fois hors de son théâtre, est un sot. »

Ce devenir-acteur du monde Macluhan en parle très bien à propos du roi Lear. Taine a tout dit avant tout le monde, comme Dumas, Poe, Baudelaire et les autres (pourquoi croyez-vous que j’insiste ?).

Et le monde moderne a ainsi accouché non pas d’une souris mais d’un rat bourgeois. Dans une admirable note sur son Anglaise Taine écrit :

« En dehors des sectaires qui aimaient surtout leur système, beaucoup de Français aimaient passionnément la France, et l’ont prouvé par leurs sacrifices, leur zèle et leur courage. La vérité est que l’esprit public ne se montre pas chez nous sous la même forme qu’en Angleterre et aux États-Unis, par l’étude froide et sérieuse des affaires publiques, par l’action locale et journalière, par l’association multipliée, efficace et pratique. On bavarde en phrases générales et vagues, on laisse prendre son argent au percepteur, on marche à la frontière, et on se fait tuer (Note du traducteur). »

Aujourd’hui on n’ira pas se faire tuer pas les Russes en Biélorussie (encore que, en insistant un peu à la télé…) mais on se fera piquer, stériliser, numériser et remplacer.

Sources

http://classiques.uqac.ca/classiques/taine_hippolyte/la_f...

https://www.dedefensa.org/article/chateaubriand-et-la-conclusion-de-notre-histoire

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/11/09/terreur-republicaine-et-dictature-sanitaire-un-retour-sur-hyppolite-taine-et-son-anglaise-anonyme-par-nicolas-bonnal/

https://www.dedefensa.org/article/nizan-et-les-caracteres...

https://www.dedefensa.org/article/balzac-et-la-prophetie-...

https://lesakerfrancophone.fr/vigny-et-la-servitude-milit...

https://www.dedefensa.org/article/comment-fukuyama-expliq...

samedi, 18 novembre 2023

Entre désespoir et décadence : Pierre Drieu La Rochelle et la démission française

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Entre désespoir et décadence : Pierre Drieu La Rochelle et la démission française

Nicolas Bonnal

41Z2hG1PUYL._AC_UF894,1000_QL80_.jpgLe Journal de Drieu publié courageusement par Gallimard avait fait scandale il y a trente ans lors de sa parution. C’est Jean Parvulesco qui me l’avait alors recommandé. Je l’ai relu récemment avec un intense intérêt tant les préoccupations de Drieu recoupent les nôtres : sensation de décadence terminale, désespoir (au sens strict) historique, incapacité de trouver des sauveurs (Hitler ? Staline ? Les Chinois ?), et sinistre impression causée par la torpeur française – la même que ressent alors Bernanos, un de rares écrivains qu’estime alors Drieu  (il admire aussi son départ pour l’Amérique du Sud, et avec quelle raison !).

Même en pleine guerre Drieu observe cette torpeur (si vous voulez de l’émotion, revoyez Casablanca) :

« Cette torpeur qui règne à Paris, qui s'est manifestée à l'occasion du bombardement n° 1. J'avais raison de dire il y a quelques années que les Français étaient devenus un peuple triste, qui n'aimait plus la vie. Ils aiment la pêche à la ligne, l'auto en famille, la cuisine, Ce n'est pas la vie. Ils ne sont pas lâches, mais pires; ils sont ternes, mornes, indifférents. Ils souhaitent obscurément d'en finir, mais ne feront rien pour que ça aille plus vite. Cette 9ème armée qui s'en va les mains dans les poches, sans fusils, sans officiers. »

Une génération avant Debord, Drieu observe :

« Où aimerais-je aller? Nulle part! Le monde entier est en décadence. Le « Moderne» est une catastrophe planétaire. »

Debord dira lui : « dans un monde unifié on ne peut s’exiler » (son seul alexandrin !).

Il tape comme Céline sur la peu glorieuse patrie des années trente, celles des joueurs de boule et du front popu (j’oubliais : et des conspirateurs de la cagoule) :

« La France meurt d'avarice dans tous les de sentiments et de pensées. Pays de petite ironie, de petit dénigrement, de petite critique, de petit ricanement, pays de petitesse...  Tout y a été abaissé : les institutions et même leurs pauvres contraires. Si on a abattu la monarchie on n'a pas élevé le peuple avili à l'aristocratie, on n'a pas décanté la bourgeoisie, si on a ravalé le clergé on n'a pas défendu les professeurs contre l'insipide vanité et on les a loués dans leur inénarrable vacuité !»

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Il observe sur cette fameuse devise républicaine :

« La fraternité n'a pas remplacé la charité, l'égalité n'a profité qu'à l'argent, quant à la liberté ce ne fut que la basse licence de dire tout de façon que rien ne tirât plus à conséquence. »

Se reconnaissant lui-même catastrophiste,  Drieu ajoute :

« N'importe comment, je sais que ma vie est perdue. La littérature française est finie, de même que toute littérature en général dans le monde, tout art, toute création. L'humanité est vieille et a hâte d'organiser son sommeil dans un système de fourmilière ou de ruche. D'autre part, ma vie individuelle est finie. Finis les femmes, les plaisirs sensuels. »

Le fascisme auquel on ne le rattache ne trouve pas grâce à ses yeux. Il l’expédie beaucoup mieux que Julius Evola, Savitri Devi ou Hans Günther (qui en dénoncera le caractère « ochlocratique » quand la bise sera venue) :

Socialisme_fasciste___Drieu_la_[...]Drieu_La_bpt6k1512379p.JPEG« J'ai écrit dans Socialisme Fasciste que le fascisme était l’expression de la décadence européenne. Ce n’est pas une restauration. Il n'y a pas de restauration. Consolidation, replâtrage des débris. »

En réalité Drieu voit comme dans son livre sur la France préfacé par Halévy après la Grande Guerre (guerre qu’il n’admire pas plus) que le Français ne veut plus être français. François Furet fera la même observation dans son Passé d’une illusion : le froncé adore « internationaliser » sa vie politique pour compenser son vide. Voyez aujourd’hui avec la Russie, l’Europe, l’Amérique ou Israël.

A l’époque on a déjà le bloc bourgeois : c’est le camp anglais (De Gaulle parle dans ses Mémoires du vertige qui nous saisit quand l’Angleterre ne décide pas à notre place – depuis 1815 ou 1870 ?) ; on aussi un camp fasciste (Allemagne-Italie même si l’Italie devient ce désastre bien décrit par AJP Taylor) et bien sûr un camp russe (déjà ! déjà !). Sous sa plume peu enjouée cela donne :

« Cet abandon de tout le peuple à la superstition russe est le signe le plus certain de notre abâtardissement à tous. Quand un peuple n'a plus de maîtres, il en demande à l'étranger".

Cependant que d'autres Français s'abandonnent à l'attente clandestine de l'Allemand. Quant à la masse, elle est vouée aux Anglais.

Il n'est plus de Français pour ainsi dire qui pense et qui veuille français. La velléité française est entièrement partagée entre le parti du centre ou anglais, le parti allemand d'extrême droite et le parti russe d'extrême gauche. »

Enfin il a déjà ceux qui se foutent de tout comme aujourd’hui (Gaza, vaccin, reset, guerres, identité numérique, connais pas !) :

« Il y a aussi tous ceux qui veulent qu'on leur foute la paix, c'est à dire qu'on les en recouvre comme d'une déjection. »

Rappelons que Mbappé compte vingt-fois plus d’abonnés Twitter que Philippot ou Asselineau....

Drieu insiste sur la grande déception mussolinienne (Benito aurait dû prendre sa retraite bien avant, avant l’Ethiopie peut-être ?) :

« Je  croyais aussi que Mussolini avait vendu son âme à Hitler, qu'il était résigné à jouer le brillant second. Mais en tous cas on peut voir qu'à la longue l'Italie use Mussolini. »

9782867145193.jpgEt de conclure en rêvant à des orgies de sang romaines :

« Comme tout cela est terne et crépusculaire. C'est bien la décadence de l'Europe. Les grandes tueries du temps de Galba et Othon!  Les fils d'ouvriers Mussolini, Hitler, Staline ne sont pas bien éblouissants. »

Je reprends sa si juste marotte : il n’y a plus de parti français (idem aujourd’hui : on est européen donc, ou russe, ou palestinien ou israélien, ou américain), et ceux qui se réclament du souverainisme font 1% des voix (le RN alias "reniement national" s’est brillamment rangé des voitures) :

« Il y a toujours un parti russe et un parti allemand et un parti anglais, voire un parti italien.

Le parti anglais est si nombreux et maître des choses depuis si longtemps qu'il ne se voit pas et qu’on ne le voit guère. On a abandonné à Londres notre politique étrangère, toutes nos initiatives et toutes nos volontés et tous nos espoirs.

Le parti russe est fait de bourgeois qui joignent la chimère de Moscou à la branlante réalité de Londres, et d'ouvriers qui, incapables de faire la révolution, s'en remettent à Staline pour la leur offrir ou imposer. Le parti allemand masque d'anticommunisme sa lâcheté. »

Belle observation :

« Tous s'en remettent sur les étrangers pour les décharger de leurs devoirs et de la fatigue de penser, d'imaginer, de vouloir. »

Et la conclusion logique de tout cela :

« Ce parti que nous avons pris de ne pas nous battre au début est la conséquence de ces diverses démissions. »  

De Gaulle parti (n’en faites pas un héros référentiel non plus, Giscard et Pompidou étaient ses ministres) nous avons fait qu’aller de démission en démission.

Lire aussi :

https://www.dedefensa.org/article/drieu-la-rochelle-et-le...

 

lundi, 13 novembre 2023

Georges Bernanos et « la masse affreusement disponible » des hommes trop modernes

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Georges Bernanos et « la masse affreusement disponible » des hommes trop modernes

Nicolas Bonnal

Bernanos fait rêver dans la France contre les robots, son essai le plus connu. Il rêve encore, on est en 44-45, la France est libérée et va renaître et montrer le droit chemin aux hommes, etc. Mais c’est dans La Liberté, pour quoi faire ? qu’il donne son vrai message. Le livre, ensemble de quatre conférences et non essais, est écrit (bravo à la préface courageuse de Pierre Gilles dans l’édition Folio) entre décembre 46 et avril 47 ; et le grand homme (« votre place est parmi nous ! » lui dit le Général qui quitte très vite le pouvoir lui aussi) a compris à qui il avait affaire.

1507-1.jpgLe constat est désespéré et désespérant. Sommes-nous tombés plus bas depuis, à coups de Gaza, de Reset, de Covid, de vaccins, de Biden-Macron-Leyen et consorts ? C’est possible mais je n’en suis pas sûr avec mon présent permanent ou ma Fin de l’Histoire: voyez mes textes sur Drumont, Céline ou Bernanos sans oublier ceux sur Bloy. Le froncé républicain issu de la débâcle de 1870-1871 mit fin à la certaine idée de la France. C’est un bourgeois ou un micro-consommateur débile, ringard et soumis que la télé mène à l’abattoir. Il ira twitter sur vos tombes. Même Péguy avec ce destin de retraité qu’il dénonce dans un texte sur Descartes avait compris. C’est dire.

Quand les carottes sont cuites il faut le dire. Bernanos écrit ainsi dans sa Liberté :

« Le drame de l'Europe, le voilà. Ce n'est pas l'esprit européen qui s'affaiblit ou s’obscurcit depuis cinquante plus, c'est l'homme européen qui se dégrade, c'est I ‘humanité européenne qui dégénère. Elle dégénère en s'endurcissant. Elle risque de s'endurcir au point d'être capable de résister à 'importe quelle expérience des techniques d'asservissement, c'est-à-dire non pas seulement de les subir, mais de s'y conformer sans dommage. Car cette décomposition dont je parlais tout à l'heure aura évidemment une fin. »

La dégradation et la dégénérescence sont le fruit de l’étatisme et du socialisme, denrées très chéries en France. Bernanos se rapproche des libertariens (je parle des grands historiens comme mes regrettés amis Butler ou Raico, pas des politiciens) mais aussi de Tocqueville (que ne peut-il – le Souverain – nous ôter la peine de penser et de vivre ?) ou de Jouvenel, qui publie son phénoménal du Pouvoir au lendemain de la Guerre. Avec l’admirable Stefan Zweig Bernanos évoque ces temps d’avant 1914 où l’on voyageait sans passeport : une carte de visite et des lettres d’introduction suffisaient (c’était l’époque où l’on voyageait pour voir des gens, pas pour visiter des expos).

Bernanos a compris que la France est une masse, ce n’est plus un peuple. Il sort ces phrases formidables alors sur cette « masse affreusement disponible ».

« Il y a des millions et des millions d'hommes dans le monde qui n'ont pas attendu notre permission pour soupçonner que la France de 1940 - formée d'une immense majorité de pétainistes et d'une poignée de gaullistes - et celle de 1944 - formée d'une immense majorité de gaullistes et d'une poignée de pétainistes - ne forment réellement qu'une seule masse affreusement disponible, dont l'événement de Munich avait déjà permis de mesurer le volume et le poids, qui s'est retrouvée presque tout entière à l'Armistice pour rouler dans le pétainisme par le seul effet de la pesanteur, jusqu'à ce que l'invasion de l'Afrique du Nord, rompant l'équilibre, l'ait fait choir sur l'autre pente. »

Munich, Pétain, de Gaulle, en attendant mai 68 et la coupe du monde de football ! Un qui a bien compris cela aussi c’est Audiard. Voyez son film sur la France pour rire.

Certains ici trouvent que Bernanos exagère. Mais pensez aux vaccins, présents et à venir, vaccins qui seront obligatoire sinon vous n’aurez plus droit de manger ou d’éclairer votre maison.

« Supposez que demain - puisque nous sommes dans les suppositions, restons-y - les radiations émises sur tous les points du globe par les usines de désintégration modifient assez profondément leur équilibre vital et les sécrétions de leurs glandes pour en faire des monstres, ils s'arrangeront très bien de leur condition de monstres, ils se résigneront à naitre bossus, tordus, ou couverts d'un poil épais comme les cochons de Bikini, en se disant une fois de plus qu'on ne s'oppose pas au progrès. Le mot de progrès sera le dernier qui s'échappera de leurs lèvres à la minute où la planète volera en éclats dans l'espace. Leur soumission au progrès n’a égale que leur soumission à l’Etat. »

La-grande-peur-des-bien-pensants.jpgDes distraits nous parlent du néolibéralisme alors que l’on assiste au triomphe de l’Etat central universel qui accompagne le Trust des Trusts dont Bernanos parlait déjà dans sa Grande peur des bien-pensants.

C’est ma mère qui parlant de sa plage à Biarritz me disait qu’elle ne voulait plus s’y rendre, écœurée par le « dirigisme français » qui s’y manifestait : CRS, coups de sifflet, flipper, barboter entre des piquets, surfeurs industriels partout, etc.

Ce dirigisme Bernanos le voit à l’œuvre :

« La menace qui pèse sur le monde est celle d'une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle qui ferait, tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre, qu'importe ! de l'homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité tout entière, et dont l'existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d'un mammouth sur les bords du Lac Léman. Ne croyez pas qu'en parlant ainsi je fasse seulement allusion au communisme. Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l'hitlérisme, que le monde moderne n'en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semble aspirer les démocraties elles-mêmes. »

Oh, mais comme il est pessimiste ce Bernanos ! Comme il est prophète de malheur ce Bernanos ! Comme il devrait se soigner (ou se vacciner) ce Bernanos, ai-je lu ici ou là.

Il envoie dinguer les optimistes dans une belle et célèbre formule :

« L'optimisme est un ersatz de l'espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c'est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l'a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s'abonne à une revue nudiste et déclare qu'il se promène ainsi par hygiène, qu'il ne s'est jamais mieux porté. »

Claude Janvier expliquait à Bercoff qu’il connaissait un jeune content de ne pas voyager, content de ne pas posséder de bagnole, content de ne pas prendre l’avion, content de disposer à vie de neuf mètres carrés et content surtout de ne pas polluer. Ils sont quelques milliards comme ça.

Bernanos voit très bien qu’il va être trop tard (le chant du « signe » comme on sait c’est Debord et ses Commentaires) :

« Il faut se hâter de sauver l'homme, parce que demain il ne sera plus susceptible de l'être, pour la raison qu’il ne voudra plus être sauvé. Car si cette civilisation est folle, elle fait aussi des fous. »

Loin de l’hypocrisie de tous nos commentateurs cathos qui auront tout gobé avec ce pape (Gaza, le vaccin, l’Europe, le Reset, les migrants, le truc LGBTQ) Bernanos écrit :

« ... l'opinion cléricale qui a justifié et glorifié la farce sanglante du franquisme n'était nullement exaltée. Elle était lâche et servile. Engagés dans une aventure abominable, ces évêques, ces prêtres, ces millions d'imbéciles n'auraient eu, pour en sortir, qu'à rendre hommage à la vérité. Mais la vérité leur faisait plus peur que le crime. »

Le catholique était déjà une conscience disponible, affreusement disponible.

mardi, 07 novembre 2023

Gaza et le bloc bourgeois

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Gaza et le bloc bourgeois

Nicolas Bonnal

...mais j’enverrai un feu dans les murs de Gaza, et il dévorera ses palais

Amos 1, 6.

Comme je le devinais en écrivant mon livre intitulé Internet nouvelle voie initiatique il n’est pas une bulle informative (internet, la guerre, l’épidémie, la tyrannie numérique, le Reset) qui n’ait sa source dans la Bible. Damas aussi était salement menacée, comme j’écrivais dans Pravda.ru il y a dix bonnes années.

L’oracle touchant Damas.

Voici, Damas va cesser d’être une ville, et elle sera un monceau de ruines.

Isaïe, 17, 1.

On se remet à aimer Voltaire qui encense le ‘bon musulman’ à la fin de Candide et envoie régulièrement promener le judéo-crétinisme. Il va être épuré lui aussi.

Gaza amuse car cette bonhomme et juste rétribution les crimes terroristes palestiniens ne fait que poursuivre le Grand Reset (dépeupler et déplacer les populations pour des raisons énergétiques). Tout cela se fait au nom des élites mondialistes et de leurs suppôts bourgeois. Rappelons que dans l’Evangile Gaza désigne le Trésor du Temple (Marc, 12, 41-43).

La bourgeoisie a soutenu la campagne du virus, les confinements du virus, le vaccin (on écrirait le vaccinat) obligatoire, le chasse aux non-vaccinés, la persécution des sceptiques, la remise en cause des commandements bourgeois et pharmaceutiques de la médecine positiviste moderne, fût-elle tombée bien bas comme le remarque déjà Debord déjà dans ses inépuisables Commentaires.

Puis la bourgeoisie a lancé l’impudente guerre antirusse (la Russie dit Todd incarne toujours un idéal égalitaire) en niant le droit à la vie des populations du Donbass ; ensuite elle a ruiné le continent dans sa guerre vaine contre un ennemi trop riche et trop puissant et trop armé. Mais la bourgeoisie suivra la «ploutocratie impérialiste et raciste» américaine (Etiemble)  jusqu’en enfer, dût-elle  bravement tout atomiser, Chine et Russie comprises (elle ne lésine jamais).

Ensuite le bourgeois redécouvre ses racines moliéresques et se prend pour Harpagon ; dans ma jeunesse on n’avait pas de pétrole (aujourd’hui on n’en veut plus) mais on avait des idées – et on faisait la chasse au gaspi ! Roublard et radin, le bourgeois de souche se retrouve comblé devant sa télé par le programme de l’hypocondriaque tonton Schultz-Schwab présenté en français par l’élève de Michel Rocard (père du RMI…).

Enfin la bourgeoisie soutient Israël, seule démocratie du Moyen-Orient à revendiquer les Ecritures, et commence avec le sénateur républicain Le Rutulier à demander la prison pour les antisionistes de France et de Navarre. Comme dit de Gaulle, il n’y a qu’une bourgeoisie, dont une moitié lit le Figaro, l’autre Le Monde.

L’extrême-droite raciste contente d’avoir trouvé plus antisémite qu’elle (« c’est l’extrême-gauche qui soutient les nazis », bave-t-elle euphorique maintenant) et la France Insoumise l’étant décidément trop (même pendant les confinements et gestuelles rituelles imposées par l’élite médico-bourgeoise), on devra les confiner dans un camp de redressement, comme les non-vaccinés. La racaille de droite dont a si bien parlé De Gaulle (toujours…) dans une formule qui éclaira ma jeunesse trop patriote se range maintenant derrière Julien Dray. Et comme Julien Dray (fondateur de SOS-Racisme, voyez les livres de Guy Hocquenghem et celui de mon éditeur Thierry Pfister sur la génération Mitterrand qui n’en finit pas de déshonorer la France républicaine) explique que les palestiniennes tuent leurs enfants pour les exhiber à la télé, eh bien...

Le reste est chez Kubrick et chez notre ami Kunstler qui a évoqué le thème du dibbouk, aussi.

https://www.amazon.fr/Internet-nouvelle-initiatique-Nicol...

https://www.amazon.fr/STANLEY-KUBRICK-GENIE-DU-CINEMA/dp/...

https://lesakerfrancophone.fr/appelez-les-exorcistes

 

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lundi, 06 novembre 2023

Maurice Barrès et la France décérébrée vers 1890…

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Maurice Barrès et la France décérébrée vers 1890…

Nicolas Bonnal

Barrès n’est pas du tout ma tasse de thé (ô ces nationalistes bellicistes revanchards…), mais en retombant grâce à Wikisource.org sur ses médiocres Déracinés, je suis tombé sur ces pépites. Il semble que le destin de la France se soit joué les vingt premières années de la IIIème république, comme l’ont alors vu Cochin, Maupassant, Bloy, Drumont ou Bernanos. Un pays vieillissant bureaucratique, conditionné (programmation patriotique), humanitaire (lumière du monde, droits de l’homme, etc.) mais sanglant et conquérant, mais immoral aussi et nihiliste – en voie rapide de déchristianisation (voyez mes textes sur Mgr Gaume ou sur Mgr Delassus). Le reste est chez Zola, quand on aura appris à le lire (voyez mon texte sur le Bonheur des dames).

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Barrès part en tout cas de prémices justes :

« Les forces vivantes de notre pays, ses groupes d’activité, ses principaux points d’union et d’énergie, dans l’ordre matériel ou spirituel, c’est aujourd’hui :

1° Les bureaux, c’est-à-dire l’ensemble de l’administration, où il faut bien faire rentrer l’armée. — Qu’on aime ou blâme leur fonctionnement, c’est eux qui supportent tout le pays, et, s’ils ont contribué pour une part principale à détruire l’initiative, la vie en France, il n’en est pas moins exact qu’aujourd’hui ils sont la France même. Il faut bien les respecter et les appuyer, quoi qu’on en ait : car, après avoir diminué la patrie par des actes qui n’ont plus de remèdes, ils demeurent seuls capables de la maintenir. »

On se demande ce que cela veut dire : « après avoir diminué la patrie par des actes qui n’ont plus de remèdes, ils demeurent seuls capables de la maintenir ».

La bureucratie républicaine a tué la patrie mais elle seule sait la faire marcher ? C’est Léautaud qui se déchaînait contre Barrès – et comme il avait raison ! Dans Wikipédia on lit donc :

Le-Jardin-de-Berenice.jpg« Maurice Barrès a été élu hier à l’Académie. Cela me laisse extrêmement froid. Il y a longtemps que Barrès ne m’intéresse plus. Dire que j’ai lu vers 1894 Le Jardin de Bérénice avec dévotion, et que l’ayant repris tantôt, pour voir, les phrases qui me troublaient tant me sont insipides aujourd’hui. Encore un mauvais maître, pour ceux qui ont besoin de maîtres. Cela se voit à ce que font tous les jeunes gens qui l’imitent, témoin cet article signé Eugène Marsan, dans une petite revue, Les Essais, de décembre 1905, que je lisais hier. C’est énorme de ridicule et de prétention. Je l’ai souvent pensé et dit. […] De plus, il n’y a pas de maîtres pour les idées, il n’y en a pas pour la forme et Barrès a été un maître détestable pour la forme, avec ses phrases heurtées, nuageuses. Quant à ses idées ! Aucune à lui. On ne peut guère l’aimer quand on aime la netteté, le style qui court vite. »

Il est intéressant de rappeler que Barrès n’a pas été du tout un écrivain maudit (vil antisémite, fasciste, etc.) mais consacré par la république. Des dizaines de rues et autres portent son nom dans toute la France. Ah, ces lieux de culte de la mémoire…

Mais restons avec Barrès :

« …la France est divisée entre deux religions qui se contredisent violemment, et chacune impose à ses adeptes de ruiner l’autre. L’ancienne est fondée sur la révélation ; la nouvelle s’accorde avec la méthode scientifique et nous promet par elle, sous le nom de progrès nécessaire et indéfini, cet avenir de paix et d’amour dont tous les prophètes ont l’esprit halluciné… »

C’est évidemment la deuxième religion (ce scientisme si froncé) qui a le vent en poupée et qui va emporter une double victoire : le catholicisme va reculer – et il va se transformer. Retour à un de nos textes sur  Bernanos :

Bernanos enfonce un clou cruel dans notre inconscience confortée :

« Les puissantes démocraties capitalistes de demain, organisées pour l’exploitation rationnelle de l’homme au profit de l’espèce, avec leur étatisme Forcené, l’inextricable réseau des institutions de prévoyance et d’assurances, finiront par élever entre l’individu et l’Église une barrière administrative qu’aucun Vincent de Paul n’essaiera même plus de franchir. »

Et il annonce, notre Bernanos, Jean XXIII, Paul VI ou Bergoglio, le polonais d’Assise, qui l’on voudra :

« Dès lors, il pourra bien subsister quelque part un pape, une hiérarchie, ce qu’il faut enfin pour que la parole donnée par Dieu soit gardée jusqu’à la fin, on pourra même y joindre, à la rigueur, quelques Fonctionnaires ecclésiastiques tolérés ou même entretenus par l’Etat, au titre d’auxiliaires du médecin psychiatre, et qui n’ambitionneront rien tant que d’être traités un jour de « cher maître » par cet imposant confrère… Seulement, la chrétienté sera morte. Peut-être n’est-elle plus déjà qu’un rêve ? »

On comparer le style de d’un au non-style de l’autre au passage.

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En bon droitier républicain, Barrès envoie dinguer (ce n’était pas le moment) l’aristocratie :

« Quant à la noblesse, qui, avec les bureaux, la religion et la terre, encadrait et constituait l’ancienne société, c’est une morte: elle ne rend aucun service particulier, ne jouit d’aucun privilège, et, si l’on met à part quelques noms historiques qui gardent justement une force sur les imaginations, elle ne subsiste à l’état d’apparence mondaine que par les expédients du rastaquouérisme. »

Rastaquouère c’est peut-être un peu dur non ?

Enfin vient le juste mot :

« Quand de telles questions sont considérées comme essentielles par ceux qui discutent les affaires de ce pays et par ceux qui les mènent, on penche vraiment à conclure que la France est décérébrée, car le grave problème et, pour tout dire, le seul, est de refaire la substance nationale entamée, c’est-à-dire de restaurer les blocs du pays ou, si vous répugnez à la méthode rétrospective, d’organiser cette anarchie. »

Achever-Clausewitz.jpgDans son livre Barrès relève le mortifère culte napoléonien auquel on n’a pas assez rendu justice. René Girard s’y est essayé, mais trop mollement (et tardivement !) dans son beau livre sur Clausewitz. Si jamais il y eut un monstre moderne mimétique (dont ne profitèrent, comme dit Chateaubriand, qu’une poignée d’usuriers – voir Mémoires, 2 L20 Chapitre 5), ce fut bien Napoléon. Que de cimetières remplis grâce à lui...

Le culte du héros est vite balayé :

« Car les héros, s’ils ne tombent pas exactement à l’heure et dans le milieu convenables, voilà des fléaux. »

Le culte impérial (comme le pseudo-culte pseudo-gaulliste aujourd’hui, voyez mes textes sur Michel Debré pour vous en guérir) est décrit :

« Au tombeau de l’Empereur et tandis que des jeunes gens impatients de recevoir une direction s’agitaient sous nos yeux, nous avons cru reconnaître que la France est dissociée et décérébrée. »

Barrès voit des symptômes : 

« Des parties importantes du pays ne reçoivent plus d’impulsion, un cerveau leur manque qui remplisse près d’elles son rôle de protection, qui leur permette d’éviter un obstacle, d’écarter un danger. Il y a en France une non coordination des efforts. Chez les individus, c’est à de tels signes qu’on diagnostique les prodromes de la paralysie générale. »

Ses réponses (des réponses de mauvais politicien, comme le constate alors Gustave Le Bon) on les connaît – et celles de ses parèdres - : éducation ou matraquage patriotique, germanophobie (aisément remplacée par la russophobie quand la bise sera venue), guerres antiallemandes puis mondiales, guerres de colonisation puis de décolonisation, construction euro-napoléonienne, etc.

Mais ce n’est pas notre sujet du jour…

Sources:

https://www.dedefensa.org/article/bernanos-et-la-fin-de-l...

https://www.dedefensa.org/article/zola-et-le-conditionnem...

https://fr.wikisource.org/wiki/Les_D%C3%A9racin%C3%A9s/IX

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/09/17/general-de...

https://www.dedefensa.org/article/chateaubriand-et-la-con...

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/04/18/monseigneu...

vendredi, 03 novembre 2023

Paul Watzlawick et les bizarreries américaines

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Paul Watzlawick et les bizarreries américaines

Nicolas Bonnal

Watzlawick avait écrit un passionnant guide anticonformiste de l’usage de l’Amérique. Il a été publié en allemand et pas en anglais et on comprend vite pourquoi tant ce grand lecteur de Gheorghiu, de Tocqueville ou de Dostoïevski a été choqué par les caractères monstrueux de la matrice américaine qui achève de nous engloutir aujourd’hui. Toute la civilisation US était programmée pour se/nous mener à la catastrophe : on sent pointer cet aspect dans des livres comme « Comment réussir à échouer » ou « Faites vous-même votre malheur » - tous publiés au Seuil – qui finalement expliquent comment le projet occidental capote : par culte du perfectionnisme et de la solution qui crée le problème. Il est clair du reste que cet échec va être le nôtre et qu’il nous exterminera – tout comme il tourmente les victimes de ce culte de la solution. Qu’il s’agisse du carbone, du vaccin, de la sécurité numérique, tout est mis en œuvre pour nous liquider dans un lit de bonnes intentions.

Faites_vous_meme_votre_malheur.jpgJ’adore ce passage sur le père impossible en Amérique (on n’y est pas un son of a bitch pour rien) :

« Au début de son traité The American People, devenu un classique, l’anthropologue britannique Geoffrey Gorer analyse le phénomène typiquement américain du rejet du père, et l’attribue à la nécessité, qui s’imposait pratiquement à chacun des trente millions d’Européens qui émigrèrent aux États-Unis entre 1860 et 1930, de s’adapter aussi vite que possible à la situation économique américaine. Mais, en s’efforçant de faire de ses enfants (généralement nés aux États-Unis) de « vrais » Américains, il devint, pour ces derniers, un objet de rejet et de dérision. Ses traditions, ses connaissances insuffisantes de la langue et surtout ses valeurs constituaient une source de gêne sociale pour la jeune génération qui fut, à son tour, victime de la réprobation de ses enfants. Ce rejet du père comme symbole du passé va de pair avec la surestimation des valeurs nouvelles et donc de la jeunesse. »

Le culte de la jeunesse c’est celui de la marchandise nouvelle qui chasse l’autre, a dit Debord. Ici aussi :

« Ce rejet du père comme symbole du passé va de pair avec la surestimation des valeurs nouvelles et donc de la jeunesse. Le trentième anniversaire est cette date fatidique qui vous met au rebut du jour au lendemain, et mieux vaut ne pas parler du quarantième. Il en va de même avec l’engouement pour tout ce qui est nouveau, et tire sa qualité de cette nouveauté, même s’il s’agit d’une vieillerie sortie tout droit du magasin de friperie. »

9782020129428_1_75.jpgLa liquidation du père est générale : Lipovetsky avait décrit le déclin du père musulman en France dès les années 80 en France (relisez l’imposante Ere du vide) ; elle a été facilitée par les modes, la création/manipulation de la sous-culture et la musique destinée à la jeunesse - et aujourd’hui par la technologie qui crée des barrières infranchissables entre technophiles et « petits vieux » de quarante ans. Smart-siphonnés et Tik toqués sont dans leur monde.

Mais ce n’est pas tout. Watzlawick rappelle que ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on constate une prodigieuse inculture et une prodigieuse sous-information américaine (et maintenant en France et en Europe). Les Américains sont pauvres en informations (allez, Tocqueville écrit la même chose !) :

« Volontairement, et d’une manière spontanée, les Américains ont atteint un degré d’appauvrissement de l’information et une conformité d’opinions qui feraient pâlir d’envie les gouvernements de démocraties populaires, soucieux d’insuffler leur ligne de pensée à leurs sujets récalcitrants. Je ne peux émettre qu’en dilettante des considérations théoriques sur la manière par laquelle on en est arrivé là, mais vous vous rendrez compte, très rapidement, qu’il en est vraiment ainsi. La liberté d’opinion et de presse américaine, tant vantée, existe, cela ne fait aucun doute. »

On a vendu écrit le maître cette liberté pour « le plat de lentilles de la conformité » (Macluhan remarque aussi qu’en Amérique on a cent chaines qui crachent toutes la même chose) :

9782020068048_large.jpg« Personne ne prescrit au citoyen ce qu’il doit penser, croire ou éprouver. Mais, soit les Américains ont vendu cette liberté pour le plat de lentilles de la conformité, si bienfaisante, soit ils n’en ont jamais fait usage. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat est le même : le moindre quotidien de province de l’Europe à l’ouest du rideau de fer vous donne plus d’informations sur la situation mondiale qu’il n’est possible d’en obtenir aux États-Unis. »

On voit ce qui se passe mondialement : chasse au virus, puis chasse au russe, puis chasse au palestinien – et au « pro-palestinien » (rebaptisé « pro-Hamas » pour faire court) qui trouverait que huit mille femmes et enfants tués cela ferait beaucoup – en attendant le million de déportés qui enchantera le bloc bourgeois de Lordon.

Watzlawick explique comment toute cela fonctionne, cette information, comment tout cela se transmet, comme une banale et dégueulasse bouffe de fastfood :

« Aux États-Unis, le journal que vous lisez importe peu, car leurs nouvelles, mâchées et livrées sous un emballage aseptique de cellophane métaphorique, paraissent toutes sortir d’un même et unique supermarché de l’information. Même le style reste largement identique, et de méchantes langues prétendent que la formation d’un journaliste se limite à l’apprentissage de trois règles : 1. Tell them what you are going to tell them. 2. Tell them. 3. Tell them what you have just told them. (En français, du fait des différents sens de tell, cela donne : 1. Annonce-leur (c’est-à-dire aux lecteurs) ce que tu vas leur dire. 2. Dis-le-leur. 3. Explique-leur ce que tu viens de leur dire.) »

Après on rabâche comme à la télé avec des chroniqueurs et des commentateurs (c’est Jean-Luc Godard qui disait que BHL n’était ni un écrivain ni un cinéaste mais un éditorialiste : de fait nous sommes assiégés d’éditorialistes-répétiteurs) :

« Ces produits font ensuite l’objet d’un développement subjectif dans les élucubrations de chroniqueurs appelés columnists qui, tous les jours de l’année, sur la même page du journal, minimisent avec humour certains événements ou les commentent de manière à les rendre édifiants pour tout lecteur ayant un Q.I. de 85. »

Sur la radio Watzlawick écrit des lignes terribles (on repense au début de Citizen Kane – ou à des dessins animé de Tex Avery) :

« Les innombrables stations de radio américaines appartiennent au secteur privé et vivent d’émissions publicitaires. Leurs fonctions récréatives ne possèdent plus, à l’ère de la télévision, beaucoup d’importance, et elles servent uniquement de bruit de fond. Certaines d’entre elles semblent entièrement automatisées et, s’il arrive un incident avec un disque ou une bande magnétique, l’appareil tourne à vide jusqu’à ce que quelqu’un s’en rende compte. »

9782020294522-475x500-1.jpgComme le froncé de Macron (cf. mon texte sur le « peuple nouveau »), l’américain de Watzlawick ne veut que se fondre dans la masse, vivre et penser comme tout le monde (Tocqueville ou Francis Parker Yockey ont écrit des lignes flamboyantes à ce sujet, comme Georges Duhamel) :

« Alors qu’un Européen ne supporte pas d'être pris pour Monsieur Tout-le-monde, le souci majeur d’un Américain est de ne pas dévier des normes du groupe. La différence entraîne l’expulsion du groupe, la mise au ban. D’où, probablement, sa répugnance à se retrouver tout seul au restaurant, car cela laisse supposer que personne ne l’aime. »

Watzlawick appuie aussi sur un point important : l’américain a droit au bonheur – c’est dans sa constitution et c’est une erreur de Jefferson dit le maître. Cette chasse folle et obligatoire au bonheur va précipiter les catastrophes.

« Peut-être cette exigence du droit au bonheur est-elle liée à cette rage de psychologie et de thérapie des Américains : personne ne cache qu’il est en analyse depuis des années, bien au contraire, cela fait partie, en quelque sorte, de son prestige social. »

La chasse au bonheur nécessite un couple parfait ; un couple parfait nécessite discussions et règlements de comptes ; et là Watzlawick cite un chercheur français très oublié :

« Ce procédé n’est, semble-t-il, pas nouveau, mais redécouvert, car en 1938 déjà le journaliste français Raoul de Roussy de Sales décrivit, dans son essai Love in America, ce culte de la « sincérité ravageuse » :

« Les époux semblent perdre d’innombrables heures du jour et de la nuit à l’analyse des failles qui entachent leur liaison. Ils sont convaincus qu’il faut — selon les préceptes de la plupart des psychologues et pédagogues modernes — affronter résolument la vérité (...) Quel que soit l’attrait de cette théorie, sa mise en pratique s’avère généralement lourde de conséquences, et ceci pour plusieurs raisons. Premièrement, la vérité est un explosif qu’il faut manipuler avec précaution, surtout dans la vie conjugale. Il n’est pas nécessaire de mentir, mais jongler avec des grenades à main à seule fin de prouver son intrépidité ne rime pas à grand-chose. Deuxièmement, la théorie préconisant une sincérité absolue part du principe qu’un amour qui ne résiste pas à des assauts permanents ne mérite pas, de toute façon, d’être entretenu. Il y a, en effet, des gens qui prennent leur vie amoureuse pour une éternelle bataille de Verdun. Et, une fois que le système de défense est irrémédiablement détérioré, l’un ou même les deux partenaires invoquent une incompatibilité d’humeur désespérée. A la suite de quoi on divorce et l’on choisit quelqu’un d’autre, avec qui l’on sera de nouveau d’une sincérité sans ménagement, le temps d’une saison. »

002882077.jpgOn a l’impression d’une comédie screwball ou les mariés/fiancés/partenaires ne sont que deux acteurs qui parlent vite en se/nous cassant les oreilles : on reverra les classiques casse-têtes de Howard Hawks à ce sujet qui célèbrent des couples d’acteurs-amants-bateleurs sans enfants.

Tout cela est aussi lié au goût de la chicane qui est si américain (voyez ce passage de Robert Reich qui explique que dans un patelin il faut être deux avocats pour faire fortune) :

« Les Américains en général, et les Californiens en particulier, sont les gens les plus chicaneurs de la terre », constata, dès 1977, le conseiller juridique du gouverneur de Californie, qui semble bien placé pour le savoir. Il existe, en Californie, 62.000 avocats, auxquels s’ajoutent 5000 nouvelles recrues par an. Sur l’ensemble du territoire fédéral, le nombre des avocats grimpa de 250.000 en 1960 à plus de 622.000 en 1984 et on estime qu’ils seront plus d’un million vers 1995. Comment peut-on résister, devant une telle offre, à porter n’importe quelle vétille devant les tribunaux ? »

La déclaration d’indépendance fut une drôle de date : la fin de l’humanité et son remplacement par l’anormalité.

 

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samedi, 21 octobre 2023

Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi: qu’il s’agisse de vaccin, d’Europe à la Ursula-Macron, de guerre au Moyen-Orient, de russophobie ou de sinophobie, on retrouve les mêmes

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Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi: qu’il s’agisse de vaccin, d’Europe à la Ursula-Macron, de guerre au Moyen-Orient, de russophobie ou de sinophobie, on retrouve les mêmes

par Nicolas Bonnal

La France est depuis toujours un pays conditionné. On le voit bien en relisant sans les œillères scolaires Molière ou La Bruyère. Le bourgeois, le dévot, le malade imaginaire, la femme savante, le sot savant, l’escroc médecin, le pédant-expert, l’hypocrite, la précieuse, sont des mines pour qui sait voir ; et la crise du Covid marquée par la dictature et la tartuferie sanitaire, revêt un caractère très français. Taine ou Tocqueville avaient tout dit. Centralisation, pouvoir royal, révolution, empire, radical-socialisme ont pavé la voie de la soumission jacobine de la masse (voyez mes textes sur le sujet) et l’esprit libre souvent ne comprend pas sa solitude.

La presse et la télé sont vilipendées aujourd’hui pour leur rôle. Mais elles sont toujours comme ça. Rappelons donc la belle étude de Serge Halimi.

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La presse française, qui appartient à quelques oligarques (dont Bernard LVMH, qui pèse aujourd’hui MILLE milliards…de francs) et est subventionnée à hauteur de 500 millions d’euros tant elle dégoûte les Français, aura été crasse et ignoble depuis le début de cette histoire : affolement, confinements, masques, vaccins, meurtres de masse, passes sanitaires, chantage et menaces, elle nous aura tout imposé.

Malheureusement il n’y a rien de nouveau sous le sommeil : depuis les années Mitterrand et le passage du col Mao au Rotary (Hocquenghem) nous sommes dans un présent permanent d’omerta (Sophie Coignard), d’abjection et de désinformation sous contrôle de la mafia d’État (Vincent Jauvert). Ils sont là pour enrichir les riches et pour empoisonner les Français.

C’est que les gens dont nous parlons sont des chiens de garde. Et quels dobermans ! Et quels roquets ! Revenons-en alors au maître-livre de Serge Halimi, trublion du Monde diplomatique, qui rappelait dans son documenté pamphlet que le journaliste est avant tout un enthousiaste :

« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». Le journaliste est alors prodigieusement libre. Et il est heureux. On lui octroie en prime le droit de se croire puissant. Fêtard sur la brèche d’un mur de Berlin qui s’ouvre à la liberté et au marché, petit soldat ébloui par l’armada de l’OTAN héliportant au Kosovo la guerre « chirurgicale » et les croisés de l’Occident, avocat quotidien de l’Europe libérale au moment du référendum constitutionnel : reporters et commentateurs eurent alors carte blanche pour exprimer leur enthousiasme. Le monde avait basculé dans la « société de l’information », avec ses hiérarchies « en réseau », ses blogs et ses nouveaux seigneurs. »

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La presse fut chargée d’encenser Davos :

« Le capitalisme a ses charités, ses philanthropes dont la mission est d’enjoliver un système peu amène envers ceux qu’il ne comble pas de ses bienfaits. La presse trône au premier plan de ces campagnes de blanchiment. Ainsi, Davos, autrefois conclave des « global leaders » soucieux de « créer de la valeur » pour leurs actionnaires, serait presque devenu un lieu de virée pour patrons copains et citoyens. »

Halimi tacle au passage – mais ironiquement hélas - l’effarant Laurent Joffrin :

« N’accablons pas Laurent Joffrin. Lui qui, pendant les années Reagan, célébra les États- Unis et le libéralisme (l’émission « Vive la crise ! » fut en partie son œuvre) n’a fait que traduire à sa modeste échelle ce que, sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commerciale favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux. »

La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, disait le trop oublié géographe tiers-mondiste Yves Lacoste. La presse encore plus, surtout dans une puissance belligène et coloniale :

« Pendant les guerres, la presse se soucie moins de consensus, de pédagogie, de complexité, et davantage de réchauffer l’ardeur des combattants. Presque tout a été dit sur l’effondrement de l’esprit critique lors de la guerre du Golfe où, mis à part L’Humanité et La Croix (par intermittence), chacun des directeurs de quotidien se plaça au service de nos soldats. Quasiment unanimes, les hebdos, radios et télévisions firent chorus, se transformant en classe de recyclage pour officier au rancart vaincu en Algérie trente ans plus tôt et soucieux de prendre, dans les médias, sa revanche sur les Arabes. »

Halimi souligne cette haine pathologique du peuple. On la sentit venir en 1992 au moment de Maastricht. Juste là confinée au nationaliste pauvre (raciste, fasciste, nazi, antisémite, etc.), cette haine se communiqua à tout le peuple de gauche, du centre ou d’ailleurs :

« En 1992, la campagne du référendum sur le traité de Maastricht répéta les « dérives » observées pendant la guerre du Golfe. Là encore, beaucoup de choses se conjuguèrent : la volonté d’encourager l’élite éclairée qui construit l’avenir (« l’Europe») alors que le peuple ne sait qu’exhaler ses nostalgies, sa « xénophobie » et ses « peurs » ; la préférence instinctive pour les options du centre, surtout lorsqu’elles s’opposent aux extrêmes « populiste » et « nationaliste » ; enfin la place accordée aux avis des experts et des intellectuels, eux aussi particulièrement sensibles aux ressorts précédents. Intelligence contre irrationalité, ouverture contre repli, avenir contre passé, ordre contre meute : tous ces fragments d’un discours méprisant de caste et de classe resurgirent au moment du référendum de mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. »

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Et comme on continue de chercher la petite bête immonde ici et ailleurs, Halimi rappelle :

« Il a fallu attendre la fin du second septennat de François Mitterrand pour découvrir que l’ancien président de la République avait, sciemment et longtemps après la guerre, continué à fréquenter un haut dignitaire de Vichy impliqué dans les basses œuvres de ce régime, qu’il avait envoyé à la guillotine des militants de l’indépendance algérienne…Tant d’enquêteurs et tant de journaux se prétendant concurrents pour arriver à ce résultat-là ! »

Et puisque je citais Molière, je rappellerai sa prodigieuse pièce méconnue : « tu l’as voulu, Georges Dandin, tu l’as voulu ! ». Car le Français de souche adore remettre ça. Il élira sauf accident (mais lequel ?) l’énarque Pécresse après l’énarque Macron et l’énarque Hollande (voyez aussi les énarques Philippot ou Asselineau…), le tout sans se poser de questions.

 

lundi, 16 octobre 2023

Totalitarisme et féminisme : le point par George Orwell

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Totalitarisme et féminisme : le point par George Orwell

par Nicolas Bonnal

On ne va pas rappeler la brutalité du féminisme occidental dans l’épisode que nous vivons ; Todd en avait bien parlé dans Après l’Empire. Chesterton déjà en avait parlé (voyez mes textes) lors de son voyage en Amérique : le citoyen n’aurait pas plus de droits qu’un enfant dans une nursery. J’ai souligné dans un texte sur Gustave de Beaumont, compagnon de route de Tocqueville, le caractère ombrageux, intellectuel, triste et platonique de l’épouse américaine qui selon Beaumont ne peut réussir à s’entendre avec son mari. Par contre elle déclenchera toutes les guerres humanitaires qu’on voudra.

Nous vivons des temps apocalyptiques où le séculaire totalitarisme progressiste occidental jusque-là plus ou moins maintenu explose à la surface du monde et veut exterminer tout ce qui bouge. On relira l’étude de Rothbard sur le fanatisme judéo-protestant qui s’exprime aujourd’hui dans les pays anglo-saxons, protestants, scandinaves, germaniques et judéo-chrétiens comme on dit. La fin prévisible du catholicisme romain permet à cette folie millénariste et progressiste de s’exprimer comme elle le fit en Allemagne et ailleurs au seizième siècle. Le texte de Rothbard sur les anabaptistes de Munster est essentiel.

J’en reviens à Orwell : comme tous les lecteurs superficiels j’en étais resté au sex crime. Mais cela va beaucoup plus loin, et Orwell réglait des comptes avec la modernité, et Orwell est considéré aujourd’hui comme un suprématiste à interdire des bibliothèques british. Car rien ne les arrête.

On va voir pourquoi ; dès le début du livre ce maître martyr et étrange écrit :

« C’était une fille d’aspect hardi, d’environ vingt-sept ans, aux épais cheveux noirs, au visage couvert de taches de rousseur (NDLR : 1984 abonde en rouquines) à l’allure vive et sportive. Une étroite ceinture rouge, emblème de la Ligue Anti-Sexe des Juniors, plusieurs fois enroulée à sa taille, par-dessus sa combinaison, était juste assez serrée pour faire ressortir la forme agile et dure de ses hanches. Winston l’avait détestée dès le premier coup d’œil. Il savait pourquoi. »

C’est ce mot de détester qui me frappe. On n’en a pas fini :

« C’était à cause de l’atmosphère de terrain de hockey, de bains froids, de randonnées en commun, de rigoureuse propreté morale qu’elle s’arrangeait pour transporter avec elle. Il détestait presque toutes les femmes, surtout celles qui étaient jeunes et jolies. C’étaient toujours les femmes, et spécialement les jeunes, qui étaient les bigotes du Parti : avaleuses de slogans, espionnes amateurs, dépisteuses d’hérésies. »

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On retrouve cette idée dans plusieurs épisodes du Prisonnier (la série télé, voyez mes textes) : on a une fille jeune et jolie, crétine et fanatique, bornée et maléfique, cruelle quand il faut. Le modèle écolo-progressiste d’aujourd’hui qui veut zigouiller la planète après y avoir mis bon ordre (elle a du mal avec la Russie, mais on verra…) en vient. Tout montre que le Prisonnier est la seule série télé à garder chez soi ; le reste est divertissement.

La fille est un agent de la police de la pensée (mot remis à la mode par Annie Kriegel qui parla de police juive de la pensée un jour…) :

« Mais cette fille en particulier lui donnait l’impression qu’elle était plus dangereuse que les autres. Une fois, alors qu’ils se croisaient dans le corridor, elle lui avait lancé un rapide regard de côté qui semblait le transpercer et l’avait rempli un moment d’une atroce terreur. L’idée lui avait même traversé l’esprit qu’elle était peut-être un agent de la Police de la Pensée. C’était à vrai dire très improbable. Néanmoins, il continuait à ressentir un malaise particulier, fait de frayeur autant que d’hostilité, chaque fois qu’elle se trouvait près de lui quelque part. »

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Ces créatures (rousses comme on a dit) sont conditionnées. Intervient le fameux épisode Goldstein :

« Comme d’habitude, le visage d’Emmanuel Goldstein, l’Ennemi du Peuple, avait jailli sur l’écran. Il y eut des coups de sifflet çà et là dans l’assistance. La petite femme rousse jeta un cri de frayeur et de dégoût. Goldstein était le renégat et le traître. Il y avait longtemps (combien de temps, personne ne le savait exactement) il avait été l’un des meneurs du Parti presque au même titre que Big Brother lui-même. Il s’était engagé dans une activité contre-révolutionnaire, avait été condamné à mort, s’était mystérieusement échappé et avait disparu. »

Dans ce monde de fonctionnaires froides et sans enfants (futures commissaires de Bruxelles) il ne faut pas bouger le petit doigt :

« Deux doigts de sa main droite étaient tachés d’encre. C’était exactement le genre de détail qui pouvait vous trahir. Au ministère, quelque zélateur au flair subtil (une femme, probablement, la petite femme rousse ou la fille brune du Commissariat aux Romans) pourrait se demander pourquoi il avait écrit à l’heure du déjeuner, pourquoi il s’était servi d’une plume démodée, et surtout ce qu’il avait écrit, puis glisser une insinuation au service compétent. »

La chasse au sexe « hétérosexuel » est devenue une activité mainstream en Occident. Dans le monde d’Orwell on en est déjà là comme on sait :

« Le but du Parti n’était pas simplement d’empêcher les hommes et les femmes de se vouer une fidélité qu’il pourrait être difficile de contrôler. Son but inavoué, mais réel, était d’enlever tout plaisir à l’acte sexuel. Ce n’était pas tellement l’amour, mais l’érotisme qui était l’ennemi, que ce fût dans le mariage ou hors du mariage. »

Les naissances sont raréfiées et contrôlées (revoyez mon texte sur Platon et son livre VIII – de la République) :

« Tous les mariages entre membres du Parti devaient être approuvés par un comité appointé et, bien que le principe n’en eût jamais été clairement établi, la permission était toujours refusée quand les membres du couple en question donnaient l’impression d’être physiquement attirés l’un vers l’autre. La seule fin du mariage qui fût admise était de faire naître des enfants pour le service du Parti. »

Cible importante, l’érotisme supérieur (voyez l’hindouisme ou Daniélou, le culte de l’Amour au Moyen Age) et même le plaisir sexuel :

« La seule fin du mariage qui fût admise était de faire naître des enfants pour le service du Parti. Le commerce sexuel devait être considéré comme une opération sans importance, légèrement dégoûtante, comme de prendre un lavement. Cela non plus n’avait jamais été exprimé franchement mais, d’une manière indirecte, on le rabâchait dès l’enfance à tous les membres du Parti. »

L’on se rapproche d’une séparation totale (Philippe Muray me parlait en 2002 d’un projet de couvre-feu pour les hommes en Suède, c’est dommage, ils ne sont pas encore allés jusque-là). On évoque une insémination artificielle :

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« Il y avait même des organisations, comme celle de la ligue Anti-Sexe des Juniors, qui plaidaient en faveur du célibat pour les deux sexes. Tous les enfants devraient être procréés par insémination artificielle (artsem, en novlangue) et élevés dans des institutions publiques.

Winston savait que ce n’était pas avancé tout à fait sérieusement, mais ce genre de concept s’accordait avec l’idéologie générale du Parti. »

Ensuite on se rapproche de ce qui nous est arrivé. Le porno, la pseudo-libération, le web et l’abjection ont tué le « sexe » (le « faire l’Amour ») chez nous comme elles doivent le tuer dans le monde d’Orwell :

« Le Parti essayait de tuer l’instinct sexuel ou, s’il ne pouvait le tuer, de le dénaturer et de le salir. Winston ne savait pas pourquoi il en était ainsi, mais il semblait naturel qu’il en fût ainsi et, en ce qui concernait les femmes, les efforts du Parti étaient largement couronnés de succès. »

Le prix Nobel péruvien Vargas Llosa de passage dans une librairie universitaire US avait noté la disparition du sexe (il cherchait en amateur éclairé de la littérature érotique) et de toute culture d’ailleurs. La cancel culture a effacé presque tout (même l’orthographe) et elle effacera tout.

Le système orwellien tire ainsi parti des femmes :

« Winston apprit avec étonnement que, sauf le directeur du Commissariat, tous les travailleurs du Pornosec étaient des femmes. On prétendait que l’instinct sexuel des hommes étant moins facile à maîtriser que celui des femmes, ils risquaient beaucoup plus d’être corrompus par les obscénités qu’ils maniaient.

– Ils n’aiment pas avoir là des femmes mariées, ajouta-t-elle. On suppose toujours que les filles sont tellement pures ! En tout cas, il y en a une ici qui ne l’est pas.

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Elle avait eu son premier commerce amoureux à seize ans avec un membre du Parti âgé de soixante ans, qui se suicida plus tard pour éviter d’être arrêté. »

Revenons-en au projet orwellien occidental ; à la fin du livre tout est révélé lumineusement ; on a Macron, sa clique, le prince Charles (pour moi il ne sera jamais Roi), Bill Gates, Harari-Schwab et tout le reste (pour comprendre ces gens lisez les textes de Balazs sur les eunuques) :

« Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. »

Cela c’est la France actuelle.

Mais continuons : on va briser le sexe, la famille, la culture, et même la science (j’allais dire surtout la science, car la natalité et la mortalité…) ! Orwell donc :

« Nous écrasons déjà les habitudes de pensée qui ont survécu à la Révolution. Nous avons coupé les liens entre l’enfant et les parents, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la femme. Personne n’ose plus se fier à une femme, un enfant ou un ami. Mais plus tard, il n’y aura ni femme ni ami. Les enfants seront à leur naissance enlevés aux mères, comme on enlève leurs œufs aux poules. L’instinct sexuel sera extirpé. La procréation sera une formalité annuelle, comme le renouvellement de la carte d’alimentation. Nous abolirons l’orgasme. Nos neurologistes y travaillent actuellement. Il n’y aura plus de loyauté qu’envers le Parti, il n’y aura plus d’amour que l’amour éprouvé pour Big Brother. Il n’y aura plus de rire que le rire de triomphe provoqué par la défaite d’un ennemi. Il n’y aura ni art, ni littérature, ni science. »

Dans un monde nu, un monde à poil, il ne restera que l’exercice du pouvoir (merci Jouvenel pour ton livre) : Breton, Leyen, Macron, Biden et leurs remplaçants vont se régaler jusqu’au bout :

« Quand nous serons tout-puissants, nous n’aurons plus besoin de science. Il n’y aura aucune distinction entre la beauté et la laideur. Il n’y aura ni curiosité, ni joie de vivre. Tous les plaisirs de l’émulation seront détruits. Mais il y aura toujours, n’oubliez pas cela, Winston, il y aura l’ivresse toujours croissante du pouvoir, qui s’affinera de plus en plus. Il y aura toujours, à chaque instant, le frisson de la victoire, la sensation de piétiner un ennemi impuissant. Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain… éternellement. »

Le monde du vaccin, du Grand Reset et des guerres permanentes de l’Océanie est ainsi exposé (je ne donne pas les pages pour que vous les recherchiez et que vous le relisiez ce bouquin) :

« Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C’est exactement l’opposé des stupides utopies hédonistes qu’avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d’écraseurs et d’écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu’il s’affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L’ancienne civilisation prétendait être fondée sur l’amour et la justice. La nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. »

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Et comme on nous disait que Paris se couvre de rats et de punaises sous le règne interminable et minable (mais populaire) d’Anne H. :

– Le rat, dit O’Brien en s’adressant toujours à son invisible auditoire, est un carnivore, bien qu’il soit un rongeur. Vous avez dû entendre parler de ce qui se passe dans les quartiers pauvres de la ville. Dans certaines rues, les femmes n’osent, même pour cinq minutes, laisser seul leur bébé dans la maison. Les rats l’attaqueraient certainement. En très peu de temps, ils l’éplucheraient jusqu’aux os. Ils attaquent aussi les malades et les mourants. Ils savent reconnaître, avec une étonnante intelligence, si un homme est impotent.

Sources :

http://www.bouquineux.com/index.php?telecharger=898&O...

https://lesakerfrancophone.fr/de-platon-a-packard-de-la-g...

https://lesakerfrancophone.fr/bertrand-de-jouvenel-et-la-...

https://lesakerfrancophone.fr/patrick-mcgoohan-le-prisonn...

https://lesakerfrancophone.fr/le-feminisme-us-par-dela-le...

https://lesakerfrancophone.fr/observations-sur-le-devenir...

https://lesakerfrancophone.fr/gustave-de-beaumont-et-la-c...

https://lesakerfrancophone.fr/de-notre-devenir-termite-vi...

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_de_M%C3%BCnster

dimanche, 08 octobre 2023

René Guénon et les influences suspectes de Donald Trump

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René Guénon et les influences suspectes de Donald Trump

Nicolas Bonnal

« Chose assez curieuse, le sceau officiel des États-Unis figure la Pyramide tronquée, au-dessus de laquelle est un triangle rayonnant qui, tout en en étant séparé, et même isolé par le cercle de nuages qui l’entoure, semble en quelque sorte en remplacer le sommet ; mais il y a encore dans ce sceau, dont certaines des organisations « pseudo-initiatiques » qui pullulent en Amérique cherchent à tirer un grand parti en l’expliquant conformément à leurs « doctrines », d’autres détails qui sont au moins étranges, et qui semblent bien indiquer une intervention d’influences suspectes : ainsi, le nombre des assises de la Pyramide, qui y est de treize (ce même nombre revient d’ailleurs avec quelque insistance dans d’autres particularités, et il est notamment celui des lettres qui composent la devise E pluribus unum)… »

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… Nous ne quitterons pas la Grande Pyramide sans signaler encore incidemment une autre fantaisie moderne : certains attribuent une importance considérable au fait qu’elle n’aurait jamais été achevée ; le sommet manque en effet, mais tout ce qu’on peut dire de sûr à cet égard, c’est que les plus anciens auteurs dont on ait le témoignage, et qui sont encore relativement récents, l’ont toujours vue tronquée comme elle l’est aujourd’hui ; de là à prétendre, comme l’a écrit textuellement un occultiste, que « le symbolisme caché des Écritures hébraïques et chrétiennes se rapporte directement aux faits qui eurent lieu au cours de la construction de la Grande Pyramide », il y a vraiment bien loin, et c’est encore là une assertion qui nous paraît manquer un peu trop de vraisemblance sous tous les rapports ! – Chose assez curieuse, le sceau officiel des États-Unis figure la Pyramide tronquée, au-dessus de laquelle est un triangle rayonnant qui, tout en en étant séparé, et même isolé par le cercle de nuages qui l’entoure, semble en quelque sorte en remplacer le sommet ; mais il y a encore dans ce sceau, dont certaines des organisations « pseudo-initiatiques » qui pullulent en Amérique cherchent à tirer un grand parti en l’expliquant conformément à leurs « doctrines », d’autres détails qui sont au moins étranges, et qui semblent bien indiquer une intervention d’influences suspectes : ainsi, le nombre des assises de la Pyramide, qui y est de treize (ce même nombre revient d’ailleurs avec quelque insistance dans d’autres particularités, et il est notamment celui des lettres qui composent la devise E pluribus unum), est dit correspondre à celui des tribus d’Israël (en comptant séparément les deux demi-tribus des fils de Joseph), et cela n’est sans doute pas sans rapport avec les origines réelles des « prophéties de la Grande Pyramide », qui, comme nous venons de le voir, tendent aussi à faire de celle-ci, pour des fins plutôt obscures, une sorte de monument « judéo-chrétien ». 

p.187

http://ekladata.com/ZvjZowigoi2MzLb65eOL92PGSD0/Rene-Guen...

 

mercredi, 27 septembre 2023

Christopher Lasch et la sécession culturelle des monstrueuses élites occidentales

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Christopher Lasch et la sécession culturelle des monstrueuses élites occidentales

Nicolas Bonnal

Un peuple contre son élite américanisée-friquée-bobo. La situation française est exemplaire, caricaturale. Le pays de la monarchie absolue est devenu celui de la dictature branchée absolue. D’où ces révoltes contre les Marie-Antoinette de la création… On se référera pour illustrer ce que je dis à l’incroyable livre de Raphaëlle Bacqué (un de mes anciennes condisciples à sciences-po) sur le Richard Descoings un temps idolâtré. Il explique la rupture entre un peuple et ses élites.

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Le célèbre écrivain de SF William Gibson distingue dans son Neuromancien les élites (qui ont accès aux riches banques de données) et la masse des hommes zombis qu’il nomme la viande. Gibson voit son pays développer une dystopie. La viande on le voit sous nos yeux, c’est la race honnie et méprisable des gilets jaunes - et les élites, bobos ou autres, sont cet agglomérat de technocrates, de fils de riches, d’énarques, de féministes et de bureaucrates mondialisés qui défont la France à la vitesse du vent. Et ce sont ces élites françaises qui, comme les Clinton en Amérique se rebellent en mutant, notamment à partir de Paris et des grosses villes moyennes. Elles se croient au-dessus du lot. Dans son admirable étude sur la révolte des élites, Christopher Lasch écrivait :

« Naguère c’était la révolte des masses qui était considérée comme la menace contre l’ordre social… De nos jours, la menace semble provenir de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. »

Et pourquoi cette révolte ? Un rappel sur les manipulateurs de symboles chargés de l’altération de la réalité depuis l’avènement de l’informatisation.

Srecihre.jpgDans le livre du premier secrétaire d’Etat au travail de Bill Clinton Robert Reich (injustement nommé en Amérique The Work of Nations, titré en français, chez Dunod, L'économie mondialisée), on voit apparaître une race post-bourgeoise créée par la mondialisation, la technologie, le cosmopolitisme massifié, l’exotisme réifié, le « zen emballé sous vide » (Debord), une race éthérée qui vit dans ses condominiums avec ses gadgets et ses fantasmes humanitaires, une race gnostique qui veut refaire son monde ou l’annihiler tant il l’énerve AVEC SA VIANDE ET SES ODEURS. Macron en est le porte-étendard. Il est donc logique que le pauvre Mr président (c’est le Pen qui le disait l’autre jour à Marie d’Herbais) soit devenu le bouc émissaire de toutes nos misères en remplacement du grand nazi de service. Macron a commis en outre l’erreur de prendre comme PM un émule de Juppé, barbu bobo qui aura causé les mêmes dégâts ineptes qu’en novembre 95.

Le peuple s’est levé en France quand il a compris que c’est lui qu’on visait, pas les immigrés reconvertis en migrants de foire, rappeurs tendance, danseuses du ventre, communauté brimée et promu au rang d’adjudant par les miliciens de la mondialisation forcenée et forcée.

Lasch ajoute :

« Le nationalisme se trouve attaqué par les défenseurs des particularismes ethniques et sociaux et par les soutiens de l’internationalisation de tout, depuis les poids et mesures jusqu’à l’internationalisation artistique.… »

Lasch trouve que le livre de Reich, que j’ai commenté ici, est trop favorable aux élites symboliques, aux « manipulateurs de symboles. » Mais (en français tout au moins), Reich parlait des excès de ces manipulateurs de symboles. Et il y a peu, en rappelant l’existence de ce livre essentiel (Nizan pour la première partie du siècle, dernier, Reich pour la deuxième), j’écrivais dans Dedefensa.org : 

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« Il reste que je préfère maintenant la notion de néo-clergé à celle d’oligarchie. Car la domination se veut morale et spirituelle.

Cette élite virtuelle (plus ou moins bien évoquée dans le film Elysée avec Jodie Foster) n’a plus aucune attache avec son pays et ses racines. Elle a été mondialisée, comme le disait Jean-Pierre Chevènement, elle a été convaincue que l’Etat-nation est « une monstruosité » et elle se moque de son cheap ex-concitoyen voué aux gémonies et diabolisé comme populiste, bon à être jeté dans les poubelles de l’histoire. Le remplacement de population, elle s’en accommode mieux que les autres puisque les populations, elle n’est pas pour les côtoyer, mais pour les exploiter. Cette classe bobo-techno est transhumaine sans le savoir… Elle marche plus vite que ses robots. »

Avec les véganiens, les bouddhistes, féministes, antiracistes et autres puristes qui nous gouvernent, nous avons intérêt à changer de trottoir. On est les koulaks des années trente de service, ceux qui furent exterminés-remplacés en temps et en heure. Lasch :

« Les masses n’ont pas perdu tout intérêt pour la révolution ; on peut arguer que leurs instincts politiques sont plus conservateurs que ceux de porte-parole désignés ou de leurs libérateurs potentiels. »

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Et de même que Hitler (j’avais recensé tout cela aussi suivant mon maître libertarien Butler) avait limité la vitesse, interdit de fumer, enfermé dans les camps les harceleurs sexuels, de même que Goering avait protégé les espèces animales sauvages, de même le bobo dénoncé par Lasch ou par Philippe Muray en France (voyez mon texte) ne renonce à rien :

« Ils ont entrepris une croisade pour aseptiser la société américaine : il s’agit de créer un environnement sans fumeurs de tout censurer, depuis la pornographie jusqu’aux discours de haine… ».

Cette caste bizarre ne supporte plus le naturel, écrit Lasch. De même :

« Elle a peu le sens d’une gratitude ancestrale ou d’une obligation d’être au niveau des responsabilités héritées du passé. Elle se pense comme une élite qui s’est faite toute seule et qui doit ses privilèges à ses efforts. »

Si des pays comme les USA ou la France sont de plus en plus laids et défigurés, à part trois zones friquées (Neuilly-Beaubourg-Passy ou Biarritz-Chamonix-Luberon), n’en cherchez pas la cause :

« Elles sont sorties de la vie commune, elles ne voient plus l’intérêt de payer pour des services publics qu’elles n’utilisent plus. »

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Et Macron est arrivé ici comme la cerise que le gâteau, goutte d’or si j’ose dire qui a fait déborder la vase avec une arrogance, une haine trop visible et audible pour la viande que nous sommes et qui doit disparaître dare-dare. Lasch :

« Lorsqu’ils se trouvent confrontés à de l’opposition devant leurs initiatives, ils révèlent la haine venimeuse qui se cache sous le masque de la bienveillance bourgeoise. La moindre opposition fait oublier aux humanitaristes les vertus généreuses qu’ils prétendent défendre. Ils deviennent irritables, pharisiens, intolérants. Dans le feu de la controverse, ils jugent impossible de dissimuler leur mépris pour ceux qui refusent de voir la lumière…ceux qui ne sont pas dans le coup, pour parler le langage du prêt-à-penser politique »…

Grâce à l’internet-qu’il-faut-censurer les Français ont pu comparer et comprendre qu’il n’y a pas de débat, il n’y a qu’un tribunal d’insultes de Fouquier-Tinville ou de Vychinski, dont BHL reste le plus caricatural et utile (pour nous) pantin. Lasch: « Il n’est plus nécessaire de débattre avec l’adversaire sur le terrain des idées. Une fois que l’on a décrété qu’il est raciste, fasciste, homophobe, sexiste, il est déclaré suspect, inapte au débat. » Ecrit en 1994…

On se souvient des images ignominieuses de l’autre avec sa cour de phénomènes de foire. Lasch :

« Le multiculturalisme leur convient parfaitement car il évoque pour eux l’image d’un bazar universel où l’on peut jouir indéfiniment de l’exotisme…Leur vision est celle d’un touriste, ce qui a peu de chances d’encourager un amour passionné de la démocratie. »

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Le reste de la population qui croit encore (même « confusément » comme mon chien préféré Ran-Tan-Plan à la famille, au salaire, à la patrie (travail famille partis !) est décrété déplorable ! Nous n’avons plus droit qu’à de la haine de ces élites interchangeables politiquement et qui restent malgré tout épatées par notre résistance et le comportement génial et imprévisible du Donald, tancé récemment par qui l’on sait.

Et comme on sait que je ne vois rien de neuf dans notre bien vieux monde moderne, j’incite mes lecteurs à relire en anglais le début d’Emma de Jane Austen, quand cette auteure totalement (mais alors totalement) incomprise dénonce les nouvelles méthodes libérales d’enseignement…

Sources:

Christopher Lasch – La révolte des élites (Flammarion)

Raphaëlle Bacqué – Richie (Grasset)

Robert Reich – La mondialisation (Dunod)

http://www.dedefensa.org/article/davos-et-la-montee-sinis...

http://www.dedefensa.org/article/ortega-y-gasset-et-la-mo...

http://www.bvoltaire.fr/hitler-les-origines-du-politiquem...

http://www.dedefensa.org/forum/philippe-muray-face-au-des...

http://www.bvoltaire.fr/richard-descoings-et-nos-gaies-el...

Jane Austen – Emma (ebooksgratuits.com) : Mrs. Goddard was the mistress of a School — not of a seminary, or an establishment, or any thing which professed, in long sentences of refined nonsense, to combine liberal acquirements with elegant morality upon new principles and new systems — and where young ladies for enormous pay might be screwed out of health and ...

Nota : le passage n’est pas traduit en français. On n’est pas de la théorie de la conspiration, bien plutôt de celle de la constatation, et c’est comme ça !

 

samedi, 23 septembre 2023

Tyrannie humanitaire: René Guénon et la monstruosité occidentale

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Tyrannie humanitaire: René Guénon et la monstruosité occidentale

Nicolas Bonnal

La civilisation occidentale devient totalement dégoûtante aux yeux du monde et des antisystèmes. Elle déraille sur le plan spirituel, économique, écologique, culturel, sexuel, elle est toujours plus folle et belliqueuse, humanitaire et missionnaire, arrogante et psychopathe. Problème : elle a souvent été comme ça pendant son histoire. Voyez le texte de mon ami Guyénot sur l’esprit de croisade et les réflexions de nos amis russes qui ont remplacé les nazis allemands dans l’esprit des toqués aux affaires euro-américaines.

J’avais déjà écrit un texte sur Guénon et notre civilisation hallucinatoire : dans leur histoire en effet les Occidentaux paraissent souvent sous hypnose. Ils sont hypnotisés par des mots (science, progrès, droits, etc.) par le fric, l’hérésie, la luxure, puis par la mission et par la guerre.

9791024206134-475x500-1.jpgJ’ai décidé depuis de rependre le même admirable livre de René Guénon, Orient et Occident (1924) pour tenter de voir avec ce grand traditionaliste ce qui ne va pas depuis si longtemps, et ce qu’il faudrait faire.

Guénon est plus optimiste que moi : il écrivait il y a un siècle. Depuis l’Occident et en particulier l’Amérique a conquis le monde par sa technique, son fric et sa technologie, ses images, ses virus et son informatique, ses marottes et sa porcherie. Mais comme on voit enfin se profiler une résistance sur fond d’effondrement voulu et provoqué par un consortium de milliardaires devenus fous et possédés (cf. les dibbouks du folklore juif que citait récemment Howard Kunstler dans un texte hélas incompris), et que cette résistance concerne des pays au profil traditionnel guénonien (Inde, Chine, monde arabe) je me suis dit qu’il serait bon de partager avec mes lecteurs les réflexions de Guénon sur l’anomalie occidentale qui éclate au grand jour au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Le texte va être assez long et il serait dommage de s’en lasser trop tôt.

Guénon donc (première partie d’Orient et Occident) :

« La civilisation occidentale moderne apparaît dans l’histoire comme une véritable anomalie : parmi toutes celles qui nous sont connues plus ou moins complètement, cette civilisation est la seule qui se soit développée dans un sens purement matériel, et ce développement monstrueux, dont le début coïncide avec ce qu’on est convenu d’appeler la Renaissance, a été accompagné, comme il devait l’être fatalement, d’une régression intellectuelle correspondante… »

9791024206158_large.jpgChez Guénon intellectuel désigne en fait le spirituel théologique, la capacité de parler sérieusement de Dieu et du monde spirituel. A l’époque cela décline déjà (mais en relisant Huizinga, on découvrirait que le quatorzième siècle n’était déjà pas très brillant). Guénon rajoute :

« Nous rappellerons seulement que Descartes a limité l’intelligence à la raison, qu’il a assigné pour unique rôle à ce qu’il croyait pouvoir appeler métaphysique de servir de fondement à la physique, et que cette physique elle-même était essentiellement destinée, dans sa pensée, à préparer la constitution des sciences appliquées, mécanique, médecine et morale, dernier terme du savoir humain tel qu’il le concevait… »

Tout cela se manifeste en Occident, ce côté de l’obscurité, et va se radicaliser avec l’utopie américaine réalisée bien décrite par Boorstyn, Baudrillard ou Watzlawick. Guénon écrit que « mentalement aussi bien que géographiquement, l’Amérique actuelle est vraiment l’« Extrême-Occident » ; et l’Europe suivra, sans aucun doute, si rien ne vient arrêter le déroulement des conséquences impliquées dans le présent état des choses. »

Ensuite le problème important que soulève Guénon est celui de civilisation élue. Cette civilisation occidentale hérétique, scientifique et technique se sent élue (ce qui explique sa violence et l’incroyable interventionnisme US) :

« Mais ce qu’il y a peut-être de plus extraordinaire, c’est la prétention de faire de cette civilisation anormale le type même de toute civilisation, de la regarder comme « la civilisation » par excellence, voire même comme la seule qui mérite ce nom. C’est aussi, comme complément de cette illusion, la croyance au « progrès »

Citant un excellent texte de l’historien Jacques Bainville, Guénon écrit :

« La civilisation, c’était donc le degré de développement et de perfectionnement auquel les nations européennes étaient parvenues au XIXe siècle. Ce terme, compris par tous, bien qu’il ne fût défini par personne, embrassait à la fois le progrès matériel et le progrès moral, l’un portant l’autre, l’un uni à l’autre, inséparables tous deux. »

9791024206431-475x500-1.jpgNous découvrons (c’est la fameuse théorie de la conspiration conspuée partout et menacée par le néo-totalitarisme ambiant) que l’on nous a menti sur nous (croisades, lune, guerres, épidémies, etc.) ; or Guénon le dit déjà très bien :

« Il faut convenir que l’histoire des idées permet de faire parfois des constatations assez surprenantes, et de réduire certaines imaginations à leur juste valeur ; elle le permettrait surtout si elle était faite et étudiée comme elle devrait l’être, si elle n’était, comme l’histoire ordinaire d’ailleurs, falsifiée par des interprétations tendancieuses, ou bornée à des travaux de simple érudition, à d’insignifiantes recherches sur des points de détail. L’histoire vraie peut être dangereuse pour certains intérêts politiques ; et on est en droit de se demander si ce n’est pas pour cette raison que certaines méthodes, en ce domaine, sont imposées officiellement à l’exclusion de toutes les autres : consciemment ou non, on écarte a priori tout ce qui permettrait de voir clair en bien des choses, et c’est ainsi que se forme l’« opinion publique ».

71pqpgKqQ8L._AC_UF894,1000_QL80_.jpgCela ressemble bien à la guerre occulte décrite par Julius Evola dans les Hommes au milieu des ruines. Nietzsche a très bien écrit à ce sujet dans sa deuxième considération actuelle sur l’Histoire : l’historien est un journaliste qui adapte au goût trivial du jour les temps anciens que l’on ne comprend pas ou plus.

On reprend sur la capacité hallucinatoire occidentale :

« Certes, « le Progrès » et « la Civilisation », avec des majuscules, cela peut faire un excellent effet dans certaines phrases aussi creuses que déclamatoires, très propres à impressionner la foule pour qui la parole sert moins à exprimer la pensée qu’à suppléer à son absence ; à ce titre, cela joue un rôle des plus importants dans l’arsenal de formules dont les « dirigeants » contemporains se servent pour accomplir la singulière œuvre de suggestion collective sans laquelle la mentalité spécifiquement moderne ne saurait subsister bien longtemps. »

Guénon enfonce plus le clou :

« Sans doute, le pouvoir des mots s’est déjà exercé plus ou moins en d’autres temps que le nôtre ; mais ce dont on n’a pas d’exemple, c’est cette gigantesque hallucination collective par laquelle toute une partie de l’humanité en est arrivée à prendre les plus vaines chimères pour d’incontestables réalités ; et, parmi ces idoles de l’esprit moderne, celles que nous dénonçons présentement sont peut-être les plus pernicieuses de toutes. »

M02080710575-large.jpgPuis il souligne le caractère moraliste aberrant (Nietzsche parle d’hystérie féminine chez l’Occidentale moderne dans Par-delà le bien et le mal : voyez la septième partie intitulée Nos vertus) qui progresse avec le culte du fric et du profit :

« Développement matériel et intellectualité pure sont vraiment en sens inverse ; qui s’enfonce dans l’un s’éloigne nécessairement de l’autre… »

On bascule dans le sentimentalisme guerrier (Todd en a bien parlé dans Après l’Empire quand il oppose la « femme castratrice américaine » à l’islam) puis dans le « zen emballé sous vide » (Debord) et le mysticisme de drugstore :

« En fait, matérialité et sentimentalité, bien loin de s’opposer, ne peuvent guère aller l’une sans l’autre, et toutes deux acquièrent ensemble leur développement le plus extrême ; nous en avons la preuve en Amérique, où, comme nous avons eu l’occasion de le faire remarquer dans nos études sur le théosophisme et le spiritisme, les pires extravagances « pseudo-mystiques » naissent et se répandent avec une incroyable facilité, en même temps que l’industrialisme et sa passion des « affaires » sont poussés à un degré qui confine à la folie ; quand les choses en sont là, ce n’est plus un équilibre qui s’établit entre les deux tendances, ce sont deux déséquilibres qui s’ajoutent l’un à l’autre et, au lieu de se compenser, s’aggravent mutuellement… »

Dans son livre sur l’impérialisme (livre annoté et cité par Lénine dans l’Impérialisme…), Hobson remarque « l’inconsistance » occidentale. Le caractère américain, brutal et pleurnichard, dans Apocalypse now sous la plume du savant John Milius cela donne : « on les bombardait puis on leur amenait des pansements » et même des missionnaires... Guénon sur la question :

« Ainsi, le « moralisme » de nos contemporains n’est bien que le complément nécessaire de leur matérialisme pratique : et il serait parfaitement illusoire de vouloir exalter l’un au détriment de l’autre, puisque, étant nécessairement solidaires, ils se développent tous deux simultanément et dans le même sens, qui est celui de ce qu’on est convenu d’appeler la « civilisation ».

Guénon qui ne déteste pas Voltaire (il a bien raison, la fin « turco-musulmane » de Candide est un chef-d’œuvre d’intelligence et de vraie tolérance) ajoute :

« D’ailleurs, ce qui est encore beaucoup plus simple, ils s’empressent ordinairement d’oublier la leçon de l’expérience ; tels sont ces rêveurs incorrigibles qui, à chaque nouvelle guerre, ne manquent pas de prophétiser qu’elle sera la dernière. Au fond, la croyance au progrès indéfini n’est que la plus naïve et la plus grossière de toutes les formes de l’« optimisme »

Tout cela nous rapproche d’Audiard et de celui qui ose tout (notion inspirée comme on sait tous par Saint-Thomas d’Aquin…). On sait que l’Occident a gagné sa guerre contre la Russie (vous ne le lui enlèverez pas de la tête) et déjà gagné contre la Chine. Guénon :

« Le monde moderne a proprement renversé les rapports naturels des divers ordres ; encore une fois, amoindrissement de l’ordre intellectuel (et même absence de l’intellectualité pure), exagération de l’ordre matériel et de l’ordre sentimental, tout cela se tient, et c’est tout cela qui fait de la civilisation occidentale actuelle une anomalie, pour ne pas dire une monstruosité. »

L’obsession du changement est subtilement dénoncée : on aurait pu crever en vieux blancs bien tranquilles et fainéants ; mais non, nos élites conduites par Strong ou Kissinger ont voulu nous exterminer et appellent cela un énième changement ; Philippe Muray avec qui j’en avais parlé l’avait bien compris.

« Ce que les Occidentaux appellent progrès, ce n’est pour les Orientaux que changement et instabilité ; et le besoin de changement, si caractéristique de l’époque moderne, est à leurs yeux une marque d’infériorité manifeste : celui qui est parvenu à un état d’équilibre n’éprouve plus ce besoin, de même que celui qui sait ne cherche plus. »

71IWVs-hthL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgPuis Guénon devient presque trivial (Guénon, trivial ?!) : ce que l’Orient voudrait c’est qu’on lui foute la paix !

« Mais qu’on se rassure : rien n’est plus contraire à leur nature que la propagande, et ce sont là des soucis qui leur sont parfaitement étrangers ; sans prêcher la « liberté », ils laissent les autres penser ce qu’ils veulent, et même ce qu’on pense d’eux leur est fort indifférent. Tout ce qu’ils demandent, au fond, c’est qu’on les laisse tranquilles ; mais c’est ce que refusent d’admettre les Occidentaux, qui sont allés les trouver chez eux, il ne faut pas l’oublier, et qui s’y sont comportés de telle façon que les hommes les plus paisibles peuvent à bon droit en être exaspérés ».

A la même époque Bernanos comprend que l’homme égal c’est l’homme pareil (voyez mes textes sur la France – la pauvre ! – contre les robots). Guénon écrit… pareillement :

« L’« égalité » si chère aux Occidentaux se réduit d’ailleurs, dès qu’ils sortent de chez eux, à la seule uniformité ; le reste de ce qu’elle implique n’est pas article d’exportation et ne concerne que les rapports des Occidentaux entre eux, car ils se croient incomparablement supérieurs à tous les autres hommes, parmi lesquels ils ne font guère de distinctions… »

C’est vrai que pour l’Américain et ses mille milliards de dollars de déficit commercial tout devient article d’exportation, même la drogue qui rend zombi.

Chose amusante, l’Occidental exige qu’on l’admire :

« Les Européens ont une si haute opinion de leur science qu’ils en croient le prestige irrésistible, et ils s’imaginent que les autres peuples doivent tomber en admiration devant leurs découvertes les plus insignifiantes… »

A côté de cela notre crétin est repentant et exige d’être remplacé. Guénon explique pourquoi :

« L’orgueil, en réalité, est chose bien occidentale; l’humilité aussi, d’ailleurs, et, si paradoxal que cela puisse sembler, il y a une solidarité assez étroite entre ces deux contraires : c’est un exemple de la dualité qui domine tout l’ordre sentimental, et dont le caractère propre des conceptions morales fournit la preuve la plus éclatante, car les notions de bien et de mal ne sauraient exister que par leur opposition même. En réalité, l’orgueil et l’humilité sont pareillement étrangers et indifférents à la sagesse ».

Les complexes de la personnalité occidentale étaient résumés finalement par la formule de Victor Hugo (génie qui pouvait écrire n’importe quelle ineptie à côté de n’importe quel trait juste) : « je suis une force qui va ! » Guénon :

« Ce changement où il est enfermé et dans lequel il se complaît, dont il n’exige point qu’il le mène à un but quelconque, parce qu’il en est arrivé à l’aimer pour lui-même, c’est là, au fond, ce qu’il appelle « progrès », comme s’il suffisait de marcher dans n’importe quelle direction pour avancer sûrement ; mais avancer vers quoi, il ne songe même pas à se le demander… »

L’Occidental c’est la « recherche » (défense de se moquer de Proust !) :

« Le goût maladif de la recherche, véritable « inquiétude mentale » sans terme et sans issue, se manifeste tout particulièrement dans la philosophie moderne, dont la plus grande partie ne représente qu’une série de problèmes tout artificiels, qui n’existent que parce qu’ils sont mal posés, qui ne naissent et ne subsistent que par des équivoques soigneusement entretenues ; problèmes insolubles à la vérité… john-wesley-large.jpg

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Le maître souligne le péril anglo-saxon (De Maistre et Bonald l’avaient fait déjà, voyez mes textes) :

« C’est chez les peuples anglo-saxons que le « moralisme » sévit avec le maximum d’intensité, et c’est là aussi que le goût de l’action s’affirme sous les formes les plus extrêmes et les plus brutales ; ces deux choses sont donc bien liées l’une à l’autre comme nous l’avons dit. Il y a une singulière ironie dans la conception courante qui représente les Anglais comme un peuple essentiellement attaché à la tradition, et ceux qui pensent ainsi confondent tout simplement tradition avec coutume. »

A l’époque déjà la domination est fragile. Mais en cessant d’être coloniale elle est souvent devenue plus dangereuse (voyez mon texte sur Titus Burckhardt et la tradition marocaine détruite par l’Etat moderne marocain) : l’Etat moderne dénoncé par Jouvenel s’est appliqué partout et il projette partout sa meurtrière matrice totalitaire. Davos et les smart cities sont là pour nous le rappeler comme leur développement durable globalisé aux relents si génocidaires…

« Les Occidentaux, malgré la haute opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur civilisation, sentent bien que leur domination sur le reste du monde est loin d’être assurée d’une manière définitive, qu’elle peut être à la merci d’événements qu’il leur est impossible de prévoir et à plus forte raison d’empêcher. »

Guénon sera moins optimiste sur l’Orient traditionnel dans le Règne de la quantité ; et Frithjof Schuon encore beaucoup moins (cf. Burckhardt cité supra).

La folie occidentale n’est pas près de s’interrompre ; sur ce point le maître ne se trompe pas :

« Quoi qu’il en soit de ces prévisions peut-être lointaines, les Occidentaux d’aujourd’hui en sont encore à se persuader que le progrès, ou ce qu’ils appellent ainsi, peut et doit être continu et indéfini ; s’illusionnant plus que jamais sur leur propre compte, ils se sont donné à eux-mêmes la mission de faire pénétrer ce progrès partout, en l’imposant au besoin par la force aux peuples qui ont le tort, impardonnable à leurs yeux, de ne pas l’accepter avec empressement. Cette fureur de propagande, à laquelle nous avons déjà fait allusion, est fort dangereuse pour tout le monde, mais surtout pour les Occidentaux eux-mêmes, qu’elle fait craindre et détester ; l’esprit de conquête n’avait jamais été poussé aussi loin, et surtout il ne s’était jamais déguisé sous ces dehors hypocrites qui sont le propre du « moralisme » moderne. »

Guénon fait une allusion à la faiblesse ontologique de la « race » occidentale :

« En effet, les peuples européens, sans doute parce qu’ils sont formés d’éléments hétérogènes et ne constituent pas une race à proprement parler, sont ceux dont les caractères ethniques sont les moins stables et disparaissent le plus rapidement en se mêlant à d’autres races ; partout où il se produit de tels mélanges, c’est toujours l’Occidental qui est absorbé, bien loin de pouvoir absorber les autres. »

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Il est confirmé par le penseur raciste Madison Grant qui voit sa presque comique « grande race » péricliter partout à la même époque.

Guénon n’évite pas la question juive, ni la russe, ni l’allemande (qui se posait encore alors !) :

« Il est profondément ridicule de prétendre opposer à l’esprit occidental la mentalité allemande ou même russe, et nous ne savons quel sens les mots peuvent avoir pour ceux qui soutiennent une telle opinion, non plus que pour ceux qui qualifient le bolchevisme d’« asiatique » ; en fait, l’Allemagne est au contraire un des pays où l’esprit occidental est porté à son degré le plus extrême ; et, quant aux Russes, même s’ils ont quelques traits extérieurs des Orientaux, ils en sont aussi éloignés intellectuellement qu’il est possible. Il faut ajouter que, dans l’Occident, nous comprenons aussi le judaïsme, qui n’a jamais exercé d’influence que de ce côté, et dont l’action n’a même peut-être pas été tout à fait étrangère à la formation de la mentalité moderne en général ; et, précisément, le rôle prépondérant joué dans le bolchevisme par les éléments israélites est pour les Orientaux, et surtout pour les Musulmans, un grave motif de se méfier et de se tenir à l’écart ; nous ne parlons pas de quelques agitateurs du type « jeune-turc », qui sont foncièrement antimusulmans, souvent aussi israélites d’origine, et qui n’ont pas la moindre autorité. »

On arrête ici. Malgré toutes ses tares l’Occident a gagné, triomphé des sociétés traditionnelles et imposé son modèle de coursier nihiliste qui semble plus excitant aux foules. L’imposition mondiale de la tyrannie informatique nous montre qu’il sera quasiment impossible d’en sortir, comme je l’annonçais dans la première édition de livre sur Internet. Le contrôle de tout par le totalitarisme numérique mettra tout le monde d’accord. Sauf miracle.

 

jeudi, 21 septembre 2023

James Fenimore Cooper et le rejet de l’Amérique moderne et démocrate

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James Fenimore Cooper et le rejet de l’Amérique moderne et démocrate

Nicolas Bonnal

Grand nostalgique, l’écrivain James Fenimore Cooper encense les indiens et rejette le monde moderne. Nous avons déjà relié son œuvre à celle de Tolkien, les indiens en voie de disparition y tenant les rôles des elfes, êtres supérieurs en voie d’exil et d’extinction.

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Dans son grand livre La Prairie perdue, l’universitaire Jacques Cabau écrivait :

« Là, gentleman-farmer éclairé, véritable squire à l'anglaise, il devient le prototype même de ces princes qui gouvernent alors l’Amérique, de cette nouvelle aristocratie qui s'est révoltée contre le roi d'Angleterre parce qu'elle se sait destinée au gouvernement des masses. Le drapeau frappé de treize étoiles flotte depuis quelques années seulement. On n'a pas encore inventé le dollar. On trace les plans d'une capitale digne de treize Etats fédérés. Aucune frontière ne borne l’ambition de ces trois millions d'Américains, fiers de leur liberté et de leurs sept cent mille esclaves. Mais la fédération des treize Etats si différents n'est pas encore une nation. L'esprit colonial y perpétue les traditions et les préjugés sociaux de la vieille Europe. »

Lothrop Stoddard et Madison Grant (cités dans un passage crypté de Gatsby -  que j’ai commenté ailleurs) ont dressé un portrait enchanté de cette Amérique coloniale que le premier comparait au monde grec. Borges aussi encensa ce grand nombre de génies (Poe, Emerson, Hawthorne, Thoreau, Whitman, Melville, etc.) qui vont tous ou presque rejeter l’involution du monde moderne en Amérique. Mais Fenimore Cooper est le premier à rejeter l’involution de son pays (c’est vrai que pour en arriver à cet océan de laideur urbaine, à Biden et à l’invasion migratoire, au wokisme, à la dette immonde et aux néo-cons…) ; Cabau note :

« L'Amérique n'est alors ni une démocratie idéale, ni un paradis né des utopies du XVIIIème siècle. Il y a vers l'Ouest des pionniers qui défrichent, des trappeurs qui explorent; il y a dans le Nord des communautés utopiques et des exaltés qui parlent d'égalité et de droits de l'homme. Mais ces gens-là ne comptent guère ; on les méprise même dans la bonne société des planteurs sudistes et des négociants du Nord. »

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On est encore dans une société aristocratique :

« Dans cette société encore coloniale où les grands propriétaires et les négociants viennent de conquérir l'indépendance pour prendre le pouvoir et imposer leurs intérêts, les privilèges sociaux rendent la naissance tout aussi nécessaire qu'en Europe. Pour avoir sa place, il faut être bien né. Cooper a tous les traits de cette nouvelle classe dirigeante, austère, très consciente de ses devoirs comme de ses droits, et qui donne l’exemple de la morale, de la dignité et du courage parce que son pouvoir est, comme la démocratie qu'elle institue, d'essence paternaliste. Comme Sir Walter Scott, son maître en littérature, Cooper est homme d'ordre, assez intolérant dans ses opinions théologiques, politiques et sociales, et très conventionnel dans ses goûts. Il s'intéresse peu aux arts, lit de préférence des traités d'histoire, de géographie, ou des récits de voyages, dont il est friand ».

Fenimore Cooper redoute cette immigration EUROPEENNE qui va détruire le pays (Tocqueville parle de la menace de masses socialistes européennes immigrées à Philadelphie) :

« II est surtout féru de droit. Car ce grand propriétaire foncier, habile gérant de ses terres, s’inquiète des libertés qu’on laisse aux immigrants de s'approprier les terres qu'ils défrichent. Cooper souhaite qu'au lieu d'éparpiller les terres défrichées aux mains des petits colons, on les rassemble en latifundia, en grand domaines. »

Fenimore Cooper s’exile en Europe comme bien des grands auteurs américains (Henry James, Hemingway, Fitzgerald…) ; et quand il revient notre aristocrate écologiste peut sangloter :

51k8T0oLDYL._AC_SY1000_.jpg« Mais il lui faut déchanter, en 1833, quand il rentre en Amérique. Installé à Cooperstown, il découvre une Prairie ravagée par les pionniers, les terres distribuées à l'encan, un gaspillage de toutes les richesses naturelles, en particulier de la forêt. Il dénonce l'erreur d'une société de plus en plus démocratique, de plus en plus urbaine et industrielle, qui sape ses fondements naturels, et gaspille ses ressources en s'engageant à un rythme trop rapide dans une conception contestable du progrès. Ses attaques contre l’Amérique, ses luttes avec une presse trop librement critique, ses procès enfin contre les défricheurs de terres et les immigrants lui valent une réputation de réactionnaire et d'aristocrate européen. Malgré le succès de ses romans, sa popularité en souffre. Comme sir Walter Scott, et pour les mêmes raisons politiques, quand Fenimore Cooper meurt, en 1851, il est brouillé avec la nation américaine dont il a pourtant, le premier, exprimé les traits les plus profonds. »

Nous avons écrit un texte sur le rapport de Fenimore Cooper à la presse (http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/10/08/james-fenimore-cooper-et-la-critique-de-la-presse-americaine.html). La typographie aura été le plus grand ennemi de la civilisation (effondrement qualitatif) et aujourd’hui de l’humanité.

c59d771c293e08b06dd5bd8ad9e5d824.jpgJacques Cabau ajoutait même sur ce rejet élitiste des « modernes » qui nous fait préférer les indiens (voir Schuon) :

« Les Pionniers, premier volume écrit, est le plus réaliste, le plus documentaire, qui décrit Templeton en fait Cooperstown village de pionniers. Natty Bumppo, vieilli, maussade et bavard, vit là, dans une hutte aux abords de la ville Natty, est devenu une sorte de hors-la-loi. Il braconne, menace la maréchaussée, se fait arrêter par le shérif, mettre au pilori, ne cesse de se révolter contre la civilisation qu’il hait parce qu'elle a anéanti la forêt, c'est-à-dire la liberté. Avec la Prairie, qui décrit les derniers jours de Natty Bumppo, le mythe prend toute son ampleur. Au seuil de la mort, le vieux trappeur octogénaire mais encore valide, médite sur l'ensemble de sa vie, Seul avec Hector, son vieux chien édenté qui va le devancer dans la mort, il a fui la civilisation jusqu'au plus profond de la Prairie, sur les contreforts des Montagnes Rocheuses, où acculé au Pacifique, il se dresse soudain dans l'éclat du soleil couchant, et meurt en criant ce mot cryptique et splendide : Here! Ainsi s'achève une vie qui n'a été qu'une longue fuite devant la civilisation, et qui pose le problème de la marche vers l'ouest et de la disparition de la Frontier ».

On découvrira notre livre sur les westerns et on reverra avec profit et enchantement le célèbre documentaire Koyaanisqatsi en voyant le chaos déglingué cauchemardesque qui caractérise aujourd’hui l’Amérique à Biden.

 

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mercredi, 20 septembre 2023

Jean Baudrillard et Guillaume Faye face au simulacre américain

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Jean Baudrillard et Guillaume Faye face au simulacre américain

Nicolas Bonnal

Baudrillard a écrit fréquemment des pages hostiles à l’hegemon américain mais il a aussi écrit des pages fascinées qui m’évoquent Koyaanisqatsi ou l’excellent Mobile de Michel Butor. Pour lui l’Amérique c’est le désert, le cinéma, le mirage et le simulacre ; c’est surtout ce qui ne peut être rompu par la décadence. La déchéance US devient sous la plume du maître un signe de vitalité supérieure qui, loin de fasciner le seul Baudrillard, fascine les peuples européens et leurs élites.

Il éclaire cette position paradoxale (l’Amérique c’est pour moi l’image de la Bête, ce consensus apocalyptique et ténébreux qui mène des masses d’euro-cons et même ricains à leur perdition sur terre) dans une réponse à Guillaume Faye qu’il cite dans son exceptionnel texte Amérique qui célèbre le simulacre.

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Voici un bref extrait du texte de Guillaume – que Baudrillard apprécie stylistiquement :

« La Californie n’a rien inventé : elle a tout pris à l’Europe, et lui a resservi défiguré, privé de sens, repeint aux dorures de Disneyland. Parodies du savoir, de la ville et de l’urbanité, de l’œnologie, de la technique, de la religion, de l’érotisme, de la drogue… »

Et il commente méchamment :

« Tout là-dedans est vrai (si on veut), puisque le texte lui-même est à l'image du stéréotype hystérique dont il gratifie la Californie. Ce discours doit cacher d'ailleurs une fascination certaine pour son objet. »

En fait le rejet de l’Amérique devient une manière d’encenser l’Amérique (cf. le Grand Satan…) ; et de renverser l’agresseur :

« Mais si on peut dire exactement l'inverse de ce qu'il dit dans les mêmes termes, c'est justement que G. Faye n'a pas su opérer lui-même ce retournement. Il n'a pas saisi comment à l'extrême de cette insignifiance, de cette « folie douce» de l'insignifiance, de cet enfer mou et climatisé qu'il décrit, les choses se renversent. Il n'a pas saisi le défi de cette « transcendance marginale » où justement tout un univers se trouve affronté à sa marge, à sa simulation « hystérique » et pourquoi pas ? »

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Et de poser les vraies questions à l’envers :

"Pourquoi pas une parodie de la ville avec Los Angeles? Une parodie de la technique à Silicon Valley ? Une parodie de la sociabilité, de l'érotisme et de la drogue, voire une parodie de la mer (trop bleue !) et du soleil (trop blanc !). Sans parler des et de la culture. Bien sûr, tout cela est une parodie! Si toutes ces valeurs ne supportent pas d'être parodiées, c'est qu'elles n'ont plus d'importance. Oui, la Californie (et l'Amérique avec elle) est le miroir de notre décadence, mais elle n’est pas décadente du tout, elle est d'une vitalité-hyperréelle, elle toute l'énergie du simulacre". « C'est le jeu mondial de l'inauthentique » bien sûr: c'est ça qui fait son originalité et sa puissance. Cette montée en puissance du simulacre, vous l’éprouvez ici sans effort. »

On est ici dans la guerre du faux d’Umberto Eco et le faux ricain a triomphé partout ; Baudelaire le redoutait déjà.

« Mais y est-il jamais venu ? Sinon il saurait que la clef de l'Europe n'est pas dans son passé révolu, mais dans cette anticipation parodique et délirante qu'est le Nouveau Monde. Il ne voit pas que chaque détail de l’Amérique peut être abject ou insignifiant, c'est l'ensemble qui dépasse l’imagination – du coup chaque détail de sa description peut être juste, c’est l’ensemble qui dépasse les bornes de la sottise. Ce qui est neuf en Amérique, c'est le choc du premier niveau (primitif et sauvage) et du troisième type (le simulacre absolu). Pas de second degré. »

Pour Baudrillard le second degré est celui de la dérision et de la critique, celui de l’européen. Il est terminé.

dimanche, 17 septembre 2023

G. K. Chesterton et la conspiration ploutocratique (Le nommé Jeudi, 1908)

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G. K. Chesterton et la conspiration ploutocratique (Le nommé Jeudi, 1908)

Nicolas Bonnal

On lit et on relit Chesterton, et son génial Nommé jeudi, publié en 1908, lisible sur Wikisource, qui décrit la situation que nous vivons, que nos anti-conspirateurs dénoncent :

« Vous partagez cette illusion idiote que le triomphe de l’anarchie, s’il s’accomplit, sera l’œuvre des pauvres. Pourquoi ? Les pauvres ont été, parfois, des rebelles ; des anarchistes, jamais. Ils sont plus intéressés que personne à l’existence d’un gouvernement régulier quelconque. Le sort du pauvre se confond avec le sort du pays. Le sort du riche n’y est pas lié. Le riche n’a qu’à monter sur son yacht et à se faire conduire dans la Nouvelle-Guinée. Les pauvres ont protesté parfois, quand on les gouvernait mal. Les riches ont toujours protesté contre le gouvernement, quel qu’il fût. Les aristocrates furent toujours des anarchistes ; les guerres féodales en témoignent. »

C’est qu’en effet les oligarques n’aiment guère obéir.

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Dans son roman à clé sur la montée du communisme et de la mondialisation (tous aux mains d’une clique de banquiers), Chesterton, qui avait été révolté par la guerre des boers liée au diamant (Barnato, Rothschild, Cecil Rhodes et sa périlleuse Table Ronde), ajoute :

« Nous ne sommes pas des bouffons ; nous sommes des hommes qui luttons dans des conditions désespérées contre une vaste conspiration. Une société secrète d’anarchistes nous poursuit comme des lapins. Il ne s’agit pas de ces pauvres fous qui, poussés par la philosophie allemande ou par la faim, jettent de temps en temps une bombe ; il s’agit d’une riche, fanatique et puissante Église : l’Église du Pessimisme occidental, qui s’est proposé comme une tâche sacrée la destruction de l’humanité comme d’une vermine».

Chesterton ajoute avec humour et fantaisie cette allusion à Cecil Rhodes et à la Table ronde – dont reparlera Carroll Quigley dans ses classiques:

« Voici son application à ces circonstances : la plupart des lieutenants de Dimanche sont des millionnaires qui ont fait leur fortune en Afrique du Sud ou en Amérique. C’est ce qui lui a permis de mettre la main sur tous les moyens de communication, et c’est pourquoi les quatre derniers champions de la police anti-anarchiste fuient dans les bois, comme des lièvres. »

Et comme aujourd’hui on accuse le mondialisme et le transhumanisme des maîtres du réseau (Google, Amazon, Facebook, Apple, GAFA, etc.),

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Chesterton dénonce les maîtres du rail :

« Mais permettez-moi de vous faire observer que la force de cette racaille est proportionnée à la nôtre et que nous ne sommes pas grand-chose, mon ami, dans l’univers soumis à Dimanche. Il s’est personnellement assuré de toutes les lignes télégraphiques, de tous les câbles. Quant à l’exécution des membres du Conseil suprême, ce n’est rien pour lui, ce n’est qu’une carte postale à mettre à la poste, et le secrétaire suffit à cette bagatelle. »

Nicolas Bonnal

Bibliographie

Gilbert Keith Chesterton – Le nommé jeudi (wikisource)

Nicolas Bonnal –  Littérature et conspiration (Amazon.fr, Dualpha.com)