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samedi, 29 octobre 2022

Leçons italiennes (I)

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Leçons italiennes (I)

par Georges FELTIN-TRACOL

Le 25 septembre dernier, quelques mois avant l’échéance prévue pour le printemps 2023, les Italiens renouvelaient la Chambre des députés et le Sénat de la République. Fin juillet, constatant l’absence de soutien effectif d’une partie du Mouvement 5 Étoiles (M5S), de Forza Italia de Silvio Berlusconi et de la Ligue de Matteo Salvini au gouvernement de Mario Draghi, le président de la République Sergio Mattarella dissolvait les deux assemblées.

La constitution italienne du 22 décembre 1947 établit un régime parlementaire dans lequel le bicaméralisme est parfaitement égalitaire. Chambre des députés et Sénat disposent des mêmes prérogatives constitutionnelles dont celle de renverser le gouvernement. À cette première particularité s’ajoute un mode de scrutin désormais identique. Le Rosatellum adopté en 2017 distingue trois huitièmes des sièges élus au scrutin majoritaire uninominal à un seul tour dans de vastes circonscriptions nommées « collèges » des cinq huitièmes des sièges restant élus au scrutin proportionnel de liste. Contrairement aux électeurs allemands qui disposent de deux bulletins, les Italiens doivent choisir entre les candidats des collèges et les listes proposées. Si la loi électorale permet la multiplicité des candidatures dans différents collèges, le Rosatellum favorise surtout les ententes partisanes qui peuvent remporter la majorité absolue des sièges si une coalition franchit 40 % des suffrages.

Longtemps, les parlementaires italiens furent pléthoriques. En avril 2020, après bien des négociations, un référendum adopte une révision constitutionnelle. Outre une égalité complète accordée aux électeurs et aux candidatures tant à la Chambre des députés qu’au Sénat si bien que les deux assemblées sont pleinement redondantes, la principale mesure réduit le nombre de sénateurs et de députés. La Chambre des députés compte dorénavant 400 membres et le Sénat 200 (plus les sénateurs nommés à vie et les anciens chefs de l’État).

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Malgré une abstention élevée (36,09 %), ce qui demeure faible par rapport à l’abstention notée aux législatives françaises de juin dernier (53,13 % en moyenne), ces élections anticipées modifient une nouvelle fois le paysage politique de la Péninsule. En 2018, quatre cartels électoraux dépassaient le million de suffrages. Conduit par le liguiste Salvini, le centre-droit récoltait 12.164.732 voix. Le M5S obtenait 10.743.566 suffrages. L’alliance de centre-gauche de l’ancien président du Conseil Matteo Renzi recueillait 7.512.243 votes. Enfin, le mouvement d’extrême gauche éco-sociétal Libres et Égaux de Pietro Grasso ramassait 1.114.799 voix.

Cette année, la coalition de centre-gauche d’Enrico Letta réunissant le Parti démocratique, Plus d’Europe d’Emma Bonino, Engagement civique – Centre démocratique de Luigi Di Maio et l’Alliance verte et gauche, réunit 7.337.624 suffrages, soit une déperdition de 174.619 voix. Ce déclin de la gauche de gouvernement résulte d’une double concurrence surgie sur ses flancs. À sa droite a émergé avec 2.186.658 voix, issu des catégories sociales supérieures urbanisées, un « troisième pôle » qui regroupe Action de l’ancien ministre de l’Économie, Carlo Calenda, et Italia viva de Matteo Renzi, deux personnalités en rupture avec leur ancienne famille politique et qui rêvent d’importer en Italie le macronisme. À gauche du Parti démocratique, ce lointain héritier du Parti communiste italien et des courants de gauche de la démocratie chrétienne, résiste le M5S de l’ancien président du Conseil Giuseppe Conte. Certes, en quatre ans, le non-parti fondé par Beppe Grillo a perdu 6.409.818 électeurs pour ne réaliser que 4.333.748 voix. Se posant en « avocat du peuple » et en « porte-parole des plus pauvres », Giuseppe Conte a axé sa campagne sur le maintien et la généralisation du revenu de citoyenneté, l’équivalent du RSA, et d’autres aides étatiques. Grâce à une campagne populiste au sens plébéien du terme, le M5S confirme sa solide implantation dans la Botte et le Mezzogiorno au point que les commentateurs la qualifient de « Ligue du Sud » ou de « syndicat du Midi»…

Les dissidences du grillinisme, l’extrême gauche et les autres forces de la droite radicale demeurent inaudibles. Scission du M5S, Engagement civique ne récolte que 0,58 % et perd tous ses élus. Malgré la venue de Jean-Luc Mélenchon, l’Union populaire de Liugi de Magistris tourne autour de 1,19 %. Signalons qu’Italie souveraine et populaire de Marco Rizzi fait environ 1,20 %.  Opposé aux vaccins covidiens, à la 5 G, aux OGM et à l’immigration extra-européenne, le mouvement Vita de Sara Cunial, ne réalise que 0,72 %. Quant à Italexit lancé par un exclu du M5S, Gianluigi Paragone, qui comptait parmi ses candidats des militants de CasaPound, il stagne à 1,90 %.

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En augmentation de 134.916 voix, le centre-droit, soit l’union électorale de Forza italia, de la Ligue, de Frères d’Italie et des centristes démocrates-chrétiens de Nous, Modérés, attire 12.299.648 suffrages. En son sein, avec près de 26 %, Frères d’Italie de Giorgia Meloni arrivent en tête tandis que la Ligue et Forza Italia s’effondrent, passant respectivement - par rapport à 2018 - de 17,36 % et de 14,04 % à 8,77 % et 8,11 %.

La victoire de Giorgia Meloni signifie-t-elle le succès de l’union des droites comme le pensent certains Français ? Pour paraphraser Pascal, « vérité en deçà des Alpes, erreur au delà ». Dès 1994, les libéraux de Forza Italia, les régionalistes – autonomistes – indépendantistes de la Ligue et les néo-fascistes du MSI coopèrent dans le premier gouvernement de Silvio Berlusconi. En dépit de profonds désaccords et des tensions internes permanentes, le centre-droit a pris en trois décennies l’habitude de se coordonner et de se présenter uni aux élections nationales. Le « cordon sanitaire » et le « plafond de verre » n’existent pas en Italie !

Par ailleurs, Forza Italia, la Lega et Fratelli d’Italia ont déjà une longue et ancienne pratique gouvernementale tant au niveau de l’État que dans les régions, les provinces (soit les départements) et dans les communes. Les inévitables divergences n’empêchent pas des alliances ponctuelles. Une telle configuration en France s’avère impossible entre le RN, les Républicains et Reconquête !. Les Républicains sont tiraillés entre un accord, implicite ou non, avec le macronisme, quitte à heurter le centre-droit macronien d’Édouard Philippe, et une opposition plus ou moins affirmée elle-même divisée entre Xavier Bertrand, Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Laurent Wauquiez. Tous lorgnent avec gourmandise sur le « bas de laine » électoral constitué par le marinisme sans comprendre que l’hégémonie chiraco-sarkozyste est définitivement révolue.

Les profondes animosités au sein des droites françaises écartent tout scénario à l’italienne d’union des droites. En revanche, si se poursuivent et s’amplifient les délires wokistes, écolo-sectaires et islamo-gauchistes au risque d’agacer l’électorat populaire autochtone albo-européen, il devient envisageable que s’opère face à l’arrogance macronienne une union nationale du peuple.  

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 48, mise en ligne le 25 octobre 2022 sur Radio Méridien Zéro.

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