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mercredi, 17 octobre 2018

Macédoine: l’élite dirigeante euro-atlantique tente d’ignorer l’échec du référendum

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Macédoine: l’élite dirigeante euro-atlantique tente d’ignorer l’échec du référendum

Par la rédaction du mensuel «Ruptures», progressiste et radicalement eurocritique, Paris

Ex: https://www.zeit-fragen.ch/fr

Angela Merkel, son ministre des Affaires étrangères, ainsi que plusieurs autres membres du gouvernement allemand; Sebastian Kurz, le chancelier autrichien; James Mattis, le Secrétaire américain à la Défense; Jens Stoltenberg, le Secrétaire général de l’OTAN; plus une brochette de personnalités bruxelloises de premier plan, dont Federica Mogherini, la chef des Affaires extérieures de l’UE et Johannes Hahn, le Commissaire chargé du «voisinage»: tous ceux-là ont fait le déplacement de Skopje ces dernières semaines. D’autres ont lancé des appels à distance, comme le président français. Avec un unique objectif: exhorter les citoyens macédoniens à se rendre aux urnes le 30 septembre.
Skopje, qui n’avait jamais vu défiler autant de dirigeants de ce monde, est la capitale de la Macédoine, plus précisément de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), nom officiel de ce petit Etat des Balkans (2 millions d’habitants) issu de l’éclatement de la Yougoslavie. Une appellation restée provisoire depuis 27 ans. La Grèce, par fierté nationale et crainte de l’irrédentisme, s’est en effet toujours opposée à ce que son voisin du nord porte le même nom que sa province septentrionale.

Mais, à l’issue des élections macédoniennes de décembre 2016, un gouvernement social-démocrate est arrivé au pouvoir, conduit par Zoran Zaev. Ce dernier, très proche des milieux atlantistes, s’est fixé pour mission de résoudre le conflit de nom avec Athènes avec pour objectif l’entrée de son pays d’abord dans l’OTAN, puis dans l’Union européenne – une double adhésion à laquelle Athènes oppose un veto tant que dure le différend. Le 17 juin dernier, M. Zaev et son homologue grec, Alexis Tispras, trouvaient un compromis: le pays pourrait s’appeler Macédoine du Nord et voir ainsi s’ouvrir la porte du paradis euro-atlantique.

Bouder le scrutin

Encore faut-il pour cela que les deux parties ratifient cet accord. C’était l’objet du référendum organisé le 30 septembre. Les amis de M. Zaev appelaient bien sûr à voter Oui, soutenus en cela par le parti se réclamant de la minorité albanaise. Pour sa part, le parti de droite nationaliste VRMO-DPMNE, d’avis opposé, n’appelait pas à voter Non, du fait des pressions occidentales. Mais ses dirigeants ont invité les citoyens à bouder le scrutin. Ce fut également la position du président de la République, Gjorje Ivanov, lui-même issu de la mouvance nationaliste.
Or la règle macédonienne impose que, pour être valable, un référendum mobilise au moins la moitié des électeurs inscrits. D’où l’appel au boycott des adversaires de l’accord. D’où également la fébrilité et le forcing des dirigeants américains et européens. Selon eux, si la Macédoine n’est pas intégrée à l’orbite de l’UE et de l’OTAN, d’autres auront vite fait de reprendre ce pays dans leur zone d’influence. Et d’accuser les Russes (la majorité de la population est d’ascendance slave), mais aussi les Chinois (qui investissent beaucoup dans les Balkans) de guetter, voire de créer l’occasion.
La question posée aux électeurs était du reste sans ambiguïté: «Etes vous favorable à l’adhésion à l’UE et à l’OTAN en acceptant l’accord entre les deux pays?». La promesse implicite de fonds européens allant se déverser sur un Etat particulièrement pauvre était censée séduire les électeurs. Un diplomate de l’UE a même osé: «Le choix est entre la Macédoine du Nord et la Corée du Nord», stigmatisant cette dernière comme le symbole de l’isolement international …

Douche froide

Le résultat du vote a fait l’effet d’une douche froide pour les promoteurs du processus: certes, 91% des votants ont répondu Oui, un résultat attendu puisqu’aucune force politique n’appelait à voter Non. En revanche, l’indicateur scruté par les partisans comme les adversaires de l’accord était bien entendu la participation. Or, avec à peine plus de 36% de votants, celle-ci s’est établie à un niveau encore bien plus faible que ne le craignaient les dirigeants européens.
Alors que moins d’un tiers des Macédoniens ont glissé un bulletin Oui, ces dirigeants ont réagi en usant de la méthode Coué – ou de la «vérité alternative» qu’on reproche souvent aux propos de Donald Trump. Zoran Zaev s’est ainsi réjoui que la «vaste majorité des citoyens aient choisi une Macédoine européenne». Le Commissaire européen chargé du voisinage, Johannes Hahn, a pour sa part salué le «large soutien» apporté à l’accord. Et jusqu’au Secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, qui n’a pas hésité à affirmer: «Le fait qu’une majorité écrasante des votants ait soutenu l’accord est important».
Quant au Secrétaire général de l’OTAN, il a signé un communiqué commun avec sa consœur de l’UE pour exhorter les responsables politiques de Skopje à «prendre des décisions qui détermineront le sort de leur pays et de leur peuple pour de nombreuses générations à venir». Difficile d’imaginer une pression plus explicite.
Seul le président du Monténégro voisin a nuancé quelque peu la langue de bois officielle: «J’ai l’impression que l’enthousiasme pro-européen qui avait suivi la chute du mur de Berlin est en train de piétiner un peu». S’il y avait un concours d’euphémismes, Milo Djukanovic remporterait à coup sûr la coupe du monde.
Du coup, Zoran Zaev s’est empressé d’affirmer que la règle du quorum de 50% de participation ne s’appliquait pas dans ce cas, puisque le référendum n’était que consultatif. «Du reste, a-t-il martelé dans un style bruxello-thatchérien, «il n’y pas d’alternative».
Institutionnellement, la décision finale appartient désormais aux députés: ceux-ci doivent ratifier l’accord à la majorité des deux tiers – et cette fois, le vote n’est pas «consultatif». Or il manque dix sièges aux sociaux-démocrates et à leurs alliés pour franchir cette barre. Et leurs adversaires du VRMO-DPMNE vont évidemment se sentir encouragés par le résultat populaire à refuser leurs voix.
M. Zaev a menacé, en cas d’échec, au demeurant probable, de déclencher des élections anticipées d’ici la fin de l’année.

Conditionné par l’approbation du Parlement grec

En outre, l’entrée en vigueur de l’accord est aussi conditionnée par l’approbation du parlement grec. Or, dans ce pays, les forces jugeant que l’accord négocié par M. Tsipras constitue une trahison des intérêts hellènes sont nombreuses, à droite, mais aussi chez beaucoup de citoyens de gauche. Et le partenaire gouvernemental de Syriza, le Parti des Grecs indépendants, est également opposé au compromis. Tous ces opposants se sentent confortés par le vote macédonien.
Dès l’annonce des résultats, le chef du gouvernement grec a téléphoné à son homologue et voisin pour lui signifier qu’il «devrait poursuivre la mise en place de l’accord».
En juillet 2015, Alexis Tsipras avait lui-même appelé à un référendum anti-austérité qu’il avait largement emporté. Avant d’opérer une reddition mémorable en acceptant toutes les conditions austéritaires imposées par l’UE, à peine quelques semaines plus tard.    •

Source: https://ruptures-presse.fr/actu/macedoine-referendum-zaev... du 3/10/18

Le populisme, la disparition des classes moyennes occidentales et la fin des modèles d'intégration "in the age of disruption"

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Le populisme, la disparition des classes moyennes occidentales et la fin des modèles d'intégration "in the age of disruption"

par Irnerio Seminatore

 

L’accusation de „populisme” et la crainte de la part des „élites” de l’accession au pouvoir de la part des partis anti-système impose de définir ce qu’expriment les opinions et les peuples des pays européens, au delà des préférences politiques et des réactions viscérales.

Le but en est d’essayer de  prévoir ce que peut se passer aux élections européennes de mai 2019.

Un bref détour par le processus de „mondialisation” et par la „structure des classes” des pays occidentaux, apparaît un préalable indispensable.

En partant des conséquences remarquées de la mondialisation, en ses deux scansions, de 1970 à 1990 et de 2015 à nos jours, une première évidence frappe l’observateur, la disparition de la classe ouvrière, suite à la désindustrialisation occidentale et la fin du „peuple”, comme paradigme socio-politique de référence.

Cette fin de la classe ouvrière a été est suivie plus tard, en raison de la révolution scientifique et technique et des changements dans la distribution géographique de la structure des classes, par la disparition des classes moyennes (Christophe Guilly -„No Society. La fin de la classe moyenne”), qui assuraient la continuité géographique et sociale entre la ville et la campagne.

La première se vide des emplois dynamiques produisant de la richesse et la campagne, à l’écart du tissus productif, devient une périphérie.

Entre les deux, dans la ceinture des grandes agglomérations s’installe une migration massive et déculturalisée, véritable poids lourd de l’État sécuritaire et assistanciel.

Ainsi le monde actif et productif de l’urbain est entouré d’une banlieue assistée, hors du champs du travail et de l’emploi et hors des modèles sociaux de référence et d’intégration; bref, hors de la notion de „peuple”.

Le champ social des migrants, en large parti musulman, sans repères sociétaux, en révolte permanente, et à forte prolificité, devient progressivement le champ du salut religieux et de la haine islamiste, celui de la déstructuration de la société.

C’est une donnée de fond et destinée à le rester.

Ce nouveau monde, hétérogène, revendicatif, non intégrable et étranger à l’univers culturel européen, est ouvert sur une ” périphérie” rurale  de populations „de souche”, dispersées, laïcisées, déclassées de leurs vieux statut productif, autrefois majoritaires et homogènes, fissurées en leurs représentation politique et encore polarisées idéologiquement par le vieux modèle socio-économique national, emploi/non emploi.

De l’ impossible cohabitation  de ces mondes prend forme l’une des sources du discours populiste, car ces populations vivent quotidiennement une inquiétude d’ordre social et identitaire.

Dans l’univers urbain, orienté vers la mondialisation et peuplés par ceux qui croient que le monde est „plat” et sans frontières, les „Anywheres” (les globalistes, les „web-dreamers” ou encore „les élites”, selon David Goodhart), le conflit qui se profile est dirigé contre les „localistes”, les „Somewheres”, ceux pour qui la réalité est la vie locale et le sentiment le plus naturel l’amour pour leur terreau, le bien commun  et la nation.

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Il a été remarqué (Stéphen Harper/”Right here, Right now. Politics and Leadership in the Age of Disruption”, National Post) que la rupture entre les „élites, minoritaires et le „peuple” de souche, majoritaire, est une rupture „disruptive”, interdisant de faire société, solidarité, continuité, destin commun.

Il s’agit d’un fossé qui existe dans les sociétés occidentales modernes par la disparition des classes moyennes et qui interdit toute assimilation „du bas par le haut, ce modèle supposant l’existence d’une classe intermédiaire dynamique et gagnante.

Puisque les classes moyennes occidentales sont traversées par une insécurité culturelle et identitaire profondes, l’intégration des migrants est fort improbable, car il est très difficile de ressembler à des gagnants, qui ont disparus et de monter dans l’échelle sociale, par manque de stabilité.

Par ailleurs le refus de „l’autre de soi” et la légalisation des vieilles déviances (homos, inégalités hommes/femmes..), conduit à l’émergence d’une société dérégulée, une sorte de „à-société”, où le crépuscule de l’État-Providence engendre d’une part un appauvrissement diffus et de l’autre une lutte pour les ressources, de plus en plus limitées (logement, allocations diverses, santé, éducation, sécurité..)

Cette décomposition de la société, irréductible à une seule figure politique, transforme le narratif politique en discours populiste, fondé sur la résilience protectionniste des autochtones et sur un image du „peuple”, mythisée, nostalgique et conservatrice.

Mythisée, car dépourvue du corps mystique de la souveraineté populaire, nostalgique, car portée par l’illusion d’une société régulée et conservatrice, car construite sur la mémoire d’une élite au service du „peuple”, mais incapable de répondre aujourd’hui aux angoisses identitaires des autochtones.

C’est pourquoi les populistes réclament un attachement criant aux politiques nationales (protectionnisme, interventionnisme, investissements productifs, fiscalité etc.), impliquant le démantèlement des carcans administratifs et technocratiques obsolètes (UE,FMI,FED,BM,etc.) et d’autre part la dénonciation d’une fausse „identité commune”, le „vivre ensemble”, prônée par les élites mondialistes.

Comme expression de la révolte anti-système, les périphériques expriment une réaction contre l’esprit de lucre, d’aventure et d’égoïsme du modèle anglo-saxon et néo-libéral et contre la double culture de la gauche, celle de l’incantation électoraliste et de la tentation bureaucratique.

Ainsi, par l’absence des classes moyennes travailleuses et dans une ère de  transformations profondes, la masse majoritaire des „Somewheres”, bref, notre environnement de vie et de travail, nos amis, nos connaissances et notre famille élargie, est composée de tous ceux dont les intérêts sont solidaires dans une situation générale de risque collectif.

Ils se battent d’une part contre les „élites” globalistes, aux intérêts mondiaux et qui choisissent leurs avantages dans un panier de marchés nationaux divers et font face d’autre part à une masse invasive de migrants et aux dangers de sécurité et de survie qu’ils représentent, réclamant une politique de civilisation.

Dans cette nouvelle géographie sociale dans les pays occidentaux, le populisme bouleverse les paradigmes intellectuels reçus et remet en cause les politiques rédistributrices et le piétisme humaniste des conceptions juridiques et politiques, élaborées dans des périodes révolues. Face à la menace existentielle, de la disparition ou du suicide de l’Occident, il parvient à secouer les fondements philosophiques de notre civilisation et à reléguer dans les palimpsestes de notre mémoire les images du peuple, qui, comme en France, à l’aube de la modernité et de la Révolution, se voulait „un, fraternel et souverain”.

Irnerio SEMINATORE

11 octobre 2018