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vendredi, 06 juin 2014

Le hollandisme, maladie infantile du socialisme...

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Le hollandisme, maladie infantile du socialisme...

par Jean-Paul Brighelli

Ex: http://metapoinfo.hautetfort.com

Vous pouvez découvrir ci-dessous un texte décapant, et assez étonnant, de Jean-Paul Brighelli, qui sur le site de Causeur règle violemment son compte au parti socialiste et à son gauchisme culturel.

Professeur en classes préparatoires, défenseur de l'élitisme républicain, Jean-Paul Brighelli est l'auteur, notamment, de nombreux essais sur le système éducatif, comme La fabrique du crétin : la mort programmée de l'école (Jean-Claude Gawsewitch, 2005). Il est également l'auteur de La société pornographique (Bourin, 2012).

La droite est le nouveau véhicule des ambitions révolutionnaires

Jean-Pierre le Goff, dont le petit doigt est à lui seul plus cultivé, politiquement parlant, que l’ensemble du gouvernement, s’est récemment fendu d’une analyse de la politique « sociétale » du gouvernement dont je ne saurais trop recommander la lecture aux gens intelligents qui viennent faire un tour sur Bonnet d’âne. L’auteur de La Barbarie douce (1999 — remarquable analyse de ce qu’une certaine gauche pédago a fait de l’école, sous prétexte de faire réussir tout le monde à l’occasion de la semaine des quatre jeudis) y dissipe avec une grande rigueur le rideau de fumée qu’un parti social-démocrate — le PS et ses alliés —, qui a renoncé à tout vrai principe de gauche, a développé pour camoufler le fait qu’il a renoncé à toute intervention crédible dans le domaine économique — le seul susceptible de faire bouillir la marmite des damnés de la terre — et classes moyennes comprises, cela finit par faire du monde.

Résumons : les lois sur le mariage gay, par exemple, sont des manifestations typiques de ce gauchisme culturel que dénonçait Lénine en 1920 — une déviation qui sous prétexte de « pureté » révolutionnaire, feint d’oublier que le facteur économique est déterminant en dernière instance — et pas l’autorisation de passer ou non devant un maire (et, in fine, devant un juge aux Affaires familiales), ou l’affirmation un peu péremptoire qu’un double cunni peut engendrer des bébés (ou en donne l’autorisation, ce qui revient au même). Ce qui aurait été vraiment révolutionnaire (un terme incompatible avec les libéraux au pouvoir, nous sommes bien d’accord), c’eût été de proclamer la non-nécessité du mariage bourgeois, et l’égalité des droits pour tous : le prolétariat, qui n’avait pas les moyens de s’offrir une dot, a inventé l’union libre de fait bien avant que les pseudo-libertaires ne s’en emparent.

Le Goff ou moi — question de génération — avons expérimenté jusqu’au dégoût les impasses du gauchisme culturel, qui à se vouloir pur et sans compromission avec les « partis bourgeois » (c’est tout le sens de la diatribe de Lénine) a fini par sombrer dans la collaboration de classe la plus honteuse : on évite de s’allier au P«C»F, comme on écrivait à l’époque, on critique le Programme commun, on se croit révolutionnaire parce qu’on lit le Monde et on finit suceur de barreau de chaise à Libé ou publiciste chez… Publicis. Ou prof sur le Net, jusqu’auboutiste des causes les plus variées et les plus avariées qui n’ont jamais qu’un seul objet (et la plupart de leurs thuriféraires ont si peu de conscience politique qu’ils ne s’en aperçoivent pas) : défendre l’état des choses, la répartition actuelle du capital, la « rigueur budgétaire » et l’Europe de Juncker-Schulz.

Quitte à paraître plus léniniste que Vladimir Ilitch, je voudrais le répéter encore et encore : le seul problème, c’est de donner à manger à ceux qui ont faim. Et cela fait du monde, en France même : on s’occupera du reste du monde ultérieurement, l’alter-mondialisme est une déviation majeure qui permet de se préoccuper des « étrangers », des primo-arrivants, des manouches et de ceux qui croient que Yannick Noah est un artiste, au lieu d’imposer une politique qui redonne au moins l’espoir de grignoter un peu de l’immense fortune française — la redistribution oui, les réformes Taubira (la femme qui ne sait pas chanter la Marseillaise, et encore moins l’Internationale) non. Évidemment, il est plus simple d’amuser le peuple, via des journalistes incompétents et / ou complices, avec des écrans de fumée, en espérant que cela vous donnera une chance en 2017, qu’avec une réduction visible des inégalités.

Au passage je préfère être dans ma peau que dans celle de Thomas Piketty, qui s’est décarcassé à prouver à ses anciens amis qu’une autre politique économique est nécessaire (et possible), et qui est le plus grand cocu de l’arrivée de la « Gauche » au pouvoir et qui a bien compris, en allant vendre sa salade aux USA, qu’il est possible de travailler avec des capitalistes intelligents, en attendant de prendre le pouvoir pour de bon, mais pas avec des « socialistes » français obsédés par les sondages, aveuglés d’ambitions minuscules et de mauvaise foi — définitivement disqualifiés.

Mélenchon a raté le coche : à faire du Parti de Gauche le véhicule d’une ambition personnelle, il n’est pas parvenu à présenter ses propositions économiques comme une solution aux difficultés croissantes des Français. La seule qui a capitalisé sur le sentiment intense de frustration, c’est Marine Le Pen. Calcul ou retournement, le FN tient ces temps-ci un discours anticapitaliste très drôle à entendre, pour qui se rappelle ses prises de position ultra-libérales d’il y a quelques années. De même, il (ou le Comité Racine qui théorise pour lui) a sur l’Ecole des positions que 90% des profs approuvent, en le disant ou sans le dire — et les 10% qui restent sont juste les hommes-liges du PS et des Verts, ceux qui ont ou qui espèrent des positions compatibles avec leur petitesse conceptuelle, pas avec le bien public, et certainement pas avec celui des élèves.

Alors soyons tout à fait clair : si demain je pense qu’une alliance tactique avec des partis de droite (un ticket Juppé-Bayrou, mais aussi bien un infléchissement du Bleu-Marine) peut faire avancer la cause de ceux qui souffrent réellement, victimes des dégraissages des grandes entreprises, de la politique de déflation systématique, ou des prétextes démagogico-pédagogiques qui théorisent le succès de tous afin de réaliser la réussite des mêmes, eh bien je m’allierai, et sans un battement de cils. Parce que toute alliance avec le PS est devenue impossible (et depuis plusieurs années, depuis l’ère Jospin en fait), et que persister à se vouloir « de gauche » avec les guignols sanglants qui nous gouvernent est une entreprise illusoire : la Droite est aujourd’hui — parce que les uns sont en crise, et que les autres ont faim de pouvoir — le véhicule le plus commode des ambitions réellement révolutionnaires.

Jean-Paul Brighelli (Causeur, 3 juin 2014)