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vendredi, 13 mars 2015

Le dernier loup: le grand retour de l'éthologie

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LE DERNIER LOUP : LE GRAND RETOUR DE L’ÉTHOLOGIE
 
Un film beau et cruel comme la vie

Jean Ansar
Ex: http://metamag.fr

Le dernier film de Jean jacques Annaud renoue avec ce qui fait l'originalité et le succès de cet immense cinéaste français. Il fera vite oublier le médiocre "Or noir" et viendra rappeler le souffle de "L’ours", des "Deux frères",  de "La guerre du feu", du "Nom de la rose" ou de "7 ans au Tibet".

Le souffle de la vie et la beauté des images sont au rendez vous de ce "Dernier loup", film franco-chinois qui est une ode aux peuples premiers, en l’occurrence aux mongols et à leur conception du monde. Un peuple dont le dieu totem est le loup. Gengis khan, le plus grand conquérant du monde, a adapté la stratégie de la meute dans son art militaire.


L’histoire est classique


C’est un  « eastern » où le loup joue le rôle du bison et l'administration communiste celui de l'homme ennemi de la nature et des mongols, ces autres indiens. 1969, Chen Zhen, un jeune étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie Intérieure afin d'éduquer une tribu de bergers nomades. Mais c'est véritablement Chen qui a beaucoup à apprendre, sur la vie dans cette contrée infinie, hostile et vertigineuse, sur la notion de communauté, de liberté et de responsabilité, et sur la créature la plus crainte et vénérée des steppes, le loup. Séduit par le lien complexe et quasi mystique entre ces créatures sacrées et les bergers, il capture un louveteau afin de l'apprivoiser. Mais la relation naissante entre l'homme et l'animal ainsi que le mode de vie traditionnel de la tribu et l'avenir de la terre elle-même, est menacée lorsqu'un représentant régional de l'autorité centrale décide par tous les moyens d'éliminer les loups de cette région.


Cela étant ce film n’est pas manichéen et l’administrateur chinois ne veut que le bien des mongols par le progrès et il détruit avec bonne conscience un équilibre naturel fragile. Le loup lui-même est cruel,  le louveteau mord la main qui le nourrit et la meute est impitoyable pour les ruminants.

 
C’est un grand film éthologiste sur les rapports des animaux entre eux, des animaux et des hommes, sur le comportement et l'agressivité comme ressort de la survie. Les écologistes n’aimeront pas ce film, trop brutal et sanglant pour leur exquise sensibilité. Leur monde est celui où le loup mongol cohabiterait avec le mouton chinois. Mais le mongol comme le loup sait que, s’il renonce à sa cruauté vitale, il disparaîtra mais ne deviendra pas mouton. Il n’y a pas de théorie du genre dans la vraie vie.


L'Éthologie : apprendre la vie


Ce film devrait plus que d’autres relancer l'intérêt pour cette science formidable mais souvent ignorée pour des motifs politiciens qu’est l’Éthologie. Le terme "éthologie" signifie étymologiquement « étude des mœurs ». Ce domaine, sous le nom générique, englobe surtout l'étude du comportement animal tel qu'il peut être observé chez l'animal sauvage ou domestiqué, dans son milieu naturel ou en captivité. L'éthologie humaine quitte le champ d'investigation des spécialistes de l'instinct animal pour décrire le comportement individuel et collectif. Il faut inclure dans cette signification l'étude comportementale des êtres humains et des relations homme-animal. L'éthologie se définit originellement comme l'étude des comportements instinctifs puis, actuellement, plus généralement, comme la biologie du comportement.

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Le plus célèbre des éthologistes est Konrad Lorenz. Il a popularisé l'éthologie dans des livres admirables, mais voilà il n’est pas politiquement correct. Konrad Lorenz, est un biologiste et zoologiste autrichien titulaire du prix Nobel de physiologie ou médecine. Lorenz a étudié les comportements des animaux sauvages et domestiques. Il a écrit des livres qui ont touché un large public tels que "Il parlait avec les mammifères", "les oiseaux et les poissons" ou "L'Agression, une histoire naturelle du mal". En 1940, il devient professeur à l'université de Königsberg où il occupe la chaire d'Emmanuel Kant. Il est mobilisé en 1941 dans l'armée comme médecin psychiatre et fait prisonnier par les Russes en 1944 puis déporté en Arménie soviétique jusqu'en 1948. Dans ses travaux ultérieurs, Lorenz se servira de cette expérience (enthousiasme nationaliste et constat des dégâts du lavage de cerveaux chez les allemands nazifiés et les russes communisés) pour élaborer une critique des dérives de l'instinct d'agression chez l'homme, de la psychologie de l'endoctrinement et du danger de celui-ci.


De 1949 à 1951, il dirige l'institut d'éthologie comparée d'Altenberg puis l'Institut Max Planck de physiologie comportementale (un des 80 instituts de recherche de la Société Max-Planck) de Buldern (1951-1954) puis celui de Seewiesen (Bavière) (1954). Il reçoit en 1973, conjointement avec Karl von Frisch et Nikolaas Tinbergen, le prix Nobel de physiologie ou médecine pour leurs découvertes concernant « l'organisation et la mise en évidence des modes de comportement individuel et social » ; il s'agit du seul prix Nobel jamais remis à des spécialistes du comportement. Leurs travaux constituent les fondements d'une nouvelle discipline de la biologie : l'éthologie.


Devenu humaniste et écologiste, il est cependant diabolisé


Konrad Lorenz fut membre du parti nazi à partir de 1938. Eugéniste, il fut également membre du « département de politique raciale » du parti, produisant conférences et publications. Adoptant pleinement l'idéologie nazie il écrivit, par exemple, dans une lettre à Oskar Heinroth, lors de la déclaration de guerre de la Grande Bretagne à l'Allemagne : « Du pur point de vue biologique de la race, c'est un désastre de voir les deux meilleurs peuples germaniques du monde se faire la guerre pendant que les races non blanches, noire, jaune, juive et mélangées restent là en se frottant les mains» . La controverse publique sur l'affiliation de Konrad Lorenz au parti nazi prit naissance lors de sa nomination pour le prix Nobel. Cette controverse porta sur un article publié dans le Journal de psychologie appliquée et d'étude du caractère (Zeitschrift für angewandte Psychologie und Charakterkunde) en 1940, « Désordres causés par la domestication du comportement spécifique à l'espèce » (Durch Domestikation verursachte Störungen arteigenen Verhaltens). Cet article fut publié dans un contexte de justification scientifique de restrictions légales contre le mariage entre Allemands et non Allemands. Jamais Lorenz ne cacha cette publication, il la cita abondamment et il reprit ces idées dans la plupart de ses livres. Il y développe le concept de l'auto-domestication de l'homme, soit que la pression de sélection de l'homme par l'homme aurait conduit à une forme de dégénérescence de l'espèce humaine dont les plus touchées sont les races occidentales. Les souches primitives étant celles qui ont été épargnées par cette dégénérescence.

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Il s'agit d'un article foncièrement anti-suprémaciste aryen. Cette publication lui retira toute possibilité d'une carrière politique et signa son abandon de tout contact avec la vie politique. Il dit à ce propos: « L'essai de 1940 voulait démontrer aux nazis que la domestication était beaucoup plus dangereuse que n'importe quel prétendu mélange de races. Je crois toujours que la domestication menace l'humanité ; c'est un très grand danger. Et si je peux réparer, rétrospectivement, l'incroyable stupidité d'avoir tenté de le démontrer aux nazis, c'est en répétant cette même vérité dans une société totalement différente mais qui l'apprécie encore moins. »


Ce fut le style de cet article, adoptant un ton délibérément politique et non scientifique, publié dans un contexte de haine raciale que les détracteurs de Lorenz soulevèrent. La remise du prix Nobel à Lorenz entraîna un grand remous dans la communauté des sciences humaines, en particulier au sein de l'école de behaviorisme américain. Le long combat que Lorenz fit contre les théories de cette école, sur les comportements innés et acquis, lui valut beaucoup d'ennemis. Notons, entre autres, l'article de Lehrman de 1953, dans Quarterly Review of Biology : « Une critique de la théorie du comportement instinctif de Konrad Lorenz » citant le caractère et les origines « nazis » des travaux de celui-ci qui démarra la guerre.

La controverse au sujet de l'article de 1940 prit véritablement racine après la publication dans Sciences en 1972 d'un discours prononcé au Canada par Léon Rosenberg, de la faculté de médecine de Harvard, et la publication par Ashley Montagu, un anthropologue opposé à la théorie des instincts de l'homme de Lorenz, de la conférence d'Eisenberg : « La nature humaine de l'homme ». Dans cette conférence, l'article de 1940 est critiqué comme s'il s'agissait d'un article à caractère scientifique et actuel. Il s'agit d'une demie-page (sur plus de 70) des pires passages politiques cités hors contexte et se terminant par : « Nous devons - et nous le ferons - compter sur les sentiments sains de nos meilleurs éléments pour établir la sélection qui déterminera la prospérité ou la décadence de notre peuple… ».

 
Si cette dernière proposition semble prôner un eugénisme nazi, l'affirmation que les meilleurs éléments ne sont pas nécessairement « aryens » et donc que certains devraient céder leur place à des représentants d'autres races, était totalement suicidaire à l'époque. Lorenz laisse sous entendre, dans sa biographie, qu’il fut mobilisé lors de la guerre germano-soviétique et envoyé sur le front de l'est pour cette raison.


Les médias s'emparèrent de ce scandale et le montèrent en épingle. Lorenz fut alors présenté comme un partisan pro-nazi. ….. Le mal absolu n’allait pas épargner l’éthologie. Les rapports avec les animaux, d’Alain de Benoist à Franz olivier Giesbert, sont de nouveaux d'actualité. L'éthologie devrait reprendre tout sa place,  sans occulter le travail de Lorenz, qui aurait aimé ce « dernier loup ».