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mardi, 15 juin 2010

Les législatives belges du 13 juin 2010

Communiqué du “Mouvement Identitaire Démocratique” (MID)

 

Les législatives belges du 13 juin 2010

 

be-bart-de-wever-8804_1217964616.jpgLe lendemain des législatives belges du 13 juin 2010, les manchettes des journaux étrangers, en vente à Bruxelles, comme “El Pais” (Espagne) et le “Corriere della sera” (Italie), annonçaient la victoire de la NVA de Bart de Wever et pronostiquaient la séparation entre Flamands et Wallons et la fin de la Belgique, chanson  que l’on entend au moins depuis trois décennies. Et comme d’habitude, pleins feux sur la Flandre et ses velléités autonomistes, confédéralistes ou indépendantistes. Mais pas un mot sur la consolidation du vote socialiste en Wallonie, qui ouvre, dans les circonstances actuelles marquées par une avancée sans précédent du nationalisme flamand, des perspectives de coalition totalement inhabituelles.

 

Pour expliquer clairement les enjeux de la campagne électorale qui vient de s’achever, il faut revenir aux résultats du scrutin de 2007, où l’on trouvera tous les prémisses de la crise d’aujourd’hui. Il y a trois ans, la victoire avait été emportée haut la main par le cartel formé par les démocrates-chrétiens flamands (Cd&V) et les nationalistes modérés de la NVA (que l’on distinguait alors des “maximalistes” du Vlaams Belang). Ce cartel voulait un élargissement du fédéralisme belge, c’est-à-dire des dévolutions supplémentaires, notamment en matières fiscales, avec, pour la Wallonie, un sérieux risque à la clé: celui de réduire la manne des fameux “transferts” de solidarité fédérale, où, la Flandre, devenue plus riche depuis l’effondrement des vieilles structures industrielles de la Wallonie, verse une partie de ses impôts pour soutenir un tissu économique défaillant dans le sud du pays et plus particulièrement dans l’ancien sillon Sambre-et-Meuse, hyperindustrialisé à ses époques de gloire et de prospérité.

 

Contre Leterme: front du refus et lynchage médiatique

 

En 2007, l’établissement francophone avait opposé un non catégorique à cette volonté flamande de dévolution, largement exprimée par les urnes. Le porte-voix de ce refus tranché avait été la présidente des démocrates chrétiens francophones, Joëlle Milquet, qui a rapidement glané le sobriquet de “Madame Non” dans toute la presse flamande. La victoire du cartel et le non de Milquet avaient provoqué une crise de longue durée dans le royaume, empêchant Yves Leterme, président du Cd&V, de former un gouvernement. Il avait été obligé de lâcher Bart De Wever et donc de dissoudre ce fameux cartel qui lui avait donné la victoire et lui avait permis de reconquérir les très nombreux sièges perdus par les démocrates chrétiens depuis la crise de la dioxine en 1999, face aux libéraux de Verhofstadt. Seule l’alliance avec les nationalistes de la NVA avait permis aux démocrates chrétiens de revenir aux affaires. Ensuite, toutes les tentatives de Leterme de trouver un modus vivendi avec l’établissement s’étaient soldées par un échec, tandis que la presse francophone se livrait contre lui à un véritable lynchage médiatique, où sa personne était posée comme l’idiot parfait, le chévrier d’arrière-province (Leterme possède une chèvre comme Mitterrand possédait une ânesse), l’abruti total qui ne connaissait pas l’hymne national belge, l’accro du portable qui pianotait sur son mini-clavier pendant le Te Deum de la fête nationale, etc. Tous les coups avaient été permis et tous les coups avaient été portés. L’établissement francophone et les démocrates-chrétiens de Wallonie et de Bruxelles, habituels interlocuteurs privilégiés de leurs homologues de Flandre, avaient clairement signifié à Leterme qu’ils ne voulaient pas de son “confédéralisme”, de son alliance avec la NVA et qu’ils n’étaient pas “demandeurs en matière de réformes institutionnelles” (c’est-à-dire qu’ils ne voulaient aucune démarche en direction d’un confédéralisme ou de dévolutions supplémentaires).

 

En Flandre, cette manière de procéder, cet acharnement féroce, ont laissé des traces profondes dans les sentiments populaires qui se traduisent avant tout par un ressentiment sourd à l’égard de l’établissement. Celui-ci s’est développé en silence dans les masses, dans les chaumières, sans que cela ne transparaisse dans la presse ou dans les débats publics: le peuple ruminait, ressassait et préparait sa vengeance. Nous avions dit un jour, en commentant cette crise: “Leterme et De Wever seront un jour plébiscités”, tant les campagnes de dénigrement et de calomnies à leur encontre étaient perçues dans le bon peuple comme profondément injustes. Ce plébiscite vient d’avoir lieu mais ce n’est pas Leterme qui en a été le bénéficiaire mais son partenaire mineur de 2007, Bart De Wever, chef de file de la NVA. Même si Leterme conserve des scores très honorables dans les bastions ouest-flamands dont il est issu (Ypres, Courtrai). Un journal flamand avait reproduit les paroles d’un badaud auquel Leterme avait serré la pince lors d’une tournée électorale sur un marché dominical en Flandre occidentale: “Gij had nondedju harder op tafel moeten kloppen in Brussel” (T’aurais dû, non de D., taper plus fort sur la table à Bruxelles). Leterme avait été jugé par “la langue du peuple sur la place du marché”, comme dit Mikhail Bakhtine, l’exégète russe de Rabelais: un brave garçon mais pas assez énergique. De Wever, après une campagne très bien ficelée, a été perçu par l’électorat flamand comme celui qui allait vraiment taper du poing sur les tables à Bruxelles et faire passer les réformes institutionnelles et le confédéralisme auquel il aspirait. Du coup, son parti, aux scores modestes et partenaire mineur du défunt cartel, est devenu, et de loin, le premier parti de Flandre. Judoka professionnel et député d’Ostende, Jean-Marie de Decker, leader de la LDD  —un parti populiste sans connotations nationalistes, qui avait, lors des élections précédentes, coulé tous les propos de café de commerce en un programme politicien (à défaut d’être politique)—  a remarqué avec pertinence qu’un tel glissement de terrain n’avait jamais été vu en Belgique depuis 1830, année de la naissance du royaume. Les trois partis traditionnels (démocrates-chrétiens, libéraux et socialistes) ont tous perdu des plumes devant un challengeur nationaliste flamand.

 

L’imbroglio de BHV

 

La chute du gouvernement Leterme est due à la question dite de “BHV”, incompréhensible pour les observateurs internationaux, qui évitent de l’évoquer de peur de s’emmêler les pinceaux mais au risque de ne pas faire comprendre le problème à leurs lecteurs ou auditeurs. Les lettres B, H et V, désignent les noms de trois communes ou villes voisines dans l’ancienne province du Brabant, Bruxelles, Hal(le) et Vilvo(o)rde, constituant un seul arrondissement judiciaire dans le royaume et une unique circonscription électorale. L’objectif des partis flamands avait été de scinder cet arrondissement en séparant les 19 communes qui forment la Région bruxelloise, des cantons de Hal(le) et Vilvo(o)rde, inclus dans la province du Brabant flamand, donc dans la Région flamande. La Région bruxelloise aurait formé un arrondissement judiciaire limité aux dix-neuf communes qui la constituent, de même qu’une circonscription électorale détachée de Hal(le) et Vilvo(o)rde, sans qu’il n’y ait plus chevauchement d’une circonscription et d’un arrondissement judiciaire sur deux régions différentes.

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Sur la carte: en vert, les 19 communes de la Région bruxelloise -

En beige, les communes des cantons de Halle et de Vilvoorde (Brabant flamand, Région Flandre)

 

Pour comprendre cet imbroglio, une brève leçon d’histoire s’impose: en 1963, les représentants des deux communautés linguistiques majeures composant le royaume de Belgique décident de tracer une frontière linguistique entre les régions néerlandophone et francophone (et aussi entre les cantons germanophones et la Wallonie francophone), impliquant l’unilinguisme administratif dans chacune des régions, comme l’a toujours demandé le mouvement wallon dans ses revendications (la Flandre était moins demanderesse, à l’époque, que la Wallonie, qui venait d’être secouée en décembre 1960 et janvier 1961 par une vague d’émeutes sociales, menées par l’aile ultra et régionaliste du syndicalisme socialiste, dont le chef de file avait été André Renard; celui-ci prétendait que la Wallonie devait bénéficier d’une autonomie par rapport à la Flandre, afin de pouvoir parfaire son socialisme particulier sans devoir demander des comptes à une majorité parlementaire flamande aux Chambres siégeant à Bruxelles). Le long de cette frontière, voulue tout à la fois par les nationalistes flamands et par les renardistes wallons, et autour des 19 communes de l’agglomération bruxelloise, les minorités (flamandes ici, francophones là, germanophones ailleurs) reçoivent des “facilités administratives”, consistant, pour l’essentiel, à obtenir de l’administration tous documents dans leur langue maternelle. Les “facilités” constituent donc un expédiant pragmatique. Six communes autour de l’agglomération bruxelloise bénéficient de ces “facilités” (Wemmel, Wezembeek-Oppem, Kraainem, Rhode-Saint-Genèse/Sint-Genesius-Rode, Drogenbos et Linkebeek), tout en faisant partie de l’entité de Halle-Vilvoorde, incluse plus tard dans la province du Brabant flamand.

 

La Périphérie bruxelloise: une situation née de l’exode urbain

 

A la suite de l’institutionalisation de cette frontière linguistique en 1963, la Belgique entame un long processus de fédéralisation qui durera près de trente ans, impliquant notamment la séparation de la province de Brabant, auparavant bilingue et incluant l’agglomération bruxelloise, en deux nouvelles entités provinciales: le Brabant wallon et le Brabant flamand. Le Brabant wallon fait partie de la Région wallonne. La Brabant flamand de la région flamande. Les cantons de Halle et de Vilvoorde appartiennent au Brabant flamand, tout en étant rattachés à l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, devenue région à part entière. Ce rattachement constitue bien entendu une anomalie dans la logique communautaire du fédéralisme belge. Bon nombre de natifs des dix-neuf communes bruxelloises ont aimé, au cours de l’exode urbain vers les zones semi-rurales de la “périphérie”, se fixer dans ces cantons limitrophes de l’agglomération bruxelloise. On travaillait en ville et on épargnait pour se construire une maison dans la “ceinture verte” et flamande autour de la grande ville encombrée. L’idéal du Belge moyen est celui de Ruskin, le concepteur anglais des cités-jardins. C’est dans un tel cadre qu’il veut vivre avec sa famille et couler des jours heureux. Vivre dans un appartement sans jardin où dans un clapier typique des années 60 est jugé dégradant, ne symbolise aucunement le bonheur et l’art de vivre. Au cours de son histoire, Bruxelles a imposé le français à tous les ressortissants des provinces belges venus s’installer dans la capitale, les flamandes comme les wallonnes, si bien que ce sont de nouveaux habitants francophones ou francophonisés qui arrivent par vagues successives dans la “ceinture verte”. Les habitants autochtones et néerlandaophones de ces communes du Brabant flamand parlent d’ “olievlek”, de “tache d’huile” qui se répand au départ de Bruxelles, urbanise d’anciens villages ruraux pittoresques. Depuis une dizaine d’années, ils sont, de surcroît, animés par la crainte panique de voir arriver des ressortissants issus des diverses vagues migratoires non européennes, installées dans les anciens quartiers populaires de la capitale belge, quartiers qui deviennent, pour eux aussi, exigus.

 

Néerlandophones et Francophones vont donc se heurter de front dans les six communes dites “à facilités” et partout dans les cantons de Halle et de Vilvoorde, où l’exode urbain tente de créer des niches ou des cités dortoirs, sans prise réelle sur la vie quotidienne des habitants autochtones des communes périphériques et surtout sans intérêt pour elle; absence d’intérêt prise pour de l’arrogance et de la grossièreté par les Flamands de cette “ceinture verte”, vexés d’être considérés comme des “natives” résiduaires, des aborigènes en voie de disparition, auxquels on n’adresse pas la parole. L’objectivité nous oblige tout de même à signaler que des ressentiments similaires ont animé ou animent encore les autochtones du Brabant wallon, subissant aussi les  effets de  la “tache d’huile”: seulement leurs sentiments ne sont pas instrumentalisables politiquement comme le sont tous les clivages d’ordre linguistique en Belgique. “BHV” devient ainsi un enjeu politique majeur. Et le cheval de bataille des militants de la francophonie, dont l’inénarrable Olivier Maingain, animé par une francolâtrie pathologique qui va jusqu’à étonner les citoyens français eux-mêmes qui restent pantois devant sa virulence et se montrent généralement plus prompts à reconnaître les ressorts de l’identité flamande. Maingain et ses compagnons de combat vont agiter le spectre de la “minorisation des francophones” dans les six communes et dans tout le reste de la “périphérie” et accuser le monde politique flamand d’empêcher la fusion de ces six communes et d’autres zones des cantons de Halle et de Vilvoorde au sein de la Région de Bruxelles-Capitale.

 

Scinder BHV pour désengorger les tribunaux de Bruxelles

 

Le ton va monter, s’envenimer, tant et si bien que le sycophante Maingain n’hésitera pas à se poser, selon les clichés habituels et éculés, comme un résistant face au “nazisme” intrinsèque d’une méchante Flandre posée comme le fer de lance d’un nouveau pangermanisme (mais sans avoir derrière elle ni un Bismarck ni les uhlans de Guillaume II ni les Panzerdivisionen de Guderian). Angela Merkel est pacifique et timorée: elle ignore tout des arcanes de la politique belge ou des ressorts du pangermanisme, dont tous les adeptes sont morts et enterrés depuis longtemps sauf dans les délires de Papy Maingaingain (qui fait de la résistance). Le maximaliste Bart Laeremans, juriste et député du Vlaams Belang, dans une lettre ouverte aux Francophones de Bruxelles et de sa périphérie, a rappelé fort oppotunément que le problème de BHV n’en était pas un, sauf pour le FDF de Maingaingain: les partis flamands veulent tout simplement scinder l’arrondissement judiciaire de BHV parce que les tribunaux bruxellois sont engorgés et ne peuvent plus maîtriser l’arriéré judiciaire. Cette scission, d’ordre purement pragmatique, va donc dans l’intérêt des Bruxellois et des habitants de la périphérie (H & V). Il ne s’agit nullement, précise le maximaliste flamingant Laeremans, de supprimer les “facilités” ni d’empêcher les Francophones de constituer des listes électorales particulières et de se faire élire au Parlement flamand ou dans toute autre instance représentative. Les craintes de Maingain et de ses acolytes ne portent pas en réalité sur les dangers qui guetteraient la démocratie dans les communes de l’entité BHV. Si l’arrondissement de BHV est scindé, Maingain et ses amis ne pourraient plus récolter de voix dans les communes de la périphérie bruxelloise; celles-ci iraient à d’autres francophones, sur des listes parallèles se présentant en Région flamande et, du coup, le poids politique de Papy Maingaingain en Région bruxelloise se réduirait comme une peau de chagrin. C’est donc pour des raisons personnelles et purement électoralistes, pour une cuisine politicienne produisant un très mauvais graillon, que lutte Maingain et non pas pour défendre la démocratie ou la francophonie. Les édiles bruxelloises, se targuant de francophonisme, veulent aussi faire main basse sur les recettes fiscales des communes mieux nanties de la périphérie pour les précipiter dans le tonneau des Danaïdes qu’est le budget de la Région de Bruxelles-Capitale.

 

Le problème réel, à nos yeux, n’est donc pas linguistique mais fiscal. Et on s’étonne que ni la NVA ni le Vlaams Belang ni les autres partis flamands ne l’ont évoqué dans les polémiques et débats politiques. Les taxes sont plus lourdes en Régions bruxelloise et wallonne qu’en Région flamande, notamment l’impôt sur les successions. Dans la périphérie et dans l’arrondissement de Halle-Vilvoorde tout entier, les générations précédentes, autochtones ou émanations de la  “tache d’huile”, ont fait bâtir une quantité impressionnante d’immeubles, constituant leur patrimoine familial, fruit de leurs économies et surtout de leur labeur. Ces francophones, venus dans la périphérie suite au phénomène sociologique de l’exode urbain, courent un risque énorme, si leurs communes sont rattachées à la Région bruxelloise, comme le veulent Maigain et ses séides: celui de voir s’éroder considérablement la valeur de leur patrimoine immobilier, qui, en cas de “bruxellisation”, serait ponctionnée par une “rage taxatoire”destinée à renflouer une Région artificielle, sans poumon extérieur et largement déficitaire, vu le chômage de masse qui y sévit, frappant en premier lieu une jeunesse issue des deuxième, troisième voire quatrième générations d’immigrés non européens, majoritairement musulmans, pour laquelle on avait prévu de généreuses mesures d’intégration qui ont, hélas, toutes fait faillite. Le mal de vivre, la drogue, l’oisivité, l’intégrisme islamiste, le refus de s’adapter aux moeurs d’une civilisation industrielle, le débranchange social par la cyberdépendance, le désorientement, le tiraillement de ces adolescents et adolescentes entre les “paradis artificiels” de la société de consommation et les injonctions sévères de la famille maghrébine ou turque traditionnelle, etc. rendent une jeunesse majoritairement issue de l’immigration (mais pas uniquement) totalement inadaptée au marché du travail à Bruxelles. Les ponctions fiscales sur le patrimoine meuble et immeuble des ex-Bruxellois partis vers la périphérie serviraient à financer les mesures sociales palliatives, destinées à maintenir ces masses juvéniles en un état d’assistanat permanent: on sait qu’il faut construire des logements sociaux, des prisons (eh, oui), l’engagement de policiers supplémentaires, de matériels pour l’appareil répressif, etc., toutes dépenses non prévues et non destinées aux zones périphériques, toutes dépenses qui seront engagées au détriment de projets plus séduisants, plus humanitaires, dans les secteurs de la culture, de l’éducation ou de la médecine. Les discours sur la francophonie masquent un projet de racket inouï et inédit: on oublie de le dire, y compris et surtout dans les cénacles nationalistes flamands, où sévit aussi l’irréalisme politicien. D’où l’absence de toute séduction à l’endroit des Francophones de la périphérie dont la plupart n’ont rien à faire du francophonisme politicien.

 

Le sort de Neder-Over-Heembeek

 

L’exemple le plus patent de ce qui attend la périphérie, en cas d’annexion à la Capitale sous la houlette de Maigain, a été observé dans une zone moins dense de la Commune de Bruxelles-Ville, dans le quartier, encore fort vert, de Neder-Over-Heembeek, ancienne commune rurale et excentrée, annexée au coeur historique de Bruxelles, il y a plusieurs décennies. Sur le territoire de Neder-Over-Heembeek, le pouvoir socialiste de Bruxelles-Ville a fait édifier d’affreux HLM en bordure des maisonnettes coquettes de “souchiens” débonnaires, heureux de vivre de manière idyllique dans ce quartier aux aspects encore semi-ruraux. Ces HLM étaient destinés à désengorger les vieux quartiers du centre historique de Bruxelles, qui, lui, est en voie de “gentrification”, où fonctionnaires européens, eurocrates, lobbyistes, branchés, faux ou vrais artistes ou pontes du secteur tertiaire se paient de vieux appartements luxueux et cherchent à houspiller les familles allochtones, peu séduites par le spectacle, finalement assez  décadent, de cette nouvelle faune de modernistes, de célibataires et de festivistes, qui a les  faveurs de la presse, au contraire des familles normales, des centaines de milliers de gens qui ont un boulot utile. Inutile de préciser que ce désengorgement du centre de la Ville concerne des populations non “souchiennes”. Si demain les six “communes à facilités” sont annexées à la Région bruxelloise, elles subiront inmanquablement le sort de Neder-Over-Heembeek, qui avait suscité un tollé chez les autochtones locaux, un tollé que la presse aux ordres s’était bien abstenue de répercuter... Ces braves autochtones n’ont plus qu’à vendre au rabais leurs maisonnettes et à se replier dans des appartements plus exigus ou à émigrer vers des communes plus lointaines du Brabant wallon, sans liaisons faciles avec la capitale. Voilà à quoi menerait la politique du sycophante Maingain...

 

Une bonne partie des citoyens des six communes à facilité, aveuglée par les discours toniturants sur la défense de la “démocratie” (celle des prébendes et des entourloupettes politciennes) et de la “francophonie”, a encore voté pour le MR libéral (“Mouvement Réformateur”), qui constitue un cartel avec le FDF (“Front des Francophones”), le parti de Maingain. La majeure partie des habitants de Halle et de Vilvoorde a toutefois voté pour la NVA de Bart De Wever, la peur aux tripes de voir arriver une nouvelle “tache d’huile”, une nouvelle vague de Bruxellois, allochtones cette fois, ou de devoir payer des taxes pharamineuses pour financer leur insertion ou leur non insertion. L’affaire de BHV n’est pas une affaire de constructivisme institutionnel, de bricolage juridique, de complots  pangermanistes ou de cogitations politiciennes oiseuses mais touche directement le citoyen dans les problèmes de sa vie quotidienne, dans les problèmes de la gestion de son patrimoine. Problèmes que les discours politiciens n’ont pas pris en compte ou ont escamotés...

 

Ouvrir un chantier pour un socialisme nouveau en Wallonie?

 

La Flandre, c’est désormais évident, souhaite mettre un terme aux transferts vers la Wallonie, ou les réduire au minimum requis par la solidarité fédérale ou contraindre les décideurs wallons à des investissements productifs pour une Wallonie qui n’est quand même pas sans atouts, malgré son plus grand éloignement de la mer et des ports. La Wallonie est proche de la Rhénanie et de l’espace mosellan, que ce soit celui du Palatinat allemand ou du Duché de Lorraine, annexé à la France et laissé pour compte par l’Hexagone. La Flandre de Bart de Wever met peut-être la Wallonie au pied du mur: ou elle se maintient vaille que vaille dans son socialisme d’assistanat, en quémandant l’argent des transferts ou des subsides européens, ou elle annonce qu’elle va créer un socialisme réellement travailliste, solidaire et local, correspondant à l’idéal humain que représente l’oeuvre sculpturale de Constantin Meunier ou qu’envisageait peut-être André Renard, figure emblématique de la Wallonie du début des années 60. Un tel chantier, fort intéressant, pourrait s’ouvrir. La Flandre est animée par un souci pragmatique et non par un nationalisme caricatural comme l’établissement essaie de le faire croire à la presse étrangère.

 

Quid de l’avenir de la Belgique après le raz-de-marée de la NVA, dimanche 13 juin 2010? Il y a deux risques: 1) la récupération de Bart De Wever qui, de croquemitaine de l’établissement, deviendrait en un tourne-main, par un formidable et incroyable tour de passe-passe politicien, son faire-valoir en Flandre; 2) le blocage et une crise plus longue encore que celle de 2007-2008.

 

Dans le premier cas, l’établissement “chevaucherait le Tigre” du nationalisme flamand et parierait pour le tandem De Wever/Di Rupo (le chef de file des socialistes wallons), autant dire alors qu’il parierait pour le mariage de l’eau et du feu. Mais les avances faites par Caroline Gennez (présidente des socialistes flamands) et par Di Rupo himself à De Wever ont été entendus, et bien entendus urbi et orbi, pour que l’on puisse confirmer cette hypothèse, impensable même quelques jours avant le scrutin. De Wever représente le refus populaire flamand des transferts vers la Wallonie. Di Rupo représente l’établissement dans sa faction socialiste, pilier du monarchisme belge en dépit des anciennes velléités républicaines des gauches, qui est contraint d’accepter les transferts pour que survive le pouvoir socialiste en Wallonie, ainsi que l’assistanat qu’il implique dans certaines sous-régions. Pour parfaire cette alliance de l’eau et du feu, on formerait un bloc comprenant la NVA, le PS wallon, le SP.a (socialistes flamands), le CdH (démocrates chrétiens francophones de Joëlle Milquet) et peut-être les partis écologistes des deux communautés linguistiques, vu qu’ils n’ont pas perdu de plumes lors du scrutin de dimanche dernier. La présence du Cd&N n’est pas nécessaire dans ce bloc, sauf peut-être sa composante syndicaliste démocrate chrétienne (l’ACV), mécontente toutefois de voir la NVA emporter le morceau. D’un côté, nous aurions un “pôle wallon de l’Olivier” (comme en Italie), avec les gauches (CdH, PS et Ecolos) dans toutes leurs variantes, et de l’autre, un bloc flamand plus composite comprenant les mêmes ingrédiens idéologico-politiques que l’Olivier wallon, plus la NVA, désormais incontournable mais au risque de devenir pure décoration au sein même du système belge que rejette la plupart de ses militants.

 

Dans le second cas, celui d’un blocage définitif, De Wever percevrait, avant de forger une alliance avec les socialistes de Flandre et de Wallonie, le risque de voir partir sa base nationaliste. Celle-là même qui vient d’abandonner Leterme et les maximalistes du Vlaams Belang, dégoûté qu’elle était du “cordon sanitaire” imposé à ce parti et ne permettant pas à ses élus de participer à des majorités, à quelqu’échelon que ce soit du pouvoir politique. En cas de réticence de De Wever, annonce le journal satiririque bruxellois, “Père Ubu/Pan”, “la lune de miel se muera bien vite en lune de fiel”. Pour éviter de voir son électorat déserter la NVA, comme il a déserté Leterme ou le Vlaams Belang, De Wever pourra tenter de mettre la barre très haut, provoquant à nouveau le refus des autres: les Wallons et les Bruxellois pourront toujours se replier sur l’Olivier à leurs niveaux régionaux respectifs, tandis qu’en Flandre ni la NVA seule ni l’Olivier ne peuvent gouverner sans l’apport de partenaires au sein d’une coalition: aucun panachage politique n’atteint les 50%. De Wever risque alors de subir un “cordon sanitaire” comme ses adversaires du Vlaams Belang dans le camp nationaliste flamand.

 

Vers une déception de l’électorat?

 

Si un tel “cordon sanitaire” s’installe autour de la NVA, la déception de l’électorat composite de ce parti nationaliste modéré sera immense et on risque alors de voir, lors du prochain scrutin, ces masses de voix revenir au Vlaams Belang, qui prétendra incarner une radicalité nationaliste pure, vierge de toute compromission avec l’établissement. Or ce sont en fait les compromis à la belge, où personne ne trouve jamais pleine satisfaction, que l’électeur flamand a rejeté pour plus de 40% (voix de la NVA et du Vlaams Belang confondues). Dans les compromis et les bricolages politiciens, aucun électorat, de quelque parti que ce soit, ne trouve satisfaction: en Wallonie, on a dit hier, et on dira demain, que la Flandre, avec son vote nationaliste, conservateur, clérical ou confédéraliste, empêche l’éclosion d’un “projet socialiste original” dans le sud francophone du pays. En Flandre, on rétorquera que les problèmes structurels du pays flamand, dont le chômage en forte croissance depuis la crise, ne pourront jamais être résolus par l’apport fiscal flamand si les transferts se perpétuent. Les transfers empêchent de fait de récolter les fonds nécessaires à créer de nouveaux emplois en Flandre, suite aux vagues de licenciements qui ont accompagné la crise depuis qu’elle a éclaté à l’automne 2008.

 

L’absence de gouvernement n’est pas un problème pour tout le monde...

 

Le royaume d’Albert II risque donc de se retrouver sans gouvernement pendant longtemps. Le Belge, écrivait avant guerre l’essayiste et journaliste nationaliste et monarchiste Fernand Neuray, est un anarchiste né qui ne hisse jamais l’intérêt général au-dessus de ses intérêts sectoriels. Et de fait, l’absence d’un gouvernement, destiné à assurer l’intérêt général, du moins en théorie, obligera les uns et les autres à gouverner le pays par l’expédiant des “affaires courantes”, ce qui aura pour effet de mettre au frigo d’importantes questions politiques, institutionnelles, sociales, judicaires et internationales. Les véritables maîtres du pays s’en frotteront les mains: les secteurs bancaires et énergétiques, inféodés à la France, auront les coudées franches pour commettre tous les abus imaginables car le politique sera mis hors jeu et ne pourra imposer ni limites ni balises. D’où aucune régulation dans le sens d’une justice sociale et d’une adaptation des tarifs d’assurance, des frais bancaires et des factures énergétiques aux salaires réels des citoyens ne sera possible, a fortiori si ces salaires devront être réajustés, crise grecque oblige.

 

L’avenir n’est donc pas rose parce que la crise européenne et la crise subséquente de l’euro, fragilisé par les événements de Grèce et par les risques similaires que courent le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Irlande et la Belgique, nous rappellent que tous devraient tourner leurs regards vers leur environnement européen, afin de créer des ponts transrégionaux, de dépasser les nationalismes conflictuels et de faire face aux manoeuvres des ennemis de l’Europe, prêts à profiter de toutes ses faiblesses.