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dimanche, 20 janvier 2008

Ludwig von Mises: vérités et erreurs

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Ludwig von Mises, une critique libérale-capitaliste de l'économie dirigée-

Un mélange de vérités et d'erreurs

par Noël RIVIERE

sur: http://www.europemaxima.com/spip.php?article308...

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Du déclin de l'Europe

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Brigitte SOB :

Du déclin de l'Europe : de Nietzsche à Rohrmoser

 

Les prophètes du déclin restent hautement appréciés. Pour eux, c’est toujours la haute conjoncture. Même les politiciens sont désor­mais obligés de le concéder : notre culture est frappée d’un proces­sus de décadence inéluctable ; ainsi, par exemple, en Autriche, Jörg Haider avait écrit dans son premier livre politique : la culture, au­jour­­d’hui, sous toutes ses formes, a perdu contenu et limites et cha­vire dans un « syncrétisme difficile à comprendre ». Haider souffrait-il de voir l’Europe en proie à un déclin culturel, lorsqu’il est devenu un patriote autrichien pétri de conservatisme chrétien (ce qu’il n’était pas auparavant) ?

 

Le fait est qu’il partage désormais sa souffrance face à la décadence eu­ropéenne avec un professeur de philosophie allemand, Günter Rohr­moser. Autre fait évident : déjà Nietzsche avait prophétisé l’ef­fon­drement de la morale et de la culture. Or, on peut considérer Nietz­sche comme le premier représentant de cette « conscience de la crise » au sein de la culture occidentale. Pour Nietzsche, les raci­nes de la crise se situent dans un état de choses clairement obser­va­ble : l’homme moderne est en face de traditions qui ne cessent de se dissoudre. Par l’irruption dans son quotidien de cultures différen­tes, cet homme moderne dispose d’une plus vaste marge de ma­nœu­vre, peut jouer et composer avec des expériences plus diver­si­fiées, mais, simultanément, cesse d’avoir des liens solides et iné­bran­lables avec sa propre culture, son propre héritage culturel.

 

Le fondement de l’analyse nietzschéenne du monde contemporain, c’est de constater la dissolution de tous les liens qu’entretenait l’hom­me avec le monde et son environnement. Nous vivons ainsi dans un « monde en voie d’égalisation », de nivellement : « Comme tous les styles en art se juxtaposent et se répètent, de même tous les degrés et types de morale, de mœurs et de cultures s’alignent les uns à côté des autres. C’est l’ère du nivellement, c’est sa fierté, mais aussi, sa souffrance ». Ce processus est l’avènement d’un relati­vis­me général des valeurs et des cultures, qui, selon Nietzsche, conduit tout droit au nihilisme : les anciennes valeurs culturelles perdent leur fonction liante, la morale s’effondre.

 

Spengler, plus tard, a partagé cette vision. Après que l’Europe ait accompli ce qu’elle portait en son cœur profond et épuisé toutes ses potentialités, plus aucune avancée n’était possible. Telle est la quin­tessence de la morphologie culturelle de notre continent. D’après Speng­ler, une logique de l’histoire est à l’œuvre, qui s’applique à tou­tes les cultures : toutes subissent la loi organique de la naissance, de la jeunesse, de la maturité et de la mort. Toutes les cultures, sans exception, vivent ces lois de la biologie, explique Spengler. Elles crois­sent, mûrissent, entrent en déclin et meurent. Vu que la « fin des temps » s’annonce pour l’Occident, l’homo europaeus, selon Speng­ler, n’a plus qu’une chose à faire : accepter son destin.

 

Récemment, quelques penseurs chrétiens-conservateurs ont repris cette thématique : dans le débat sur le déclin des valeurs et de la culture, Günter Rohrmoser constate que le christianisme en Europe est entré dans sa phase de crise la plus profonde. Cette crise s’ex­prime dans le fait que les parents ne sont plus prêts à éduquer leurs enfants selon « les mœurs et les canons chrétiens ». Rohrmoser en déduit le déclin de l’Occident : la crise s’accentuera, l’atomisation in­terne des sociétés se poursuivra, le déclin de la culture progressera.

 

Rohrmoser avance la doctrine que la perte de l’éthique chrétienne conduit au déclin de la société et de la culture. Car l’éthique et la morale chrétiennes avaient une signification cardinale non seulement pour la vie de l’individu, mais aussi et surtout constituaient des critères objectifs permettant de mesurer la capacité de survie ou la propension au déclin des peuples, cultures et sociétés. De ce fait, Rohrmoser en appelle à un renouveau spirituel et éthique de facture chrétienne, afin de sauver l’Europe du déclin. Problème : peut-on objectivement mettre sur le même pied le déclin général de l’Europe et le déclin de la foi chrétienne en Europe ? La crise du christianisme est-elle une crise de la culture européenne ? Car, en effet, tout nous per­met d’affirmer que, sans le christianisme, l’Europe aurait égale­ment connu une éthique constituante de son identité, le terme « é­thi­que » dérivant de la philosophie grecque, païenne et pré-chré­tienne.

 

Cette problématique nous permet de rappeler les thèses de Sigrid Hunke, exprimées dans La vraie religion de l’Europe et dans Vom Untergang des Abendlandes zum Anfang Europas (non traduit ; = «Du déclin de l’Occident à l’avènement de l’Europe »). Sigrid Hunke s’oppose tout aussi bien aux prophètes chrétiens de la fin des temps qu’à l’idéologie américaine du New Age. Pour elle, il faut avant toute chose dépasser la calamité dualiste qui s’est abattue sur l’Europe et que nous ont apporté le christianisme (et la gnose radicale). Le dualisme distingue l’esprit de la matière, l’intelligence et l’émotion, la nature et la raison, introduit une césure radicale entre eux. Alors que l’homme, à l’origine, est essentiellement unité et holicité. Telle est la loi première de l’anthropologie et il faut la restaurer dans tous les do­maines de la culture européenne, afin de faire éclore une nouvelle renaissance. C’est dans les ruines des vieilles structures dualistes, au milieu des antagonismes fallacieux et dangereux que le dualisme a provoqués, qu’un développement nouveau germera, dit Hunke, que l’Europe retrouvera son essence et redonnera du sens à l’en­semble de nos peuples.

 

Qui a raison : Spengler, Hunke, Nietzsche ou Rohrmoser ? Aucun d’eux sans doute. Sans doute la plus grande erreur de la culture eu­ro­péenne a été de se considérer comme absolue. Prétention inima­gi­na­ble. Hybris ?

 

Brigitte SOB.

samedi, 19 janvier 2008

R. Sennett : l'homme flexible

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Brigitte SOB :

Globalisation, néo-libéralisme et « homme flexible »

Les analyses du sociologue américain Richard Sennett

 

La globalisation exige la flexibilité. La notion des « flexibilité » est aussi le terme magique dont raffole l’économie néo-libérale, qui salue le processus de globalisation comme un défi positif. Cette notion de « flexibilité » est issue, au départ, de l’empirisme des naturalistes : on tire profit de l’expérience, par exemple, en constatant que les arbres ploient sous la force du vent mais qu’après la tempête ils reprennent leur forme originale. La « flexibilité » est non seulement posée comme l’antonyme du « fixisme », de la « rigidité » ou de l’absence de vitalité, mais, dans le cadre de l’idéologie néo-libérale, comme le synonyme de la « liberté » ; dans ce sens, la flexibilité apporte de nouveaux défis, de nouvelles exigences, de nouveaux boulots qui exigent des déménagements fréquents et des délocalisations : l’homme flexible devient ainsi un « perpetuum mobile » au sein de l’économie globale. Tout « perpetuum mobile » est une construction qui, une fois mise en marche, demeure éternellement en mouvement, ce qui, d’après les lois fondamentales de la thermodynamique, est une impossibilité.

 

Le grand sociologue américain contemporain, critique des fondements de notre culture libérale, Richard Sennett, défend la thèse que cet artifice qu’est l’homme flexible ne peut survivre biologiquement sur le long terme. Pour Sennett, les questions fondamentales qui s’adressent aujourd’hui à l’économie politique et à la science politique sont les suivantes : 1) dans quelle mesure peut-on permettre au système économique de plier, ployer et tordre littéralement l’homme, pour satisfaire ses besoins d’expansion ? ; 2) l’Etat a-t-il le droit de « donner aux hommes, à ses citoyens, cette flexibilité propre aux arbres, de façon à ce qu’ils ne se brisent pas, du moins en théorie, face aux coups permanents que lui assènent les changements imposés par la nouvelle économie néo-libérale et globaliste » ? Sennett ne voit pas du tout comment s’ouvriraient les portes de la liberté si les hommes deviennent flexibles comme le veut l’économie globalitaire. Bien au contraire : l’homme flexible ne sera ni libre ni plus libre mais basculera dans l’impuissance à maîtriser et gérer son destin. Dans un contexte existentiel, dominé par l’économique, on exige sans cesse de faire face à de la nouveauté et à des changements, ce qui rend impossibles les liens sur le long terme : « La profession, le lieu de résidence, la position sociale, la famille, tout est désormais soumis aux exigences hasardeuses de la vie économique ; la vie personnelle de l’individu soumis à de telles pressions apparaît comme une mosaïque éparse et sans cohérence, dépourvue de but et incompréhensible, insaisissable. Le résultat n’est donc pas un surcroît de liberté, mais un sentiment profond d’impuissance, d’isolement et de perte de sens », écrit Sennett.

 

L’économie à l’ère de la globalisation est marquée par le court terme. Ce court terme exige de l’homme flexible d’être toujours prêt à changer, si besoin s’en faut, de travail, de cadre de travail, d’emploi et de domicile. Ce court terme est contraire, dit Sennett, à l’essence de l’être humain, car la constitution ontologique et psychologique de l’homme repose sur la longue durée, sur la sécurité que celle-ci procure, sur la continuité de mêmes modèles. La thèse centrale de Sennett est dès lors la suivante : la « flexibilisation » du monde du travail détruit l’homme en ses fondements ontologiques : des valeurs comme la fidélité et la responsabilité perdent automatiquement leur sens et leur signification, en même temps que toute éthique du travail ; des vertus comme la faculté de renoncer à la satisfaction immédiate des besoins au profit d’objectifs sur le long terme, disparaît.

 

Remarquons que Sennett insiste toujours pour dire que la tradition politique de sa famille, du moins depuis ses grands parents, s’ancre dans les réseaux de la gauche américaine. En dépit des évolutions ou involutions des gauches aujourd’hui, notamment en Europe, Sennett demeure fidèle à des valeurs comme la fidélité, la loyauté, la confiance, l’esprit de décision et surtout à celles de la famille et de la communauté.

 

Richard Sennett est né en 1943 à Chicago. Il a passé sa jeunesse dans les quartiers pauvres de la ville. Après avoir obtenu son diplôme en 1964, Sennett a œuvré à Harvard, à Yale, à Rome et à Washington. Aujourd’hui, Sennett vit à Londres et enseigne la sociologie et l’histoire à la célèbre « London School of Economics ». Il a acquis la célébrité grâce à plusieurs ouvrages comme « La tyrannie de l’intimité », « L’homme flexible » et « La culture du nouveau capitalisme », tous traduits en allemand de 1986 à 2005.

 

Dans ses livres, ce sociologue désormais célèbre participe aux grands débats sur les effets de l’économie globale sur nos sociétés. Avec un courage étonnant, il défend des idées jugées totalement inactuelles, qui ont pourtant fait de ses livres des best-sellers à l’échelle planétaire et lui ont conféré une notoriété internationale. Sennett critique en effet les involutions de nos sociétés telles l’isolement progressif des individus, la perte de toute orientation dans la jungle sociale et l’impuissance de l’homme contemporain ; de même, il ne ménage pas ses critiques sur la superficialité et l’instabilité des relations interpersonnelles qui ne cessent de croître. Il défend des valeurs telles la fidélité, le sens du devoir, le sens du but à atteindre dans la vie et l’esprit de décision ; ce sont là toutes des valeurs qui postulent que l’homme conserve son caractère naturel qui lui permet d’envisager calmement la longue durée. Sennett perçoit bien la contradiction dans laquelle le « capitalisme de la flexibilité » plonge l’homme des temps présents : « Comment peut-on protéger les relations familiales contre ces comportements basés sur le court terme, contre cette rage de toujours tout remettre en question et surtout contre ce manque chronique de loyauté et de sens communautaire, qui caractérisent le monde actuel du travail ? ».

 

Le « visage caméléonique » de l’économie parie aujourd’hui sur les seules capacités de l’homme à s’adapter : dans ce cas, une valeur comme la loyauté peut devenir un piège et freiner l’adaptation exigée. Le monde du travail promeut la « force qui réside dans la faiblesse des liens sociaux » et « les formes éphémères » de communauté. « Si l’on transpose cela sur la famille, cela signifie, dans une société entièrement vouée à la flexibilité : reste en mouvement, ne te lie pas et ne fais aucun sacrifice ». Sennett estime qu’une telle évolution de nos sociétés est totalement erronée, constitue une menace pour le genre humain et nous interpelle en ce sens : « Comment peut-on viser des objectifs à long terme dans une société fixée exclusivement sur le court terme ? Comment pourra-t-on maintenir des liens sociaux sur la longue durée ? Comment un être humain dans une telle société, qui ne se compose plus que d’épisodes et de fragments épars et diffus, pourra-t-il opérer une synthèse de son existence, raconter en un récit cohérent son identité et sa vie personnelle ? ».

 

Sennett contre également l’opinion largement répandue qui veut que les Etats-Unis soient une « démocratie de consommateurs ». A rebours de cette idée toute faite, Sennett défend la thèse que les citoyens américains sont désormais complètement désorientés face aux différences réelles qui divisent leur société. Les Américains sont tellement obsédés par l’individualisme qu’ils considèrent, souvent inconsciemment, que les masses ne méritent aucun intérêt en tant qu’ensembles humains. Pour cette raison, il est important aux Etats-Unis de se poser comme détaché des masses ou des collectivités, de s’élever au-dessus d’elles : « Le besoin de statut s’exprime d’une manière très personnelle : on veut être respecté en tant qu’individu », écrit Sennett. D’après lui, les Américains veulent que l’on juge leur position dans la société selon leur race ou leur ascendance, ce qui remplace souvent la conscience de classe qui subsiste en Europe. Critiquant les évolutions de la société américaine actuelle, Sennett dénonce la polarisation entre riches et pauvres qui ne cesse de croître aux Etats-Unis, alors que la classe moyenne s’amenuise de plus en plus, ce qui génère un sentiment général d’angoisse, de désorientation, d’instabilité et d’insécurité qui touche de vastes strates de la population. Face à ces phénomènes inquiétants, prospère une petite caste de profiteurs de la flexibilité, se hissant au-dessus d’une énorme masse de perdants.

 

Pour Sennett, Bill Gates, fondateur de Microsoft, constitue l’exemple paradigmatique d’un « boss de l’économie flexible » : bien que les produits de Microsoft soient, d’après Sennett, de « qualité moyenne », ils débouchent très rapidement sur le marché, pour disparaître aussi vite. Sennett cite une phrase significative de Bill Gates, pour stigmatiser son attitude face au travail : « Au lieu de s’immobiliser soi-même dans un travail aux contours bien délimités, … on devrait au contraire se mouvoir dans un réseau de possibilités ». Cette volonté d’imposer une adaptabilité flexibiliste chez Bill Gates démontre surtout, selon Sennett, que le fondateur de Microsoft est prêt, si la situation l’exige, à détruire ce qu’il a créé. D’autres réflexions de Sennett méritent également le détour : notamment celles qui concernent les systèmes d’éducation dans les pays industriels. Ces systèmes d’éducation, d’enseignement et de formation produisent un surnombre de travailleurs hautement qualifiés. Ceci nous conduit aux problèmes du chômage et du sous-emploi, où les victimes de ces effets pervers sont confrontées en permanence à un sentiment d’inutilité sociale.

 

Les conclusions de Sennett sont claires : les sociétés, dont les ressortissants sont majoritairement désorientés et doivent faire face à un trop grand sentiment d’inutilité sociale, et au sein desquelles des valeurs comme la confiance, la fiabilité, la fidélité, la loyauté et le sens de la responsabilité sont minées, brocardées et éradiquées en toute conscience, risquent, sur le long terme, de mettre leur existence même en péril.

 

Brigitte SOB.

(article paru dans l’hebdomadaire viennois « zur Zeit », n°51-52/2007 ; traduction française : Robert Steuckers).   

 

 

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Pour une volonté impériale !

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Marcello DE ANGELIS :

Pour une volonté impériale !

Etre ou ne pas être : le dilemme d’Hamlet se pose à la jeunesse d’Europe

Quand Samuel Huntington, professeur à Harvard, a publié son célè­bre livre, The Clash of Civilizations, aujourd’hui cité jusqu’à la nau­sée, il augurait l’avènement d’une nouvelle dimension conflictuelle dans le monde, suscitée cette fois par les origines culturelles, ras­sem­blées dans des espaces organiques autocentrés de dimensions continentales, espaces opposés les uns aux autres ; dans cet affron­te­ment planétaire à acteurs multiples, il réservait à l’Europe un rôle pour le moins ambigu. Il désignait notre continent comme la matrice de la « civilisation occidentale », admettait qu’il allait devenir une su­per­puissance économique et militaire. Mais au fil de son exposé, il fi­nissait par répéter l’hypothèse que, dans le futur, l’Europe conti­nue­rait son petit bonhomme de chemin comme dans les années 50, au sein de ce que l’on appelle depuis lors le « monde occidental ». Il n’y au­ra pas, selon Huntington, deux agrégats indépendants et auto­no­mes respectivement sur le continent nord-américain et en Europe. Cette thèse n’a guère préoccupé les esprits, elle est passée quasi inaperçue, la plupart des observateurs ont considéré que ce vice d’analyse dérive d’un effet d’inertie, propre de la culture américaine, qui s’est répercuté sur le cerveau de l’honorable professeur, par ail­leurs excellent pour tous les brillants raisonnements qu’il produit.

Huntington mérite aussi nos éloges pour avoir eu tant d’intuitions, pour avoir prospecté l’histoire européenne , en feignant un à-peu-près qui découvre par « accident » les rythmes réels du monde, qui lui permettait de prédire que le destin de notre Europe n’était pas prévisible comme l’était celui des autres parties du monde. Certes, l’Europe pourra soit se muer en un bloc autocentré soit garder le corps de ce côté de l’Atlantique et le cerveau de l’autre. La question reste sans solution. Et si le livre de Huntington  —comme le sou­li­gnent quelques esprits plus fins—  n’était pas un simple essai aca­démique mais plutôt un scénario à l’usage de l’établissement amé­ricain… Quoi qu’il en soit, l’établissement a très bien retenu la leçon de Huntington et a vite mis tout en œuvre pour agencer le monde selon ses intérêts économiques et géopolitiques.

Les deux concurrents les plus sérieux des Etats-Unis à l’échelle de la planète, selon la logique d’affrontement décrite par Huntington, devraient être l’Empire européen et un Califat islamique rené de ses cendres. L’Empire européen (potentiel), fort d’une culture spécifique et pluri-millénaire, humus indestructible d’une formidable mentalité, ca­pable de disposer d’une technologie militaire de pointe, bénéficiant d’un marché intérieur supérieur à celui des Etats-Unis, aurait fa­cile­ment marginalisé le colosse américain grâce à un partenariat quasi­ment obligatoire avec les pays limitrophes de l’Europe de l’Est et à un développement harmonieux des pays de la rive sud de la Méditer­ranée. De son côté, le monde islamique, qui peut plus difficilement en­gager un dialogue avec la civilisation américaine, décrite par quel­ques scolastiques musulmans comme le pire mal qui ait jamais frap­pé la planète et le contraire absolu de tout ce qui est « halal » (pur) ou « muslim » (obéissant à la loi de Dieu). Ce monde musulman con­naît une formidable expansion démographique et détient la majorité des gisements de pétrole. Si l’Empire européen voit le jour, se con­so­lide et s’affirme, il est fort probable que ce mon­de musulman chan­ge de partenaires commerciaux et abandonne les sociétés américai­nes. Le monde orthodoxe-slave-byzantin, handica­pé par la totale dé­pendance de la Russie vis-à-vis de la Banque mon­diale, connaît ac­tuellement une terrible phase de recul.

Actuellement, les mages de la stratégie globale américaine semblent avoir trouvé une solution à tous les maux. D’un côté, ils favorisent la constitution d’un front islamique hétérogène, avec la Turquie pour fer de lance et l’Arabie Saoudite pour banque. Ce front en forme de « croissant » ( !) aura l’une de ses pointes au Kosovo, c’est-à-dire au cœur de l’Europe byzantine, et l’autre dans la république la plus orientale de l’Asie Centrale ex-soviétique : ainsi, toute éventuelle re­nais­­sance du pôle orthodoxe ou panslave sera prise dans un étau et le monde islamique sera coupé en deux. Pire, en ayant impliqué l’U­nion Européenne dans l’attaque contre la Serbie, les stratèges amé­ricains ont empoisonné tout dialogue futur en vue de créer une zone d’é­change préférentiel entre cette Union Européenne et le grand marché oriental slave et orthodoxe. Or, ce marché est l’unique espoir de voir advenir un développement européen et de sortir l’Eu­rope ex-soviétique du marasme actuel ; le passage de l’aide amé­ricaine à l’aide européenne aurait permis un saut qualitatif ex­ceptionnel.

L’Europe se trouve donc dans l’impasse. Comment faire pour en sor­tir ? Mystère ! Une Europe forte économiquement, même bien ar­mée, s’avère inutile si elle n’est pas libre et indépendante ; tout au plus peut-elle être le complément subsidiaire préféré d’une autre puis­sance. Toute Europe autonome et puissante est obligatoirement le principal concurrent des Etats-Unis tant sur le plan économique et com­mercial que sur le plan politique et diplomatique. Notre continent de­vra donc opérer ce choix crucial et historique : ou bien il restera ce volet oriental du Gros-Occident, niant de ce fait sa propre spécificité, diluant progressivement sa propre identité dans une sur-modernité qui la condamnera à demeurer terre de conflits et zone frontalière, li­mes face à l’Est et face à l’Islam pour protéger les intérêts et la sur­vie d’une puissance impériale d’au-delà de l’océan ; ou, alors, l’Eu­ro­pe se réveillera et retrouvera une nouvelle dimension, qui est tout à la fois sa dimension la plus ancienne ; elle ramènera son cerveau en son centre et en son cœur, elle rompra les liens de subordination qui l’en­travent et partira de l’avant, redevenant ainsi maîtresse de son destin.

Ce réveil est le juste choix. Mais est-il possible ? On ne peut malheu­reu­sement rien prédire aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, il reste en Eu­ro­pe une certaine volonté d’agir dans la liberté et l’indépendance.

Marcello de ANGELIS.

(article paru dans Area, juin 1999).         

vendredi, 18 janvier 2008

Le discours de Peter Sloterdijk à Elmau

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Baal MÜLLER:

Une controverse philosophique qui secoue l’Allemagne : le discours de Peter Sloterdijk à Elmau

 

« Regeln für den Menschenpark » ou « Règle pour le cheptel hu­main », tel est le titre d’un discours récent du philosophe Peter Slo­ter­dijk. Il a suscité un tollé chez les pleureuses classiques et chez les mo­ralistes auto-proclamés de l’établissement philosophique alle­mand, qui ont évidemment crié au fascisme. On connaît depuis long­temps l’éthique ( ?) qui sous-tend le discours et le niveau intellectuel ( ?) de ces messieurs-dames et de leurs relais dans les médias. Il faut ajouter que Sloterdijk lui-même avait prévenu ses lecteurs des caquetages et vociférations qu’allaient pousser ces nouvelles oies du Capitole. Il avait préparé ses réponses.

 

Quoi qu’il en soit, leurs jacassements bruyants et leurs battements d’ai­le ne suffisent plus, désormais, à clouer le bec et à chasser des médias ceux qui, de temps à autre, ont vraiment quelque chose à dire. Donc, dans l’avenir, quand on évoquera encore le discours tenu en juillet dernier par Sloterdijk à Elmau en Bavière, on ne le fera pas pour contrer les piaillements et jacassements des habituels profes­seurs de morale, mais pour plonger au cœur de la problématique phi­losophique qu’il a soulevée.

 

Déjà, le titre donné par Sloterdijk à son discours est quelque peu trompeur, car il ne nous donne aucune règle à suivre dans le corps de son texte, des règles d’après lesquelles il faudrait organiser le vivre-en-commun de l’humanité. Son objet premier n’est nullement  la manipulation du génome humain ; il n’en parle que dans le dernier quart de son allocution. Ensuite, il ne se fait pas du tout le chantre d’un programme de sélection « fasciste » visant à générer un « sur­homme », comme croient l’avoir lu quelques-uns de ses adversaires.

 

Commentaire actuel de la « Lettre sur l’humanisme » de Martin Heidegger

 

Le discours de Sloterdijk traite de la fonction historique et de l’échec ap­parent, aujourd’hui, de l’humanisme occidental. Le sous-titre, « Une réponse à la Lettre sur l’humanisme », nous semble plus clair pour préciser son propos. D’une part, il prend position sur la « Lettre sur l’humanisme » que Heidegger avait écrite à Jean Baufret en 1946. Dans ce célèbre écrit, le philosophe de la Forêt Noire con­statait l’échec de l’ancien humanisme et énonçait les conditions re­qui­ses pour le déploiement d’un nouvel humanisme. D’autre part, il pré­pare ses auditeurs et lecteurs à la métaphore directrice qui tra­verse l’ensemble de son texte : c’est-à-dire l’idée que les productions de notre tradition culturelle humaniste sont en quelque sorte des let­tres, qui, jadis, ont été envoyées à des destinataires inconnus. La con­naissance de la teneur de ces « lettres », que chaque génération des castes dirigeantes était appelée à lire, a donné naissance à cette hu­maniste « république des savants ». La formation progressive des E­tats nationaux repose, pour l’essentiel, sur la canonisation de tels tex­tes, visant la production d’un consensus sur ce qui devait être tenu pour important et sur ce qu’il fallait transmettre en priorité aux futures gé­nérations, afin de créer une base culturelle pour l’identité na­tio­nale : « Outre les auteurs antiques, communs à toute l’Europe, on com­mence à mobiliser dans cette optique les classiques nationaux et mo­dernes, dont les lettres au public deviennent, via les marchés de li­vres et les hautes écoles, des leitmotive efficaces dans la création des nations ».

 

L’utilisation par Sloterdijk du concept de “mobilisation” signale que le processus n’a pas été exempt de certaines contraintes. Certes, les livres sont, d’après Jean-Paul, des lettres simplement plus épaisses que les autres que l’on adresse à des amis encore inconnus ; quant au paradigme de l’amitié, il a été très important pour l’humanisme. Néanmoins, en dépit de ce culte de l’amitié, cette domestication cul­tu­relle des peuples est, selon Sloterdijk, quelque peu violente. Les peu­ples sont organisés comme des « associations d’amitié forcée to­ta­lement alphabétisées », qui, « au temps de l’humanité qui est en ar­mes et qui lit ». On proclame simultanément le « service militaire obli­ga­toire » et la « lecture obligatoire des classiques ». Outre cette fon­da­tion de l’identité, cette pédagogie a poursuivi un autre but : « L’hu­ma­nisme en tant que parole et en tant que chose pose toujours une ad­versité, car il est un engagement qui veut ramener l’homme hors de la barbarie ».

 

La culture des livres est désormais insuffisante

 

L’humanisme antique et aussi et surtout les diverses tentatives mo­dernes de forcer sa renaissance sont, pour Sloterdijk, des concepts é­ducateurs dirigés contre les influences “bestialisantes” et “dé­chaî­nantes” des amphithéâtres et des films d’action sanglante, des com­bats de gladiateurs et des video-clips violents. Pourtant, ce concept édu­cateur connaît aujourd’hui l’échec. La culture livresque tra­di­tionnelle ne peut plus opposer une force suffisamment intégrante et do­mesticatrice face aux mass-médias et à leur puissance centrifuge : rai­son pour laquelle, il faut faire des efforts d’un genre nouveau.

 

La seconde partie du discours de Sloterdijk à Elmau consiste en une réflexion sur le concept heideggerien d’humanisme et conclut que la vi­sion humaniste de l’homme, en tant qu’ anima rationale, est en réa­lité passée à côté de l’essence spécifique de l’homme ; dès lors, la pé­dagogie humaniste ne peut plus empêcher l’homme de retomber dans la bestialité et, pire, l’humanisme, quand il dégénère au niveau d’une idéologie à l’emporte-pièce, promeut cette (re)chute de l’hom­me dans la bestialité.

 

Sloterdijk, à l’instar de Heidegger, considère que l’homme, est, de par sa constitution, « Lichtung des Seins » (= « Clairière de l’Etre »), ou, pour simplifier, l’homme est le seul être qui peut déployer un rapport de compréhension vis-à-vis du monde, indépendamment de toute for­ma­tion humaniste. A la différence de Heidegger, pour qui les théories bio­logiques ou anthropologiques énoncées sur l’homme passent à cô­té de l’existentialité propre de celui-ci, Sloterdijk croit, en se ré­fé­rant à Platon dans la troisième partie de son discours d’Elmau, à la “pon­dération” voire à la “circonspection” humaine, qui permet à l’hom­me, malgré ses origines animales, de se considérer comme le résul­tat d’une évolution biologique.

 

Comme « l’éducation, le dressage et l’apaisement de l’homme ne peut à aucun moment s’effectuer par les seuls signes écrits », Slo­terdijk soulève la question : l’homme peut-il s’auto-domestiquer via la gé­nétique ? Donc Sloterdijk se place exclusivement dans la pers­pec­tive de protéger l’homme de lui-même et ne veut nullement fabriquer et dresser des surhommes ; dans cette optique, et dans cette optique seul­ement, il se demande si, dans l’avenir, il ne serait pas possible de développer une « anthropotechnique » qui optimiserait l’héritage gé­nétique de l’homme ; quoi qu’il en soit, les possibilités scientifiques de le faire existent déjà.

 

Sloterdijk n’est pas toujours convaincant

 

On peut penser ce que l’on veut de cette question, mais il me semble qu’il faut en débattre, car cela a du sens et vaut mieux que les sem­piternelles rengaines des moralistes et catéchistes habituels. Pour ma part, les assertions de Sloterdijk, prises isolément, ne sont pas touj­ours convaincantes. Réduire l’humanisme à une lecture des clas­siques, par exemple, ne m’apparaît pas très sérieux. Ensuite, dire que la pédagogie comme mise en forme et comme instrument du dres­sage et de la domestication a un statut d’exclusivité, me paraît er­roné. Pourquoi diable tous les auteurs “humanistes” n’auraient-ils eu que cela en tête, tandis que seul Heidegger ou Nietzsche se se­raient placés en dehors ou au-delà de la tradition humaniste ? Quant à la distinction, opérée par Sloterdijk, entre médias « éducatifs » et mé­dias « déchaînants » me semble par trop schématique, tout com­me l’affirmation de ceux qui prétendent par ailleurs que la culture li­vres­que est dépassée tandis que les moyens de communication nou­veaux sont l’avenir.

 

Enfin, on peut mette une autre idée de Sloterdijk en doute : l’é­du­ca­tion de l’homme est-elle vraiment le produit d’une « anthropo-techno­lo­gie » ? N’est-elle pas plutôt une tâche d’ordre culturel ? On peut di­re que certaines caractéristiques humaines souhaitées par la société ne peuvent s’obtenir par des interventions dans l’héritage génétique, car le caractère de l’homme n’est pas l’addition accumulée d’é­lé­ments isolés, déterminables génétiquement, mais résulte de l’inter­ac­tion complexe et imprévisible de facteurs endogènes et exogènes. La plu­part des spécificités de l’homme, prises isolément, ne sont en fin de compte ni bonnes ni mauvaises. Au contraire, le contexte de leur sub­strat génétique, pris dans son ensemble, de même que le dé­ploie­ment socio-culturel de ce substrat, font en sorte qu’une poten­tia­lité caractéristique, d’abord indifférente, se manifeste ultérieurement tan­tôt comme « conscience de soi » tantôt comme « égoïsme », tan­tôt comme « adaptabilité » tantôt comme « opportunisme ».

 

Une réflexion sur la question est nécessaire

 

Indépendamment du jugement que l’on peut poser sur toute utopie fondée sur les technologies génétiques, sur leur « faisabilité » réelle, sur leur désirabilité ou sur leurs impacts sur les conceptions morales de la société —par exemple nous aurions rapidement de nouvelles in­ter­prétations des notions de « prestation » et de « destin »—  il nous semble qu’opérer une réflexion, aujourd’hui, sur cette pro­blé­ma­ti­que, est nécessaire et légitime. Il nous paraît en revanche tota­le­ment aberrant de rejeter ce débat a priori, avec la délicatesse d’un coup de gourdin, et de le réduire à une confrontation entre fascisme et anti-fascisme. Ce ne serait pas une attitude responsable devant la thé­matique des technologies génétiques. Au contraire, en réduisant le débat à de vulgaires joutes idéologisées et politisées, on laisse le champ libre à toute utilisation irresponsable des technologies gé­né­ti­ques. Il est vrai que la réflexion éthique suit, en clopinant, la techno­lo­gie nouvelle et ne peut jamais en arrêter le développement ou la pro­lifé­ration. La seule consolation qui reste, aujourd’hui, à l’éthique, c’est de pouvoir légèrement piloter le déploiement de cette technologie dans la société et d’influencer la conscience de ceux qui l’utilisent. Mais vouloir empêcher avec la véhémence habituelle le débat sur les techno­logies génétiques est une attitude qui doit être combattue in­con­ditionnellement, surtout si une telle tentative émane des vertueux auto-proclamés qui prétendent incarner la « théorie critique » pour mas­quer leur autoritarisme patriarcal et entendent fouiner inquisito­ria­le­ment dans le cerveau de leurs concitoyens.

 

Baal MÜLLER.

(article paru dans Junge Freiheit, n°39/1999).

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jeudi, 17 janvier 2008

Hommage à Adriano Romualdi

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Hommage à Adriano Romualdi

Introduction à la vie et l’œuvre du penseur traditionaliste et révolutionnaire italien

Enrique MONSONIS - article paru dans « Tierra y Pueblo », n°9 de juillet 2005
(Traduit et diffusé par Synergies Européennes, Bruxelles - Barcelone, janvier 2006)

Au mois d’août 2005, il y a eu trente-deux ans que disparaissait ce jeune intellectuel, écrivain et essayiste italien, que fut Adriano Romualdi. L’année de sa naissance, la majeure partie du territoire de son Italie natale avait été envahie par les troupes américaines, provoquant la chute du régime fasciste au pouvoir depuis 1922. Les fidèles de ce régime avaient créé, dans les territoires du Nord, une « République Sociale Italienne » (RSI) qui s’était placée sous l’autorité de Benito Mussolini. Le père d’Adriano, Pino Romualdi, fut l’un de ses Italiens qui participeront à l’expérience sociale fasciste de la RSI. Ensuite, après la défaite de 1945, Pino Romualdi n’économisera pas ses efforts pour créer de multiples organisations qui poursuivront, à travers les structures participatives du nouveau système imposé par les Alliés occidentaux -et parfois en dehors d’elles- le militantisme et l’idéal social-révolutionnaire né au sein du fascisme. Pour être concret, Pino Romualdi fut le vice-secrétaire du parti néo-fasciste parlementaire, le « Mouvement Social Italien » ou MSI, ainsi que le directeur du quotidien le plus proche de ce mouvement, « Il Secolo d’Italia ».

Adriano décida de suivre l’exemple paternel, mais en développant des idées qui lui étaient propres. Dès son jeune âge, il a prouvé qu’il portait dans son sang ce qui était écrit dans les livres et les périodiques de combat. Adriano lançait des débats, lorsqu’il était étudiant et fréquentait les organisations étudiantes de son époque, notamment la FUAN, soit la section universitaire du MSI. Il s’y est distingué dès sa vingtième année par un écrit magnifique sur Platon et par une collaboration à un ouvrage collectif sur Drieu la Rochelle et le mythe européen. Dès les premiers mois de son activisme intellectuel et politique, il manifesta son intention de dépasser les vieux partis fascistes et étatistes ancrés dans un nationalisme vieillot et dans des conservatismes stériles, tout en misant toujours sur la nécessité d’avoir un parti parlementaire fort.

Il obtint par la suite le titre de professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Palerme. Il devint ainsi une figure de premier plan dans la mouvance identitaire, tout en continuant à se distinguer dans la lutte politique, en demeurant actif dans les rangs du MSI. Comme le signalent très bien les introductions publiées dans la traduction espagnole de son étude historique sur les Indo-Européens, sur leurs origines et leurs migrations : « dans ses projets théoriques et pratiques et sur le terrain politique, on a pu voir poindre un génie, très éloigné des nostalgies et des passions sentimentales, qui regardait la réalité du haut des cimes que n’atteignent que les plus grands ; son programme est celui d’un Dorien, d’un Aryen ; on ne retrouve dans ce livre rien des chants du passé -tâche très difficile à parfaire dans l’Italie des années 60 et 70- rien non plus des nostalgies superflues, mais ce retrait intellectuel n’impliquait nullement de transiger sur le plan des vraies valeurs, dans la défense de la vérité et dans la dénonciation des manœuvres des ennemis de l’Europe ; Adriano Romualdi combattait pour donner à son mouvement les armes adéquates et efficaces qui lui manquaient, dont, notamment, un parti capable d’exercer une influence sur la société et de gagner des bribes de pouvoir réel ; pour lui, c’était là la seule manière efficace et réaliste de faire front face aux forces contraires, dotées d’organisations efficaces de même nature ».

Adriano Romualdi a consacré sa courte vie à appuyer, par ses écrits et son travail, la création d’un courant de pensée politique et culturel alternatif, identitaire et européiste en mesure de dépasser les patriotismes et les nationalismes étatiques, myopes, à courtes vues et, surtout, dépourvus de signification politique après 1945. En témoignent ses textes, son activisme intellectuel d’inspiration évolienne et son activité dans les rangs du MSI, dont il fut toujours membre et militant, et sa participation à toutes les publications et initiatives culturelles de ce que l’on appelait alors la « destra radicale », ou la « droite radicale ».

Il rédigea ainsi des introductions aux œuvres de Julius Evola, puis consacra à celui-ci, qu’il connaissait bien, un ouvrage visant à le faire connaître et à aider les plus jeunes à comprendre le sens de ses œuvres ; ce fut « Julius Evola, l’uomo e l’opera » (« Julius Evola, l’homme et l’œuvre »), écrit en 1968, toujours considéré comme l’un des meilleurs essais sur l’activité et les œuvres du penseur traditionaliste romain. De même, Adriano Romualdi rédigea des introductions aux éditions italiennes des livres du professeur allemand H. F. K. Günther, tels « Humanitas » et « Frömmigkeit nordischer Artung » (en franç. : « Religiosité indo-européenne »). Ce dernier ouvrage servit de base à l’un des plus importants livres de Romualdi lui-même, titré, en italien, « Gli Indoeuropei », soit « Les Indo-Européens ». Il parut après sa mort, à Padoue, en 1978. Il se plaçait dans le sillage du grand « indo-européiste » italien Giacomo Devoto, et s’en montrait digne, car ce dernier apprécia le livre du jeune Romuladi et en fit l’éloge. Evola aussi montra son enthousiasme pour ce livre et ajouta : « le vieux monde indo-européen exerce sur Romualdi une attraction forte car, en tant que tel, ce monde se reconnaît comme une forme particulière ».

Dans ce livre consacré aux Indo-Européens, Romualdi rassemble et résume les recherches qu’il a entreprises sur base de travaux antérieurs, réalisés par des spécialistes tels Specht, Meyer, Schulz, Antoniewicz, Günther, Krahé ou Thieme. Leurs travaux portaient sur les disciplines de l’archéologie, de l’histoire et de la philologie. A la suite de cette recherche scientifique, Romualdi publie en 1973, l’année de sa mort, « Sull’ problema de una tradizione europea » (« Sur le problème d’une tradition européenne »). Ce texte, selon le préfacier de l’édition espagnole, Olegario de las Eras, « synthétise l’itinéraire spirituel de l’Europe et sa volonté de combattre, de résister, expose tout ce qu’il considère comme étant le propre des principes spirituels et des valeurs éthiques qui ont donné forme aux cycles traditionnels qui fondirent les racines de l’Europe lors de la préhistoire indo-européenne. Je partage évidemment le point de vue d’Olegario de la Eras qui ajoute sa touche personnelle en disant : « il n’est pas facile de trouver des textes aussi limpides que celui de cet essai de Romualdi ».

De nombreux articles, préfaces, commentaires, introductions et essais, dont la plupart sont inconnus dans les mondes hispanophone (et francophone), attestent de l’importance que revêt, aujourd’hui encore, la vie militante, trop brève mais si fructueuse, d’Adriano Romualdi, disparu tragiquement, une nuit du mois d’août 1973. Un malheureux concours de circonstances, en apparence fortuites, provoqua sa mort : une voiture venant en sens inverse, la fuite de son conducteur, la voiture de Romualdi complètement démolie et précipitée dans le fossé contigu, sans que personne ne pouvait apercevoir traces de l’accident pendant plusieurs heures consécutives, le retard des services de secours. Ces circonstances malheureuses mirent fin à la vie très fertile du jeune professeur italien. Il n’avait que trente ans, son avenir semblait si prometteur, tant dans le monde universitaire que dans l’univers du militantisme politique.

Selon Julius Evola, qui l’avait bien connu, la mouvance identitaire perdit cette nuit-là « un de ses représentants les mieux qualifiés ». D’après le penseur traditionaliste romain, Romualdi « comprenait parfaitement ce que nous entendons par ‘monde de la Tradition’ et savait que c’était de ce monde-là qu’il fallait extraire les fondamentaux pour déployer une politique culturelle sérieuse pour la ‘Destra’ ». Admirateur de Nietzsche, Adriano Romualdi affirmait la prépondérance des valeurs aristocratiques, guerrières et héroïques. Pour cette raison, il était plutôt attiré par l’idée et la forme d’un « Ordre », animé par un esprit de type templier ou par une mentalité comme celle de la Prusse frédéricienne, voire par d’autres formes résiduaires de cet esprit dans des temps moins reculés. Romualdi s’était également penché sur les prémisses de l’idée romaine, celle qu’incarnaient Caton et les consuls, où prédominaient les notions de « ius » et de « fas », ce qui lui faisait dire, sans hésiter, que cette Rome-là fut la Prusse de l’antiquité. Les matériaux rassemblés par Romualdi, avec tout le sérieux scientifique qui fut son propre, avec la persévérance qui fut l’une de ses vertus, auraient pu, plus rapidement, servir de base à des essais plus vastes. Son admission dans le corps académique de l’Université de Palerme, sa nomination définitive au titre de professeur, lui offraient une tribune lui permettant d’influencer davantage les esprits de son époque, avec la possibilité de donner une formation spirituelle à beaucoup de jeunes.

Tout cela souligne à l’évidence l’importance du travail et des activités d’Adriano Romualdi, ainsi que la tragédie que constitue, pour la mouvance identitaire, sa disparition si précoce.

Ses vastes connaissances, la clarté de ses idées, la beauté de son écriture ont fait de lui un écrivain, un chercheur et un essayiste digne d’être lu, encore aujourd’hui, et, surtout, qui mériterait d’être davantage compris en des temps comme les nôtres. Trente-deux ans après sa mort tragique, son œuvre continue d’être pleinement accessible, intéressante et primordiale.

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mercredi, 16 janvier 2008

H. Arendt: l'âge sombre, le paria et le parvenu

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Hannah Arendt : l'âge sombre, le paria et le parvenu

 

par Robert Steuckers

 

Dans un volume publié par le centre d’études juives « Alte Synagoge », Agnes Heller se penche sur la vision du monde et des hommes qu’a développée Hannah Arendt, au cours de sa longue et mouvementée quête de philosophe. Cette vision évoque tout à la fois un âge sombre (« finster ») et un âge de Lumière, mais les périodes sombres sont plus fréquentes et plus durables que les périodes de Lu­mière, qui sont, elles, éphémères, marquées par la fulgurance de l’instant et la force de l’intensité. Les périodes sombres, dont la mo­dernité, sont celles où l’homme ne peut plus agir politiquement, ne peut plus façonner la réalité politique : Hannah Arendt se montre là disciple de Hegel, pour qui le zoon politikon grec était justement l’homme qui s’était hissé au-dessus de la banalité existentielle du vécu pré-urbain pour accéder à l’ère lumineuse des cités antiques. Urbaine et non ruraliste (au contraire de Heidegger), Hannah Arendt conçoit l’oikos primordial (la Heimat ou la glèbe/Die Scholle) comme une zone anté-historique d’obscurité tandis que la ville ou la cité est lu­mière parce qu’elle permet une action politique, permet le plongeon dans l’histoire. Pour cette raison, le totalitarisme est assombrisse­ment total, car il empêche l’accès des citoyens/des hommes à l’agora de la Cité qui est Lumière. L’action politique, tension des hommes vers la Lumière, exige effort, décision, responsabilité, courage, mais la Lumière dans sa plénitude ne survient qu’au moment furtif mais très intense de la libération, moment toujours imprévisible et éphémère. Agnes Heller signale que la philosophie politique de Han­nah Arendt réside tout entière dans son ouvrage Vita activa ; Hannah Arendt y perçoit l’histoire, à l’instar d’Alfred Schuler (cf. Robert Steuckers, « Le visionnaire Alfred Schuler (1865-1923), inspirateur du Cercle de Stefan George », in Vouloir n°8/AS :134/136, 1996), comme un long processus de dépérissement des forces vitales et d’assombrissement ; Walter Benjamin, à la suite de Schuler qu’il avait entendu quelques fois à Munich, parlait d’un « déclin de l’aura ». Hannah Arendt est très clairement tributaire, ici, et via Benjamin, des Cos­miques de Schwabing (le quartier de la bohème littéraire de Mu­nich de 1885 à 1919), dont l’impulseur le plus original fut sans con­teste Alfred Schuler. Agnes Heller ne signale pas cette filiation, mais ex­plicite très bien la démarche de Hannah Arendt.

 

L’histoire : un long processus d’assombrissement

 

L’histoire, depuis les Cités grecques et depuis Rome, est donc un pro­cessus continu d’assombrissement. Les cités antiques laissaient à leurs citoyens un vaste espace de liberté pour leur action politique. Depuis lors, depuis l’époque d’Eschyle, ce champ n’a cessé de se restreindre. La liberté d’action a fait place au travail (à la production, à la fabrication sérielle d’objets). Notre époque des jobs, des boulots, du salariat infécond est donc une époque d’assombrissement total pour Hannah Arendt. Son pessimisme ne relève pas de l’idéologie des Lumières ni de la tradition messianique. L’histoire n’est pas, chez Han­nah Arendt, progrès mais régression unilinéaire et déclin. La plénitude de la Lumière ne reviendra pas, sauf en quelques instants surprises, inattendus. Ces moments lumineux de libération impliquent un « retournement » (Umkehr) et un « retour » bref à cette fusion ori­gi­nelle de l’action et de la pensée, incarnée par le politique, qui ne se déploie qu’en toute clarté et toute luminosité.  Mais dans cette suc­ces­sion ininterrompue de périodes sombres, inintéressantes et inau­thentiques, triviales, la pensée agit, se prépare aux rares irruptions de lumière, est quasiment le seul travail préparatoire possible qui per­mettra la réception de la lumière. Seuls ceux qui pensent se rendent compte de cet assombrissement. Ceux qui ne pensent pas partici­pent, renforcent ou accélèrent l’assombrissement et l’acceptent com­me fait accompli. Mais toute forme de pensée n’est pas préparation à la réception de la Lumière. Une pensée obnubilée par la vérité toute faite ou recherchant fébrilement à accumuler du savoir participe aussi au processus d’assombrissement. Le totalitarisme repose et sur cette non-pensée et sur cette pensée accumulante et obsessionnellement « vé­ritiste ».

 

L’homme ou la femme, pendant un âge sombre, peuvent se profiler sur le plan culturel, comme Rahel Varnhagen, femme de lettres et d’art dans la communauté israélite de Berlin, ou sur le plan histo­rique, comme Benjamin Disraeli, qui a forgé l’empire britannique, écrit Hannah Arendt. Mais, dans un tel contexte de « sombritude », quel est le sort de l’homme et de la femme dans sa propre communauté juive ? Il ou elle s’assimile. Mais cette assimilation est assimilation à la « sombritude ». Les assimilés en souffrent davantage que les non-as­similés. Dans ce processus d’assimilisation-assombrissement, deux figures idéaltypiques apparaissent dans l’œuvre de Hannah A­rendt : le paria et le parvenu, deux pistes proposées à suivre pour le Juif en voie d’assimilation à l’ère sombre. A ce propos, Agnes Heller écrit : « Le paria émet d’interminables réflexions et interprète le mon­de en noir ; il s’isole. Par ailleurs, le parvenu cesse de réfléchir, car il ne pense pas ce qu’il fait ; au lieu de cela, il tente de fusionner avec la masse. La première de ces attitudes est authentique, mais im­puis­sante ; la seconde n’est pas authentique, mais puissante. Mais aucu­ne de ces deux attitudes n’est féconde ».

 

Ni paria ni parvenu

 

Dès lors, si on ne veut être ni paria (p. ex. dans la bohème littéraire ou artistique) ni parvenu (dans le monde inauthentique des jobs et des boulots), y a-t-il une troisième option ? « Oui », répond Hannah Arendt. Il faut, dit-elle, construire sa propre personnalité, la façonner dans l’originalité, l’imposer en dépit des conformismes et des rou­ti­nes. Ainsi, Rahel Varnhagen a exprimé sa personnalité en orga­nisant un salon littéraire et artistique très original où se côtoyaient des ta­lents et des individualités exceptionnelles. Pour sa part, Benjamin Dis­raeli a réalisé une œuvre politique selon les règles d’une mise en scène théâtrale. Enfin, Rosa Luxemburg, dont Hannah Arendt dit ne pas partager les opinions politiques si ce n’est un intérêt pour la dé­mo­cratie directe, a, elle aussi, représenté une réelle authenticité, car elle est restée fidèle à ses options, a toujours refusé compromissions, cor­rup­tions et démissions, ne s’est jamais adaptée aux circon­stan­ces, est restée en marge de la « sombritude » routinière, comme sa ju­déité d’Europe orientale était déjà d’emblée marginale dans les réa­lités allemandes, y compris dans la diaspora germanisée. L’esthé­ti­que de Rahel Varnhagen, le travail politique de Disraeli, la radicalité sans compromission de Rosa Luxemburg, qu’ils aient été succès ou échec, constituent autant de refus de la non-pensée, de la capitu­la­tion devant l’assombrissement général du monde, autant de volontés de laisser une trace de soi dans le monde. Hannah Arendt méprisait la recherche du succès à tout prix, tout autant que la capitulation trop rapide devant les combats qu’exige la vie. Ni le geste du paria ni la suffisance du parvenu…

 

S’élire soi-même

 

Agnes Heller écrit : « Paria ou parvenu : tels sont les choix pertinents possibles dans la société pour les Juifs émancipés au temps de l’assimilation. Hannah Arendt indique que ces Juifs avaient une troi­sième option, l’option que Rahel Varnhagen et Disraeli ont prise : s’é­lire soi-même. Le temps de l’émancipation juive était le temps où a dé­marré la modernité. Nous vivons aujourd’hui dans une ère mo­der­ne (postmoderne), dans une société de masse, dans un monde que Hannah Arendt décrivait comme un monde de détenteurs de jobs ou un monde du labeur. Mais l’ASSIMILATION n’est-elle pas devenue une tendance sociale générale ? Après la dissolution des classes (…), après la tendance inexorable vers l’universalisation de l’ordre social moderne, qui a pris de l’ampleur au cours de ces dernières dé­cen­nies, n’est-il pas vrai que tous, que chaque personne ou chaque grou­pe de personnes, doit s’assimiler ? N’y a –t-il pas d’autres choix so­ciaux pertinents pour les individus que d’être soit paria soit par­venu ? S’insérer dans un monde sans se demander pourquoi ? Pour con­naître le succès, pour obtenir des revenus, pour atteindre le bien-être, pour être reconnu comme « modernes » entre les nations et les peuples, la recette n’est-elle pas de prendre l’attitude du parvenu, ce que réclame la modernité aujourd’hui ? Quant à l’attitude qui consiste à refuser l’assimilation, tout en se soûlant de rêves et d’activismes fondamentalistes ou en grognant dans son coin contre la marche de ce monde (moderne) qui ne respecte par nos talents et où nous n’a­boutissons à rien, n’est-ce pas l’attitude du paria ? ».

 

Nous devons tous nous assimiler…

 

Si les Juifs en voie d’assimilation au XIXième siècle ont été confron­tés à ce dilemme —vais-je opter pour la voie du paria ou pour la voie du parvenu ?— aujourd’hui tous les hommes, indépendamment de leur ethnie ou de leur religion sont face à la même pro­blé­ma­tique : se noyer dans le flux de la modernité ou se marginaliser. Hannah Arendt, en proposant les portraits de Rahel Varnhagen, Ben­jamin Disraeli ou Rosa Luxemburg, opte pour le « Deviens ce que tu es ! » de nietzschéenne mémoire. Les figures, que Hannah Arendt met en exergue, refusent de choisir l’un ou l’autre des modèles que propose (et impose subrepticement) la modernité. Ils choisissent d’ê­tre eux-mêmes, ce qui exige d’eux une forte détermination (Ent­schlos­senheit). Ces hommes et ces femmes restent fidèles à leur op­tion première, une option qu’ils ont librement choisie et déterminée. Mais ils ne tournent pas le dos au monde (le paria !) et n’acceptent pas les carrières dites « normales » (le parvenu !). Ils refusent d’ap­partenir à une école, à un « isme » (comme Hannah Arendt, par exem­ple, ne se fera jamais « féministe »). En indiquant cette voie, Hannah Arendt reconnaît sa dette envers son maître Heidegger, et l’exprime dans sa laudatio, prononcée pour le 80ième anniversaire du philosophe de la Forêt Noire. Heidegger, dit-elle, n’a jamais eu d’é­co­le (à sa dévotion) et n’a jamais été le gourou d’un « isme ». Ce déga­ge­ment des meilleurs hors de la cangue des ismes permet de main­tenir, en jachère ou sous le boisseau, la « Lumière de la liberté ».

 

Robert STEUCKERS.

 

Agnes HELLER, « Eine Frau in finsteren Zeiten », in Studienreihe der ALTEN SYNAGOGE, Band 5, Hannah Arendt. « Lebens­ge­schichte einer deutschen Jüdin », Klartext Verlag, Essen, 1995-96, ISBN 3-88474-374-0, DM 19,80, 127 pages.

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mardi, 15 janvier 2008

Festschrift für Günther Rohrmoser

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Dennoch!

Eine bemerkenswerte Festschrift für Günter Rohrmoser

Das Fach Politische Philosophie ist so “umstritten” wie die meisten seiner Vertreter. Günter Rohrmoser hat nichts getan, um diesen Ruf zu verändern. Er ist ständig gegen den “Mainstream” geschwommen und hat sich bei den politischen Parteien, die er vielfach und maßgeblich beriet, mit seinen schonungslosen Analysen nicht immer beliebt gemacht. Umso mehr erstaunt es, in der zu seinem 80. Geburtstag herausgegebenen Festschrift Kardinäle, Bischöfe, Ministerpräsidenten, bekannte Politiker, hohe Militärs, Publizisten und natürlich eine Reihe von namhaften Wissenschaftlern aus so verschiedenen Disziplinen wie Theologie, Philosophie, Geschichte, Literatur, Soziologie, Ethik, Jurisprudenz, Nationalökonomie, Pädagogik und Naturwissenschaften  zu finden. Um nur einige Namen ohne Titel zu nennen: Meisner, Mixa, Löwe, Filbinger, Beckstein, Jenninger, Biedenkopf, Rommel, Dohnanyi, Bahro, Schabowski, Buttiligone, Bartoszewski, Daschitschew, Frenkin, Biser, Spaemann, Pannenberg, Marquard, Lübbe,  Nolte, Fetscher, Schrenck-Notzing, Wolffsohn. Sie alle vereint der Respekt vor einem Gelehrten, der mit ganz außerordentlicher Überzeugungskraft für die unverzichtbare Verankerung der Politik in der Religion eingetreten ist. Politik ohne Religion mündet in Dekadenz, Lockerung der “Ligaturen” und schließlich Auflösung und Untergang. Für Rohrmoser war es selbverständlich, dass wir doch zumindestens seit Auschwitz begriffen haben sollten, dass Politik nicht mehr möglich ist ohne Ethik; Ethik aber der philosophischen Begründung bedarf; die Aporetik der Philosophie aber nicht zu überwinden ist ohne Religion. Diese Einsicht in die Korrespondenz von Religion, Philosophie, Ethik und Politik verbindet die einzelnen Beiträge, die die Festschrift nicht nur zu einer lehrreichen, sondern zu einer geradezu aufregenden Lektüre machen.

Friedrich Romig

Philipp Jenninger/Rolf W. Peter/Harald Seubert (Hrsg.): Tamen! Gegen den Strom. Günter Rohrmoser zum 80. Geburtstag. 640 Seiten. Geb. Dr. Neinhaus-Verlag, Stuttgart 2007. ISBN 978-3-87575-027-6.  EURO 38,-

 

 

Evola: sexe et liberté

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Relire Julius Evola: Sexe et liberté

 

Même sans les révélations du docteur Freud, nous avions déjà com­pris que le sexe est le moteur qui fait tourner le monde (dans tous les sens). Sans devoir citer Eve ou Hélène de Troie, les Anciens sa­vaient que, devant la puissance d'Eros, même les dieux s'inclinaient. Aujourd'hui à l'approche d'un nouveau millénaire, nul ne peut nier que le sexe est au centre de l'attention du monde entier, et surtout du monde occidental, et que les médias continuent à nourrir l'humanité, qui voit, lit et écoute, de toutes ses variantes aussi nombreuses que fantaisistes.

 

Tirons-nous des avantages de ce pandémonium sexuel ? On ne le di­rait pas: il suffit de regarder autour de soi. L'augmentation de l'éro­tis­me vulgarisé par les médias a pour effet une nette diminution du dé­sir. Ce fait inquiétant n'est pas mis en exergue seulement par les psy­cho­logues, sexologues et sociologues mais surtout par les intéressés eux-mêmes, ceux qui, avec un euphémisme certain, s'auto-dé­fi­nis­sent comme des partenaires, et qui font presque toujours partie de la gent féminine. Fini, hélas, l'amant passionné. Et ce n'est pas tout: sou­vent l'ex-sexe fort préfère se satisfaire ailleurs. Voilà donc la gran­de prolifération de viados, de trans, des ni-hommes-ni femmes. C'est le triomphe de l'ambiguïté qui, bien sûr, ne peut être comparée à la my­thique fascination de l'androgyne divin...

 

Force est de constater que, tandis que le siècle s'éteint, s'éteint aussi la pensée faible et même le sexe faible, entendu non pas comme se­xe féminin mais comme sexe affaibli, masculin ou féminin, affaibli dans son essence la plus profonde. On préfère les déviations, les pa­tho­logies, et on assiste à l'incroyable augmentation de la pédophilie, du masochisme et du sadisme. La normalité fait figure d'exception. Peut-être est-elle devenue ennuyante ou tout simplement banale, voi­re galvaudée. On ne peut plus qu'avancer une hypothèse: depuis que le mélange des fonctions et des rôles masculins et féminins est con­si­déré comme une conquête, depuis qu'on se croit émancipés, à la pa­ge, au diapason avec les temps, si une femme fait tout pour être l'é­gale de l'homme (et vice-versa), du coup la normalité passe au se­cond plan, et, de fil en aiguille, on en arrive à cette baisse du désir dont aujourd'hui beaucoup (pour ne pas dire tous) se plaignent.

 

Par contre, la flamme du désir, ce feu (intérieur et extérieur) qui pro­voque la rencontre d'un homme et d'une femme, se produit quand un homme est davantage homme et quand une femme est davantage fem­me, c'est-à-dire quand les composantes « virilité » et « féminité » sont à leur comble et quand elles se complètent et s'équilibrent entre elles. Le symbole qui représente le mieux cette rencontre est le TAO, avec ses lignes sinueuses et solidaires, blanches et noires, qui en­trent l'une dans l'autre, non pas pour s'écraser l'une l'autre mais pour compléter une unité, un cercle, en ayant un point noir et un point blanc au centre de chacune d'elles: la partie masculine a en son cen­tre une minime partie féminine et vice-versa, mais cette minime partie ne conditionne pas, ne bouleverse pas leur entité intime.

 

Théoricien des orgies ? Théoricien du machisme ?

 

C'est un philosophe contemporain qui nous a ramené cette théorie an­cienne: Julius Evola, par ailleurs bien connu dans d'autres sec­teurs du savoir (ésotérisme, métapolitique, doctrines orientales, etc.). Julius Evola publia en 1959 un livre intitulé Métaphysique du sexe, en s'attirant immédiatement les accusations les plus contradictoires, d'a­près le moment où elles étaient lancées. Dans les années 50, épo­que aussi morigénante et pudibonde que scandaleuse et trans­gres­sive, il fut accusé d'être le théoricien des orgies; dans les années 70, en pleine contestation et pendant l'explosion des mouvements fé­mi­nis­tes, il fut considéré comme un théoricien de la masculinité (voire du machisme). Mais Evola, tout au long de son livre, ne fait qu'exalter les différences  —non pas celles physiques, bien entendu, mais les dif­fé­rences intérieures, psychologiques et même métaphysiques—  qui font de l'Homme et de la Femme ce qu'ils sont: des êtres très dif­fé­rents, fort heureusement ! Il écrivit même: « il n'y a pas de doutes: une femme est supérieure à l'homme qui ne serait homme qu'im­par­faitement ».

 

Aujourd'hui donc, la femme ne peut pas se plaindre du fait que «l'hom­­me n'est plus ce qu'il était dans le temps» puisqu’on a tout fait pour lui faire oublier ce qu'est la virilité, mais attention, cette virilité n'est pas celle de l'homme phallique à la Clinton, contre lequel Evola est extrêmement sévère, mais quelque chose de plus profond. Tout au­tant que la femme, l'homme d'aujourd'hui ne peut pas se plaindre si la femme n'est plus ce qu'elle était dans le temps, si —au delà de l'ex­térieur érotique dicté par la mode et les médias—  elle a perdu le sens profond de la magie de la féminité.

 

Vive la différence, alors ! C'est dans ce but qu'ont été choisis certains pas­sages de Julius Evola qui se réfèrent tantôt à sa théorie ma­gnétique de l'éros, tantôt à une série d'interventions sur des pro­blè­mes qui restent d’une grande actualité: de l'homosexualité à la pro­stitu­tion, du divorce à la pudeur. On pourra se rendre compte que ses théo­ries ne sont pas des théories abstraites, on peut très bien les ap­pli­quer à la réalité quotidienne. Quelques âmes sensibles seront scan­dalisées? Qu'importe! Aujourd'hui les bigots sont sur la pente du « po­litiquement correct ». A chacun son dû!!!

 

Gianfranco de TURRIS.

 

(Texte intégral de l'introduction au volume « Sexe et liberté » paru dans la collection Millelire ; texte paru dans Orion n° 166/n° 7 nouvelle série, juillet 1998, pages 11-12 ; trad.franç. : LD).

 

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lundi, 14 janvier 2008

Citation de Jean Giono

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La fortune et la gloire ?

« Que faut-il pour réussir ? De la bravoure ? De l’obstination ? De la chance ? Du génie ? Non : de la médiocrité. Quoi que produise le médiocre, c’est un produit qui s’adresse au plus grand nombre. Il est sûr de son affaire, il a les qualités requises par la majorité des individus. S’il s’agit d’un milliard d’hommes, le médiocre est sûr d’être compris et trouvé logique par plus de neuf cent millions. S’il s’agit d’un livre, d’une épingle de nourrice, d’un dentifrice, de n’importe quoi que ce soit qui se vende, même d’un objet tout à fait inutile, et même embêtant, et même comme le diabolo, le yoyo, et cent mille objets médiocres dont les noms sont dans toutes les bouches, neuf cent millions d’individus sur un milliard liront le livre, adopteront l’épingle de nourrice, se laveront les dents avec le dentifrice, ou bêtifieront à qui mieux mieux avec le yoyo, inutile, mais exactement adapté à leur médiocrité personnelle.

Le génie n’est à conseiller à personne ; enfin à personne de ceux qui veulent la fortune et la gloire. On n’atteint à l’unanimité, à l’adhésion des foules et aux sommets des honneurs que par la médiocrité."

Jean Giono, La fortune et la gloire - In "Les terrasses de l’île d’Elbe", Gallimard.

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