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jeudi, 02 février 2017

Du christianisme et de la défense identitaire de l’Europe

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Du christianisme et de la défense identitaire de l’Europe

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com 

Deux ouvrages à la ligne opposée, « Identitaire, le mauvais génie du christianisme » d’Erwan Le Morhedec (Les éditions Cerf) et « Eglise et immigration, le grand malaise » de Laurent Dandrieu, ont relancé le débat sur la compatibilité ou l’incompatibilité entre le combat identitaire et l’affirmation chrétienne, et notamment catholique.

Le premier refuse toute affirmation identitaire englobant le christianisme dans sa réflexion, refusant toute alliance entre « le marteau de Thor et la croix » pour le citer. Son christianisme est celui de l’antiquité pré-constantinienne lorsque la nouvelle religion était à peine sortie de sa matrice proche-orientale. C’est le discours de Saül de Tarse sur l’ouverture à l’Autre et la conversion des gentils. Le second au contraire veut réaffirmer l’identité européenne associée au christianisme, mais se rend parfaitement compte que ce qu’il propose est à l’opposé de l’idéologie promue par le pape et la plupart des évêques et prêtres depuis Vatican II.

Indiscutablement, le christianisme qui s’identifie à l’Europe n’est pas celui de l’antiquité, puisqu’il faudra attendre Constantin pour que le christianisme s’implante réellement en Europe, sachant qu’en 313, date supposée de sa conversion suite à sa victoire du Pont Milvius (sur Maxence), il n’y avait qu’1% de chrétiens parmi la population de l’Europe romaine. Le christianisme représentait une forte minorité en Cappadoce et surtout à Antioche, Alexandrie et Carthage, chez les anciens ennemis de Rome qui n’avaient été vaincus qu’en apparence et reprenaient ainsi leur revanche.

Or le christianisme de Constantin n’est pas celui des premiers chrétiens fait de pardon aux offenses, de martyrat et d’attente messianique de la parousie, une « fin des temps » qui devait être imminente. C’est un « christianisme solaire », expression qui insupporte Erwan Le Morhedec, à savoir la fusion du dieu païen du soleil, Apollon (pour simplifier), et de Jésus, prêtant à ce dernier des traits nordiques qu’on retrouve sur le Christ d’Amiens par exemple. Une représentation au Latran montre ainsi Jésus en train de conduire le char du soleil. Pour faire accepter aux païens le christianisme, Constantin paganise ce dernier, le confondant avec l’Un de Plotin, avec le Soleil Invincible (Sol Invictus) et/ou avec Jupiter en personne. Il attribue à Jésus les fêtes du soleil, équinoxe de printemps (« Pâques ») et solstice d’hiver (« Noël), et le dimanche, jour du soleil (soldi).

Même si ce christianisme solaire amène au fur et à mesure à la persécution massive des Européens païens jusqu’à la conversion totale du continent, qui ne sera accomplie qu’en 1386 après J.C, lorsque le roi lituanien Jogaila (Jagellon) adoptera le catholicisme, c’est la religion qui a reforgé l’Europe après l’abandon forcé de son paganisme national, qui est resté néanmoins vivant dans le cœur de tous les hommes de lettres et de tous les artistes. Le « christianisme des catacombes » n’est pas celui des Européens, qui est au contraire celui de la Reconquista (en Espagne puis dans les Balkans) et des croisades. Ce christianisme que prône le pape François n’est pas le nôtre.

Or le christianisme constantinien, qui a survécu dans l’Europe orthodoxe, a été abandonné en deux phases par l’Europe catholique. En effet, le protestantisme qui est un retour aux évangiles, a justement reproché à l’Eglise d’être encore bien trop païenne. Il faut lire la haine de Luther contre Rome pour se rendre compte de ce qui est visé. Pour contrer la Réforme, par le biais du concile de Trente, l’Eglise décide alors d’engager une « nouvelle évangélisation » de l’Europe restée catholique. Elle consiste à dépaganiser le catholicisme, à mettre fin à ce pagano-christianisme médiéval qu’on nomme en russe la « double foi » (dvoeverie).

ELM-ID-9782204109307.jpgLa conséquence immédiate et imprévue de cette dépaganisation a été une déchristianisation, notamment en France. Coupée des racines païennes sur lesquelles le christianisme de Constantin s’était apposée comme un vernis sur un ongle, le catholicisme dépérissait et cela a été le cas jusqu’à aujourd’hui. Dans ce conflit, le protestantisme a donc vaincu, même là où on pensait qu’il avait échoué. Le protestantisme s’est même emparé du Vatican. Seule l’Europe orthodoxe, plus païenne de fait, y a échappé pour le moment.

Que dit désormais le pape François, qui est censé incarner la ligne officielle de l’Eglise ? Qu’il faut accueillir les migrants, même musulmans, et il a montré l’exemple. Qu’il faut même les défendre davantage que les chrétiens d’orient qui eux sont des victimes privilégiées de l’islamisme. Qu’il faut que les Européens ne cherchent surtout pas un « sauveur qui nous rende notre identité », un tel sauveur étant naturellement assimilé par le pape à Hitler. Qu’il faut dialoguer et non se protéger avec des murs. Ce discours masochiste qui consisterait pour l’Europe, au nom de son christianisme, à se dépouiller, à s’humilier, est odieux.

Tout comme la plupart des partis politiques, surtout de gauche, comme la plupart des syndicats et des loges maçonniques, le discours des Eglises est anti-européen. L’association chrétienne Caritas agit systématiquement en faveur des migrants, alors que les sans-logis européens sont largement ignorés. L’Européen indigène n’est vu que comme un coupable qui doit expier. Il lui est interdit de s’affirmer fier de ce qu’il est, de la grande civilisation dont il est issu. Il doit demander pardon. Non seulement le protestantisme s’est imposé au niveau du dogme, mais l’égalitarisme marxiste est venu en renfort.

Depuis longtemps, l’Eglise a toujours su céder devant les forts et mépriser les faibles. Alors qu’elle a pactisé avec le fascisme et le national-socialisme, par peur du communisme mais aussi par peur du fascisme européen en général, qui était déterminé à terme sans doute à lui régler son compte, elle a condamné l’Action Française de Maurras en 1926, qui était fort peu dangereuse et bien loin du pouvoir en France, une AF qui défendait la tradition catholique contre le retour aux évangiles, définis comme un « venin ». Maurras condamnait d’ailleurs notamment le protestantisme au nom de la tradition latine et du pagano-christianisme.

Nous constatons donc que, contrairement à la tradition chrétienne européenne, qui naît avec Constantin et commence sa marche vers le tombeau à partir de la Renaissance, sous les coups du protestantisme et aussi du retour de l’antiquité païenne dans les esprits, le christianisme contemporain, sauf l’orthodoxie, a décidé de renier l’Europe à laquelle il doit tout pour non seulement accepter la disparition de l’Europe mais pour soutenir ce processus. Cette trahison de l’Eglise pose la question de l’attitude que la résistance identitaire européenne doit adopter à son égard. Nous analyserons ce point dans une seconde partie.

Laurent Dandrieu, dans son ouvrage précédemment cité, explique son désarroi face à une Eglise qui renonce à défendre l’Europe. Cette phrase de son prologue est terrible : « Et pour que l’on ne puisse pas dire que le jour où les Européens auront voulu sauver leur continent du suicide, ils aient trouvé sur le chemin un obstacle insurmontable : l’Église catholique. » Venant d’un chrétien européen, soucieux de défendre son identité, le propos est explicite. Il s’agit pour lui de sauver l’Église malgré elle d’une dérive humanitariste. Là où il se trompe sans doute ou parce qu’il n’ose pas l’écrire, c’est qu’il ne s’agirait pas d’un obstacle insurmontable.

Car si demain les Européens se réveillent et décident enfin de sauver leur continent à la dérive, alors rien ne les arrêtera et certainement pas l’Église. Face à un peuple résolu, elle courbera sans doute l’échine comme à chaque fois qu’elle s’est retrouvée face à une puissance redoutable en face d’elle. Mais pour autant cela ne l’exonérerait pas de ses responsabilités dans la situation actuelle à laquelle nous souhaitons mettre fin. Avoir servi l’Anti-Europe avec zèle ne pourrait rester impuni. Jadis elle avait été sauvée de Garibaldi par les troupes de Napoléon III. Jadis elle avait su triompher du prince humaniste Frédéric II (Hohenstaufen). Et Mussolini lui-même, antichrétien forcené et nietzschéen dans sa jeunesse, avait pérennisé son État par les accords du Latran en 1929. Qui sera là pour la protéger cette fois ?

Quelle peut alors être la réponse identitaire des Européens face à cette église qui non seulement ne se met pas à leurs côtés mais se place face à eux, contre eux même ? Il n’y a que deux réponses possibles, un christianisme de résistance ou un paganisme de combat. Les deux options sont complémentaires et pourraient alors constituer cette alliance européenne « entre le glaive de Mars et la croix du Christ ». Mais cette alliance ne peut exister que si un compromis essentiel entre les deux camps est alors signé.

Première option. Face à l’Église, les chrétiens européens font désertion et lui opposent une Église de résistance, suffisamment forte pour faire céder le Vatican à terme, en lui imposant sa ligne. Cela voudrait dire élire un autre pape dissident, comme cela a pu arriver au moyen-âge, qui nommerait des évêques dissidents, avec ses églises dissidentes. Il s’agirait donc d’une scission mais qui, à la différence de celle de Lefebvre, ne serait motivée que par la volonté explicite de défendre l’Europe. Elle rejetterait donc la lecture humanitariste des évangiles au profit de la tradition pagano-chrétienne, du christianisme européen constantinien. Certains catholiques déjà passent au christianisme orthodoxe, tellement les positions actuelles de l’Église catholique les dégoûtent. Il s’agirait de faire à l’échelle de l’Europe occidentale l’équivalent d’un gallicanisme à l’échelle de la France, un euro-christianisme de rupture avec l’universalisme dominant actuel.

Le point faible du pagano-christianisme, c’est qu’il perd sa magie dès qu’il est révélé. Le paysan médiéval pouvait être pagano-chrétien, car il se pensait ainsi bon chrétien. Il répétait les rites antiques et les prières aux dieux grimés en saints de substitution. Il voyait la terre-mère derrière les traits de Marie mais d’une manière inconsciente. Or aujourd’hui nous connaissons ce pagano-christianisme, et on pourrait presque l’appeler un paganisme christianisé. Nous savons donc que notre bon vieux paganisme a été recouvert à partir de l'empereur Constantin d’un vernis chrétien. Peut-on sciemment y revenir une fois qu’on le sait ?

LD-EGL.jpgSeconde option, la rupture. A partir de la Renaissance notamment, certains penseurs ont théorisé le retour au paganisme européen, ce dernier étant de mieux en mieux connu par deux siècles d’études historiques à son propos, jusqu’à en découvrir la matrice indo-européenne avec notamment Georges Dumézil. Des organisations païennes émergent ainsi dans toute l’Europe, se revendiquant des traditions locales, que ce soit du druidisme (Draoicht), du paganisme germano-scandinave (Asatru), du paganisme slave (Rodnoverie), du paganisme grec (Hellenismos) ou de la religion romaine (Religio Romana). L’Eglise est bien consciente d’ailleurs que la réponse identitaire des Européens pourrait être la résurrection de l’antique paganisme. Au bord du tombeau, comme l’avait annoncé Nietzsche, l’Europe se ressaisira et se relèvera dans un sursaut salvateur. Je suspecte les actuelles autorités catholiques de comprendre qu’un tel mouvement peut arriver, va arriver, et qu’il s’agit de s’en prémunir en sacrifiant l’Europe, prévoyant déjà son avenir en Afrique, en Amérique méridionale et en Asie. Cela voudrait dire que par peur du paganisme, le Vatican s’allierait implicitement avec d’autres forces et ferait ainsi les yeux de Chimène au second monothéisme universel dont la présence en Europe ne cesse d’inquiéter.

Qu’on choisisse le retour au paganisme (indo-)européen ou qu’on choisisse le retour au christianisme européen constantinien est affaire de choix personnel, de conviction et même de croyance. Dans les deux cas, la même volonté de protéger l’identité de l’Europe et des Européens est présente, même si elle se manifeste autrement. Mais ces deux choix doivent être complémentaires. Le païen européen moderne doit traiter le chrétien européen en frère et réciproquement. Le premier ne doit pas voir dans le second un « oriental en religion » et le second ne doit pas voir dans le premier un « suppôt de Satan ». L’intolérance chrétienne vis-à-vis du paganisme doit donc cesser, et cessera ainsi en retour le mépris païen vis-à-vis du christianisme européen.

Le seul obstacle que je vois à cette nécessaire réconciliation identitaire, euro-chrétienne et euro-païenne, qui existe déjà de fait en Russie, est la soumission aux injonctions du pape d’encore bien trop d’Européens, et aussi le manque de sérieux de trop nombreuses organisations païennes actuellement, à qui il manque l’équivalent d’un souverain pontife pour coordonner leurs actions.

Autre obstacle enfin, et non des moindres. La vérité historique. Beaucoup d’Européens catholiques, surtout parmi les plus identitaires, ont du mal à accepter que la christianisation de l’Europe n’ait pas été le roman mensonger qui leur a été vendu. Elle n’a été ni rapide ni pacifique. Elle a duré des siècles et à chaque fois a été matérialisée par des lois liberticides et des persécutions contre les Européens indigènes souhaitant conserver leur foi polythée. Pour quelqu’un comme moi, qui a étudié très précisément les conditions de l’émergence du christianisme dans l’empire romain et les conditions réelles de son succès, voilà quelque chose dont je n’accepte pas le déni.

Ces obstacles devront être surmontés. Tous les Européens ont vocation à combattre unis par un même drapeau identitaire, celui de l’Europe, et alors chrétiens et païens européens seront côte à côte, avec aussi les européens musulmans des Balkans et du Caucase et tous les européens israélites aussi attachés à leur patrie européenne qu’à leur patrie proche-orientale.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

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