mardi, 11 août 2015
Les Chinois plus européistes que les Européens
Plateforme de connectivité. Les Chinois plus européistes que les Européens
Nous avions déjà observé, en commentant le programme chinois de Nouvelle Route de la Soie, que les autorités chinoises le présentent, non comme un instrument de conquête, jouant des oppositions entre Etats traversés, que comme un lien permettant de rapprocher ceux-ci entre eux tout autant qu'avec la Chine, y compris dans le cas de frères ennemis comme le Pakistan et l'Inde. Ce rapprochement est d'ailleurs nécessaire à la bonne mise en place de cette Route de la Soie. Peut-on construire des liaisons maritimes et terrestres entre pays qui se font la guerre. De plus, si l'on en croit les Chinois, cette Route jouera dans les deux sens. Autrement dit, elle facilitera certes les exportations et influences chinoises, mais elle devrait réciproquement faciliter l'introduction en Chine de produits et techniques provenant des pays traversés. L'industrie allemande semble d'ailleurs l'avoir parfaitement compris.
Plus récemment, la Chine avait créé la surprise en ouvrant la récente Banque asiatique pour le financement des infrastructures (AIIB) aux capitaux de tous les centres financiers mondiaux qui souhaitaient y participer. Les banques européennes avaient d'ailleurs compris que leur intérêt était là. Au grand déplaisir de Washington, elles se sont empressées de postuler à la codirection de l'AIIB. Les sommes disponibles actuellement restent modestes au regard des trillions de dollars nécessaires à la mise en oeuvre de tous les projets envisagés pour cette Route de la Soie, mais elles grandiront nécessairement au fur et à mesure que ces projets se révéleront profitables à l'ensemble des partenaires.
Une « Plateforme de connectivité »
Sans attendre, la Chine a décidé d'élargir encore sa démarche, en proposant aux autorités européennes de participer à la mise en place d'une « Plateforme de connectivité » qui rassemblera tous les partenaires autour de programmes partagés, non seulement dans le seul domaine des transports, mais dans la réalisation de vaste ambitions communes. Mais pour cela, conformément à sa démarche « européiste », elle a dès le départ choisi de s'adresser aux autorités européennes, Commission européenne, conseil des ministres européens et Banque centrale européenne. On ne voit pas d'ailleurs comment elle aurait pu procéder autrement.
Curieusement, pour ceux qui ne voyaient dans ces institutions qu'une « troïka » juste bonne à sanctionner les écarts des Etats à une rigueur budgétaire stérilisante, la réponse des Européens a été très positive. Des négociations s'étaient tenu dans une relative confidentialité, mais leur résultat vient d'être annoncé, tant à Bruxelles qu'à Pékin. Nous renvoyons les lecteurs à ce que seront les fondements et les objectifs de cette Plateforme de connectivité, telle que présentés par le Conseil européen lui même, fin juin, à la suite d'un sommet Union européenne-Chine qui vient de se terminer. La Commission comme le Conseil européen considèrent manifestement que le cadre de cette Plateforme de connectivité permettra au mieux de préciser les projets d'investissement encore vagues qu'ils avaient envisagés, notamment ceux concernant les 300 milliards d'euros évoqués par le plan dit Juncker. La déclaration finale convient de réunir le plus vite possible un Sommet pour cette Plateforme. Nous en reparlerons nécessairement ici.
Dans l'immédiat, nous pouvons faire deux observations. La première est que la Plateforme sera nécessairement considérée aux Etats-Unis comme une gifle infligée à Obama. Celui-ci, comme le département d'Etat et le lobby militaro-industriel, ont entrepris de traiter la Chine comme, après la Russie, le second ennemi héréditaire de l'Amérique. C'est dans la zone pacifique que les efforts pour contenir la Chine sont les plus évidents, mais, avec la Plateforme, un nouveau front anti-chinois s'imposera nécessairement aux stratèges américains à leur Est, dans cette Europe qu'ils avaient de bonnes raisons de considérer comme un ensemble de colonies dominées par eux. On peut d'ailleurs se demander ce qu'il adviendra des négociations pour le Traité transatlantique dit TTIP. Si celles-ci doivent faire une place à la Chine, elles n'aboutiront jamais. Les adversaires du TTIP en Europe s'en réjouiront.
La deuxième remarque concerne la place future de la Russie dans ces projets de Plateforme. Géographiquement et économiquement, la Russie devrait en être un partenaire significatif. La Chine est, comme la Russie, membre du Brics. Les nécessaires coopération entre l'Europe et le Brics (euroBrics) que nous considérons ici comme indispensables à l'avenir de l'Europe, avaient jusqu'ici piétiné du fait de la soumission scandaleuse des Européens aux « sanctions » imposées par les Etats-Unis à la Russie. On peut penser que les intérêts économiques et politiques européens, souffrant gravement de ces sanctions décidées à Washington, saisiront l'occasion de la Plateforme pour participer à des projets communs intéressant, non seulement la Chine, mais inévitablement la Russie, alliée de la Chine. Ce sera une excellent chose.
Sources
EU-China Summit - Council of the European Union Joint statement
* Voir aussi deux article de Friends of Europe et de EUobserver
http://www.friendsofeurope.org/global-europe/eu-china-connectivity-thinking-big-acting-small/
https://euobserver.com/opinion/129415
00:08 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, géopolitique, europe, affaires européennes, chine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.