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jeudi, 02 octobre 2025

La lutte pour l’âme et l’espace

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La lutte pour l’âme et l’espace

Sid Lukkassen

Source: https://denieuwezuil.nl/de-strijd-om-de-ziel-en-de-ruimte/

71vPORUO1nL._SL1300_-2292945501.jpgL’un des concepts clés pour comprendre le monde politique d’aujourd’hui est celui du « conatus ». Ce terme a été utilisé par le célèbre philosophe Spinoza, et je l'ai récemment mis au centre d’un article sur les menaces que fait peser l’immigration de masse. Ce concept apparaît désormais aussi dans un ouvrage controversé sur lequel des penseurs conservateurs de droite se sont déjà exprimés de manière tranchée : le livre Bronze Age Mindset, de l’auteur polémique « Bronze Age Pervert », qui agit sur « X » (anciennement Twitter) comme une sorte de roi-prêtre.

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Avant d’entrer plus avant dans Bronze Age Mindset, commençons par une explication pour mieux comprendre la notion de « conatus ». Prenons ce débat à la télévision néerlandaise. Face à un public, le philosophe Cornelius Rietdijk tente, d’un point de vue philosophique, de briser un tabou: celui d’avorter des enfants handicapés. Il construit ses arguments calmement, rationnellement et de manière équilibrée, puis se heurte à un mur d’indignation morale. On voit clairement que trois éthiques différentes sont à l’œuvre.

Trois types d’éthique

Le public semble adopter une éthique du devoir. Leur raisonnement est le suivant: l’on reçoit un enfant handicapé par le hasard du destin. Il faut l’assumer. Il s’agit alors, en toute conscience, intégrité et honnêteté, de faire au mieux – c’est là votre devoir d’être humain.

Le médecin qui s’oppose à Rietdijk raisonne différemment. Il met l’accent sur le poids de la souffrance. Si la souffrance des parents est trop grande, ou si l’enfant handicapé souffre de façon insupportable, l’avortement ou l’euthanasie peuvent être envisagés. Il s’agit ici d’une éthique utilitariste: le plaisir est le bien suprême, la souffrance le mal suprême. Une action est moralement défendable si elle permet effectivement de minimiser la souffrance et de maximiser le plaisir.

Rietdijk lui-même défend une forme d’éthique de la vertu (à ne pas confondre avec la « vertu » au sens politiquement correct du terme). La vie humaine ne peut être considérée comme telle que si elle peut s’épanouir, et pour cela « un cadre de vie adéquat » est nécessaire. Beaucoup de gens partagent cette intuition: ils disent par exemple « Si un jour je dois finir comme une plante verte, alors ce n’est plus la peine, qu’on me débranche. » La qualité avant la quantité.

Le choix d’une éthique

Le caractère abyssal de la question réside dans le fait qu’on ne peut, sur la base d’arguments empiriques ou pragmatiques, privilégier l’une de ces trois éthiques par rapport aux deux autres. Car la façon dont on évalue les faits pragmatiques et empiriques dépend précisément de l’éthique avec laquelle on aborde la vie.

C’est comme si l’on était debout sur une plaque tectonique, au-dessus d’une faille abyssale. La raison et l’expérience n’offrent aucune donnée qui rendrait le passage vers une autre plaque moralement obligatoire. Ce saut doit donc venir du plus profond de soi: choisir entre des éthiques qui s’excluent mutuellement est, par définition, un saut dans l’abîme.

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Conatus

Vous me suivez jusqu’ici? Très bien, car mon travail est alors presque accompli. Tout dépend donc de l’éthique qui vous interpelle. Et cela dépend des valeurs qui animent votre noyau intérieur: votre âme, votre personnalité, votre caractère. Ce principe fondamental, c’est ce que Spinoza appelle le «conatus». Ce conatus cherche à se perfectionner lui-même, et filtre tous les faits du monde en fonction de ce qui renforce ce noyau primitif. Le processus du conatus, c’est le durcissement du « soi » au sein d’un monde extérieur.

Le noyau, le principe organisateur qui réside dans l’âme même, est donc existentiel et jamais empirique – la logique et l’expérience sont toujours secondaires. Voilà ce qu’est le conatus.

Bronze Age Mindset : la maîtrise de l’espace

Maintenant que ceci est clarifié, nous sommes prêts à aborder le livre de Bronze Age Pervert (BAP). Selon lui, tout ce qui vit cherche à occuper de l’espace. Il s’agit généralement de posséder, de contrôler ou de conquérir l’espace. Songez à un lion juché au sommet d’une montagne, surveillant la vallée à la recherche de proies. Ou à un aigle planant encore plus haut dans le ciel.

Selon BAP, le fait de s’approprier l’espace avec succès conduit au développement des qualités innées de l’organisme. Ce développement permet à son tour de conquérir encore plus de matière, de dévorer les organismes inférieurs qui sont alors absorbés par l’organisme supérieur. Il le décrit ainsi : « It is mobilization of matter to develop the inborn character or idea or fate. » ("C'est la mobilisation de la matière dans le but de développer le caractère, l'idée ou le destin innés"). Il s’agit donc de quelque chose de plus abstrait que la simple assimilation de biomasse : il s’agit aussi d’un principe. Il s’agit ici, en fait, du conatus.

Application à la politique

« Organism seeks mastery of space, environment, to master matter in ways particular to its own abilities. […] The higher and more organized the form of life, the more complex its need for development are » ("L'organisme cherche la maîtrise de l'espace, de l'environnement, à maîtriser la matière en des façons particulières selon ses propre capacités").

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Dans l’exemple des lions et des aigles, nous comprenons instinctivement ce que cela signifie, mais si on applique cela à la société humaine, il en va de même en politique. Pourquoi, par exemple, quelqu’un se sent-il attiré par le plan de Frans Timmermans d’augmenter les allocations et les primes sociales?

Parce que cette personne sent qu’elle veut être couverte contre les risques, et que cela lui convient. La protection du groupe. Un autre, au contraire, préfère payer moins de cotisations et prendre plus de risques lui-même. Parce que cela fait partie de sa personnalité: individualisme, volonté de fonctionner par ses propres moyens et d’être indépendant du groupe. Vouloir façonner son propre destin et en assumer soi-même les conséquences. Votre conatus détermine donc les arguments politiques auxquels vous êtes réceptif.

Une question existentielle

« Gauche » et « droite » ne sont donc pas des « inventions » – pas des « constructions » qui ne prennent sens que dans un système particulier, une configuration économique et sociale donnée. « Gauche » et « droite » sont des grandeurs existentielles, propres à l’âme de chaque individu – à son conatus. Elles précèdent toute factualité empirique.

Revenons un instant à Bronze Age Mindset. Le livre affirme : « As a result of this mastery of matter there is development of its body, its senses, and all of its faculties, and the unfolding of its inborn destined form or nature » ("Résultat de cette maîtrise de la matière: le développement de son corps, de ses sens et de toutes ses facultés, et le déploiement de sa forme ou nature innée et destinale"). On comprend alors que, même si BAP n’utilise pas le terme « conatus », il s’agit bien de cela. Le conatus est le principe fondamental dans lequel tout ce que l’organisme, la chose, le concept deviendront un jour, est déjà en germe – dès lors qu’ils s’expriment, se déploient dans la réalité.

Bien et mal = force et faiblesse

« It seeks to become strong, skillful, to master problems and feel the expansion of its power » ("Cela cherche à devenir fort, talentueux, à maîtriser des problèmes et à ressentir l'expansion de sa puissance"). Nous touchons ici au vrai sens de l’éthique, tel que Nietzsche l’écrit – et tel qu’il l’a directement emprunté à Spinoza: est bon tout ce qui renforce notre force vitale; est mauvais tout ce qui la diminue.

Dans cette optique, on constate qu’il existe différentes formes d’éthique, mais ce qui finit par l’emporter, c’est qu’une personne devient le chef d’un groupe, et son éthique devient alors dominante – parce que l’espace est limité, parce que les ressources sont limitées.

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En somme : il s’agit d’une lutte à mort entre des éthiques qui s’excluent mutuellement. Ce ne sont pas les arguments moraux qui déterminent l’issue, mais la force des parties en présence qui décide quelle morale deviendra la morale valide, normalisée, légitime.

Réflexions complémentaires

Il faut souligner qu’il existe ici une sorte de « processus de puissance ». Un jeune homme doit gravir une montagne, capturer un aigle. Et quand il revient au village avec cet aigle, il est désormais membre à part entière du groupe et peut participer au conseil de la tribu. Au fond, il s’agit de « parvenir à maturité », de s’épanouir. Ressentir comment, par sa propre force, on acquiert une forme de maîtrise.

Dans la société actuelle, ce processus naturel est entièrement affaibli, atténué, canalisé par toutes sortes d’institutions. Avec la ritaline et d’autres médicaments, il est même médicalisé, supprimé. Au final, on ne peut plus ressentir de telles émotions qu’en réalité virtuelle, comme dans le Metaverse de Mark Zuckerberg.

La postmodernité est condamnée

Dans la société ouest-européenne actuelle, numérisée et évitant tout conflit, les hommes ne peuvent plus développer naturellement leur confiance en eux. Les actes qui, en situation naturelle, les rendraient attirants aux yeux des femmes – chasser, se battre, construire – sont désormais impossibles dans ce contexte surréglementé. Les jeux vidéo, où l’on construit des villes et mène des batailles, peuvent encore donner une vague impression de ces sensations.

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En résumé : la société postmoderne est totalement coupée de la croissance et du développement naturels. D’où la multiplication des «stages de virilité». Tout est déjà limité, et au final, il faut se libérer comme un loup solitaire de la société sursocialisée si l’on veut encore réaliser quelque chose de créatif.

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13:34 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, éthique, sid lukkassen | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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