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mercredi, 28 mai 2025

Parution du numéro 484 du Bulletin célinien

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Parution du numéro 484 du Bulletin célinien

Sommaire :

2025-05-BC-Cover.jpgDe Destouches à Céline (Montmartre, 1929-1944)

Dans la bibliothèque de Céline (D / 1)

Cosmopolitisme

Figure de proue de la “nouvelle vague conservatrice”, Laetitia Strauch-Bonart est l’auteure d’un récit stimulant dans lequel elle relate sa trajectoire intellectuelle. Évoquant ses discussions avec un père à la sensibilité politique opposée, elle précise : « Je pense que ses idées (ce rousseauisme, ce cosmopolitisme) ne sont pas réalistes. Lui et moi avons des discussions sans fin, par exemple, sur l’immigration. À ses yeux, on pourrait accueillir toute la misère du monde. Moi, je vois le coût social que cela représente pour un pays. » Et d’ajouter qu’elle en est arrivée à la conclusion suivante : « Cette capacité à verser des larmes sur le sort des malheureux les plus éloignés de vous géographiquement va souvent de pair avec une incapacité à prendre la main de ceux qui vous sont proches. C’est comme si la première attitude permettait de se décharger de la responsabilité de la seconde¹. » 
 
Comment ne pas songer au maître d’école de Surcy-sur-Loing [localité imaginaire, ndlr] campé par Céline dans Les Beaux draps ? Il se dévoue et se sacrifie « pour les héros de la mer jaune… pour les bridés du Kamtchatka… les bouleversés de la Louisiane… les encampés de la Calédonie… les mutins mormons d’Hanoï… les arménides radicaux de Smyrne… les empalés coptes de Boston… les Polichinels caves d’Ostende… » Mais quand Céline lui demande d’agir en faveur d’un compatriote, un nommé Trémoussel, il se heurte à un refus catégorique. Sommé de se justifier, son interlocuteur répond : « Trémoussel je le connais bien !… ça doit être ça qui m’empêche… J’ai vécu trois ans côte à côte [pendant la guerre de 14-18, ndlr]… les autres je les ai jamais regardés… Je les connais pas pour ainsi dire… »
 

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Céline n’a pas son pareil pour épingler cet humanitarisme occidental qui chérit les victimes éloignées pour négliger celles qui nous sont proches. Comment ne pas songer aussi à ce “philosophe” attentif aux soubresauts du monde et complètement indifférent à la détresse de ses compatriotes galérant à finir le mois ? C’est le même qui, se disant résolument cosmopolite, déclare que tout ce qui est “franchouillard” ou cocardier lui est étranger, voire odieux. Céline est généralement classé à droite. Encore faut-il préciser qu’il s’agit d’une droite dont les préoccupations sociales sont patentes. On cite souvent son plaidoyer pour les 35 heures en faveur de ceux qui accomplissent un dur labeur. Mais une lecture de tous ses écrits fait apparaître une véritable sollicitude pour les plus vulnérables de la société. Ce fut une constante lorsqu’il travaillait dans les dispensaires médicaux, à Clichy, puis à Bezons, période pendant laquelle les contraintes de l’Occupation rendaient pénible la vie au quotidien. C’est alors qu’il écrit à un journaliste collaborationniste (janvier 1943) : « Boniments insultants que toutes ces histoires “d’Europe Nouvelle” pour des êtres que l’on condamne à vivre avec 1200 calories par jour ! alors que le minimum physiologique s’établit à 2400 colories. De qui se fout-on grossièrement ? Du faible et du pauvre. » À la même époque, il faisait part au maire de Bezons de cette doléance d’une femme de prisonnier, mère d’un enfant de 5 ans : « Le jour où j’achète du charbon, nous ne mangeons pas. » Gageons que ces petits faits vrais ne correspondent pas à l’image que d’aucuns se font communément de Céline.

• Laetitia STAUCH-BONART, La Gratitude (Récit d’une trajectoire politique inattendue), Éditions L’Observatoire, 240 p. (21 €). Voir aussi son entretien avec Jean Birnbaum dans le dossier du Monde des livres, “D’une tendance à l’égarement chez les intellectuels” (n° 24975, 18 avril 2025). Chez le même éditeur : Samuel FITOUSSI, Pourquoi les intellectuels se trompent, 272 p. (22 €).

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