Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 13 juillet 2014

R. Millet: l'être-boeuf

« Tout confort se paie. La condition d’animal domestique entraîne celle d’animal de boucherie. » Ces mots d’Ernst Jünger en exergue annonce qu’il ne sera pas tant parlé dans cet essai de la condition animale que de la condition humaine – à l’heure ou se répand en pandémie « l’obèse qui est une figuration anti-mythologique et, par extrapolation, la revanche de l’animal d’élevage sur le consommateur s’engraissant lui-même au cœur de la clôture humaine. »

L’épidémie d’obésité comme celle de son double inversé l’anorexie est le signe d’une société qui hait le corps, la chair, et jusqu’à la viande elle-même qui n’est plus proposée aux masses que sous forme d’ersatz industriel. La viande - ou la vie elle-même, selon l’étymologie que Millet nous rappelle, le mot viande venant du bas latin vivendi, ce qui sert à vivre (du latin vivere, vivre) - n’est plus qu’un morne et fade artefact perfusé de colorants, d’agents de saveur et de conservation, « de la viande en quelque sorte dépossédée de sa chair ».


Face à cette désincarnation qui est aussi déchristianisation, Millet ose un éloge du bœuf comme Claudel fit celui du porc, propose de renouer « l’alliance plurimillénaire » entre l’homme et les bêtes, et confesse : « d’où mon recours inné au catholicisme, la littérature me préparant en quelque sorte à la vraie chair, la glorieuse : celle d’après la mort, le corps du Christ étant le seul qui, avec Lazare, ait connu la naissance, la mort et la Résurrection. »


Richard Millet, L’être-bœuf, Pierre-Guillaume de Roux, 2013.