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samedi, 26 juillet 2014

Les partis politiques obéissent aux marchés et non aux électeurs

Les partis politiques obéissent aux marchés et non aux électeurs

Les chercheurs, Lawrence Ezrow (University of Essex, Royaume-Uni) et Timothy Hellwig (Indiana University, États-Unis) se demandent si «l’intégration économique compromet la capacité des partis à remplir leur rôle de représentation et d’expression des opinions de l’électorat», et citent dès leur introduction l’exemple français:

«Le PS s’est hissé au pouvoir dans les années 80 sur un programme de nationalisations et de redistribution. Pourtant, moins de deux ans plus tard, le président Mitterrand est revenu sur les politiques en faveur desquelles l’électorat avait voté et a opté pour une politique de rigueur pour mettre l’économie française en phase avec l’économie globale.»

Afin de tester l’hypothèse selon laquelle les partis répondent moins aux préférences des électeurs quand l’économie du pays est très ouverte, les chercheurs ont compilé toute une série de données: les positions, sur une échelle gauche-droite, de «l’électeur médian» (l’électeur qui se situe au centre de l’électorat, et dont le profil est donc très important pour obtenir une majorité) et des partis dans dix-huit pays au moment des élections, de 1977 à 2009; les indicateurs évaluant l’ouverture de chaque pays à la concurrence internationale.

Ils concluent que les partis «de gouvernement» (ceux qui ont déjà occupé la position majoritaire au sein d’une coalition) répondent en effet beaucoup moins aux mouvements de l’électorat si le pays est très ouvert:

«Alors que les élections incitent les partis à répondre aux mouvements de l’électorat, l’interdépendance économique distrait les élites politiques de celui-ci vers les acteurs des marchés, ajoutant de l’incertitude au paysage politique.»

Là encore, l’étude cite l’exemple de la France, et plus précisément d’une période de vingt ans (1988-2007) où son économie s’est considérablement ouverte: quand les opinions de l’électorat évoluent sur l’échelle gauche-droite, celles des partis évoluent aussi, mais de manière beaucoup plus atténuée en 2007 que deux décennies avant.

La courbe montre le déplacement des promesses des partis quand les préférences de l’électorat changent. Plus le chiffre vertical est élevé, plus les partis y sont sensibles; plus le chiffre horizontal est élevé, plus le pays est ouvert à la mondialisation. (Lawrence Ezrow/Timothy Hellwig)

Dans tous les pays, cet affaiblissement se réalise au profit des opinions portées par les décideurs économiques, qui sont plus à droite que la moyenne de l’électorat: sur une échelle gauche-droite allant de 0 à 10, ils sont plus à droite d’environ 0,8 point en France, par exemple.

«Si les partis sont tiraillés entre les électeurs et les marchés, alors considérons les préférences des acteurs des marchés. Les données suggèrent qu’elles se situent plus à droite que la moyenne de leur pays, que les décideurs économiques préfèrent un rôle de l’État réduit par rapport aux citoyens ordinaires», écrivent les deux auteurs dans un post publié sur Monkey Cage, le blog de sciences politiques du Washington Post.

Plus le chiffre est élevé, plus les préférences des acteurs économiques sont à droite comparées à celles de la moyenne de l’électorat. (Lawrence Ezrow/Timothy Hellwig)

À noter que cette étude ne porte pas sur les réalisations concrètes des partis en question, mais sur leur programme: elle ne dit pas que les partis trahissent, une fois au pouvoir, les promesses faites durant la campagne (reproche souvent fait au gouvernement socialiste actuel en France), mais que ces promesses sont déjà en elles-même un reflet beaucoup plus atténué aujourd’hui des prises de position des électeurs «moyens».

En cela, elle rejoint les conclusions d’une autre étude publiée au printemps, qui montrait que les opinions des électeurs riches comptent quinze fois plus que celle des électeurs lambda aux États-Unis.

Slate

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