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mardi, 30 septembre 2025

La question de Staline en Russie aujourd'hui - Empire, mythe et héritage du pouvoir soviétique

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La question de Staline en Russie aujourd'hui 

Empire, mythe et héritage du pouvoir soviétique

Alexander Douguine

Alexander Douguine retrace comment une figure, celle de Staline, est devenue, dans l’imaginaire russe, à la fois empereur, bourreau et légende.

L’immense popularité de Staline dans la Russie contemporaine est un phénomène complexe.

L’évaluation positive de Staline par la majorité du peuple est liée à plusieurs facteurs :

- Les succès évidents de l’URSS sous sa direction: essor économique, égalité matérielle, victoire dans la guerre, acquisitions territoriales et attitude ferme et impitoyable envers les élites dirigeantes (que le peuple a toujours détestées).

- La comparaison avec d’autres dirigeants de l’URSS — le chaos et la violence de la Révolution et de la guerre civile, où le romantisme héroïque s’était grandement estompé, rendant Lénine bien moins univoque; la propension à susciter des querelles et la bêtise chez Khrouchtchev; la stagnation et la sénile dégradation progressive de Brejnev. Sur ce fond, Staline apparaît éclatant. Un véritable Empereur.

- Le fait que Staline a été attaqué avec le plus de virulence par les libéraux de la perestroïka et des années 1990, libéraux qui étaient absolument répugnants aux yeux du peuple — ils étaient mesquins, russophobes et corrompus. Comparé à ces petits homoncules nuisibles qui n’ont fait que détruire, trahir, vendre et ridiculiser, Staline apparaissait comme divin. La bassesse de ces critiques libérales a contribué à élever la figure de Staline dans l'imaginaire du peuple.

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Dans ce contexte, d’autres aspects de Staline ont été presque totalement oubliés: l’inhumaine cruauté de ses méthodes de prise et de conservation du pouvoir, un machiavélisme hypertrophié, la destruction effective de la paysannerie lors de l’industrialisation et de l’urbanisation, l’imposition d’une idéologie antichrétienne grossière et artificielle, les répressions contre les coupables comme contre les innocents, y compris les enfants, et bien d’autres choses encore.

La position des patriotes russes et de l’Église à l’égard de Staline a été divisée. Sous l’influence des points 1 à 3, et surtout à cause de la haine générale envers les libéraux, non seulement la gauche, mais aussi la droite et même les orthodoxes en sont venus à voir Staline d'un oeil favorable. Ce Staline impérial et mythique a complètement évincé la réalité.

Une minorité de patriotes et de membres de l’Église, cependant, a vu en Staline le bourreau du peuple russe et le persécuteur de l’orthodoxie. Mais précisément à cause de l’anti-stalinisme des libéraux, qui suscitent une répulsion insurmontable chez le peuple, cette position est devenue non seulement impopulaire, mais aussi dangereuse. Quiconque l’exprimait pouvait être accusé de libéralisme, ce qui est la pire des disqualifications pour un Russe — et à juste titre.

Aujourd’hui, le temps d’une évaluation plus équilibrée de Staline n’est toujours pas venu; des mythes idéologiques opposés restent à l’œuvre. Mais ce temps viendra nécessairement. De façon générale, l’histoire russe et notre peuple doivent évaluer sobrement et de façon responsable, dialectique et spirituelle, la période soviétique — ses significations, ses paradoxes, sa place dans la structure russe globale, ainsi que ses chefs et ses personnalités les plus marquantes.

L’obstacle évident à cela est la simple existence des libéraux. Tant qu’ils existent, toute perspective est biaisée et déformée, et aucune analyse sérieuse n’est possible. Ce n’est que lorsqu’ils auront entièrement disparu de notre société que les Russes, libérés de cette infection, pourront se demander: qu’était-ce donc tout cela? Un obscurcissement de la conscience, un effondrement ou une ascension?

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Peut-être est-il temps de commencer à discuter de ce sujet non pas en public (en évitant la rhétorique et la polémique à tout prix), mais dans des cercles russes fermés ? Aujourd’hui, tout finit immédiatement sur les réseaux, dans un flux continu, dans le monde extérieur. Pourtant, les questions subtiles et non évidentes exigent une toute autre atmosphère.

Nous avons besoin de cercles russes fermés, de communautés organiques de gens de notre terre et de notre histoire. C’est en leur sein que les significations profondes peuvent être clarifiées. Les Russes doivent apprendre à écouter les Russes et à parler sur un tout autre ton. Trop longtemps, d’autres ont parlé en notre nom, déformant, consciemment ou non, les structures de notre pensée. Cela est devenu une habitude.

La cristallisation de la pensée requiert des conditions particulières. Viktor Kolesov montre que le mot russe dumat’ (« penser ») est formé de la racine um (« esprit ») et d’un préfixe généralisant très ancien d, qui s’est depuis longtemps fondu avec la racine. Ainsi, « penser » (dumat’) veut toujours dire penser ensemble, en cercle. On peut réfléchir (myslit’) seul, mais on ne peut penser (dumat’) qu’avec tous. D’où le nom même de Douma des boyards. Les boyards [l'aristocratie terrienne] se réunissent et pensent ensemble. C’est un cercle russe institutionnalisé.

15:36 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, staline, russie, actualité, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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