lundi, 04 août 2025
Chantage, impuissance, déshonneur: comment l'Europe est devenue le jouet des États-Unis
Chantage, impuissance, déshonneur: comment l'Europe est devenue le jouet des États-Unis
Günther Burbach
Source: https://overton-magazin.de/hintergrund/politik/erpressbar...
En 2025, l'Europe se trouve à un tournant géopolitique, mais personne ne semble vouloir vraiment l'admettre. Le nouvel accord commercial avec les États-Unis, négocié par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et approuvé par le chancelier allemand Friedrich Merz, montre sans détour ce qui est depuis longtemps une réalité : l'Europe n'est plus un partenaire, mais un suppliant.
Et Donald Trump n'en fait pas mystère. Au contraire, il nous ridiculise devant les caméras, sans courtoisie diplomatique, sans se soucier de perdre la face. Et le pire, c'est que nos gouvernements applaudissent. Cela aurait pu être pire, telle est l'idée générale, mais est-ce vraiment le cas ? Il ne s'agit plus de droits de douane qu'un certain monsieur à Washington juge bon de claironner devant les caméras de télévision. Il s'agit de l'Europe en tant qu'ancienne puissance économique mondiale. Il s'agit du fait que cette ancienne puissance économique n'a rien d'autre à offrir qu'une Ursula von der Leyen qui nous vend une humiliation totale comme une bonne affaire.
- 1. Le nouvel accord : une capitulation annoncée
Le 27 juillet 2025, Trump et von der Leyen ont présenté un accord commercial censé protéger l'UE contre des droits de douane plus élevés. En réalité, il s'agit d'un accord unilatéral en faveur des États-Unis. Alors que l'Europe devra désormais acheter pour 750 milliards de dollars de gaz de schiste américain et s'engager à investir 600 milliards aux Etats-Unis, les produits américains resteront en grande partie exempts de droits de douane.
En contrepartie, l'UE accepte des droits de douane punitifs de 15% sur ses principaux produits d'exportation: les voitures, les machines et les semi-conducteurs. Trump appelle cela « l'équilibre », mais en réalité, il s'agit d'un tribut. Il reste à voir comment notre industrie automobile, déjà en difficulté, va pouvoir s'en sortir.
Cet « accord » a été salué comme un compromis par les médias atlantistes. En réalité, il s'agit d'un chantage absolu. L'Europe paie pour ne pas être punie et vend cela comme un succès en matière de politique étrangère.
- 2. La protection militaire comme arme – La menace du parapluie
Les États-Unis assurent la sécurité militaire de l'Europe, en particulier nucléaire, ce qui était un consensus tacite depuis des décennies. Mais Trump a publiquement démantelé ce consensus. Dès 2020, il a remis en question l'OTAN, et en 2024, il a exigé que « les pays qui ne paient pas soient livrés à eux-mêmes ». Aujourd'hui, il exige clairement que l'Europe paie, sinon le parapluie sera retiré.
Qu'est-ce que cela signifie ?
- L'accès aux armes nucléaires américaines reste entièrement entre les mains de Washington.
- Les garanties en matière de cybersécurité sont également dictées par des considérations politiques.
- La logistique militaire, les satellites, les systèmes d'alerte précoce sont pratiquement inaccessibles sans l'accord des États-Unis.
Militairement, l'Europe est sous perfusion. Et cette perfusion est désormais utilisée pour imposer une docilité politique et économique. Mieux encore, les nouveaux contrats d'armement rendront l'Europe encore plus dépendante des États-Unis. On se demande vraiment dans quelle tête de tels contrats peuvent avoir un sens. Les logiciels américains contrôlent tout et Big Brother est présent dans chaque PC, chaque caméra et tous les autres systèmes à travers l'Europe. Trump nous montre actuellement ce que cela signifie. Mais apparemment, tout cela reste sans effet, non, cela conduit à se rapprocher encore plus du grand frère. L'Europe semble attendre que Trump la punisse par de nouvelles frasques.
- 3. La séparation prévue : comment les États-Unis ont détaché l'Europe de la Russie
Ceux qui pensent que la guerre en Ukraine est une escalade fortuite méconnaissent les intérêts stratégiques de Washington. Depuis 2014 déjà, la politique étrangère américaine s'efforce de couper la Russie de l'Europe, à grands renforts de moyens.
Après le Maïdan, plus de 5 milliards de dollars américains ont été investis dans la « promotion de la démocratie » en Ukraine (Victoria Nuland, 2014).
Les États-Unis ont fourni des armes, formé l'armée ukrainienne aux tactiques occidentales et ancré la doctrine de l'OTAN dans l'appareil sécuritaire du pays.
De nombreuses ONG, think tanks et conseillers proches des États-Unis ont été systématiquement installés à Kiev. Le pays a été aligné sur l'Occident sur les plans politique, économique et médiatique, sans adhérer à l'OTAN, mais avec une orientation claire.
Depuis 2016, des centaines de millions de dollars d'aide militaire ont été versés chaque année. Avec la guerre de 2022, ce montant est passé à plusieurs dizaines de milliards, y compris les bombes à sous-munitions, les systèmes Patriot et la formation Black Hawk.
La Russie a été isolée, Nord Stream a été détruit, les canaux diplomatiques ont été coupés, l'objectif étant de séparer définitivement l'UE de Moscou. Gagnant : les États-Unis. Perdant : l'Europe, qui achète depuis lors du gaz de schiste américain à des prix exorbitants et perd sa base industrielle.
- 4. La classe politique : gestion de l'impuissance
Que font les dirigeants européens ? Ils gèrent, dissimulent, voilent, mais ne contredisent pas. Ursula von der Leyen, qui dispose d'un excellent réseau transatlantique, se comporte comme une ambassadrice de Washington. Friedrich Merz, ancien de BlackRock, aujourd'hui chancelier, défend les droits de douane de Trump comme une « impulsion modernisatrice ». Emmanuel Macron critique prudemment, mais reste finalement muet. Critiques à l'égard de l'OTAN, des sanctions américaines ou de la désindustrialisation due aux prix de l'énergie ? Aucune.
Les élites européennes font ce qu'elles perfectionnent depuis des années : elles affichent une position sans agir. Elles utilisent un vocabulaire bien intentionné qui se heurte à la réalité. Et elles confondent loyauté transatlantique et irresponsabilité envers leur propre population.
- 5. Dépendance totale dans tous les secteurs
L'Europe utilise presque exclusivement des infrastructures logicielles américaines : Microsoft, Amazon Web Services, Palantir.
Armement : avions de combat F-35, systèmes de défense antimissile, avions de transport, tout vient des États-Unis.
Énergie : le gaz liquéfié américain domine les projets de construction à Wilhelmshaven, Brunsbüttel et ailleurs.
Finances : le dollar reste la monnaie de référence, tandis que SWIFT et les sanctions américaines dictent aux banques européennes ce qu'elles ont le droit de faire.
Chacun de ces domaines constitue un moyen de pression potentiel, et Trump le sait. Il ne menace même pas de manière subtile. Il le dit ouvertement. Et l'Europe ? Elle se tait.
- 6. Et si demain, c'était vraiment la fin ?
Imaginons que Trump exige: « Deux mille milliards d'euros par an, sinon il n'y aura pas de protection ». Pas d'accès aux infrastructures militaires. Pas de dissuasion nucléaire. Pas de bouclier cybernétique. Pas de satellites. Pas d'accès aux plateformes économiques américaines. Pas de coopération militaire en matière de renseignement.
Que resterait-il à l'Europe ? Une dépendance totale. Pas de plan B, pas d'autonomie stratégique, pas d'alliance en dehors de la sphère américaine. La France ? Seule. L'Allemagne ? Désarmée sur le plan militaire. L'OTAN ? Une coquille vide sans noyau américain.
- 7. L'Europe doit agir maintenant, sinon elle disparaîtra
Le temps de l'hésitation est révolu. Soit l'Europe comprend enfin qu'elle ne survivra qu'en tant qu'acteur indépendant, soit elle restera un protectorat. Les mesures à prendre :
- Mise en place d'une structure de défense souveraine avec la France, l'Italie et la Scandinavie.
- Création d'un cybercommandement européen sans technologie américaine.
- Autonomie énergétique grâce à des partenariats stratégiques avec l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine.
- Souveraineté numérique grâce à nos propres clouds, puces et normes.
- Sobriété en matière de politique étrangère : reprise des relations diplomatiques avec la Russie, sans œillères idéologiques.
Conclusion : Trump n'est pas le problème. Il est le miroir d'une Europe qui a oublié comment fonctionne l'indépendance. Nous nous sommes relégués au rang de partenaire junior, par peur, par commodité, par inertie idéologique. Il est désormais trop tard pour les politesses.
L'Europe doit sortir de sa dépendance, sinon elle deviendra une coquille vide sur le plan géopolitique. L'Europe ne doit rien à personne, sauf à ses citoyens.
Sources:
Victoria Nuland, 2014 : https://2009-2017.state.gov/p/eur/rls/rm/2014/mar/222718....
RAND Corporation, 2019 : « Extending Russia » https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR3063.html
AP News, juillet 2025 : https://apnews.com/article/cb323423c4317c89410c0dee3d389753
FT zu US-Zollpolitik: https://www.ft.com/content/11aa3964-5460-405f-981b-9d284f...
The Guardian, 28/07/2025 : https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/jul/28/eu-...r
Sur l'auteur: Günther Burbach, né en 1963, est informaticien, journaliste et auteur. Après avoir tenu sa propre chronique dans un hebdomadaire, il a travaillé à la rédaction du groupe Funke Mediengruppe. Il a publié quatre livres consacrés à l'intelligence artificielle et à la politique intérieure et étrangère allemande. Dans ses textes, il allie connaissances techniques et vision sociopolitique, toujours dans le but de susciter le débat et d'aiguiser le regard sur l'essentiel.
Plus d'articles de Günther Burbach → https://overton-magazin.de/author/guenther-burbach/
19:19 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes | |
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