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mardi, 12 novembre 2024

Le Grand Bleu, le film le plus profond

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Le Grand Bleu, le film le plus profond

par André Waroch

Luc Besson n’a pas toujours été cette odieuse caricature de notre époque, faisant assaut de bien-pensance à chacune de ses interviews. Il a commis, alors même qu’il était déjà au faîte de sa gloire, ce film prodigieux qu’est Le Grand Bleu. Prodigieux à plus d’un titre : d’abord parce que son succès est né d’un gigantesque malentendu, peut-être orchestré par un service com’ magnifiquement inspiré, qui aurait réussi à faire croire aux spectateurs qu’ils allaient voir une ode à la nature et à la mer avec des gentils dauphins qui nagent dedans.

Il se peut que personne, en réalité, n’ait compris ce film, et même que Luc Besson lui-même n’ait pas compris le film qu’il avait réalisé.

Le Grand Bleu n’est pas une ode à la nature, encore moins à la mer. La mer, dans le film, est ignoble, horrible. C’est un monstre, d’un bleu métallique quand on la voit depuis la terre, et d’un noir total dès qu’on y plonge un peu profond. Un monstre qui commence par emporter le père de Jacques Mayol sous les yeux de son fils encore enfant, lors d’une scène terrifiante, puis, à la fin du film, son meilleur et son seul ami. Et qui finit, selon toute vraisemblance, par l’emporter lui aussi. Les dauphins qui l’appellent dans ses hallucinations ne sont que l’autre visage de la mort et du suicide.

Jacques Mayol est un homme brisé, un homme dont l’âge socio-affectif a été arrêté vers dix ans, un homme dont le père est mort alors même que sa mère, dont on ne saura rien d’autre, était déjà définitivement partie dans son pays d’origine, les Etats-Unis. De l’autre côté de l’Atlantique…

A ce stade, on pourrait s’attendre à ce que la suite du film ne soit qu’une pleurnicherie pré-féministe, en mettant, à la place d’une femme aux cheveux gras et au regard vide jouée par Elodie Bouchez, un homme-victime pareillement penché sur son nombril, son passé et ses souffrances.

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Il n’en est rien. Absolument rien. Et, il faut rendre justice à Luc Besson, il déteste les pleurnicheries qui pleurnichent dans le vide pendant deux heures et demie. Il lui faut une histoire, un enjeu, de l’action. C’est son côté mec.

Celui qui va sauver l’histoire, celui qui, en réalité, enclenche tout l’histoire, c’est Enzo Molinari.

Enzo, qui a légué son prénom à une génération entière de beaufs français, est la caricature absolue du macho italien : c’est un colosse, sûr de lui, parlant très fort, aimant bien manger, bien boire et aimant les femmes. Mais tout cela, finalement, n'est que secondaire. Et cela pourrait même être ridicule et pathétique s’il n’y avait, au centre de cette identité masculine, ce qui constitue, plus que toute autre chose, la masculinité: l’esprit de compétition poussé jusqu’à son paroxysme, celui qui pousse les hommes à se mesurer entre eux pour savoir qui est le meilleur. Les plus masculins, les plus virils, les plus testostéronés d’entre eux, y sacrifient leur vie, qu’il s’agisse de leur vie privée, souvent catastrophique puisqu’ils la considèrent comme quelque chose de secondaire, ou de leur vie au sens littéral.

Jacques Mayol, à première vue, est le contraire absolu d’Enzo : il fuit le monde, il fuit les humains, il se réfugie dans l’illusion morbide qu’il pourrait un jour ne jamais remonter de ses escapades aquatiques. Il est timide, il parle doucement, n’ose pas conclure avec Rosanna Arquette qui n’attend que ça, puisqu’il n’a selon toute vraisemblance jamais eu aucune relation sexuelle. Normalement, un type comme ça est écrasé, humilié, balayé sans un regard et sans remords par les types comme Enzo.

C’est pourtant Enzo, qui n’a jamais oublié son ami d’enfance, qui vient lui-même le chercher, lors d’une scène centrale qui n’a pas été comprise comme telle, dans ce film que finalement, répétons-le avec insistance, aucune critique, aucun journaliste, aucun spectateur n’a compris.

Il ne vient pas le chercher pour lui demander ce qu’il devient, se remémorer les vieux souvenirs. Il vient le chercher pour lui proposer de participer au championnat du monde de plongée en apnée. Et, quand, Mayol lui demande pourquoi il fait ça, Enzo a cette réponse lumineuse, claire comme de l’eau de roche :

« parce que tu meurs d’envie de me battre ».

Voilà ce qui rattache Jacques Mayol au monde des hommes, au monde du masculin : l’esprit de compétition poussé jusqu’à ses dernières extrémités. Voilà pourquoi Enzo le respecte alors qu’il devrait le mépriser et l’écraser.

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Osons l’anachronisme : Le Grand Bleu est un film masculiniste, c’est-à-dire uniquement préoccupé par l’exploration de la psyché masculine. Les femmes, évidemment, sont présentes, puisqu’il n’y a pas de masculin sans féminin, de même qu’il n’y a pas de ying sans yang.

Il y a les vraies femmes : la mère d’Enzo, qu’on aperçoit à peine, et Rosanna Arquette, qui s’est entiché de Mayol. Elle est américaine, comme sa mère, énième fausse coïncidence de ce film aux profondeurs psychanalytiques. Et - beaucoup l’ont constaté mais aucun n’a osé l’écrire – son visage ressemble littéralement à celui d’un dauphin. Le dauphin au sens strict du terme, annoncé par la com’ de l’époque comme un personnage fondamental du film, n’apparait qu’épisodiquement, et toujours comme un symbole. Mais un symbole de quoi ?

Le dauphin, comme Rosanna Arquette, comme la mer (homophone de mère dans la langue natale Luc Besson), est la personnification de l’élément féminin. On ne le voit jamais lors des compétitions. Il apparait toujours quand cesse la lutte, quand disparaît le monde des hommes.

Il y a dans l’âme de Jacques Mayol deux pôles qui se battent pour la victoire. D’un côté, le pôle masculin, c’est-à-dire la lutte pour le titre de champion du monde, le nombre de mètres qui restent pour battre le record, la concentration, les chiffres, les muscles saillants sous l’écume. De l’autre, l’élément féminin, et c’est là que les choses se compliquent. Car deux éléments féminins se font face : d’un côté, le féminin positif incarné par Rosanna Arquette, sincèrement amoureuse, se projetant sincèrement dans un avenir amoureux avec un homme qu’elle espère arracher à ses démons intérieurs, et qui lui annonce qu’elle est enceinte de lui.

De l’autre côté, le féminin négatif, c’est-à-dire la mer, qui répétons-le, n’est en aucun cas présentée sous un jour favorable. Elle est une étendue bleue et noire, glacée, menaçante, impitoyable, et ne réserve en définitive que la mort aux hommes qui y plongent. Les dauphins ne sont que des faux amis, des sirènes dont la fonction est d’arracher Jacques au monde humain et de l’attirer dans les profondeurs glacées, c’est-à-dire vers la mort, ce dont on a confirmation définitive lors de la dernière scène, proprement terrifiante malgré la musique poétique d’Eric Serra.

Ainsi la mer aura tué le père de Jacques, puis Enzo, puis Jacques lui-même.

Alors pourquoi certains présentent-ils encore Le Grand Bleu comme « une ode à la mer » ?

20:25 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, luc besson | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 06 novembre 2024

Uranus, ou Pétain sauvé des eaux

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Uranus, ou Pétain sauvé des eaux

par André Waroch

Nous avions parlé récemment des films qui n'ont pas été compris - ou pas complètement compris - à leur époque, principalement en raison d'un manque de recul, ou d'une campagne de promotion trompeuse qui substitue l'idée du film au film lui-même.

Uranus appartient à une autre race de films : ceux que les journalistes et les critiques ont fait semblant de ne pas comprendre parce qu'ils contredisaient trop abruptement le politiquement correct, et qu'ils étaient produits et réalisés par des gens trop puissants et trop prestigieux pour qu'on puisse se permettre d'en appeler au scandale et au boycott. C'est le cas de Eyes wide shut de Stanley Kubrick. De Gran Torino de Clint Eastwood. Et d'Uranus de Claude Berri.

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Si on analyse à l'os, si l'on oublie la propagande de ceux qui ont voulu nous faire passer des vessies pour des lanternes, Uranus, adaptation très fidèle d’un roman de Marcel Aymé, n'est rien de moins qu'une réhabilitation du pétainisme, de la collaboration, et une condamnation ferme de l'épuration et, par-dessus tout, du parti communiste. Ce parti communiste qui profite de la situation d'exception qui prévaut dans l'immédiat après-guerre, alors que l'ancien régime est tombé et que le nouveau est en train de se mettre en place, pour éliminer la concurrence, en lançant des accusations de collaboration souvent fictives, quitte à envoyer des innocents en prison ou au peloton.

Qui pouvait se permettre de sortir un film pareil, à part Claude Berri, le dernier nabab du cinéma français, producteur et réalisateur, dont les trois derniers films mis en scène à ce moment (Tchao Pantin Jean de Florette et Manon des sources) sont trois triomphes, Claude Berri, juif victime des persécutions de l'occupant allemand ?

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Pour taper encore plus fort, il lance les plus grands acteurs du cinéma français à l'assaut de la citadelle du mensonge. Il s’agit tout simplement du casting le plus impressionnant de ces cinquante dernières années : Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Fabrice Luchini, Michel Galabru, Michel Blanc et Daniel Prévost, qui dit mieux ?

Ayant ainsi terrorisé d’avance les journalistes et les critiques, Berri peut laisser tranquillement et implacablement se dérouler l’histoire, qui apparaît comme un engrenage fatal ne pouvant aboutir qu’à son horrible et inéluctable dénouement.

Depardieu campe Léopold, un tenancier de bistrot, alcoolique jusqu'à l'extrême, véritable colosse, fort en gueule, sympathique et sans filtre : c'est lui qui va jouer, en quelque sorte, le rôle de bouffon du roi, qui non seulement sait tout -comme tout le monde- mais aussi dit tout, ce qui finira par lui coûter la vie.

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Luchini, à rebours des films médiocres de ces dernières années qui ne reposent trop souvent que sur sa propension au cabotinage, incarne Jourdan, un idéologue communiste, fanatique, rentré, glacé, ne rêvant que de censure, de terreur, d'emprisonnement des opposants politiques et de la future dictature du prolétariat. Il s’oppose en cela à Gaigneux (Michel Blanc), autre figure locale du PC, resté humain malgré tout.

Quant à Marielle, moins éclatant que d’habitude dans le rôle d’Archambaud, homme sobre et mesuré, il est le Français moyen de la bourgeoisie moyenne, pétainiste « comme tout le monde » pendant la guerre, voyant et entendant, avec un écoeurement qu’il n’arrive pas à dissimuler,  les vestes se retourner et les armes automatiques changer de main.  Comble du sacrilège anti-politiquement correct, il accepte de cacher chez lui de façon héroïque (c’est ainsi que le film le présente) Maxime Loin, ancien milicien, recherché par les autorités avec la certitude de finir devant un peloton d’exécution.

Brochard (Daniel Prévost, toujours formidable dans les rôles d’ordure) le troisième communiste, est un personnage plus ambivalent : véritable barbare qui crève les yeux des miliciens, mesquin et méchant au point de faire mettre Léopold en prison après l’avoir accusé gratuitement, pour se venger d’une humiliation, de cacher Maxime Loin, il accepte de tenir le bistrot pendant la détention de Léopold, à la demande celui-ci.

Ainsi, Claude Berri et Marcel Aymé (le roman et le film sont quasiment identiques) sauvent partiellement Gaigneux et Brochard, qui chacun à leur manière gardent intacte leur part d’humanité. Ils ne sauvent pas Jourdan, Jourdan qui refuse la vie, qui refuse la complexité de la vie humaine, qui veut l’écraser sous le dogme et l’idéologie.

Par contre, ils sauvent un autre idéologue fanatique, mais de l’autre bord, Maxime Loin, présenté comme un pauvre hère, victime de ses mauvais choix, qui aurait pu gagner, et qui n’a pas forcément tort, détestant d’ailleurs Pétain qui selon lui aurait fait perdre l’Allemagne. 

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Deux personnages apparaissent comme un peu au-dessus, ou à côté, de la mêlée: Watrin (Philippe Noiret, pour une fois supportable) étrange personnage, qui ne voit tous ces évènements que comme des espiègleries de la race humaine, qui s’affirme détaché de tout mais qui aide tout de même Archambaud à cacher Maxime Loin. Et Monglat (Michel Galabru) le notable suprême, le commerçant, guidé seulement par l’appât du gain et par une véritable perversité, le vrai chef de la ville, qui n’a aucune conviction particulière, mais qui a fait fortune en faisant affaire sans vergogne avec les autorités allemandes, malgré tout cela intouchable, plus puissant encore que les communistes, et qui fait assassiner Léopold par la gendarmerie après que celui-ci, dans une crise d’éthylisme, en réveillant toute la ville en pleine nuit avec un haut-parleur, ait révélé la vérité à son sujet.

Il était déjà stupéfiant que Marcel Aymé ose sortir un tel roman juste après la guerre. Il l’est, encore plus que Claude Berri, malgré son histoire personnelle, adapte son roman, sans l’édulcorer en rien, en 1990, en recrutant une telle équipe pour interpréter la galerie des personnages forgés par Aymé.

Nous vivons sur un mensonge, ou plutôt sur un catalogue de mensonges, sur une mythologie de mensonges, et cette mythologie a commencé à s’écrire pendant cette période de l’immédiat après-guerre, sous la plume des gaullistes et des communistes, paraphant ainsi un nouveau pacte de non-agression, sinon d’alliance plus ou moins occulte.

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mardi, 05 novembre 2024

Smile 2, dites cheese et mourez

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Smile 2, dites cheese et mourez

André Waroch

Le film d’horreur a trop longtemps été confisqué par des producteurs avides qui ne pensent qu’à créer des produits formatés pour les bandes d’ados qui fréquentent les salles obscures ; frayeurs attendues, procédés répétitifs, et schémas narratifs convenus dont s’était moqué Wes Craven dans Scream, mise en abime des films d’épouvante hollywoodiens.

L’intelligence diabolique de Smile II (dont le schéma narratif de base depuis le premier épisode est la malédiction qui se transmet par contagion, déjà vu notamment dans le très bon It follows) est de choisir un personnage principal dont on jurerait qu’il est effectivement confectionné par le service marketing pour attirer des bandes d’adolescents ; ce personnage principal est une star de la chanson, un mélange entre Lady Gaga, Miley Cyrus, Beyonce, Pink (rajoutez les noms que vous voulez). On la voit répéter ses chorégraphies en petite tenue en vue de sa prochaine tournée, aux côtés de sa mère qui la coache, de ses assistants gays et de ses danseurs.

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Mais, de même que la réussite d’Alien et la crédibilité d’un sujet à première vue abracadabrantesque était avant tout due au réalisme total avec lequel Ridley Scott filmait l’équipage du Nostromo avant tout contact avec la créature, de la même façon, Parker Finn installe la crédibilité de son film, avant l’apparition de tout élément surnaturel, en dépeignant le quotidien d’une popstar idole des jeunes exactement à l’inverse de la façon dont le service marketing le dépeindrait : Skye Riley (Naomi Scott, extraordinaire de vérité) mène une existence solitaire, sinistre, consacrée à un métier qu’elle n’a même pas l’air de vraiment aimer. Elle n’est pas encore remise, ni moralement ni physiquement, d’un accident de voiture qui s’est produit un an auparavant et qui a stoppé net sa carrière, alors qu’elle et son petit ami étaient camés jusqu’aux yeux. Le petit ami y est resté, Riley s’en est sortie avec de très graves blessures, de larges cicatrices qu’elle cache avec des vêtements ajustés, et des douleurs subites au dos qui la foudroient et la laissent exsangue. Pourtant, elle parait déterminée à opérer un come-back.

Cherchant des médicaments de nature à faire taire les douleurs dorsales qui troublent ses entrainements et pourraient gâcher son spectacle, elle va voir en cachette son ancien dealer. C’est lui qui va se suicider devant ses yeux, lors d'une scène absolument traumatisante, selon le même procédé déjà vu dans Smile I : le témoin du suicide se voit rongé par la même force qui a envouté le suicidé ; à partir de là, il ne lui reste que quelques jours à vivre, des jours peuplés de cauchemars, d’hallucinations de plus en plus horribles, avec toujours ce même terrible sourire arboré par des personnes réelles, ou par des personnes disparues, ou par des personnes réelles mais qui ne sont en réalité pas là du tout. Car, au fur et à mesure que le mal progresse, la victime ne sait plus ce qui relève de l’illusion et ce qui relève de la réalité.

Contrairement à It follows, où les non-envoutés finissent par constater l’existence des zombies invisibles qui poursuivent chaque nouveau condamné, et mis à part le mode de transmission et la chaîne de transmission, rien ne prouve jamais aux autres qu’il s’agit de quoique ce soit d’autre qu’une maladie mentale, voire d’une maladie tout court ; Maupassant, lui aussi, avait contracté une maladie qui lui provoquait des hallucinations, des phases délirantes, une perte de contact progressive avec la réalité, et qui finit par l’emporter, même s’il fallut quinze ans pour cela: la syphilis. Il se servit d’ailleurs de ces phases hallucinatoires pour mettre au point sa célèbre nouvelle Le horla, sa seule (ou quasi) incursion dans le domaine du fantastique (contrairement aux âneries inlassablement répétées à ce sujet). Maupassant tenta lui aussi de se suicider, avant d’être enfermé à l’asile et d’y mourir dix-huit mois plus tard.

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Il n’y a pas de fantaisie dans Smile II, pas de second degré, pas d’extravagance, pas de dérision. Le gore n’est utilisé que pour rendre la mort et sa violence aussi authentiques que possible. Ce réalisme total rend certaines scènes presque insoutenables. Il ne dessert pas l'horreur, il décuple son impact. Ce film, comme l'étrange virus dont il raconte la progression dans un cerveau humain, est un poison qui s’infiltre dans les fibres et les tripes du spectateur, un film hanté, un film qui rampe lentement, dans l’obscurité, jusqu’à son dénouement inéluctable.

Smile II, comme le I, mais avec plus d’âpreté, de virtuosité dans la mise en scène, avec une musique additionnelle plus travaillée et envoutante, et une actrice principale étourdissante, est un film sans issue, sans espoir, sans chaleur, mais dont le talent et l’inspiration habitent chaque plan.

Si Smile II mérite le titre de film d’horreur, c’est au sens de l’horreur de l’irruption de la mort, de sa monstrueuse fatalité, de sa logique impitoyable, dans la vie des vivants, de leurs espoirs, de leurs rêves. La mort qui applique son propre programme, sa propre logique, sans trier entre les bons et les mauvais, entre les stars et les anonymes, entre les vieillards et les belles jeunes femmes, entre ceux qui mériteraient de continuer à vivre et les autres. Et l'on ne peut s'empêcher de nouveau de penser à Maupassant : "La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable. Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. On ne peut ni l’arrêter, ni la changer, ni la comprendre. Et souvent une révolte indignée vous saisit devant l’impuissance de notre effort. Quoi que nous fassions, nous mourrons ! Quoi que nous croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous tentions, nous mourrons. Et il semble qu’on va mourir demain sans rien connaître encore, bien que dégoûté de tout ce qu’on connaît. »

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vendredi, 01 novembre 2024

Delivrance ou la mort du grand Pan

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Delivrance ou la mort du grand Pan

André Waroch

Le gauchisme n’a pas que du mauvais. Ainsi le mouvement soixante-huitard américain nous débarrassa-t-il du carcan puritain qui obligeait jusque là Hollywood à mettre en scène des héros au cœur pur défenseurs de la veuve et de l’orphelin. Les années soixante-dix vont réinventer le cinéma dans tous les domaines, avant qu’un nouveau puritanisme, le politiquement correct, ne prenne le pouvoir dans les années quatre-vingt. Entre les deux bien-pensances, dix ou quinze ans de films d’une audace incroyable, financés par des producteurs fous.

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Mais cette révolution n’a pas libéré que les « progressistes ». Ainsi verra-t-on surgir bon nombre de films réactionnaires, répressifs, héroïques, qui n’ont absolument rien à faire avec la morale de gauche, mais qui n’avaient pas non plus le droit d’exister sous l’ère John Wayne. Les films de Clint Eastwood ou ceux de Charles Bronson en sont un bon exemple, en particulier Un justicier dans la ville, où un bourgeois excédé se promène dans New-York, Magnum 357 dans la poche, et se met à flinguer à vue la racaille, dont une bonne moitié de Noirs.

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Où situer Délivrance ? Déjà, resituer le film dans l’œuvre de John Boorman, Nietszchéen par excellence, conservateur par essence, comme il le prouva ultérieurement avec La forêt d’émeraude, film-plaidoyer dénonçant la destruction de l’habitat naturel des indiens d’Amazonie (l’éradication de la nature, due à une conception desséchée du monde qui met l’humain et la rationalité au centre de tout, est de gauche par essence) ou la mise en scène des mythes arthuriens dans son fameux Excalibur.

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Délivrance met en scène quatre citadins voulant descendre le cours d’une rivière sauvage, alors que l’ensevelissement de ladite rivière et de l’ensemble de la vallée qui l’entoure par un lac artificiel est déjà programmée. Ces hommes vont rencontrer une population de rednecks oubliée, immensément arriérée, en sursis comme le pays qu’elle habite.

L’incontestable leader du groupe, c'est Lewis, Nietszchéen en acte, qui méprise la mollesse de son époque. Sûr de lui, bras musculeux en avant, il cherche l’authenticité et la vérité en voulant redevenir un homme des bois. Inversant le sens du « retour à la terre » prôné par les hippies pacifistes, il prône le recours aux forêts, en appelle à la violence rédemptrice, à la chasse et à la guerre à l’arme blanche, au combat régénérateur pour la survie dans une nature sauvage et indomptée.

Il y a Bobby, sorte d’antithèse de Ed, gras, méprisant, jugeant et mesurant tout ce qu’il voit à l’aune de la seule chose qu’il connaisse, la vie moderne. La nature n’est pour lui qu’un objet de consommation parmi d’autres, à part peut-être quand elle existe par elle-même, qu’elle n’est pas prévue pour le confort des humains, quand par exemple il s’agit d’une forêt primaire comme celle au milieu de laquelle ils vont naviguer. Dans ce cas très précis, la nature lui apparaît comme une anomalie à éradiquer, comme les Amérindiens encore païens sont apparus à ces authentiques fanatiques religieux qu'étaient les conquistadors. Bobby épouse totalement leur héritier, le fanatisme moderniste évangélisateur. Mais aucun mysticisme chez lui. Il vit, travaille et mange sans se poser aucune question, parfaitement à l’aise dans le monde urbain qu’il habite, et trouvant parfaitement normal que le monde se bétonnise peu à peu totalement.

Drew est une sorte de scout, macroniste avant la lettre, jouant de la guitare, portant sur tout ce qu'il voit un regard candide. Un peu comme Bobby, mais dans un autre style, il croit à la démocratie, à la civilisation.

Quant à Ed, il est finalement le plus subtil, le moins caricatural des quatre, trimbalant sa pipe en promenant sur toute chose un regard songeur et contemplatif. Les trois autres, en réalité, représentent les trois tendances de son esprit indécis. Ed est tiraillé entre l’appel de la forêt et le confort de sa petite vie. Il n’est pas fixé. Il se cherche.

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L’opposition la plus frontale, sur le plan philosophique et humain, a lieu entre Lewis et Bobby. Comme à l'occasion de ce mini-dialogue entre les deux personnages après une descente de rapides particulièrement musclée :

- On l’a vaincu, Lewis ! On a vaincu cette rivière !

- Non, répond Lewis, elle est invincible.

Dans l’euphorie de ce qu’il considère comme une victoire sur une nature encore vierge et non domestiquée, Bobby cherche à créer une camaraderie de vainqueurs entre lui et son co-pilote de canoé. Lewis, en une réponse définitive, lui signifie là où vont ses allégeances, établissant ainsi entre eux deux une séparation et une hostilité difficilement surmontables.

Puis, lors d’une scène qui appartient à l’histoire du cinéma, Ed et Bobby, ayant fait halte sur les berges en pleine forêt vierge, se font agresser par deux autochtones menaçants et armés, surgis d’on ne sait où. L’un deux finit par violer le gros Bobby sous les yeux de son ami, avant de se faire tuer d’une flèche par Lewis arrivé à la rescousse, pendant que l’autre parvient à s’enfuir.

Ces deux autochtones, bien que revêtant le même aspect pouilleux, brutal et dégénéré que les autres habitants de la vallée rencontrés par le groupe avant de commencer la descente de la rivière, n’apparaissent pas une seule fois avant cette scène et disparaissent totalement par la suite. Personne ne saura jamais qui ils sont, d’où ils viennent, ni s’ils avaient prémédité leur crime.

Rien de moins anecdotique, en réalité, que cette histoire racontée par Boorman. Tout y est message, tout y est symbole, tout y est de l’ordre du subliminal. Et rien de moins gratuit que ce viol ignoble commis par deux êtres surgis du néant.

Boorman, rompant avec toute la tradition chrétienne et occidentale, met en scène, de la manière la plus délibérément radicale, la vengeance de la nature, de la nature qui s’apprête à être souillée une fois de plus. Elle envoie pour cela deux fantasmagoriques hommes des bois, représentants d’une population ancienne, présentée comme primitive et consanguine, mais qui aura pourtant réussi à vivre pendant plusieurs siècles au coeur d’une gigantesque étendue sauvage sans jamais avoir l’idée d’y construire des hôtels, des banques et des supermarchés. Et cette vengeance s’exerce sur le plus parfait représentant de la bonne conscience éradicatrice occidentale.

Après ce viol, les quatre hommes ont une âpre discussion, et, sous l'impulsion de Lewis, décident de ne pas prévenir la police et d'enterrer le corps, sachant que la vallée est sur le point d'être inondé et que personne ne le retrouvera jamais.

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S'ensuit une scène qui, si on s'en tient à la simple rationalité du récit, n'a absolument aucun sens : les quatre hommes, de manière totalement absurde, sans aucun motif, déplacent le corps à plusieurs dizaines de mètres de là, ahanant et trébuchant, alors qu'ils auraient très bien pu l'enterrer sur place.

Boorman veut tourner cette scène parce que, consciemment ou inconsciemment, il veut filmer cet incroyable tableau qui montre Ed, Lewis, Bobby et Drew transporter leur victime suppliciée, les bras en croix.

C'est en réalité, à un véritable rituel auquel on assiste. Et, comme chacun le sait, ou comme le savent ceux qui ont déjà assisté à des cérémonies funèbres, quatre est le nombre règlementaire des proches chargés de porter le cercueil du mot.  

Mais qui est celui qu'on on enterre ? Qui est-il réellement ?

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Voilà, à mon sens, l'ultime vérité de ce film : cet homme n'est pas un homme. Il est la personnification de la nature sauvage et indomptée. Cet homme, c'est Pan, le dieu de la nature chez les grecs, d'une laideur inouïe, obsédé sexuel, qui rôdait par les campagnes et les bois, Pan qui poursuivait ses victimes pour les violer. Pan, le seul dieu de la mythologie grecque qui soit mort, sous la plume de Plutarque.

C'est donc en 1972, sous l'oeil de la caméra de John Boorman, que que le grand Pan fut assassiné une seconde fois par des citadins en week-end, dans une des dernières forêts primaires des Etats-Unis, qu'il y fut enterré, que sa tombe fut ensuite recouverte par d'infinies trombes d'eau, et que la nature sauvage disparut définitivement. Ad maiorem Dei gloriam.

 

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samedi, 19 octobre 2024

Parution du numéro 477 du Bulletin célinien

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Parution du numéro 477 du Bulletin célinien

2024-10-BC-Cover.jpgSommaire :

Entretien avec Émile Brami 

Céline vu par un oxfordien. Une lecture de Guerre 

Un poème de Charles Bukowski sur Céline 

Dans la bibliothèque de Céline. Ouverture 

Philippe Sollers, un an déjà…

 

Voyage au cinéma ?

En février dernier, François Gibault confia, lors d’une conférence sur Céline à la Médiathèque d’Enghien-les-Bains qu’une adaptation cinématographique de Voyage au bout de la nuit allait peut-être apparaître sur le grand écran¹. Il n’en dit pas davantage (le contrat n’était pas encore signé), mais indiqua néanmoins qu’il avait été approché par une importante société cinématographique ayant les moyens de concrétiser le projet. Un site américain² a récemment révélé de quoi il retourne, le contrat ayant été versé au registre des options du C.N.C. (Centre national du cinéma)³. Le jour même, l’info a été relayée en France où la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre.
 

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Cela fait des décennies qu’un projet d’adaptation de Voyage est dans l’air. “…Projet mirifique, éternel film fantôme qui, sorte de monstre du Loch Ness en celluloïd, resurgit périodiquement” 4. Dès 1934, Céline lui-même s’employa vainement à le faire aboutir. Tous les projets firent long feu, le dernier en date étant celui de François Dupeyron (1950-2011). La singularité de la nouvelle tentative est qu’elle émane de Joann Sfar (photo, ci-dessous), issu d’une famille juive sépharade du côté paternel, et d’une famille ashkénaze du côté maternel. 

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Lorsqu’il était adolescent,  ce dessinateur et réalisateur lut Voyage au bout de la nuit avec ferveur avant de connaître la biographie de l’auteur. « Vous pouvez imaginer à quel point ma vie a été compliquée plus tard. J’ai un rapport passionnel et conflictuel à Céline pour des raisons évidentes », a-t-il confié. D’autant qu’il fait de sa judéité l’un des thèmes de son œuvre. Il définit Voyage comme « un ouvrage où se produit un glissement inéluctable de la lucidité au nihilisme. Toboggan vers l’indifférence au massacre [sic] »
 

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Les producteurs seront, d’une part, son associé Aton Soumache (The Magical Society) et, d’autre part, Alain Attal (Trésor Films). Cela fait plus de quinze ans que Joann Sfar nourrit ce projet mais c’est sa récente rencontre avec Thomas Bidegain, scénariste des films de Jacques Audiard, qui a été décisive. Les droits d’adaptation sont naturellement limités dans le temps : Sfar a trois ans pour achever le scénario et commencer le tournage. Comme on s’en doute, ce ne sera pas chose aisée : le scénariste souligne la complexité de l’adaptation due notamment à la structure particulière du roman ainsi qu’à sa langue.
 

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Tous deux entendent donner “une approche personnelle et fascinante restituant toute l’intensité et la complexité d’un roman qui explore les affres de l’âme humaine sous le prisme de la guerre  et  de la misère sociale”. Dans un message posté sur les réseaux sociaux, l’auteur du Chat du rabbin précise : « J’ignore encore si nous parviendrons à sauter tous les obstacles vers l’aboutissement de ce film. Merci par avance à ceux qui me souhaitent le pire, ça fait partie du jeu. Attendez que ce film sorte pour le haïr, ce sera plus agréable pour vous comme pour moi. » Michel Audiard, lui, estimait que, finalement, il était heureux que son projet d’adaptation n’ait pas abouti : « La littérature à ce niveau-là, on ne peut que saloper le coup. »
  1. 1) M.L., « Année faste », Le Bulletin célinien, n° 460, mars 2023, p. 3.
  2. 2) Elsa Keslassy, « Joann Sfar, Thomas Bidegain to Adapt Journey to the End of the Night for the Big Screen With Aton Soumache, Alain Attal Producing », Variety.com, 9 septembre 2024.
  3. 3) https://rca.cnc.fr/rca.frontoffice/consultation/oeuvre/367b0eaa-bea1-440d-aef2-08dc91fcfc53
  4. 4) Émile Brami, Louis-Ferdinand Céline et le cinéma (Voyage au bout de l’écran), Écriture, 2020.

mercredi, 14 août 2024

Quand les films deviennent des mythes - "Die Nibelungen" de Fritz Lang a 100 ans

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Quand les films deviennent des mythes

"Die Nibelungen" de Fritz Lang a 100 ans

Avec "Hagen", Constantin Film propose une nouvelle interprétation de la Chanson des Nibelungen, mondialement connue, sous forme de série en six épisodes sur RTL. Joachim Paul souligne dans son commentaire pour le magazine allemand Freilich que cette production devra effectivement être comparée à l'art cinématographique d'une autre époque.

par Joachim Paul

Source: https://www.freilich-magazin.com/kultur/wenn-filme-zum-mythos-werden-100-jahre-fritz-langs-die-nibelungen

La chaîne RTL annonce pour fin 2024 une "nouvelle interprétation de la Chanson des Nibelungen, mondialement connue". La série en six épisodes est "spectaculaire", "on plonge dans l'univers de l'épopée fantastique", elle est "riche en images" et les acteurs offrent une "performance impressionnante". On parle déjà du "Game of Thrones" allemand. De nos jours, ceux qui utilisent des adjectifs aussi ostentatoires pour leurs relations publiques doivent effectivement être comparés à l'art cinématographique d'une époque. Et aujourd'hui encore, on ne peut pas passer à côté de "Die Nibelungen" de Fritz Lang.

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Lorsque l'on entend le nom de Fritz Lang (1890-1976), la première chose qui vient à l'esprit est probablement les affiches Metropolis, toujours très populaires, qui sont accrochées sous toutes les formes dans les chambres d'adolescents, les palais du cinéma, les restaurants rapides ou qui enrichissent les collections d'affiches. En revanche, il est peu probable que les collectionneurs aient vu le film de Fritz Lang du même nom, sorti en 1927. Il en va de même pour le méchant "Dr. Mabuse", qui est encore connu de la vieille génération. Il est lui aussi le fruit de la grande créativité de Lang. Le réalisateur autrichien, qui a ensuite obtenu la nationalité allemande et, après son émigration en 1939, la nationalité américaine, a été le premier à fixer sur celluloïd ce personnage de roman fabuleusement maléfique. Et le film parlant de Lang, "M", sorti en 1931, fait partie des 100 meilleurs films de tous les temps (à la 6ème place), selon les professionnels français du cinéma.

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Mais le réalisateur est surtout inoubliable pour son épopée en deux parties "Les Nibelungen", dont la première a eu lieu il y a 100 ans, le 14 février 1924 (première partie "Siegfried") et le 26 avril 2024 (deuxième partie "La vengeance de Kriemhild") au UfA-Filmpalast am Zoo à Berlin.

L'épopée héroïque allemande

Lang a créé un film qui rendait un hommage cinématographique à l'épopée héroïque écrite en moyen haut allemand du 12ème siècle. Dans la première partie, il a montré les exploits du personnage principal, Siegfried, jusqu'à son assassinat lors d'un complot à la cour de Worms. Son adversaire borgne, Hagen von Tronje, était connu dans le monde médiéval comme un guerrier à la fois sombre et grand. Le roman de Wolfgang Hohlbein "Hagen von Tronje", paru en 1986, le mettait en scène en tant que maître stratège de la cour de Worms. La série de RTL devrait s'inspirer de ce roman.

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Malheureusement, le gouvernement du Land de Rhénanie-Palatinat ne veut pas profiter de l'occasion pour faire la promotion du pays des Nibelungen. En réponse à ma grande question parlementaire (imprimé 17/13988), il a répondu : "Le gouvernement du Land n'a pas pris contact avec les responsables de l'adaptation cinématographique et de la réinterprétation de la légende des Nibelungen sur la base du roman 'Hagen von Tronje' de Wolfgang Hohlbein". Pourtant, l'image fixe de Siegfried terrassé par la lance de Hagen montre à quel point les scènes de film peuvent être iconiques.

Un morceau particulier de l'histoire du cinéma

Même ceux d'entre nous qui limitent considérablement leur consommation de télévision pour des raisons politiques sont aujourd'hui victimes des habitudes de visionnage modernes. Aujourd'hui, les coupes rapides, les images de synthèse et les effets sonores spectaculaires sont monnaie courante, ce qui nous fait parfois trouver ennuyeux les films en noir et blanc de l'époque du cinéma parlant. Il est donc difficile de comprendre aujourd'hui pourquoi le film muet "Les Nibelungen" a tant marqué l'histoire du cinéma moderne.

Pourtant, ce film en deux parties a établi de nouvelles normes esthétiques et techniques qui ont déterminé le succès ou l'échec d'un film pendant des décennies. Le film doit sa célébrité à son architecture monumentale et stylisée, à ses effets de lumière impressionnants pour un film en noir et blanc et à une scène de combat finale de 45 minutes à laquelle personne ne survit.

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Les "Nibelungen"

Le film allemand le plus cher à ce jour a été un énorme succès, ce qui n'était pas du tout prévu à l'avance en ces temps incertains de la République de Weimar, avec l'hyperinflation comme toile de fond. Tourné pendant près de deux ans, de 1922 à 1924, ce film épique réunit également ce que nous attendons encore aujourd'hui d'un bon film : une performance supérieure à la moyenne des acteurs, un suspense digne de ce nom, une histoire captivante, une technique convaincante, en particulier une nouvelle technique de trucage, des scènes de foule crédibles et des constructions monumentales qui exprimaient presque une volonté de style de la cour de Worms. Cela vaut également pour les costumes, qui s'inspirent des images de Carl Otto Czeschka, qui a réalisé en 1908 le livre de Franz Keim Die Nibelungen. Reconstruit pour le peuple allemand.

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Une œuvre familiale

La scénariste Thea von Harbou, que Lang a épousée l'année même de la production, avait conçu dès le départ "Les Nibelungen" comme un film en deux parties. La durée totale d'environ 2,5 heures aurait difficilement pu être réduite à un film d'une demi-durée. L'approche consistant à porter à l'écran l'ensemble du mythe des Nibelungen sous la forme d'un drame du destin, plutôt que de mettre en lumière des destins individuels, s'est avérée payante. Gottfried Huppertz a composé une musique de film monumentale spécialement pour l'épopée - ce qui n'allait pas non plus de soi pour les films muets, car la musique de film était souvent considérée comme un simple fond sonore.

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Que reste-t-il ?

En 1966, un remake en deux parties a été réalisé, le film allemand le plus cher de l'après-guerre, avec de nombreuses stars connues dans les films de Karl May, Edgar Wallace ou Dr Mabuse, comme Karin Dor, Terence Hill ou Dieter Eppler. Mais jusqu'à présent, aucune production n'a réussi à rendre justice à notre épopée nationale comme "Les Nibelungen" de Lang. Car Lang a tourné en ayant conscience de l'importance du mythe pour le peuple et la culture. La première chose que le public a vue était en effet la dédicace "Dem deutschen Volke zu eigen".

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A propos de l'auteur :

Joachim Paul est député du Landtag et porte-parole du groupe parlementaire de l'AfD pour les politiques de l'éducation, des médias et du numérique.

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jeudi, 01 août 2024

« Civil War »: comment Hollywood et Biden préparent les Américains à la guerre civile à venir

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« Civil War »: comment Hollywood et Biden préparent les Américains à la guerre civile à venir

Alexander Markovics

Source: https://www.geopolitika.ru/de/article/civil-war-wie-hollywood-und-biden-die-amerikaner-auf-den-kommenden-buergerkrieg-vorbereiten

« La liberté plutôt que la démocratie ! » - comment l'État profond prépare les Américains à la guerre civile

"Êtes-vous prêts à préférer la liberté à la démocratie ? Voilà ce qu'est l'Amérique !"

- ce qui ressemble aux paroles du leader d'un parti de guerre civile, a été prononcé par le président américain Joe Biden devant les partisans de son parti démocrate à Philadelphie le 18 avril. Et il ne s'agit pas d'un cas isolé : si l'on observe la culture pop américaine de ces dernières années, mais aussi de nombreux livres publiés par les milieux mondialistes ainsi que les médias américains, on peut avoir l'impression que la « moitié gauche du royaume » américain n'est pas intéressée par une passation de pouvoir pacifique et qu'elle prépare une guerre civile pour se maintenir au pouvoir. Plus de quatre ans de Joe Biden ont laissé le pays dans un état désastreux: la situation à la frontière avec le Mexique, l'immigration de masse et l'escalade de la criminalité, l'effondrement des infrastructures, la crise des opiacés, les guerres interminables en Ukraine et au Proche-Orient, une justice politisée qui ne rend plus la justice, mais aussi l'obsession du genre, entre autres, ont mis les Etats-Unis, autrefois une nation fière, dans une situation difficile et l'ont profondément divisée. Ce n'est pas un hasard si Donald Trump est toujours en tête des sondages, même après les jugements prononcés contre lui. On a l'impression que l'État profond commence à préparer ses citoyens à l'inimaginable en le rendant lentement envisageable: la guerre civile.

Civil War - un film de programmation de l'opinion publique américaine

Civil War - un nouveau film du réalisateur britannique Alex Garland, ou plus précisément une coproduction américano-britannique, sort sur les écrans à un moment où les États-Unis sont plus divisés que jamais. Dans ce film, une guerre civile éclate après qu'un président facilement identifiable comme l'alter ego de Donald Trump a effectué un troisième mandat anticonstitutionnel pour dissoudre le FBI et a fait bombarder les États séparatistes de Californie et du Texas, qui ont marché ensemble sur le Texas pour mettre fin aux agissements de ce qu'ils considèrent comme un tyran.

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Le spectateur suit les événements à travers les yeux d'un groupe de reporters de guerre qui documentent la folie de l'Amérique déchirée par la guerre. Les scènes sont très variées: des pillards torturés, des combats où personne ne sait qui tire sur qui et pourquoi, pour finalement aboutir à un escadron de la mort loyal au président qui liquide tous ceux qui ne sont pas nés aux États-Unis. Ce qui peut être lu par endroits comme une parabole de la couverture médiatique occidentale de la guerre au Moyen-Orient et dans le reste du monde - une jeune Américaine se fait exploser dans un centre de distribution de nourriture en se faisant passer pour une kamikaze, un drapeau américain à la main - se révèle assez rapidement être un fantasme de vengeance mondialiste, à la fin duquel les chars Abrams des États séparatistes prennent d'assaut la Maison Blanche et le président gémit pour sa vie avant d'être exécuté par une femme soldat noire qui ne sourcille même pas.

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Ce que les images semblent vouloir susciter chez le spectateur, c'est l'idée que « Trump et tout ce qu'il symbolise doivent mourir » ! Compte tenu de l'ambiance surchauffée aux États-Unis et de la polarisation du pays de plus en plus poussée par l'administration Biden, il est difficile de croire que ce film est un « accident » artistique qui ne relève pas d'une programmation politique. « Civil War », on a l'impression, semble être un film de programmation de l'opinion publique américaine pour accepter une guerre civile inéluctable.

« Le cycle électoral de 2024 deviendra l'événement clé de la violence potentielle ».

Du côté de l'État, la préparation à la guerre civile est également en cours. Dans ses perspectives pour 2024, le ministère américain de la sécurité intérieure (Department for Homeland Security) indique que le cycle électoral de 2024 pourrait être l'événement clé d'une éventuelle violence. Selon des sondages réalisés en 2022 par le magazine The Economist et la plateforme YouGov, plus de 40% des Américains sont convaincus qu'une guerre civile est probable ou très probable dans les dix prochaines années. Près d'un Américain sur quatre se prononce en faveur de la sécession de son État, cette idée étant la plus populaire au Texas, en Alaska et en Californie.

Le cœur du conflit: le Grand Réveil contre le Great Reset

Le cœur politique du conflit peut certes être grossièrement réduit à la lutte globale entre les forces qui soutiennent le Grand Remplacement et donc la mondialisation (les mondialistes, soit les démocrates aux Etats-Unis) et les partisans du Grand Réveil des Peuples (les patriotes, les républicains).

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Ce n'est pas un hasard si des penseurs mondialistes comme la politologue américaine Barbara Walter, dans son livre « How Civil Wars starts » (Comment commencent les guerres civiles), parlent d'un « mélange toxique de théories du complot, de milices armées, de tribalisme culturel, de polarisation et d'extrémisme politique » qui conduit les gens à souhaiter la fin de la société (post)moderne afin de pouvoir construire une nouvelle société. On peut certes répondre à cela qu'il existe aux Etats-Unis une pratique de conspiration des élites mondialistes contre leur propre peuple (des guerres perpétuelles de l'Empire américain à l'immigration de masse, en passant par l'obsession du genre et la politique du COVID) et que celui-ci sera conduit à l'abattoir par ces mêmes élites si elles ne s'y opposent pas. Jusqu'à présent, ce conflit s'est déroulé de manière pacifique aux États-Unis de la part des partisans du Grand Réveil - mais que se passera-t-il si les élites elles-mêmes recourent à la violence ?

Pas Nord contre Sud, mais ville contre campagne : pas de guerre civile comme au 19ème siècle

Si vous pensez à la guerre civile de 1861-1865 aux États-Unis, avec des lignes de front clairement définies entre le Nord et le Sud, vous n'avez pas besoin de remonter très loin dans le temps pour imaginer à quoi ressemblerait une deuxième guerre civile américaine: ce sont les événements qui ont suivi la mort du trafiquant de drogue George Floyd à l'été 2020 et qui ont défié l'État américain, alors encore dirigé par Trump, par des attaques massives contre la police. Suivant le modèle des révolutions de couleur en Europe de l'Est et au Moyen-Orient, les États-Unis ont connu pour la première fois des émeutes civiles qui ont transformé certaines régions du pays en une réplique de l'Irak en ruines.

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C'est également la première fois que les antifascistes cagoulés de noir sont apparus aux États-Unis de la même manière que le phénomène que nous connaissons en Europe. On pourrait également assister à des scènes comme celle du 6 janvier 2021, lorsque des partisans de Trump en colère ont protesté contre le vol de l'élection par les démocrates, sauf que cette fois-ci, le président en exercice Joe Biden pourrait ne pas vouloir permettre une passation de pouvoir pacifique avec Trump. Un tel scénario, qui dégénérerait ensuite en conflit armé entre les partisans de Trump et ceux de Biden, ne connaîtrait donc pas de fronts clairs comme au 19ème siècle: la guerre s'orienterait plutôt vers les oppositions ville/campagne et centre/périphérie.

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Par exemple, dans l'État du Maine, sur la côte est des États-Unis, la côte très peuplée a voté majoritairement pour Biden en 2020, tandis que l'intérieur du pays, moins peuplé, a voté Trump, remportant ainsi l'État pour les républicains. Un tel conflit serait extrêmement chaotique et ne pourrait être résolu que par l'intervention d'unités de l'armée américaine ou de la Garde nationale, l'armée propre à chaque État, à condition qu'elles ne se soient pas dissoutes et organisées d'une autre manière d'ici là.

De sombres perspectives pour l'avenir des États-Unis: les États d'Amérique divisés

Ainsi, quoi qu'on en dise, il semble qu'une guerre civile planifiée de longue date se prépare aux États-Unis. Alors que la cause semble être le désir des élites mondialistes d'empêcher une révolution pacifique contre le Grand Remplacement au cœur du mondialisme, les prochaines élections américaines semblent être le déclencheur prévu de la guerre. Des produits culturels comme le film « Civil War » ne sont pas seulement une conséquence de l'ambiance polarisée dans tout l'Occident et aux États-Unis en particulier, mais font partie d'une programmation qui prépare les Américains à l'éventualité d'une guerre civile tout en les poussant dans cette direction. L'escalade constante de la lutte entre les partisans du Grand Remplacement et ceux du Grand Réveil est provoquée par l'État profond aux États-Unis, précisément par le marécage que Trump n'a pas réussi à assécher pendant son mandat; cela semble rendre la guerre civile de plus en plus inévitable. On pourrait souhaiter aux Américains qu'un tel scénario apocalyptique, que leur gouvernement a provoqué dans de nombreux pays à travers le monde au cours des dernières décennies, ne se produise pas, mais à Washington, on semble avoir d'autres plans pour l'avenir des États-Unis.

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mardi, 04 juin 2024

Orson Welles et sa fonction américaine très spéciale

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Orson Welles et sa fonction américaine très spéciale

Nicolas Bonnal

Je ne veux pas déboulonner une idole, mais simplement rappeler des faits. Je sais que je pourrais choquer, mais comme je ne lis jamais les commentaires… De toute manière je considère que l’individu génial, baroque, était plus intéressant par sa culture, ses facéties, son côté gauchiste caviar et Pantagruel d’opérette que le cinéaste. Lui-même reconnaissait ses maîtres (Ford, Griffith, Eisenstein…).

Orson Welles est un acteur-marionnettiste (activité symbolique et traditionnelle...) de formation, un agitateur qui vient de l’extrême-gauche américaine (qui a pris dans les années trente et quarante le contrôle de ce pays par le théâtre) et crée un Macbeth avec John Houseman (affairiste marxiste et prof de théâtre, très bon trente ans après dans le rôle de l’oligarque de service de Rollerball) et des acteurs afro-américains. Sa légendaire émission sur la guerre des mondes accompagnait une grosse campagne antinazie en Amérique. A l’époque, rappelle le grand historien communiste Eric Hobsbawn, 90% des Américains croient à la menace allemande… en 1938 donc, contre 11% qui croient à la menace stalinienne. Bravo les médias. A la fin de la guerre, en un claquement de doigts, on créera la menace soviétique-russe, dont on ne sortira que les pieds en fumée ! Bravo encore les médias.

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Le très surfait Citizen Kane (lisez l’analyse de Jacques Lourcelles ou celles de Pauline K.) attaque la presse Hearst qui est jugée pro-allemande par le département d’Etat. Le reste c’est du Rosebud, c’est-à-dire pas grand-chose ! Le mystère d’une vie comme celle de Hearst, tu parles… Citizen Kane est un brouillon de biopic, il n’y a que le documentaire du début qui tienne la route. Kane-Hearst y est ridiculisé comme pacifiste pro-hitlérien alors que l’équipe Roosevelt prépare la guerre depuis le milieu des années trente aux côtés des britanniques (lisez Ralph Raico, Beard, Rothbard, etc.)

Orson Welles est ensuite payé comme un agent gouvernemental (le gouvernement US est alors encore procommuniste, lisez George Crocker) pendant tout ce temps, cinéaste provocant mais raté qui multiplie les échecs commerciaux et les provocations formelles : lisez Pauline Kael qui en avait marre du culte, et puis Ciment qui tente de lui rétorquer, avant que Lourcelles ne remette tout le monde à sa place. Skorecki le décrétait baroque : trop d’effets théâtreux… Catherine Benamou dans son livre sur l’odyssée latino-américaine de Welles explique que sous couvert culturel (comme toujours), Welles travaille pour l’intelligence américaine, ni plus ni moins. Hollywood et la CIA : on en a parlé dans notre livre sur la comédie musicale, de cette opération de charme avec les latinos dont bénéficia surtout l’incroyable Carmen Miranda – qui était portugaise… Welles déclina ensuite car en temps de guerre froide il fut jugé trop à gauche. Il chercha l’argent du contribuable-producteur en France – comme tant d’autres après lui.

Avec beaucoup de retard, Wikipédia raconte ses exploits de propagande pendant la guerre. On sait (ou on croit) que l’Amérique du Sud a des penchants nazis suspects (en fait elle est surtout anglophobe et anti-impérialiste, à part Borges…), alors on utilise la carotte avec le bâton pour la ramener dans le camp du bien. Welles est envoyé là-bas, il travaille main dans la main avec Nelson Rockefeller qui tient le Venezuela, a appris l’espagnol et s’est acheté une somptueuse hacienda.

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Puis Welles rentre au bercail, continue des œuvres de propagande, comme ce Stranger, film ridicule qui évoque un nazi tueur qui arrive en Amérique pendant la guerre, se marie sans encombre mais n’est pas pris pour un nazi, sauf par un chasseur de nazi (Ed Robinson) ! C’est du maccarthysme à l’envers, mais qu’est-ce que c’est mal fait… Quelques années après, la chasse aux sorcières communistes commence et Welles évidemment pleure toutes les larmes de son corps. Il ne comprend pas que l’Etat profond orwellien a besoin de son ennemi russe. On répète Orwell encore et toujours : on crée un ennemi qu’on ne cherche JAMAIS à vaincre, mais qui justifie tout le reste, dépenses militaires, panique manipulée, paranoïa collective et surtout renforcement étatique ; les masses suivent ensuite ou roupillent, merci La Boétie.

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Quand Truman invente le péril soviétique (lisez l’historien disparu Ralph Raico à ce sujet, lisez aussi le fasciste américain Yockey qui en devenait presque russophile !), Welles perd ses jobs. La dame de Shanghai (a-t-on le doit de dire enfin que ce navet est pathétique ? « I don’t want to die ! ») le coule définitivement aux yeux des studios et il part ailleurs, recherchant difficilement de l’argent et en tournant le rôle du méchant (Cagliostro, le grand khan…) dans beaucoup de navets mondialisés. Voyez La tulipe noire d’Hathaway. Ma bonne ville de Fès y devient une capitale chinoise ! Il apparaît  en Bayan-Khan quelques minutes à cheval pour sonner des conseils de guerre aux Occidentaux. De quoi se remettre à René Grousset…

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Son Othello est scolaire et amusant (Mogador-Essaouira en est le vrai personnage), mais certainement au-dessous de Laurence Olivier, sa Soif du mal est un scandale pédagogique bien dans sa manière provocante : on se croirait chez Joe Biden. La police américaine et les Américains ont tous les torts, le haut fonctionnaire mexicain tiers-mondiste a toutes les vertus, mais il est joué par un Américain nommé Charlton Heston ! L’attentat est maquillé, et cela rend le film intéressant puisqu’on se rapproche des visions actuelles de la conspiration et du False Flag qui est maintenant sur toutes les langues. A noter que le monstrueux inspecteur Hank Quinlan (Welles fait même allusion à son obésité, et il joue déjà à la Godard sur la mort du cinoche et sur son culte nostalgique – voir le personnage vétuste et malsain de Marlène Dietrich) a toutefois raison et que le jeune Mexicain arrêté était vraiment un… terroriste ! Une séquence soigneusement ignorée annonce Psychose : un jeune débile travaille dans un motel, joué par Dennis Weaver, singé par Perkins ensuite (voyez mon Hitchcock).

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La suite est européenne. Mr Arkadin est décalé, jet set, bavard, conspiratif et provocateur (enquêtez sur moi, montrez le monstre que je suis…) et Welles joue d’Arkadin comme de Kane dans Citizen. Le personnage devient une manifestation plutonienne de l’entropique monstruosité américaine. Kane montrait le devenir spectaculaire du capitalisme américain (« le capital est devenu image », dit Guy Debord). Un spectacle avec rien derrière, des cadavres derrière le rideau. Le procès/The Trial (1963) devient une allusion à la shoah et à la guerre, avec les bons éclairs : les décors de Zagreb et notre belle gare d’Orsay transformée depuis en musée. Mais qu’Anthony Perkins est à la peine…

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Welles poursuit sa carrière crevée, devient « auteur » mythique à l’âge zombi de la cinéphilie universitaire (« Fin de l’Histoire… du cinéma, Tolstoï a expliqué comment l’étude et la critique tue les arts), et il réalise ce qui pour moi est le sommet, « le chef-d’œuvre inconnu » de son étrange, ennuyée et eschatologique carrière. F comme Fake, tourné en Espagne franquiste, le montre tel qu’il est : un faussaire qui vit de faux laborieusement inventés. Dans l’Espagne fasciste et tolérante du général Franco, ce gauchiste d’opérette (tous les gauchistes sont d’opérette, lisez Lénine enfin) adapte des Shakespeare plus ennuyeux les uns que les autres (Falstaff), filme les débuts de la bulle immobilière de Fraga avec son Don Quichotte et finalement confesse à la fin des années soixante-dix : le franquisme n’avait pas détruit toute l’Espagne, il lui restait la fierté, le machisme, la semaine sainte, la tauromachie, que sais-je, par contre la démocratie l’a anéantie elle et en quelques années seulement (Buñuel aussi le pense alors). Honnêteté qui lui fait honneur : enfin un gauchiste qui devient traditionnel (voyez Pasolini aussi…). Mais le ver était dans le fruit du franquisme, cette dictature condamnée, avait encore dit un Bernanos sublimement inspiré.

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Son meilleur film ? La splendeur des Amberson, opus nostalgique «Americana» qui évoque sur un ton proche de Boorstyn ou de Mumford la dévastation du territoire, de la société et de la civilisation américaine par la bagnole et l’industrialisation. L’écrivain Booth Tarkington fait allusion, dans le livre, à l’invasion migratoire européenne qui détruit le vieux pays des pionniers anglo-saxons. C’est soigneusement oublié dans le film. L’Americana est un genre très prisé par les gourmets et autres fans d’Henry King, et oublié, qu’on retrouve dans la comédie musicale (Belle de New York, Easter parade, Chantons sous la pluie…). Ajoutons en terminant que si Welles a inspiré le personnage de Norman Bates dans Psychose, l’actrice (Janet…) est la même que dans la Soif du mal...

Sources :

https://www.amazon.fr/Alfred-Hitchcock-condition-f%C3%A9m...

https://www.amazon.fr/com%C3%A9die-musicale-am%C3%A9ricai...

https://www.dedefensa.org/article/bunuel-et-le-grand-nean...

https://www.terreetpeuple.com/culture-enracinee-memoire-8...

 

 

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dimanche, 24 mars 2024

Wokisme en Dune

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Wokisme en Dune

par Georges FELTIN-TRACOL

Deux films très opposés viennent d’être projetés dans les salles de l’Hexagone. Le premier, Tombés du camion, de Philippe Pollet-Villard s’intéresse à une famille qui compte parmi les siens des gendarmes. Elle recueille néanmoins - mais bien sûr ! - un mineur isolé migrant sans-papiers. Cette pâle comédie promeut après tant d’autres tels Les Vieux Fourneaux 2. Bons pour l'asile, Les Survivants, Pour l'honneur, une vision idyllique et irénique de l’acceptation des médecins, architectes, dramaturges potentiels dans une société en pleine décadence. Cette production française existe par la grâce de l’« exception culturelle », incontestable préférence nationale déguisée. Il est d’ailleurs insupportable d’assister au détournement de ce magnifique principe et d’observer le milieu frelaté du cinoche encourager la subversion migratoire. À la mi-mars, on recensait 85.000 entrés pour ce chef d’œuvre à oublier le plus vite possible.

Diffusé à partir du 28 février dernier, Dune. Deuxième partie est la suite de Dune. Première partie (2019) que TF1 a programmé le dimanche 3 mars à 21 h 10. Réalisé par le francophone canadien Denis Villeneuve, ce film compte plusieurs acteurs de langue française : le Franco-Étatsunien Timothée Chalamet, la Française Léa Seydoux, la Suissesse Souheila Yacoub.

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Dune 2 – pour faire simple – est plus spectaculaire que Dune 1. Il n’a rien à voir avec Dune de David Lynch (1984). Autant Blade Runner 2049 du même réalisateur en 2017 avait été une déception, autant ces deux films, en particulier Dune 2, - et en attendant un éventuel troisième et dernier - sont jubilatoires. Alors que les réalisations autour des super-héros abusent des studios sur fond vert, le tournage a pu se passer dans de superbes décors naturels à Abou Dhabi, en Jordanie et en Namibie. Le résultat donne un film intense et efficace.

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Denis Villeneuve et son co-scénariste Jon Spaihts interprètent selon leur point de vue l’œuvre monumentale de Frank Herbert (1920 - 1986). Quand David Lynch l’a adaptée en partie, il ne disposait que de six titres (de Dune en 1965 à La Maison des mères en 1985). Aujourd’hui, cet univers imaginaire compte une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles. Le fils de Frank Herbert, Brian, associé à Kevin J. Anderson, a poursuivi la saga à partir des notes, des brouillons et des indications posthumes de l’auteur. Denis Villeneuve bénéficie d’une vision plus large que n’avait pas David Lynch. Dune 1 et 2 sont-ils cependant fidèles à l’intrigue ? Non ! Sa complexité rend difficile toute adaptation fidèle. Par exemple, David Lynch insiste sur l’importance vitale de l’épice. Denis Villeneuve en fait l’impasse. Le spectateur ne sait donc pas que son usage est indispensable dans le cadre d’un voyage spatial. Il pense peut-être qu’il s’agit d’un condiment culinaire hallucinogène. Dans Dune 2, Paul Atréides mange dans un sietch fremen un plat composé d’épice d’Arrakis. En outre, à l’instar des réalisations françaises grand public, le wokisme, le multiculturalisme et le féminisme s’invitent de manière subreptice dans le scénario.

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Certes, contrairement aux pitoyables films hexagonaux, ils demeurent subtiles. Ajoutons qu’il n’y a pas encore d’interactions gendéristes LGBTQIA++, à l’exception, peut-être, de la scène où le baron Vladimir Harkonnen embrasse sur les lèvres son neveu, le na-baron Feyd-Rautha Harkonnen, fait gouverneur d’Arrakis, à la place de son frère Rabban. Ne serait-ce pas plutôt un baiser à la russe comme celui, célébrissime, entre le Soviétique Leonid Brejnev et l’Allemand de l’Est Erich Honecker ?

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Le wokisme se fond dans Dune 2 au multiculturalisme. Les Fremen (de l’anglais Free Men, « Hommes libres ») forment un peuple du désert dont les membres ont des traits européens et africains. Notons que les Asiatiques y sont exclus. Dans Dune 1, un Asiatique joue le traître, à savoir le docteur Wellington Yueh. Bonjour le préjugé tout droit sorti du « Péril jaune » du début du XXe siècle !

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En revanche, les totalitarismes contemporains se retrouvent dans le monde des Harkonnen. Leur planète, Guidi Prime, tourne autour d’un astre solaire à très faible luminosité appelé - tiens, tiens, tiens… - « soleil noir ». Les scènes y sont en noir et blanc. En plus de porter des tenues sombres, les habitants ont le crâne rasé, femmes incluses. Les skin heads constitueraient-ils l’une des Maisons les plus puissantes de l’Imperium de l’Univers connu ?

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Pourquoi les Harkonnen ne porteraient-ils pas plutôt des Dreadlocks ? Dans Le Monde (du 28 février 2024), Mathieu Macheret évoque ce « régime brutal et fascistoïde mené par un répugnant baron […] nommé – tenez-vous bien – Vladimir ! ». Pour Frank Herbert qui sort le premier tome en pleine Guerre froide, Vladimir peut être une allusion implicite à Vladimir Ilitch Oulianov alias Lénine. Quant à la Cour impériale de Shaddam IV et aux Sardaukars, les redoutables troupes impériales, force est de constater – là encore - l’absence de « diversité »… Rappelons que Hollywood impose désormais des quotas d’acteurs de couleurs (et bientôt aux pratiques dyssexuelles) aux films et aux séries.

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Le féminisme influence les structures sociales fremen, d’où un relatif matriarcat. Lors d’une discussion entre Paul Atréides et Chani, cette dernière explique que les relations entre Fremen, hommes et femmes, sont égalitaires. D’ailleurs, Chani est un Feydakin, un combattant d’élite. Les chefs des sietch fremen demandent leur avis aux femmes âgées ainsi qu’aux révérentes-mères formées par l’Ordre sororal des Bene Gesserit. David Lynch les relègue au second plan au profit de la Guilde spatiale. Denis Villeneuve fait le choix inverse. La Guilde spatiale n’est jamais mentionnée dans ses deux films.

Un doux parfum de complotisme parcourt Dune 2. Le réalisateur a en effet pris le parti de dénoncer l’instrumentalisation vers un objectif politique des croyances religieuses. Des Bene Gesserit ont propagé, de génération en génération, auprès des Fremen le mythe du Mahdi. Dune 2 éclaire les nombreuses manigances de cet Ordre qui ne veut pas refermer la moindre perspective de réussite. Vers la fin de Dune 2, Dame Jessica,  la mère de Paul Atréides, devenue révérente-mère fremen, parle par télépathie avec son homologue, Helen Mohiam, l’intrigante Diseuse de vérité auprès de l’empereur, en lui disant qu’elle a choisi le mauvais camp. Mohiam lui rétorque qu’il n’existe pas de camp et que l’avènement impérial de son fils Paul a été envisagé.

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L’orientalisme traverse tout le film puisque Arrakis est couverte de déserts. Les vêtements des Fremen ressemblent aux habits des bédouins et des Touareg. Le commencement de la guerre sainte qui clôt Dune 2 rappelle le djihad musulman, mot qu’on retrouve dans les romans. Frank Herbert a lu René Guénon et Frithjof Schuon. Dans sa fresque romanesque, il décrit ensuite l’empire universel de Paul Muad'Dib Atréides en théocratie implacable continuée et amplifiée par son fils Leto II, devenu un ver géant des sables éternel et omniscient qui impose finalement une paix féroce de trois millénaires...

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Denis Villeneuve s’attarde volontiers sur les réticences initiales de Paul Atréides à se conformer à son destin messianique. Mais ne joue-t-il pas au naïf ? Dans la première partie, Paul Atréides pense déjà à convoiter le trône impérial et à épouser la princesse Irulan. Sous le poids des circonstances, ce mâle blanc hétérosexuel cisgenre accepte finalement sa prédestination avant d’ordonner l’assaut contre les Grandes Maisons, négatrices de sa légitimité. Qu’attendent donc les pétroleuses des nouveaux sexes genrés pour dénoncer cette phallocratie plus qu’explicite ?

Dune. Deuxième partie se regarde aussi comme un éloge de la décolonisation et/ou des guerres de libération nationale. En filmant les ornithoptères pourvus d’un servant de mitrailleuse-laser, le réalisateur reproduit des scènes d’Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola et d’Avatar (2009) de James Cameron. Plusieurs plans du film présentent Paul Atréides, capuche sur la tête, ce qui fait penser à Anakin Skywalker en train de devenir Dark Vador dans La Revanche des Sith (2005) de George Lucas.

Mathieu Macheret du Monde ne se trompe pas quand il voit dans ce film « une sorte de techno-archaïsme, soit une idée du futur où le progrès technique irait de pair avec un retour du religieux, des sociétés grégaires et du culte des chefs. Les combats individuels se font au sabre métallique et au corps-à-corps ». Bref, tout ce qu’avait annoncé, il y a un quart de siècle, le visionnaire Guillaume Faye dans L’Archéofuturisme. Plus qu’une œuvre rétro-futuriste, Dune. Deuxième partie plonge avec un ravissement certain le spectateur dans un univers néo-féodal où l’emprise de la technique y serait moindre depuis le triomphe du Djihad butlérien (la grande révolte humaine contre les machines intelligentes et l’informatique).

Malgré donc des divagations wokistes de nos jours inévitables, Dune 2 est à voir, surtout si ce film se trouve à l’étonnante intersection du post-modernisme libéral-libertaire et d’une non-Modernité balbutiante.        

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 107, mis en ligne le 19 mars 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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samedi, 03 février 2024

25 ans plus tard - "Notre grande guerre est une guerre spirituelle. Notre grande dépression est notre vie" (Tyler Durden - Fight Club)

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25 ans plus tard - "Notre grande guerre est une guerre spirituelle. Notre grande dépression est notre vie" (Tyler Durden - Fight Club)

Bernard Van Beuseghem

Source: Nieuwsbrief Knooppunt Delta, no 186, janvier 2024

Il y aura 25 ans cette année que Fight Club, adaptation cinématographique du roman culte de Chuck Palahniuk, est sorti en salles. Le film a suscité une énorme controverse en raison de sa violence, de la subversion du machisme par l'acteur principal Brad Pitt et de son humour noir déconcertant. L'un des éléments les plus choquants de cette grandiloquence cinématographique est sans aucun doute la provocation narrative dans laquelle l'excès de graisse des femmes aisées, aspiré par liposuccion, renaît sous la forme d'un rituel grotesque, celui des savons précieux. Satire macabre de la culture de consommation et de l'obsession de la perfection extérieure, le corps lui-même devient une marchandise, une sculpture d'autoglorification dans le temple dystopique du capitalisme. Des critiques influents comme Roger Ebert, lauréat du prix Pulitzer, l'ont qualifié de "film de stars le plus direct et le plus joyeusement fasciste depuis Death Wish". Alexander Walker l'a qualifié d'attaque intolérable contre la décence personnelle et la société elle-même.

Malgré la déception financière au box-office, Fight Club est devenu, grâce aux ventes de DVD, un film culte, une symphonie subversive qui, 25 ans plus tard, résonne encore dans les sombres cavernes de l'esprit cinéphile.

L'histoire

Même dans ce crépuscule contemporain, Fight Club conserve son pouvoir inéluctable, en tant qu'artefact d'une époque particulière: les années 1990. Une période imprégnée de "fin de l'histoire", où les idéologies ont très vaguement subsisté comme des graffitis effacés sur les murs de la conscience collective. L'apogée du capitalisme, sans contrepoids, s'est répandu à travers le monde comme une ombre imparable, et Fight Club est devenu un écho de cette époque, un reflet brut du vide existentiel qui s'est manifesté au milieu de la façade clinquante de l'excès consumériste.

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L'œuvre de Palahniuk et son pendant cinématographique pénètrent le cœur sinistre d'une époque où l'individu est pris dans les paradoxes de la liberté et de l'aliénation, dans un monde où le seul "club" qui sévit est celui des consommateurs. À la fin des années 1990 aux États-Unis, le consumérisme semble proliférer comme un cancer, une entité globale qui imprègne le tissu de la civilisation occidentale au point que la publicité ne se voit plus, mais qu'elle est devenue un élément incontournable de l'atmosphère, aussi invisible et omniprésent que l'air que nous respirons sans y penser. Le narrateur, un trentenaire anonyme, dépourvu d'identité et empêtré dans les réseaux de ce qu'il décrit cyniquement comme son "cocooning Ikea", lutte contre les nuits blanches, au cours desquelles l'obsession de la multinationale suédoise pour les meubles domine ses pensées comme un mantra irrésistible. Il chuchote au spectateur la vacuité désespérante de son existence, dans laquelle l'ombre de la superficialité agit comme un compagnon constant. Le narrateur, interprété par Edward Norton, travaille comme coordinateur de "rappel" et s'occupe des réclamations, ce qui l'oblige à beaucoup voyager professionnellement. Le spectateur assiste à une succession d'aéroports, de chambres d'hôtel et de bars. Tout se ressemble. Le lecteur attentif devrait regarder le début du film et lire les premières pages de ce livre-culte que fut Le Système à tuer les peuples de feu Guillaume Faye. On y trouve de fortes et curieuses similitudes (1).

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Il y règne un individualisme pathologique, où les émotions authentiques se noient dans un océan d'aliénation. Pour le narrateur, le réveil n'est pas une transition en douceur, mais plutôt une confrontation brutale avec la réalité déchirante d'un monde où les sens sont enivrés par l'odeur enivrante de la superficialité. Son voyage commence dans l'ombre de l'anonymat, là où les autres malades du cancer des testicules s'unissent comme des guerriers silencieux dans une guerre contre un ennemi invisible. Une métaphore, implacable et tranchante comme un couteau chirurgical, de la castration que subissent les hommes dans cette société contemporaine. À l'époque, la "masculinité toxique" n'avait pas encore été élue terme hipster de l'année.

Les rencontres avec ces guerriers anonymes constituent un rituel de renaissance, une initiation à un monde où les émotions brutes de l'existence humaine ne sont plus étouffées par le capitalisme. En embrassant des étrangers, le narrateur découvre une humanité perdue, une rébellion subtile contre l'isolement qui maintient l'homme moderne dans la prison qu'il s'est lui-même créée.

La conscience naissante de sa propre aliénation, comme un voile qui se lève lentement, prend vie. Son alter ego, Tyler Durden (Brad Pitt), prononce des mots qui résonnent comme un écho dans les cavernes de son âme: "Les objets que nous possédons nous possèdent en fin de compte". Une révélation qui dénoue les chaînes de la possession et de la consommation, dans laquelle le narrateur se reconnaît comme une marionnette entre les mains d'un jeu capitaliste qui détermine ce qu'il possède et, en fin de compte, ce qui le possède.

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Dans ce cauchemar éveillé, le narrateur réalise que la véritable liberté ne réside pas dans l'accumulation de biens matériels, mais dans la libération de l'âme de l'emprise étouffante du culte de la consommation. Il s'agit d'une quête d'authenticité dans un monde imprégné d'illusions, où l'étreinte d'un étranger peut avoir plus de sens que le confort apparent des possessions. Face à son propre démantèlement, le narrateur commence enfin à découvrir ce que signifie être vraiment humain, dans toute sa vulnérabilité et sa beauté.

Dans l'ombre d'un monde imprégné de dogmes capitalistes, le désir de libération germe comme une graine qui attend le bon moment pour pousser. La prise de conscience s'impose: l'identité, telle une marionnette suspendue aux ficelles des multinationales, doit être détruite pour laisser place à l'émergence d'une réalité nouvelle et brute. Mais l'esprit, englué dans l'alliance toxique du consumérisme et des antidépresseurs, se révèle un guide peu fiable dans cette quête d'une existence éveillée.

Ce n'est donc pas sur l'esprit qu'il faut agir en premier lieu, mais sur le corps prisonnier du cocon étouffant de la consommation et de l'apathie. C'est là que commence la catharsis de la chair, une renaissance radicale qui se déploie sous la forme du Fight Club. Le refoulement de pulsions longtemps cachées devient un volcan d'émotions brutes, où le narrateur et ses compagnons brisent les normes d'une civilisation occidentale dominée par le contrôle de soi et la retenue.

Le claquement des poings, le bruit des corps qui s'entrechoquent comme une symphonie de chaos non censuré, deviennent des rituels de rébellion contre les limites rigides d'une société qui étouffe la liberté individuelle. Dans la violence apparente du Fight Club, le narrateur découvre une forme paradoxale de maîtrise de soi, un retour aux instincts primitifs qui définissaient autrefois les humains avant qu'ils ne soient étouffés par les chaînes de la civilisation.

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La phase du Fight Club est considérée comme une auto-inflammation rituelle qui réveille le corps et le libère des entraves qui le maintenaient en cage. Mais ce n'est qu'un prélude, un prélude à un projet plus vaste, le projet "Chaos". Ici, le corps est transformé en arme, un instrument qui suscite l'émotion et transcende la raison. Dans cette révolte de la chair et des sentiments, un nouvel ordre naît, non pas de la raison, mais des forces primitives qui sommeillent dans l'ombre de l'âme humaine.

Analyse et critique

Inévitablement, au fil des années, nous avons eu droit à d'innombrables analyses du livre et du film. Le philosophe et sociologue Herbert Marcuse (1898-1979) et même Friedrich Nietzsche (1844-1900) y ont été mêlés comme si de rien n'était. Certains l'ont qualifié de film contre la société de consommation et ont cité le philosophe français Jean Baudrillard (1929-2007). D'autres ont qualifié le film de nihiliste, de carrément fasciste et de reflet d'un national-socialisme "à venir". Bon, mais qu'est-ce qui ne l'est pas de nos jours ?

Ce que Fight Club nous apprend finalement, selon d'autres, c'est qu'un projet révolutionnaire sans vision réelle de ce que serait une société post-capitaliste est voué à l'échec. On fait souvent le parallèle avec le magistral Joker de Todd Philipps, sorti 20 ans plus tard. Après tout, le monde dépeint dans les deux films est aussi celui des masses à la recherche d'un leader autoritaire en temps de crise. Il est d'ailleurs frappant de constater qu'à la sortie de Joker, les opinions ont soudain commencé à changer. Soudain, il s'agissait d'un film "dangereux, sombre", etc.

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Fight Club, dans toute sa gloire sardonique, embrasse la folie comme une rencontre avec l'essence brute et non polie de l'existence. Tyler Durden, tel un mentor démoniaque, chuchote des suggestions à l'oreille du narrateur, braquant les projecteurs sur l'hypocrisie de la façade humaine. "Soyez authentique dans le monde déshumanisant du capitalisme", peut-on lire dans la philosophie intrépide qui serpente dans le film comme un œil qui cligne de l'œil. Une philosophie qui semble moins destinée à plaire qu'à provoquer. Restons-en là.

Bernard Van Beuseghem

Notes:

(1) Guillaume Faye, Le Système à tuer les peuples,

Editions Copernic 1981, Paris, 189 pp.

ISBN-13 : 978-2859840693

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dimanche, 17 décembre 2023

Kubrick et la question russe

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Kubrick et la question russe

Nicolas Bonnal

Entre Spartacus, héros communiste (et excellent ballet), 2001 et les cosmonautes russes (dirigés par des femmes) et l’argot russe des voyous d’Orange mécanique – sans oublier bien sûr la Lolita de Nabokov ou Dr Folamour – Kubrick semble obsédé par les Russes – et pas négativement. En musique aussi : pensons à Chostakovitch (EWS), à Khatchaturian (2001)…

Citons notre livre sur Kubrick alors pour balayer le problème et offrir quelques pistes de réflexion. On n’évoquera pas son frère Raoul membre du parti communiste…


Kubrick et les Russes. En voilà une question pour le directeur de Folamour ! Mais commençons par le Commencement, par 2001, qui aurait des origines …russes.

Nous avons évoqué Solaris, un des plus célèbres et élitistes films de science-fiction du monde. Cela pose la question soviétique et Dieu disait qu’elle se pose dans le monde de Kubrick, surtout au cœur des années soixante! Kubrick filme Spartacus, Folamour, il adapte un grand auteur russe dans Lolita,

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Kubrick filme l’argot russe dans Orange mécanique, Kubrick enfin organise une importante rencontre avec des savants russes dans 2001 ; et ces derniers ne sont pas le moins du monde tournés en ridicule, ils sont juste privés d’information comme dans tout le monde dans ce film finalement habité par la conspiration. La science-fiction s’étant surtout développée dans un contexte de guerre froide, et la conquête spatiale aussi finalement (elle a pris fin avec la guerre des étoiles du président Reagan, aussi farcesque que le film du même nom !), il nous semble important de reposer la question russe – d’autant qu’à l’époque les Russes multiplient les films spatiaux.

La SF des empires, des jeux vidéo, des super-héros et des jeux galactiques n’étant pas celle de Kubrick, d’où pouvait venir son modèle ?

La critique américaine croyait que son modèle venait du sympathique George Pal (d’ailleurs sujet hongrois) ou de certains films japonais ?

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En réalité son modèle venait d’un très beau film soviétique, En route vers les étoiles, de Pavel Klushantsev (photo). Ce petit chef d’œuvre est un documentaire de 1957 et l’on peut voir que Kubrick et son équipe y ont puisé beaucoup. Kubrick l’a dit lui-même, il n’est donc pas question de parler de plagiat, mais de source d’inspiration. Voyons voir :

  • Le film soviétique veut décrire la conquête spatiale, ses enjeux scientifiques et techniques. Nous y sommes avec 2001.
  • En route vers les étoiles (Doroga k svesdam) dure cinquante minutes, montre les préparatifs puis filme le vol poétiquement.
  • La tête d’un homme adulte se surimpressionne sur la planète bleue. On est aussi dans 2001. C’est au début de ce film stupéfiant.
  • La lumière est très forte, les vaisseaux blancs, notable par leur vaillance. Leur lenteur est aussi bien nette à l’écran. Les maquettes sont similaires.
  • On voit l’intérieur des vaisseaux. On a un petit confort matériel, un intérieur cosy, on joue aux échecs, on prend soin d’un jeune chat. Il y a des femmes d’un niveau scientifique respectable, même des asiatiques. Kubrick aurait pu envoyer Draba dans l’espace !
  • On voit les cosmonautes sortir dans l’espace, s’approcher du vaisseau, le tout est filmé comme un ballet. Dans son film sur la Lune, Klushantsev utilisera Tchaïkovski ! C’est d’ailleurs un musicien soviétique, Khatchatourian, que Kubrick utilise pour décrire la petite vie des cosmonautes. Khatchatourian est aussi l’auteur d’un ballet nommé… Spartacus.
  • L’intérieur de la station est un hémicycle, même les fauteuils ressemblent un peu à ceux du Hilton dans 2001 (ils sont noirs). Les maquettes et les formes sont très proches. Les cosmonautes sont vêtus identiquement – mais sans couleur.
  • Les russes installent un jardin expérimental, celui de… Silent running, le film de Douglas Trumbull, le génie des effets spéciaux de 2001. Il y a une station météo à bord et l’on essaie de comprendre le mystère de la vie.
  • Une séquence tournée en Crimée montre un canot à moteur devant récupérer en mer Noire les cosmonautes amerrissant dans un futur proche. Certaines prises de vue de la mer sont des négatifs, exactement comme dans les célèbres séquences de la Vision à la fin de 2001.
  • La voix off sécurisante évoque beaucoup de voix off chez Kubrick. Elle s’émerveille devant le progrès et souligne que toutes ces missions sont faites pour le bonheur de ceux qui vivent sur terre !

Ces lignes ne rendent pas de la beauté plastique impressionnante qui ressort de ce poème cinématographique plein de confiance (ou de mensonges…) en l’avenir et en la science. Un grand documentaire est supérieur à presque tous les films, et c’est pourquoi il ne faut pas négliger non plus les documentaires du jeune Kubrick.

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Certes c’est un film de propagande mais ce n’est pas une insulte. 2001 est aussi un film de propagande, fait avec infiniment plus d’argent, et c’était aussi un film sur le futur, toujours très hypothétique comme on sait. Dans un livre amusant et disparate, l’alors marxiste Dominique Noguez parlait très bien de 2001 comme d’un film expérimental (son livre se nommait le cinéma, autrement) certes, mais aussi comme d’un film impérialiste à la gloire des USA. C’est exactement comme cela qu’il a été perçu à l’époque, au moment où gagnant apparemment la conquête spatiale, l’Amérique conquérait les cerveaux et gagnait la guerre froide.

On a partout des drapeaux américains dans le film, partout des symboles IBM, partout les symboles ATT, American Express (ne partez pas sans elle !), ou les Hilton cités plus haut. 2001 célèbre l’Amérique comme l’ainée des nations du monde, le modèle des sciences, des corporations et des héros people – ici discrets et humbles en plus.

En s’inspirant du film de Pavel Klushantsev, Kubrick a fait d’une pierre deux coups : il s’est inspiré d’une source que peu d’autres iraient voir (car qui connaît sérieusement le cinéma soviétique, qui fut longtemps le premier et le plus important du monde ?) ; il a fait un film pédagogique et anagogique, élevant l’esprit de l’homme ; il a fait un documentaire en même temps qu’une œuvre de fiction ; il a célébré comme on le faisait alors la science et le progrès depuis l’aube de l’humanité.

Après Kubrick a rajouté les traits propres à son génie : l’inquiétant ordinateur, qui annonce notre contrôle moderne ; la fantaisie visionnaire (qui existe toujours dans le cinéma russe de l’époque, voyez mon livre sur Ptouchko aussi et Rou) ; et la musique. Et dire qu’il a emprunté des musiques d’artistes du bloc communiste ! Pensez à Khatchaturian et à la mélancolique partition de Gayaneh dans 2001, à la suite pour jazz de Chostakovitch dans son dernier opus.

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Russophilie et crypto-bolchévisme

Kubrick est-il resté un bolchevik discret jusqu’à la fin ? En tout cas nous pouvons relever dans son œuvre une dimension bien russophile. Certains ont voulu voir dans la tempête de neige de Shining une métaphore de la guerre froide.

Mais même la russophilie relative de Kubrick doit aussi être notée: il y a les entretiens téléphoniques du président dans Folamour; les Russes sont traités comme de grandes personnes et les personnages les plus chargés sont les généraux anticommunistes Turgidson et Ripper – qui se plaignent de leur impuissance via l’évocation furibarde de la fluorisation de l’eau ! Mais le président, raisonnablement ridiculisé, tente de s’entendre avec les Russes.

Dans Orange mécanique, la révolte de la jeunesse nécessite un autre langage, un autre argot, à base de russe – ce n’est pas dit dans le film ! Mais les maltchiks, devotchkas et malinkis donnent à cette jeunesse anglaise déboussolée, cette jeunesse anglaise héritière du Welfare State et de Lord Beveridge une tonalité bien russe !

Enfin dans 2001 : l’odyssée de l’espace le rôle des Russes n’est pas à négliger. Dans leur livre sur le fœtus astral, les professeurs structuralistes Dumont et Monod se moquaient d’eux, et ils avaient bien tort. Après les soviétiques que chez eux les femmes ne sont pas des secrétaires ou des serveuses, mais des ingénieurs et des cosmonautes. L’une de ces femmes est d’ailleurs amie de Floyd, elle connaît sa famille, il s’agit d’une relation de travail ; la guerre froide est bien dépassée depuis… Dr Folamour. Dans le film ce sont clairement les Américains et Floyd qui sont en faute pour rétention d’informations importantes (on a osé parler d’épidémie, ce qui n’était ni moral ni malin).

Nous traiterons ailleurs des emprunts des inspirations soviétiques de 2001, surtout liées au film génial de Pavel Klushantsev. On peut rajouter à propos de ce film que le savant russe est nommé Smyslov, comme le plus grand joueur d’échecs de son temps ! A-t-on assez parlé du goût de Kubrick pour les échecs ! En réalité il devait avoir une certaine estime pour les Russes et les Soviétiques, par-delà la guerre froide dont il se moque dans Folamour et paraît-il dans Shining… Le beau personnage du joueur d’échecs russophone dans la Razzia le démontre : Maurice est la seule personne intelligente et cultivée du film.

Oui, en ce sens oui, on peut bien dire que Kubrick était un bolchevik. Culte du cinéma, goût des échecs et de l’ordre, dénonciation du rôle de l’argent des guerres impériales, du délire du complexe militaro-sexuel, critique radicale du Deep State américain et de ses couches supérieures, tout son monde montre bien qui il aurait fait un excellent propagandiste !

Est-ce à dire que pour cette raison on l’aurait tué ? C’est l’interprétation délirante, marrante et paranoïaque d’une partie du web consacré à Kubrick. La charge contre les Ziegler ricanant qui dirigent cette planète et mènent le monde à sa perte aurait valu au vieux cinéaste un royal châtiment digne de Shakespeare. En dénonçant les Illuminati et les élites hostiles – pensez au ministre tory d’Orange mécanique, l’auteur de Spartacus (nom de guerre du premier Illuminatus !), de Folamour et de Shining aurait pris des risques… Et 666 jours avant 2001 il mourut. Inexplicablement.

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Orange mécanique et la langue russe

Que c’est drôle quand même ! Dans Orange mécanique, Gulliver fait penser à Swift mais cette parole en russe veut dire tête, qui vient de golova en russe. Swift aussi aimait se jouer des mots pour se jouer du monde. Kubrick reprend aussi les mots suivants recyclés froidement par Burgess pour créer sa novlangue : le célèbre maltchik pour garçon, soumka pour le sac, prestoupnick pour le criminel, malenky pour petit, rooka pour main, litso pour le visage. Un petit peu plus complexe est le lien entre Horror show et horosho (« très bien ! » en russe) et veck et cheloveck (l’homme en russe). Tout ce charabia russifiant et sonore est un régal pour les oreilles et n’a pas peu contribué à l’énorme succès du film.

On n’a pas trace d’un goût pour le désir véritable avant le début des années soixante dans le cinéma de Kubrick. Le goût pour l’extase verbale est sans doute venu avec la Lolita de Nabokov…

Nabokov a marqué un tournant dans son œuvre avec Lolita. Nous avons écrit tout un chapitre sur le goût de l’extase verbale (Folamour, Orange, Full metal jacket…) chez Kubrick…

Sources

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mercredi, 23 août 2023

Barbie et le jeu des dystopies

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Barbie et le jeu des dystopies

Par Facundo Martín Quiroga

Source: https://noticiasholisticas.com.ar/barbie-y-el-juego-de-las-distopias-por-facundo-martin-quiroga/

Les deux scénarios et le pont vers le "monde réel"

Une dystopie est une œuvre d'art qui illustre une future société totalitaire. On l'oppose souvent au terme "utopie", qui renvoie à la projection de sociétés futures parfaites et bienheureuses. Mais la caractéristique marquante, selon nous, est que, connaissant le lecteur, ou dans ce cas précis, le spectateur qui constate l'injustice d'un tel régime, on propose un état de conformité des membres de cette société par rapport à la place de chacun: il y a une oppression plus ou moins manifeste (selon les intentions des réalisateurs de l'œuvre), mais les acteurs ne la ressentent pas en tant que telle. Nous considérons que le film Barbie, qui sera très probablement le plus grand succès de l'année au box-office, peut être analysé comme un jeu de dystopies dont le but est de projeter sur les spectateurs les schémas de lecture de la réalité qui conviennent au Wokisme en marche.

Avec une combinaison impressionnante de comédie musicale dans le style de Broadway et de refrains entraînants, de couleurs pastel avec une prédominance évidente du rose et du fuchsia, Barbieland se présente comme un monde où tout le monde est heureux, mais d'un caractère totalement "matriarcal", dans lequel les femmes sont les maîtresses absolues de leur destin et de leur pouvoir. Un défilé chorégraphié (ce qu'ils appellent "girls' night out") d'innombrables Barbies, médecins, avocates, astronautes ou présidentes, affiche le bonheur; les Ken, de différentes couleurs ethniques, mais tous dûment musclés et souriants, comme le dit le slogan promotionnel du film, sont "just being Ken": des espèces de vases ou d'appendices gonflés et extrêmement stupides (flirtant même avec arriération mentale) qui dansent et rivalisent pour obtenir l'approbation des Barbies.

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Dans ce monde de rêve, Barbie commence à voir ses traits de poupée parfaite s'estomper. C'est ainsi qu'une de ses compagnes "bizarres", exclue du collectif (en tant que modèle abandonné), l'entraîne dans une aventure dans le "monde réel", pour finir par rencontrer, sans le vouloir, celle qui sera sa partenaire d'aventure et son sensei déconstruit : une femme latina appelée - à notre avis, non par hasard - Gloria, qui a fait des croquis de la poupée qui s'écartaient de la voie tracée par l'entreprise. Elle part donc sur le chemin de la réalité banale, avec Ken comme intrus (il se faufile dans sa décapotable), pour accomplir sa mission et ramener tout à la normale.

Arrivé au siège de la société Mattel (nous ne nous attarderons pas sur l'esclavage qui sévit dans toute l'industrie du jouet), et après avoir reçu quelques preuves du machisme ambiant de certains hommes, il découvre une "mini-patriarchie" au sein du conseil d'administration de la société. Les directeurs, eux aussi des hommes totalement stupides, veulent kidnapper Barbie pour la faire revenir dans le monde qui est le sien. Au milieu de la course-poursuite, Gloria et sa fille (avec laquelle elle avait eu un dialogue très important, dans lequel il était reproché à Barbie de s'être éloignée de la femme réelle et de représenter un stéréotype auquel les filles modernes ne s'identifient pas) la sauvent. C'est ainsi que se produit le contact fondamental qui initie l'intrigue secrète du film.

Barbie prend conscience, grâce à Gloria et à sa fille, de la nécessité d'aller plus loin en rapprochant les poupées de la déconstruction du stéréotype corporel et psychologique prédominant. Mais quelque chose ne va pas : au fil de leur aventure, Ken s'initie aux arts du "patriarcat" et entreprend de retourner à Barbieland avant sa maîtresse. Lorsque Barbie retourne dans son monde, elle découvre qu'il a été transformé en Kenland, un monde heureux mais "patriarcal" dans lequel les rôles sont complètement inversés ; le monde "réel" apparaît comme le pont entre ces deux scénarios, où se déroule la majeure partie du film. Les cadres de Mattel s'y rendent également pour capturer les animaux errants.

Le complot secret et l'inversion théologique

Comme dans toute œuvre de manipulation, l'intrigue explicite cache, ou laisse entrevoir, au fur et à mesure que le film se déroule, une intrigue qui est celle qu'il est vraiment important d'assimiler. C'est ici que les choses commencent à se mettre en place. Nous n'avons pas l'intention de submerger le lecteur avec une reproduction de la succession d'événements qui se déroulent dans la guerre entre les dystopies, mais nous allons essayer de clarifier le processus par lequel nous pouvons soutenir une analyse de ce type.

Le film ne pourrait pas avoir un tel pouvoir d'endoctrinement sans un élément qui donne une énorme efficacité à l'intrigue, à l'histoire et aux personnages, un élément qui n'est généralement pas pris en compte parce qu'il semble anachronique, mais qui ne l'est pas du tout : la composante théologique néo-païenne, fondamentale pour initier les enfants, les adolescents, les jeunes et les adultes à la manipulation de masse. Le film incarne une inversion théologique du christianisme, à travers trois éléments: le salut suite au péché de "patriarcat", le véhicule de la parole et la prédication apostolique de ce salut féministe, et l'incarnation et la divinisation de la femme incarnée par Barbie.

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Le personnage qui rachète Barbie et la conduit vers le processus de libération de ses congénères du patriarcat du Kenland peut être interprété comme une déesse païenne qui, à travers la parole, insuffle la lumière : ce n'est pas pour rien qu'elle s'appelle Gloria et qu'elle est d'ethnie latina. Une fois arrivées dans le monde de Ken et après avoir contemplé ce qu'est devenu leur ancien habitat, les "révolutionnaires", les "rédemptrices", par l'intermédiaire de leur "chamane", commencent à pratiquer un apostolat qui vise, une à une, à racheter et à convaincre toutes les Barbies de la nécessité d'abolir ce patriarcat.

Il est également impressionnant de constater que la stratégie visant à libérer les poupées de la tyrannie des Kens consiste à faire appel aux instincts primaires des poupées, ce qui déclenche une guerre entre elles, La guerre est déclenchée entre les poupées, formant deux camps (menés par le Ken blond qui accompagnait Barbie dans le monde réel et un autre Ken aux traits orientaux avec lequel elle rivalisait pour attirer l'attention du protagoniste) et que tout cela se termine par un nouveau bloc musical dans lequel les Kens principaux exécutent une chorégraphie dont les paroles sont clairement, disons, "déconstructives" : c'est-à-dire que ce sont les Barbies éclairées qui cherchent à provoquer la guerre entre les hommes pour qu'ils "réalisent" leur tyrannie. En fin de compte, comme on l'affirme à droite et à gauche, le féminisme est là pour libérer tout le monde, ou, plutôt, toutes les personnes.

Tout le film se résume à ce chapelet de leçons de morale qu'une femme du "vrai" monde (qui s'appelle aussi "patriarcat" mais, comme le dit un personnage du film lui-même, "mieux déguisé", moment que nous considérons comme clé pour comprendre le message de tout cela) transmet aux abductés ; toute la liturgie féministe la plus pédestre est transformée en une nouvelle page testamentaire, dans une démonstration claire (d'après le scénario, très vertueux) d'inversion théologique où la place de la divinité est prise par une poupée, une sorte de "diocèse", comme le dit Miguel Ángel Quintana Paz, qui, pour terminer le film, se termine sur une scène qui imite une sorte d'"au-delà", avec un monologue impressionnant... par la créatrice de Barbie elle-même, la "Déesse Mère", qui décrète l'incarnation de la poupée pour "redescendre" dans le monde réel, qui est finalement le "patriarcat" qu'il faut abolir. Enfin, la transsubstantiation est achevée : "le Verbe s'est fait chair... et il a habité parmi nous".

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Il y a aussi un personnage, à notre avis presque compromis dans le film, qui a une fonction moralisatrice: Alan, le seul homme dépourvu de traits typiquement keniens, doté d'une certaine ambiguïté comme pour faire un clin d'œil LGBT au spectateur ; il remplit la fonction de catalyseur de la "déconstruction" que tous les autres hommes (j'insiste, tous relevant d'un seul et même type d'homme, indépendamment de leur apparence et de leur rôle social, que ce soit dans le monde réel ou dans les dystopies où se déroule la guerre) doivent assumer en tant que nouvelle religion, il est une sorte de gardien de la diversité qui va même jusqu'à développer des traits de héros d'action.

Protégez... et protégez-vous

Avant la consommation de la poupée incarnée, il faut noter qu'après la scène musicale des Kens, Barbie propose que son monde envisage une égalité qui ne place aucun sexe au-dessus de l'autre. Mais il y a un hic, c'est que la femme finit par faire la leçon à l'homme sur "l'égalité", ce qu'il n'aurait jamais pu imaginer. Mais le mal est déjà fait : tout le film est un gigantesque canon idéologique féministe et s'agite jusqu'à ce qu'il dise "eh bien, soyons tous égaux". La conclusion est absolument secondaire par rapport à tous les messages d'endoctrinement précédents. On dira que oui, il y a aussi une critique du féminisme misandrique, mais je le répète, le mal est déjà fait, et cette critique occupe à peine une place accessoire dans le développement du film.

Aujourd'hui, cette manipulation des masses est plus explicite que jamais, mais personne ne peut la trouver, comme dans l'histoire de Poe "La lettre volée". Ou bien ils l'ont trouvée il y a longtemps, mais ils continuent à la consommer. La question est d'élucider les raisons pour lesquelles le grand public n'est pas conscient de cela ; ou peut-être qu'il y a tellement d'hypocrisie et de conformisme que les gens savent qu'ils sont manipulés, mais préfèrent continuer leur lutte stérile contre un patriarcat inexistant, parce que c'est une lutte "bon marché", qui est à portée de main, et qui ne nécessite pas d'effort pour comprendre au-delà de son propre nez, également avec la stimulation due à l'infinité de chiringuitos et de positions de pouvoir.

Le féminisme et l'idéologie du genre sont le comble du cynisme: même si l'on sait qu'il n'y a aucune limite à l'accès au pouvoir et que les femmes et les minorités sexuelles ou raciales ne sont privées d'aucun droit ou liberté en fait et en droit, ils insisteront, inventeront des problèmes, recourront à des corruptions délictueuses ou non délictueuses, pour continuer à propager leur discours. Parce qu'ils vivent (et l'industrie du divertissement ne fait pas exception) de l'existence de ces faux problèmes. Aucun de ceux qui en vivent ne dira que le problème a été résolu, parce qu'ils seraient au chômage en démontrant à la société l'inutilité de leur position.

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Ainsi, le film justifie ce cercle vicieux, amenant les hommes et les femmes à ne s'imaginer qu'à partir de ces coordonnées : les hommes - tous, sans exception - sont des oppresseurs, les femmes et tous les autres, sont des opprimés. N'oublions pas qu'il ne faut jamais cesser de considérer ces films comme une arme de guerre. Barbie est l'exemple parfait de la façon dont on veut nous faire naturaliser une guerre des sexes, qui est martelée par les médias, les réseaux, les influenceurs et les institutions éducatives. À cela s'ajoute un parallélisme théologique très efficace : le péché originel, la rédemption, l'incarnation, la lutte entre le bien et le mal, autant d'éléments qui rapprochent l'endoctrinement de larges pans de la population.

La fonction distrayante du dilemme posé par le film n'est que trop évidente: le problème est le "patriarcat", une construction fictive qui est aujourd'hui reproduite même par des organismes d'État, et dont aucune définition n'est jamais donnée, puisqu'elle sera élaborée par le spectateur lui-même avec les "preuves" fournies par le film: "le patriarcat est la domination de tous les hommes sur toutes les femmes", "nous devons nous déconstruire", la voix de la conscience passera dans les oreilles des enfants, des adolescents, des jeunes et des adultes. Ainsi, les énergies qui devraient être utilisées pour se former à la critique et à la démolition du système anglo-saxon d'injustice et de pillage sont utilisées pour ce que veut le pouvoir mondialiste.

Il est inacceptable que des gens qui s'assument comme étant de gauche puissent faire une telle concession à un film qui, en crachant à chaque seconde un message "émancipateur" (émancipateur de quoi, demandons-nous), ne fait que légitimer l'empoisonnement des rapports entre les sexes. Cette clé marxiste de l'oppresseur-opprimé est transférée en priorité dans la sphère de l'intime (ce qui est inadmissible pour un marxisme bien défini), évitant de complexifier l'analyse parce que cela sert son conformisme, puisque le "gauchisme" autoproclamé continue d'être efficace pour se placer du côté du "bien". Voyons s'ils se réveillent tous une fois pour toutes et s'aperçoivent qu'ils font le jeu de l'ennemi.

D'autre part, quelle lecture un enfant ou un adolescent de sexe masculin peut-il faire du film? En gros: vous êtes né avec le péché originel du patriarcat (rappelez-vous: nous y vivons encore selon le film) et le féminisme est là pour vous libérer de votre machisme. Autrement dit, parce que vous êtes un homme, vous êtes déjà chargé de cette culpabilité, et vous devez accepter de vous soumettre à cette nouvelle religion, qu'aujourd'hui c'est l'école elle-même qui imprime sur votre conscience. Je peux témoigner, en tant qu'enseignante ayant participé au CSE, des barbaries anti-pédagogiques contenues dans les programmes et les dynamiques visant à ancrer cette morale chez les enfants.

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Il convient d'accorder une attention particulière à l'impact que ce film peut avoir sur les adultes qui, pour diverses raisons, cherchent à catalyser les frustrations, les crises de couple, les conflits de cohabitation, les relations brisées ou les familles dysfonctionnelles. Barbie leur offre une réponse parfaite : "Vous voyez, tout ce que vos parents, vos ex-partenaires et même vos amis vous ont fait subir a une seule et unique cause: le patriarcat". Imaginez ce qu'un adulte (c'est-à-dire une figure d'autorité) peut faire avec ses enfants, ses amis ou ses partenaires, une fois que le film a implanté la "révélation" en eux.

Nous concluons en disant que cette analyse ne doit pas être prise comme une tentative de censure des spectateurs, bien au contraire, c'est un appel à développer et maintenir une vigilance consciente sur les armes de diffusion culturelle, en réfléchissant à ce que nous pouvons apporter pour construire des approches réellement critiques, parce que la propagande est l'une des rares choses qui reste à un globalisme en décomposition, et qui compose une munition de plus en plus épaisse pour l'asservissement des peuples.

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lundi, 14 août 2023

"Barbie": un signe des temps

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"Barbie": un signe des temps

Ernesto Milà

Source: https://info-krisis.blogspot.com/2023/08/cronicas-de-un-mundo-que-se-ha-vuelto.html

Disons-le d'emblée : le film qui est sorti sous le nom de Barbie est l'une des absurdités les plus stupides, médiocres, endoctrinantes et malveillantes de l'histoire du cinéma. Il rejoint ce type de film, comme The Shape of Water (= La Forme de l'eau), qui veut transmettre les valeurs du postmodernisme transhumaniste et de la "quatrième vague féministe", point culminant des trois précédentes. Si dans The Shape of Water ce qui était "vendu" était l'"amour trans-espèces" (dédramatisant le fait de tomber amoureux de n'importe quel être vivant, un chiot, un monstre de laboratoire), dans Barbie, il s'agit de transmettre un message ultra-progressiste et ultra-féministe à travers ce qui était jusqu'à présent l'archétype de la féminité stupide (ce n'est pas pour rien que Barbie vient des USA et répond aux caractéristiques du fétichisme sexuel WASP des années 1950). Barbie est, sans aucun doute, un produit qui vend les nouvelles approches les plus radicales de la "quatrième vague" féministe. Et, de surcroît, un produit de qualité nulle.

QUATRE VAGUES POUR UNE MÊME OBSESSION

La première vague féministe n'aspirait qu'à obtenir le droit de vote pour les femmes. Les membres du mouvement des "suffragettes" ont travaillé dur pour obtenir le droit symbolique mais inutile de mettre un bout de papier dans une urne. La bonne position n'était pas celle des suffragettes, conquérantes de l'inutile, mais celle d'auteurs comme Ibsen qui, à la fin du 19ème siècle, faisait une critique dévastatrice de la "démocratie quantitative" dans laquelle le vote de 49 prix Nobel ou de 49 saints du calendrier des saints pesait moins que celui de 51 violeurs, de 51 fous ou de 51 ignorants. Aujourd'hui, le vote des femmes est normalisé et unanimement accepté. Mais en fait, le problème sous-jacent est que ce que nous avons réellement accepté est le "fétichisme du vote" (la croyance que la "quantité" peut générer la "qualité").

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La deuxième vague féministe est allée dans le même sens, mais avec une intentionnalité très différente. Il s'agit du mouvement "women's lib", l'idéologie de la "libération des femmes" qui est apparue dans les années 1960, en même temps que d'autres phénomènes de la culture pop de l'époque : la pilule contraceptive et les "droits reproductifs", la minijupe, la libération sexuelle. C'est là qu'une erreur présente également dans la vague précédente est plus évidente : il y a des femmes qui, loin d'aspirer à être des "femmes", veulent être "comme des hommes" ou, pire encore, comme l'image qu'elles se sont forgée des hommes. Pour elles, la nature féminine, avec sa capacité à concevoir la vie, est une nuisance inconfortable et humiliante : elles la rejettent parce que ce qui les attire, c'est de vivre comme les hommes, d'être ce que les hommes sont, de partager avec les hommes ce qui était jusqu'à présent la fonction propre et exclusive des femmes. Il ne s'agit plus seulement de "voter", mais d'exercer les mêmes fonctions que les hommes. C'est l'époque du "nous avons enfanté, nous avons décidé" et de la lutte pour "l'égalité sexuelle". Qu'une femme puisse devenir générale d'armée ou servir chez les marines en première ligne, devenir juge ou pompier était considéré comme une conquête inaliénable. La maternité, l'éducation des enfants, l'entretien du foyer, tout cela était relégué au second plan ou pouvait même être nié car, après tout, la deuxième vague du féminisme avait trahi les femmes, en niant leur propre nature et en la remplaçant par une imitation pure et simple de l'homme.

Ce que les féministes de l'époque évitent d'expliquer, c'est que leurs campagnes et l'écho qu'elles suscitent dans les médias ont été subventionnées et promues par les grandes fondations capitalistes. Tout au long des "trente glorieuses de l'économie mondiale" (1943-1973), l'industrialisation croissante avait fait monter les salaires (le salaire d'un père de famille permettait de réaliser le "rêve américain", ou sa traduction en "rêve espagnol" avec un appartement en propriété, une Seat 600 sur le pas de la porte et un petit terrain pour construire une résidence secondaire). On craignait que cela n'entraîne une hausse des salaires et des processus inflationnistes. Le remède des multinationales et des employeurs était donc d'introduire 50 % de la population sur le marché du travail, afin que la loi de l'offre et de la demande opère sa "magie" : les salaires, comme c'est le cas, baisseraient face à l'augmentation du nombre de candidats à l'emploi. Et en effet, à partir de la fin des années 60, l'entrée massive des femmes sur le marché du travail a paradoxalement fait perdre du pouvoir d'achat aux salaires et, au milieu des années 80, même si les deux membres de la famille, homme et femme, travaillent, les "rêves" américain et espagnol se sont évaporés. Pour les maintenir en vie, il fallait renoncer à quelque chose, et le choix s'est porté sur l'abandon des enfants. À la fin de la décennie, il était clair que nous étions entrés dans "l'hiver démographique".

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Mais la troisième vague féministe n'était pas encore arrivée pour faire un nouveau pas en avant. Jusqu'alors, les mouvements de libération des femmes avaient accepté de collaborer avec d'autres mouvements "progressistes" pour atteindre des objectifs communs, mais à partir de la fin des années 1990, Rebecca Leventhal, mieux connue sous le nom de "Rebecca Walker", fille d'une féministe afro-américaine et d'un avocat juif, Melvyn Leventhal, a fondé la "Third Wave Action Foundation", qui promeut le "féminisme de la troisième vague" : Il ne s'agit pas seulement d'"égaliser" les femmes dans les domaines du vote (première vague) et du travail (deuxième vague), mais d'étendre son analyse au domaine socio-économique, à l'égalité des sexes et à la lutte contre toute forme de discrimination ethnique et raciale. "Être une femme" implique d'être une femme au sein d'une classe sociale et d'un groupe ethnique. Par conséquent, si l'on aspire à l'"égalité", il faut nécessairement reconnaître que certains groupes ethniques et classes sociales sont soumis à des discriminations que ne subissent pas les femmes, par exemple les WASP (blancs, anglo-saxons et protestants). Il fallait donc étudier ce que signifiait "être une femme" en tenant compte de ces connotations ethno-sociales.

C'est ainsi que nous arrivons à la "quatrième vague", pour laquelle tout ce qui précède ne démontre qu'une chose : la supériorité du féminin sur le masculin, la nécessité de détruire la masculinité (réduite à l'archétype machiste et violent) et d'affirmer comme norme sociale universelle le féminin, précisément dépourvu de tous les attributs naturels de la féminité. La féministe de la "quatrième vague" est une femme inadaptée : elle ne déteste pas seulement l'homme et l'acte sexuel, dans lequel elle voit une simple manifestation d'agression, mais elle se déteste elle-même et sa nature de femme. Elle est non seulement prête à détruire ce que représentent le "mâle" et la masculinité, mais aussi à "déconstruire" la nature féminine et son rôle social.

D'où l'importance pour cette "quatrième vague" de se concentrer davantage sur les "droits des trans", les "nouveaux modèles familiaux", le "wokisme" et les "études de genre" que sur la "condition féminine". En fin de compte, nous dit-on, "tout est une construction sociale", le sexe est biologique, mais - dit-on - "le genre est un choix personnel". Chacun sera ce qu'il veut être, indépendamment de sa vie antérieure ou de ses déterminismes génétiques. Et chaque manière d'être méritera le "respect" : un chat, par exemple, devra être traité comme tel, un miaulement sera un signe de politesse si vous le croisez, tandis qu'un "bonjour" sera un signe haineux de machisme réducteur et violent.

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Ce qui, dans la première vague, consistait à s'occuper d'un aspect très secondaire, presque banal, comme le vote, est devenu, dans la deuxième vague, une revendication centrée surtout sur le monde du travail, puis, dans la troisième vague, une analyse de l'oppression ethnico-sociale et, enfin, dans la quatrième vague, un refus explicite de se reconnaître comme un "homme d'église", un refus explicite de se reconnaître femme, d'être femme et de suggérer que l'on peut échapper aux déterminismes biologiques, accompagné, paradoxalement, d'un sentiment de supériorité sur le masculin qu'il faut "plier" sous la forme de "nouvelles masculinités", c'est-à-dire d'une féminisation du viril.

Derrière ces quatre vagues, ce sont des états d'ignorance croissants qui se manifestent : ignorer que les femmes sont plus que des électrices ayant le droit de vote (même en ignorant la banalité du vote), ignorer la loi de l'offre et de la demande et la nécessaire division des fonctions dans tout organisme social, ignorer que la culture, l'éducation, la volonté et enfin l'identité sont des éléments du statut social bien plus déterminants que le facteur ethnique et que les "discriminations positives" ne faussent que très peu les données fournies par l'ADN.

Pour ne rien arranger, les trois premières vagues féministes n'ont pas permis aux femmes de se sentir mieux, bien au contraire. En effet, aujourd'hui, les traitements de la dépression, de la solitude, de la tristesse, des pathologies associées et des remèdes palliatifs (de la pharmacopée à la promotion des animaux de compagnie) n'ont fait qu'aggraver la situation des femmes et, par la même occasion, déstabiliser les hommes, en rendant impossible la création de nouvelles familles, en empêchant celles qui ont été créées d'avoir des enfants et en obligeant ceux qui en ont à envoyer leurs rares enfants dans des centres "d'éducation officielle, laïque et obligatoire". Le fait que, visiblement, l'identité féminine soit devenue de plus en plus floue depuis l'émergence du suffragisme n'a empêché aucun des apôtres du féminisme de songer à prendre du recul et à se demander si ce qui a été fait a fait avancer la cause des femmes ou l'a placée au bord de l'abîme.

Avec des films comme Barbie, il s'agit d'une tentative de faire le dernier pas dans le vide.

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BARBIE, LA FIN D'UN DEMI-SIÈCLE D'ABSURDITÉ

Barbie est un mauvais film. Il est ennuyeux et n'a que rarement une étincelle d'esprit ou un sourire sur le visage. Un film destiné à l'endoctrinement des mineurs, qui ne convient qu'aux ultra-féministes convaincues, aux femmes "en mal d'identité". Pour les ignorants de la "condition féminine". Pour ceux qui veulent déconstruire les sexes, les transformer en "genres libres" et s'évader dans un monde fait de la même matière que les frustrations, les déceptions, les peurs et les illusions. C'est cela Barbie. Plutôt que de satisfaire les "féministes", elle a été conçue pour faire un pas en avant dans l'"acceptation" sociale du monde trans et pour admettre que, dans une société "libre", il s'agit d'admettre n'importe quel choix, sauf un: être un Homme ou être une Femme. Barbie, le film est né dans un contexte d'ignorance de la vraie masculinité et de la vraie féminité. Il est un produit de la crise de notre civilisation, conçu, non pas pour rectifier cette voie dissolvante, mais pour l'accentuer.

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Les critiques "professionnelles" - c'est-à-dire payées - du film ont été unanimement élogieuses, sans distinction dans les médias de "droite" et de "gauche". Notez que la critique de El Mundo dit : "Gerwig surprend avec une comédie à l'âme de manifeste, aussi drôle que provocante, avec un énorme Ryan Gosling". Dans El Periódico : "C'est magnifique. Nous verrons peu de films avant longtemps qui soient aussi définis, aussi concrets, aussi parfaits, aussi militants et aussi drôles (...) [Gerwig] a réussi à rendre (...) son film émouvant". La Vanguardia illustre le thème par ces mots : "Une comédie de moments forts et de discours bouleversants". Et La Razón résume : "'Barbie' est une fête (...) son ton [est] d'une énergie lumineuse et d'une frivolité qui est pure intelligence (...) Margot Robbie semble être née pour le rôle (...) irrésistible Ryan Gosling". Pour El País, l'essentiel est "la recréation amusante de l'univers de Barbieland", tandis que sa consœur SER ajoute : "Gerwig a créé la comédie parfaite. Un de ces films qui comporte des couches et des couches d'analyse et des scènes drôles pleines de claques sur les poignets de la société d'aujourd'hui". Que dit l'archétype de la presse monarchiste, de droite et bien-pensante ? La même chose ; en effet, ABC titre : "La fable n'est pas un prodige d'intellectualisme et de finesse, mais dans son coup de pinceau, elle est efficace, compréhensible et même angélique"... Cependant, cette unanimité de la critique professionnelle contraste avec l'accueil que lui a réservé le public.

Si les critiques faites par les spectateurs et placées sur le site web de référence en Espagne, le site Filmaffinity, indiquent quelque chose, c'est le REJET PRESQUE UNANIME ! avec lequel les spectateurs ont reçu ce film. Ce n'est pas la première fois qu'une contradiction de ce type se produit : les "critiques officiels", c'est-à-dire les critiques rémunérés, vont dans un sens et les "critiques des spectateurs" vont dans un autre, dans le sens exactement opposé. Cela explique en soi pourquoi les grands médias sont tombés dans le discrédit.

S'il ne s'agissait pas d'un message "féministe de la quatrième vague", le film ne serait qu'une absurdité désopilante. On n'y aurait pas prêté attention et l'argent investi dans sa sortie n'aurait pas suffi à élever un produit de très mauvaise qualité. Mais l'essentiel était de faire passer toutes les idées de la "quatrième vague féministe" dans la poupée Barbie : la supériorité des femmes sur les hommes et leur soumission, le renoncement et la haine de la maternité, la considération que tout ce qui n'est pas "inclusion" est "machisme" et que tout machisme est une violence contre "ce qui est différent", et que "l'inclusion" doit être tout renoncement à admirer quelque chose au détriment du reste, l'exaltation de tout ce qui a été marginalisé, oublié, méprisé et dédaigné comme "laid", "anormal", "différent". L'inversion, en un mot, de toutes les valeurs. Cela se fait à travers des dialogues peu spirituels, parfois même grossiers, le plus souvent faits de "gros sel" et avec des ressources répétées plusieurs fois au cours du film pour que le "message" soit clair.

La référence est "Barbie", la poupée de Mattel. Il convient donc d'examiner de plus près ce qu'est et ce que signifie "Barbie" dans la culture pop.

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BARBIE, ARCHÉTYPE DE LA FEMME AMÉRICAINE

Ruth Handler, fille d'Ida Rubenstein et de Jacob Mosko, tous deux d'origine juive polonaise, était présidente de la société Mattel, créée avec son mari et dont on se souvient surtout pour le lancement de certains de ses produits, en particulier la poupée Barbie. Dans les années 1950, les poupées avec lesquelles les filles jouaient avaient des formes enfantines, mais Ruth Handler a voulu créer un nouveau style dans lequel les filles pourraient imiter leurs mères. Il s'agit d'une copie - ou plutôt d'une évolution américanisée - d'une poupée lancée quelques années plus tôt en Allemagne: "Bild Lilli Doll", produite dans l'après-guerre et uniquement disponible en Allemagne. Au départ, il s'agissait d'une bande dessinée publiée par le Bild-Zeitung, un tabloïd à grand tirage à l'époque. Dans ce tabloïd, "Lilli" était impudique, souvent obscène, exhibitionniste et adepte des blagues et des plaisanteries à connotation sexuelle. Ruth Handler n'a fait qu'"américaniser" la figure commercialisée par le Bild-Zeitung: elle l'a teinte en blonde, a diminué ses attributs sexuels et l'a sophistiquée dans l'idée que les filles projetteraient sur elle ce qu'elles voudraient être quand elles seraient grandes. Telle était l'idée de départ. Lancée en 1959, la poupée a été si bien accueillie que trois ans plus tard, la société a lancé son compagnon, "Ken". Aujourd'hui, elle est la poupée la plus vendue de l'histoire.

Barbie est un jouet, mais un jouet qui contient des archétypes: une femme blanche, blonde, bourgeoise, habillée à la mode, mais de manière conventionnelle, élégante et avec des accessoires qui peuvent être incorporés à l'infini tant qu'ils sont à la mode dans la société. Lors de son lancement, c'était l'époque des grandes et exubérantes actrices blondes aux proportions généreuses, dont beaucoup sont aujourd'hui oubliées : Jan Sterling, Barbara Nichols, Lana Turner, Anne Francis, Janet Leigh, Barbara Lang, Barbara Eden, Kim Novack, Elizabeth Montgomery, Jane Mansfield, Grace Kelly, June Haver, Mamie Van Doren, et, bien sûr, Marilyn Monroe. Les années 1950 sont celles des grandes actrices américaines dont les traits sont synthétisés et résumés dans la figure de Barbie.

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Il s'agit là d'un archétype esthétique. Il est évident que si ses attributs sexuels avaient été de la taille de ceux de Jane Mansfield, par exemple, les parents auraient été réticents à l'offrir à leurs filles, jugée trop explicite. L'idée était donc d'atténuer ces caractéristiques, tout en accentuant sa sophistication : c'était une poupée qui devait être constamment à la mode. Elle et, bien sûr, son petit ami. Tous deux formaient le jeune couple américain typique... des années 50. Mais elle était bien plus que cela.

Elle était le modèle de la femme américaine. Obsédée par son physique, d'une beauté vite fanée - contrairement à la poupée qui restait éternellement jeune -, irascible, conventionnelle, faite en permanence pour plaire, non seulement à son petit ami, mais, en général, à l'homme et, non pas tant pour entretenir avec lui une relation sexuelle satisfaisante ou pour fonder une famille, mais pour se sentir bien dans sa peau, pour être le protagoniste grâce à son physique.

Il n'est donc pas surprenant que la deuxième grande affaire de Ruth Handler, inventrice de Barbie, ait été de créer une industrie d'implants mammaires...

BARBIE A PRÉFIGURÉ LE MONDE DES INFLUENCEURS

La grande réussite de Mattel a été de varier le profil de Barbie au fil du temps. Aujourd'hui, nous disposons d'une grande variété de Barbie, et cette année, ils en ont même distribué une qui la représente trisomique. Dans son désir d'"inclusion", toutes les races ont leur version de Barbie en ce nouveau millénaire : la "Barbie hispanique", la "Barbie afro-américaine" et, bien sûr, à cette époque où personne n'est personne s'il n'a pas un animal de compagnie comme principal compagnon, les Barbies ont eu 40 animaux de compagnie différents, y compris un zèbre et un panda. L'entreprise a compris que la chose la plus opportune à faire était d'insinuer que Barbie peut être tout ce qu'elle veut, même un astronaute. Ce film montre qu'elle peut aussi être grosse, transsexuelle, tout sauf la mère d'un être humain tangible. De plus, la première scène qui imite le début de 2001 L'Odyssée de l'espace, dans laquelle une fille écrase une poupée sur le sol, est probablement la plus choquante de toute cette démonstration d'"endoctrinement récréatif".

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En fin de compte, Barbie a été créée dans l'idée d'être une "influenceuse pop", ante litteram : un modèle de référence canonique pour les futures femmes réelles, même pour exporter le "modèle de la femme américaine" dans d'autres pays. Puis vint l'Internet et les changements apportés par cette nouvelle forme de communication. Et c'est aujourd'hui qu'un modèle unique de femme - qui n'est plus seulement "américain" mais universel - a réussi à se répandre urbi et orbe. Barbie devrait être nommée aujourd'hui "patronne des influenceurs", la première de toutes, la primordiale, l'authentique. L'influenceuse est une vocation qui accompagne la protagoniste de la "quatrième vague féministe" : elle ne dicte pas seulement la mode, elle donne aussi le ton entre l'acceptable et l'inacceptable, entre le politiquement correct et le machisme.

Tous les influenceurs semblent être taillés dans la même étoffe. Elles ne répondent pas exactement au "modèle Barbie" initial, mais elles répondent à ses évolutions ultérieures : lèvres pleines de botox, soulignées par des pommettes retouchées et des sourcils profilés, menton pointu, implants dans n'importe quelle partie de leur corps provenant de la propre usine de Ruth Handler, cheveux lisses, séparés au milieu, teints dans n'importe quelle couleur neutre, maintenant pas nécessairement blonde, mais plutôt dans différentes nuances de brun, il est important que les hanches soient extrêmement larges, la poitrine disproportionnée et retouchée de manière disproportionnée comme dans la "Barbie dodue" : ils suggèrent tous le même arôme plastique, faux, inauthentique. Mais, oui, "empowered".

Les "curvies" ne sont pas une lointaine évocation des "Vénus de Willendof" et des "grandes mères" du paléolithique, dont les formes trahissaient la fertilité, la maternité, la génération. Elles ne sont pas des représentations vivantes de la "déesse mère", mais, délibérément stériles, elles se considèrent comme des "déesses". Dans le film Barbie, ce modèle féminin est exalté : on doit accepter ses traits, on doit l'aimer pour avoir osé défier le canon esthétique proche de la perfection et l'idéal indo-européen de beauté, créé par Polyclète, amélioré par Lysite et transformé en perfection plastique par Fideas et Praxitèle. Mais il faut être "inclusif" : tout accepter, ne pas exalter la perfection, ni rejeter ce qui ne correspond pas au canon : "fat is beautiful", telle est la "nouvelle loi", même si santé et graisse sont en contradiction et que la graisse est le résultat de mauvaises habitudes alimentaires. Inclusion" plutôt que "santé". Mieux vaut la laideur que l'admiration de la beauté qui génère immédiatement, nous dit-on, l'"exclusion".

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Si jusqu'à récemment les bassins larges et les seins volumineux étaient associés à la maternité, aujourd'hui ces attributs sont davantage liés à la noirceur (stéatopygie des fesses) ou au simple culte de la "quantité" sur la "qualité" (hypertrophie mammaire), qui étaient autrefois considérés comme des maladies et/ou des difformités et qui sont aujourd'hui de plus en plus fréquents chez les "influenceurs" et chez des milliers d'aspirants influenceurs, y compris dans le monde transgenre. Elles sont toutes taillées dans un tissu "inclusif" dérivé de la saga Kardashian : retouchées à l'extrême, purs produits du bloc opératoire, transformées en standards de beauté artificielle et factice, qui ont non seulement créé des entreprises commerciales, mais ont aussi transformé leur propre vie en produit commercial. Elles sont adulées par les adolescentes d'Amérique du Nord (et du monde entier) qui, une fois adultes, ne demandent qu'à leur ressembler. Dans plusieurs pays d'Amérique latine et, bien sûr, aux États-Unis, nous avons constaté que, dès l'âge de 12 ans, les parents ont tendance à "offrir" à leurs filles des opérations de chirurgie esthétique...

Mattel a dû prendre l'initiative face à la concurrence que ces "influenceurs" exercent sur l'entreprise de jouets. Après tout, Mattel a lancé le premier de ces archétypes à suivre. Barbie et tout ce qui réside à Barbieland est parfait, mais le monde réel ne l'est pas. Les deux scénaristes du film, Greta Gerwig et Noah Baumbach, se sont donc souvenus de l'histoire du Bouddha Sakyamuni. Ses parents l'avaient reclus dans un monde de beauté, de luxe et de perfection, mais lorsqu'il s'est intéressé à ce qui se trouvait à l'extérieur des murs du palais, il a vu que le monde était fait de douleur, de vieillesse et de mort. C'est à partir de là qu'il a élaboré sa formule pour se libérer de ces maux (la reconnaissance de la fausseté et de l'artificialité de l'ego et le renoncement à l'ego qui en découle).

De leur côté, les scénaristes de Barbie, ayant réalisé l'anormalité de pouvoir vivre sans talons et avec des pieds plats, ont envoyé la protagoniste de Barbieland dans le monde de la réalité où la graisse, la laideur et la folie sont très présentes ; mais la morale est très différente : Barbie ne renonce pas à son ego, mais impose à l'homme de renoncer à son sexe. En cessant d'être un homme, en se féminisant, tous les problèmes qui pèsent sur les femmes prendraient fin (et le plus surprenant est que la société de production a engagé Ryan Gosling pour jouer le rôle de "Ken", un acteur canadien marié qui mène une vie tout à fait normale et même bourgeoise). C'est la seule façon pour lui de devenir un "influenceur" des nouvelles générations. Et c'est bien de cela qu'il s'agit.

Barbieland, c'était déjà la création d'un monde irréel passé au crible du "rêve américain" et de l'"American way of life". En l'envoyant dans le "monde réel du XXIe siècle" et en lui faisant partager ses valeurs, elle est tombée un cran plus bas dans l'échelle de l'involution : le moment où la "Grande Mère" du Paléolithique retrouvera son rôle de déesse, mais sans le seul attribut qui lui permettait de l'incarner : le pouvoir d'engendrer la vie.

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dimanche, 12 mars 2023

À propos de « L’Île prisonnière »

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À propos de « L’Île prisonnière »

par Georges FELTIN-TRACOL

Trois lundis de suite, les 13, 20 et 27 février 2023, France 2 a diffusé à 21 h 10 une série de six épisodes d’une durée de 52 minutes chacun : L’Île prisonnière. L’audience moyenne totale exprimée en part de marché a été de 21,3 %, ce qui signifie un visionnage par 4.300.000 personnes environ.

Hors des studios franciliens, les scènes extérieures se tournent en Bretagne, dans les départements du Finistère (dont la presqu’île de Crozon) et du Morbihan, d’où de superbes paysages et de belles images du patrimoine local. Coproduite par France Télévision, Fabienne Servan-Schreiber et Cinétévé, cette série réalisée par Elsa Bennett et Hippolyte Dard, suit le scénario de Christophe Clères et du fameux romancier Michel Bussi.

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L’Île prisonnière veut instiller du suspense, ce qui tendrait vers des classiques souvent d’origine anglo-saxonne. Hélas ! Si l’histoire est assez alléchante, il faut reconnaître que sa mise en œuvre se révèle médiocre et poussive. Il paraît néanmoins certain que les Étatsuniens achèteront tôt ou tard les droits et donneront à l’histoire une intensité plus dense et plus rapide en la plaçant sur une île de la Côte Est ou sur l’archipel floridien des Keys…

Selon une formule devenue une ritournelle, l’analyse de cette fiction impose d’en divulguer l’intrigue. Elle se déroule sur l’île imaginaire de Penhic au large de la commune de Camaret à la pointe du Finistère. Y réside une communauté d’une cinquantaine d’habitants qui ne pâtit pas de la désertification rurale : présence d’une école primaire plausible pour briser l’insularité, d’une boulangerie, d’un médecin et d’une infirmière. Penhic est une île relativement étendue pour que les parcours s’effectuent en véhicules sans toutefois qu’elle soit ni trop lointaine, ni trop proche du continent afin que les allers-retours se fassent assez rapidement.

Penhic semble ignorer toute diversité ethnique si vantée dans les aires urbaines. Le seul étranger est un Irlandais, O’Brien, dont la fille Kelly est aussi française par sa mère. En revanche, grande concession à l’air du temps, la doctoresse, Éliane, vit en couple avec l’infirmière, Christine, que tout le monde appelle « Chris ». Elles ont un jeune garçon, Geoffroy, un enfant handicapé surdoué.

Sur la navette qui relie Penhic au continent voyagent Chris, Mado Rison, une exploitante agricole à la retraite atteinte d’un cancer pour cause des produits chimiques répandus pendant des années dans ses champs, en froid avec tout le monde, Kelly, la lycéenne de 17 ans, Dorian, un collégien, et Alex. Ce dernier revient après une absence de dix ans. Il l’a quittée après la crise cardiaque mortelle de son père qui s’opposait à l’agrochimie des Rison et qui ne cessait de se plaindre auprès du maire, Jaouen Le Guen. Le jour des obsèques, Alex a brisé la rotule de l’édile. En détention préventive pendant trois mois, il a ensuite choisi la carrière de sapeur-pompier. Or, avant ces drames, Alex aimait Candice Le Guen, la fille de Jaouen. Suite à l’arrestation d’Alex, elle se rapprocha de Yannick, le marin-pêcheur employé du père d’Alex. Bref, l’île est le terreau fertile de vieilles rancunes bien recuites entre ses résidents.

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L’imprévu surgit avec l’intrusion d’un groupe armé qui prend en otage les îliens. Chaque membre porte une lettre de l’alphabet grec. Alpha est ainsi leur chef. Ils préparent l’opération « Océanite Tempête ». Ces éco-terroristes ont l’intention de couler un navire parti du port britannique de Plymouth sur lequel se trouvent les dignitaires des principales firmes multinationales écocidaires. Les scénaristes se seraient-ils inspirés du cultissime album Yacht People (2012) dessiné par Zéon sur un scénario hilarant d’Alain Soral et de Dieudonné ? Au cours des épisodes, le téléspectateur découvre que Yannick, un mâle blond aux yeux bleus, est le vingt-quatrième membre du commando. Ce traître est à l’origine de tous les renseignements, manies, travers et petites habitudes des habitants de Penhic récoltés par le commando.

On a évité le cliché facile que les preneurs d’otages nommés Marine, Marion, Giorgia, Vladimir, Victor, Éric, Gilbert, Stéphane, soient des militants de la très horrible extrême droite identitaire prêts à couler un paquebot rempli de futurs Picasso et Newton migrants. Quant à imaginer Penhic aux mains des islamistes, le récit aurait vite tourné en bain de sang à l’instar du village du Sud-Ouest de la France attaqué dans le premier tome de Guérilla de Laurent Obertone (2016).

Le scénario de L’Île prisonnière pêche par ses incohérences. L’éco-commando forme une troupe de naïfs. Il ne place aucune vigie sur le point culminant de l’île. Aucun membre ne reste sur le continent afin de surveiller les éventuels va-et-viens avec l’île. Quand Dorian écrit un message de détresse à son  gendarme de père dans une enveloppe non timbrée, le commando qui surveille les boîtes aux lettres, le remplace par un dessin grotesque qui incite pourtant son père à passer sur l’île pour le remercier. Ne pouvait-on pas détruire tout simplement cette missive ?

Alpha menace à plusieurs reprises diverses personnes de son arme sans jamais tirer. Il joue aux durs, mais il est en fer blanc. Autre incohérence : les éco-activistes déchargent des caisses d’explosif  et ne s’en servent pas. Dans le premier épisode, la navette a vingt minutes d’avance. Un gars armé du groupe l’attend sur le quai, une arme à la main. Le capitaine du navire qui connaît tout le monde s’aperçoit que quelque chose cloche. Sa réaction déclenche une fusillade et son décès. Dans le même épisode, deux activistes veulent arrêter un couple de retraités, les Jonquière. Féru d’armement, Albert Jonquière les menace avec un fusil et se prend une balle. La leçon pourrait être : ne pratiquer pas l’auto-défense, elle est dangereuse pour vous. Traqués, Mado, Kelly et Alex se réfugient dans la maison du défunt et mettent à jour un impressionnant arsenal. Ce retraité n’a certainement jamais suivi les injonctions du ministère de l’Intérieur à rendre pétoires et vieux fusils. La retraité malade et l’adolescente répartissent les armes entre les domiciles des îliens. Ces armes permettent aux otages de se révolter le moment venu. Les preneurs d’otages ne procèdent d’ailleurs jamais à la moindre fouille au corps de leurs otages. De vrais amateurs ! Le changement du rapport de force entraîne le désarmement des activistes culpabilisés par le prêchi-prêcha émotionnel. Malgré leur allure menaçante, ils appartiennent finalement au même camp du Bien pour la justice climatique. Il manque à ces éco-terroristes guère bien méchants des convictions plus que solides, un réel fanatisme et une ferme détermination.

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En effet, éleveuse et productrice de fromages, Candice juge ce combat juste. Toutefois, elle désapprouve la méthode. La fin justifie-t-elle les moyens ? La doxa officielle rejette toute violence. Elle conçoit au contraire une éco-responsabilité de tout un chacun ouvert à la propagande climatiste planétarienne. Un lecteur de Georges Sorel, tenant du mythe mobilisateur de la grève générale, sait en revanche que la violence engendre l’histoire. Lors du XXVIIe colloque national du GRECE de 1993 sur « Les enjeux de l’écologie », l’intervention de Gerd Bergfleth marque les esprits. Intitulée « La révolte de la Terre », son allocution montre la co-appartenance du Vivant avec son éco-sphère. L’hybris anthropocentrique moderne déclenche la colère salutaire de Gaïa.

Il a été rapporté que L’Île prisonnière s’inspirerait de la célébrissime série britannique Le Prisonnier (1967). Allégation mensongère tant l’intrigue est fade et mièvre. Cette série ne devrait pas avoir de suite à moins de vouloir continuer la propagation de la bonne parole cosmopolite en faveur de l’avenir de la planète. Voilà pourquoi la privatisation des chaînes publiques n’empêcherait pas le maintien de ces programmes politiquement très orientés.    

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 64, mise en ligne le 7 mars 2023 sur Radio Méridien Zéro.

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mardi, 07 mars 2023

Cinéma. Snowden d'Oliver Stone : l'histoire de la plus grande crise sécuritaire des services américains

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Cinéma. Snowden d'Oliver Stone: l'histoire de la plus grande crise sécuritaire des services américains

par Riccardo Rosati

Recension de 2016

Source: https://www.barbadillo.it/61161-cinema-snowden-di-oliver-stone-la-storia-della-maggiore-crisi-di-sicurezza-dei-servizi-usa/?fbclid=IwAR1BZa9OgO7Ny0JXWYrBlPKkx0MBVWdnQv2tVTvJaCZFV7JQE8GTpTc6V0s

Réalisé par le cinéaste Oliver Stone, trois fois oscarisé, Snowden est le portrait de l'une des figures les plus controversées de ces dernières décennies : l'homme responsable de ce qui a été appelé la plus grande faille de sécurité de l'histoire du renseignement américain.

En 2013, Edward Snowden (incarné au cinéma par Joseph Gordon-Levitt) quitte brusquement son emploi à la National Security Agency (NSA) et s'envole pour Hong Kong afin de rencontrer un groupe de journalistes dans le but de révéler les gigantesques programmes de surveillance développés par le gouvernement américain.

Consultant en informatique lié par un engagement au secret le plus absolu, Snowden a découvert qu'une montagne virtuelle de données est enregistrée par les services américains, traquant toute forme de communication numérique, non seulement liée aux gouvernements étrangers et aux groupes terroristes potentiels, mais même aux citoyens américains ordinaires. Avant sa fuite en Asie, il collecte méticuleusement des centaines de milliers de documents secrets pour démontrer l'ampleur de la violation des droits en cours. Sa confession aux médias reste à ce jour inaudible, alors qu'elle constitue un exposé de la manière dont le gouvernement américain tente depuis longtemps de prendre le contrôle de la planète.

Les événements relatés dans le film s'étendent de 2004 à 2013, et ces dates sont très importantes, puisque Snowden a travaillé dans les services américains sous les deux présidences de Bush Junior et d'Obama. Cela devrait déjà nous alarmer, car lorsque le prix Nobel le plus absurde de tous les temps était à la tête de la nation, l'espionnage du côté américain a augmenté, et de beaucoup en plus. Ici, celle de Snowden est l'histoire, presque un épitomé, des côtés sombres de l'Amérique. Une affaire pour le moins troublante, que les médias occidentaux alignés s'obstinent à cacher. "Il n'y a aucun moyen d'échapper à ce contrôle numérique", tel est le cœur de la vérité racontée par Snowden, une réalité enfin révélée, comme insupportable. Pour ne faire qu'un petit résumé, mais qui fait froid dans le dos, de ce que le Renseignement de la bannière étoilée a construit, nous pourrions dire que Facebook et Twitter ne sont rien d'autre que deux puissants moyens d'espionnage de masse entre les mains de la CIA et de la NSA. Une réflexion presque banale et évidente ! Essayons donc de mieux connaître le "dragon mourant", comme l'a judicieusement défini l'eurasiste Alexandre Douguine, et le film de Stone, s'il est lu au-delà du vernis de perfection hollywoodienne qui le connote, fournit pas mal d'informations pour ce faire. Par exemple, presque personne dans notre milieu bavard d'analystes de politique internationale ne connaît la différence entre la CIA et la NSA. La première est autorisée presque exclusivement à opérer à l'étranger, tandis que la seconde est autorisée à opérer au niveau national. Snowden, ayant travaillé pour les deux, a pu observer et enregistrer toutes les opérations de l'ombre des services de son pays. Notre grand allié ? Ah oui, celui qui espionne chaque citoyen du monde même s'il n'est pas russe ou chinois ? Ressortissants des deux seules puissances américaines anti-hégémoniques sur le globe. Ou, comme le raconte l'agent américain dans le film, le fait que les Américains ont demandé au gouvernement japonais la permission d'espionner les citoyens du Soleil Levant et, devant le refus des Japonais, l'ont fait quand même. Et cela ne s'arrête pas là, puisque la CIA a inséré des " mouchards " dans le système énergétique de leur premier allié sur le scénario asiatique, afin de pouvoir littéralement "éteindre" le Japon en quelques secondes; nous parlons de l'ère Obama, pour être clair, le pire président de l'histoire américaine - nous l'affirmons aussi en tant qu'américanistes - tout sauf porteur de bonnes intentions humanitaires.

L'essentiel de l'ouvrage de Stone se résume facilement : jusqu'aux récentes élections, les Etats-Unis se préparaient, et qui peut dire qu'ils ne se préparent pas encore, à conquérir le monde. Il ne faut donc pas s'étonner de la contre-offensive de Poutine, ni de la politique de distanciation de Shinzō Abe à l'égard de l'Amérique, pour en finir avec le gel qui s'est créé entre les Etats-Unis et des nations qui, il y a quelques années encore, devaient être considérées comme fidèlement de leur côté: les Philippines et Taiwan. Nous ne savons pas quelle sera la politique étrangère du nouveau président Donald Trump, mais une chose est très claire, s'il avait continué sur la voie tracée par Obama, comme l'a dit Douguine, le monde serait arrivé à sa perte.

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Après avoir terminé une analyse politique consciencieuse, d'un point de vue purement cinématographique, le film est convaincant dès le début. Gordon-Levitt se montre toujours ponctuel dans les rôles qu'on lui confie. Le tout est bouclé par Stone dans un beau biopic, dont le seul défaut est d'être peut-être un peu trop long, un vieux défaut du "Stone d'investigation". Après tout, le cinéaste a toujours tendance à s'attarder lorsqu'il prend de front les secrets les plus inavouables de son pays ; il suffit de mentionner son fluide JFK - An Open Case (1991). Ce que Snowden a en commun avec cet autre film de Stone n'est pas seulement sa longueur, qui vers la fin provoque une fatigue partielle chez le spectateur, mais aussi son formalisme parfait. Honnêtement, ce réalisateur ne nous a jamais rendus fous, mais il ne fait aucun doute qu'il est un excellent cinéaste, le genre qui sait comment diriger.

Pour récapituler la signification des événements entourant Edward Snowden, ainsi que le message le plus significatif du film de Stone, nous pouvons citer une phrase du film : "La plupart des Américains ne veulent pas la liberté, ils veulent la sécurité". N'est-ce pas la raison de la victoire de Trump ? Que cessent les hypocrisies, celles des élites qui font des clins d'œil à George Soros et qui ont fait du mensonge médiatique leur dogme depuis au moins vingt ans. Le "mythe de la démocratie américaine" ? Quelle profonde absurdité, bonne seulement pour un ignorant des États-Unis ou, plus probablement, un gros menteur. Est-ce que nous exagérons ? Nous mettons au défi ceux qui nous lisent et sont déconcertés par nos propos d'aller voir cet excellent film. Si vous êtes étonnés ou choqués par ce qui y est raconté, ce sera une preuve de plus de la nature bovine des masses, qui ne veulent pas savoir les choses. Snowden vit en Russie depuis des années, il n'y a évidemment pas de meilleur endroit pour demander l'asile. Le "mal américain", comme aime à le dire Alian de Beonist, n'est pas quelque chose qui nécessite des contacts avec des puissances occultes ou autre pour le comprendre... il est là pour tous, et un film comme celui de Stone peut être utile pour comprendre que s'il est vrai que nous savons peu de choses sur Trump, si nous avions continué avec la politique Obama-Clinton, nous aurions aujourd'hui un monde avec peu, très peu d'années devant nous.

*Snowden, année 2016, Nationalité : USA, Durée : 134′, Genre : biographique/drame, Réalisateur : Oliver Stone, Distribution : BIM, Sortie : 24 novembre 2016.

lundi, 16 janvier 2023

"Invasion Los Angeles"/"They Live" - L'idéologie néolibérale et la façon dont nous pouvons voir la vérité à travers ces lunettes

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"Invasion Los Angeles"/"They Live" - L'idéologie néolibérale et la façon dont nous pouvons voir la vérité à travers ces lunettes

Alexander Markovics

Source: https://www.geopolitika.ru/de/article/sie-leben-die-neoliberale-ideologie-und-wie-wir-durch-die-brille-die-wahrheit-erkennen

" Travaillez ! Consommez ! Obéissez !"

Ce qui semble être une description de la réalité sociale de l'Occident du 21ème siècle sont les ordres donnés par les extraterrestres dans le film "Invasion Los Angeles" de John Carpenter, sorti en 1988. Ce fait n'est pas non plus un hasard, mais bien intentionnel. Comme Carpenter l'a expliqué dans une interview, le film a été réalisé à partir de la nouvelle de science-fiction 8 o'clock in the morning (en français: Les fascinateurs) de Ray Faraday Nelson de 1963, qui a été adaptée en bande dessinée par Bill Wray en 1986 [1] , non pas dans l'intention de créer un film d'action ou de science-fiction, mais comme un documentaire [2] sur les États-Unis dans les années 1980 et en particulier sur la révolution "(néo)conservatrice" de Ronald Reagan.

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La révolution de Reagan et le néolibéralisme comme thème principal de "They Live" ("Invasion Los Angeles")

C'est à cette époque que le néolibéralisme s'est pleinement imposé en Occident. Alors que les élites occidentales s'efforçaient auparavant de dompter le capitalisme, dans le cadre de la lutte inter-systèmes qu'était la guerre froide, afin de maintenir la loyauté de leurs propres travailleurs envers le libéralisme, l'expérience sociale des "Chicago Boys", qui avaient tenté une expérience sur le terrain au Chili sous la dictature de Pinochet, et donc un capitalisme désormais débridé, s'est imposée. Les prestations sociales ont été supprimées, les marchés dérégulés, les entreprises publiques privatisées et des millions de personnes transformées en working poor, des travailleurs qui vivaient au jour le jour.

5841632.jpgLes restes de la société ont été détruits par l'accélération de l'individualisme, "Bowling alone" devenant ainsi de plus en plus une réalité, ce qui signifiait également l'uniformisation progressive dans le sens du programme néolibéral. Cette révolution de Reagan, diffusée en Europe par Margret Thatcher ("There's no such thing as society [3]"), s'est également caractérisée par une émergence (à l'époque surtout dans les milieux universitaires) du politiquement correct, de la théorie du genre, de l'idée d'une société "verte", "climatiquement neutre" de la société (pensez à la chanson "California over all" des Dead Kennedys), d'une société de consommation qui consomme ses consommateurs et d'un antiracisme universaliste pathologique, toutes choses qui se poursuivent encore aujourd'hui. Ou pour reprendre les mots de Carpenter: la révolution Reagan n'a jamais pris fin. Tout cela s'est produit, à ses yeux, parce que la droite est "confuse et perdue", tandis que la gauche a laissé ses propres racines derrière elle.

Apparemment, il n'y a plus d'alternative à l'ordre existant, nous pouvons imaginer une fin du monde plutôt qu'une fin du capitalisme, comme l'a proclamé Slavoj Zizek, disciple de Lacan. Idéologiquement, elle est le résultat d'une transformation du capitalisme, depuis la théorie de la convergence [4] portée notamment par le think tank mondialiste "Club de Rome", jusqu'à sa version 2.0 décrite par Alexandre Douguine [5] , qui veut que les richesses du monde ne soient accessibles qu'à une petite élite, tandis que le reste de l'humanité "ne doit rien posséder et être heureux". (selon le World Economic Forum).

Comment "vous pouvez vivre" si vous êtes mort ? Sur la représentation visuelle de l'aliénation sous le capitalisme

Le film lui-même s'ouvre sur l'arrivée du travailleur migrant Nada à Los Angeles, en Californie, où il est lui-même le témoin direct de la pauvreté rampante dans un bidonville de sans-abri (qui constitue par ailleurs un décor authentique). Comme son nom et l'absence d'antécédents l'indiquent, il est une tabula rasa et une surface de projection, chacun d'entre nous pourrait être Nada. Avec l'aide d'un groupe de résistance chrétien, il obtient des lunettes de soleil qui lui permettent de voir au-delà de l'illusion de la réalité qui lui fait face et de découvrir la vérité: les humains sont dominés par des aliens qui ressemblent à la fois à des insectes extraterrestres et à des versions mortes-vivantes de nous-mêmes.

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La première contradiction du film apparaît alors clairement: comment peuvent-ils "vivre" s'ils sont morts? Il semble que le réalisateur Carpenter veuille ainsi attirer l'attention sur l'abandon de l'homme par son intégration dans le système néolibéral, en le transformant lui-même en objet. L'homme est aliéné de ses racines culturelles et finalement de son humanité, il devient une machine pour pouvoir fonctionner dans le système. La dialectique de la domination et de la servitude - la philosophie hégélienne dans le film.

Pourtant, les humains collaborent avec les extraterrestres, qui les rendent dociles grâce aux commodités des sociétés de consommation. Les extraterrestres de "Invasion Los Angeles" exercent un pouvoir sur les humains, tant sur le plan politique que socio-économique. En regardant à travers les lunettes qui lui permettent de voir au-delà de l'idéologie néolibérale des aliens, Nada se rend compte que les journaux contiennent en réalité des ordres codés, mais que les aliens lisent eux-mêmes - "Obéissez ! Travaille ! Consommez ! Marie-toi et procrée !" ne s'adresse pas seulement aux humains, mais aussi aux aliens eux-mêmes. Même l'appareil policier et médiatique qui maintient le système en place n'est pas seulement composé d'aliens, mais aussi d'humains.

On pense immédiatement à la dialectique de la domination et de la servitude de Georg Wilhelm Friedrich Hegel quand on remarque que les aliens sont les plus attachés à ce système [6], car ils ont les postes les plus prestigieux, un peu comme les maîtres d'esclaves. Les humains, en revanche, à l'instar des esclaves, ne peuvent que gagner puisqu'ils n'ont rien à perdre si ce n'est leurs chaînes [7]. Mais ce sont justement les collaborateurs humains qui ont beaucoup à perdre, comme on peut le lire dans cette citation révélatrice [8] vers la fin du film :

" En réalité, il n'y a plus de pays - de gens qui sont bons, encore moins ! Ils contrôlent tout, tout leur appartient, toute cette planète de merde, ils peuvent faire ce qu'ils veulent ! Qu'est-ce qu'il y a de mal à être bien de temps en temps?! Et ils font en sorte que nous soyons bien si nous les aidons! Ils nous laisseront tranquilles et nous pourrons gagner notre vie! Vous aurez aussi une part du gâteau, c'est ce que vous voulez, je le sais, honnêtement, c'est ce que tout le monde veut après tout"!

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Alors que le "système extraterrestre" du néolibéralisme dépasse les frontières des États-nations, que le libre marché abolit toutes les frontières, les personnes qui vivent dans ce système deviennent elles aussi des objets et ne peuvent plus décider elles-mêmes de leur destin. Ils sont eux-mêmes corrompus, déshumanisés et transformés en extraterrestres, étrangers les uns aux autres. Ils échangent leur humanité et leur intégrité contre une participation au système qui leur promet "une part" du gâteau, du confort matériel et du prestige en échange de leur âme. On peut donc voir dans cette citation non seulement un aspect critique du mondialisme et du libéralisme du film, mais aussi son message de lutte des classes, qui va bien au-delà du contenu des nouvelles/de la bande dessinée [9].

Ne pas penser ! Critique du politiquement correct

Tant eux que les aliens reçoivent l'ordre "No thought!/Ne pensez pas ! - on peut interpréter ce message comme une pique au "politiquement correct", qui veut également nous interdire de penser. Nous pouvons à nouveau voir ici une magnifique parabole de notre société, qui fonctionne si bien parce que les gens ne la remettent pas en question, ne sont plus capables de réfléchir et de philosopher sur leur propre existence.

L'effet diabolique du politiquement correct est de "mettre sur les rails" notre pensée, en nous interdisant non seulement de dire certaines choses, mais en les déclarant crime de lèse-pensée, et en nous programmant quasiment comme des robots selon les désirs de leurs utilisateurs. Le personnage de Holly, qui a l'air d'un hybride alien/humain à cause de ses yeux, incarne à cet égard la collaboration des humains avec ce système inhumain. La lutte entre Nada et Frank nous prouve qu'il est loin d'être facile d'accepter la vérité et de quitter le royaume du mensonge. Ce dernier refuse de mettre ses lunettes et de regarder la vérité en face.

Regarder derrière le voile de l'idéologie bourgeoise : une entreprise douloureuse

Mais pourquoi Frank résiste-t-il ? Il le fait parce qu'il est douloureux de regarder derrière l'illusion de l'idéologie bourgeoise et de voir la vérité [10]. Cette expérience douloureuse, qui consiste d'une part à réaliser que l'on a menti toute sa vie et d'autre part à s'avouer que l'on n'a que trop volontiers cru à ces mensonges, attend tous ceux qui ont percé à jour les mensonges vitaux du libéralisme. Qui veut admettre qu'il a été l'instrument de puissances inconscientes? Qui peut admettre qu'il a participé à un système inhumain et qu'il a peut-être même collaboré avec lui? Qui peut s'avouer qu'il s'y sent bien, même si c'est moralement mauvais? Et surtout, qui veut s'exposer volontairement aux rigueurs de la résistance, du "non-fonctionnement", alors qu'il peut simplement s'installer et "fonctionner" dans le mensonge?

"Invasion Los Angeles" et notre réalité : celui qui ne croit pas en Dieu est capable de croire en tout

Chacun d'entre nous y a été confronté ces dernières années: que ce soit les mensonges de notre État concernant le co ronavir us ou ceux concernant la guerre en Ukraine. Mais même si l'on a reconnu la vérité, on peut la rejeter et s'installer dans le mensonge. L'humanisme, le libéralisme et les Lumières ont en effet rendu cela possible: celui qui ne croit pas en Dieu ne croit pas en rien, mais est capable de croire n'importe quoi. Que ce soit l'agnosticisme, l'athéisme, le satanisme sans fard, le transhumanisme, la religion patchwork New Age ou les trois idéologies de la modernité, l'absence de relation avec Dieu et la métaphysique rend l'homme capable de tout dans son délire prométhéen.

Le christianisme comme réponse au nihilisme

A ce nihilisme de notre époque, que dénonçait également le moine orthodoxe Séraphin Rose, nous pouvons opposer le message chrétien de la Bible [11] :

Jésus dit donc aux Juifs qui croyaient en lui: "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes mes vrais disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres".

Ronald Reagan et Margaret Thatcher sont arrivés au pouvoir, entre autres, en dénonçant le gouvernement en tant que tel et en stigmatisant toute forme de domination comme quelque chose de mal. Mais comme John Carpenter l'a justement fait remarquer dans une interview, il y a de bons et de mauvais gouvernements. Alors que le mauvais gouvernement est effectivement mauvais (ce qui inclut l'absence de domination), le bon gouvernement est bon et vrai.

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Nouvelle Droite et Quatrième Théorie Politique : nos lunettes pour voir la vérité

Face à un système qui, dans le cadre du Great Reset, est devenu encore plus inhumain et brutal que les extraterrestres néolibéraux de "Invasion Los Angeles", nous avons aujourd'hui plus que jamais besoin de lunettes pour voir et comprendre l'illusion dans laquelle nous vivons. Les idées de la Nouvelle Droite française et l'ouvrage d'Alexandre Douguine "La quatrième théorie politique" sont précisément des lunettes qui nous permettent de voir derrière les masques des mondialistes et de reconnaître la vérité en tant que telle, selon les paroles de Jésus, comme quelque chose qui nous rend libres et nous libère de l'esclavage. Si nous comprenons la modernité et ses racines, si nous comprenons l'anthropologie humaine et la philosophie sur lesquelles elle se fonde, nous serons non seulement en mesure de la déconstruire, mais aussi de formuler une alternative à la postmodernité qui rendra possible la liberté politique et spirituelle des peuples dans un monde multipolaire.

Notes:

[1] Vgl. Sie leben. Über Ideologiekritik und Verschwörungstheorien in der Science Fiction | TOR Online (tor-online.de) consulté le 14.01.2023
[2] Vgl. (15) They Live in John Carpenter's Own Words – YouTube, consulté le 14.01.2023
[3] Vgl. Margaret Thatcher: There’s No Such Thing as Society - New Learning Online, consulté le 14.01.2023
[4] Vgl. Konvergenztheorie • Definition | Gabler Wirtschaftslexikon , consulté le 14.01.2023
[5] Vgl. Dugin, Alexander: Das Grosse Erwachen gegen den Great Reset. Trumpisten gegen Globalisten. Arktos Media Ltd. 2021.
[6] Vgl. (15) THEY LIVE who is more enslaved? - YouTube , consulté le 14.01.2023
[7] Voyez, à ce propos, la citation de cet hégélien de gauche que fut Karl Marx: "Les prolétaires de ce monde n'ont rien à perdre, sinon leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!".  Citation de Karl Marx: “Die Proletarier dieser Welt haben nichts zu ver...” (goodreads.com) , consulté le 14.01.2023
[8] Vgl. Sie leben! - Filmzitate , consulté le 14.01.2023
[9] Dans l'édition en bande dessinée, on voit apparaître des aliens sans abri et, ainsi, les limites entre humains et occupants s'estompent encore davantage que dans le film.
[10] Vgl. The Pervert's Guide to Ideology. Présenté par Slavoj Zizek. 2009.
[11] Vgl. Johannes 8:32 ...und werdet die Wahrheit erkennen, und die Wahrheit wird euch frei machen. (bibeltext.com), Jean 8:32 ...et vous reconnaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres; consulté le 14.01.2023

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lundi, 26 décembre 2022

Quand Hollywood dit la vérité

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Quand Hollywood dit la vérité

On n’a pas besoin de bander les yeux à des aveugles. 

Hollywood dit de temps en temps la vérité donc (cf. mon texte sur Hollywood et la théorie de la conspiration): le système n’a aucun intérêt à se cacher d’autant qu’il y a comme disait Debord un « marché de l’insatisfaction ». Debord écrit dans la Société du Spectacle (§59) :

« À l’acceptation béate de ce qui existe peut aussi se joindre comme une même chose la révolte purement spectaculaire : ceci traduit ce simple fait que l’insatisfaction elle-même est devenue une marchandise dès que l’abondance économique s’est trouvée capable d’étendre sa production jusqu’au traitement d’une telle matière première. »

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A la même époque que notre situationniste, Richard Hofstadter parlait de la paranoïa de vie politique américaine, paranoïa antisystème qui a la vie dure puisqu’elle a fait élire Trump en 2016 (avec les résultats que l’on sait: le système n’est pas si fou; j’y reviens) et s’est étendue via internet à la culture de la planète entière. La production cinématographique trouve donc une niche qui va des X-Files aux profanateurs de sépultures du vénéré Don Siegel. Pour Siegel les gens devenaient des légumes – sous l’effet conjoint de la bagnole, de la télé et des supermarchés. Restons-en à la télé.

Le fameux et regretté Michael Crichton (climato-sceptique en sus) fait dire donc à James Coburn dans Looker (un film brouillon et complexe sur l’hypnose marchande, le CGI et la chirurgie méta-esthétique) en 1981 :

« La télévision... est le support de vente le plus puissant de l'histoire de l'humanité. La télévision peut contrôler l'opinion publique plus efficacement que les armées de la police secrète, car la télévision est entièrement volontaire. »

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Crichton insiste sur l’essentiel ; à savoir que l’imbécile vacciné ou autre se croit libre devant sa télé :

 « Le gouvernement américain oblige nos enfants à aller à l'école. Mais personne ne les oblige à regarder la télévision. Les Américains de tous âges se soumettent à la télévision. La télévision est l'idéal américain. Persuasion sans coercition. Personne ne nous oblige à regarder. Qui aurait pu prédire qu'un peuple libre passerait volontairement un cinquième de sa vie assis devant une boîte avec des images ? »

La télévision peut donc créer la prison sans barreaux dont rêvait (dont rêvait ou que dénonçait ?) Aldous Huxley :

« Quinze ans en prison, c'est une punition. Mais quinze ans assis devant une télévision c'est du divertissement. Et l'Américain moyen passe désormais plus d'un an et demi de sa vie à regarder des publicités télévisées. Cinquante minutes chaque jour de sa vie à regarder des publicités. Maintenant, c'est le pouvoir. »

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Je prends une autre citation d’un film dont je parle souvent, Network. Network évoque la révolte spectaculaire : on crée une émission autour d’un présentateur un peu toqué, qui se voit entouré de Black Panthers, de néo-cocos, de voyantes New Age, etc. On est loin de Lénine mais on fait un bon indice d’écoute. Or le patron de la chaîne s’énerve et veut répandre un autre message suite à une polémique anti-saoudienne qui a fait capoter un deal (pensez au Qatar ces jours-ci…). On l’écoute :

Jensen : Vous vous êtes mêlé des forces primitives de la nature, M. Beale, et je ne le veux pas !! Est-ce clair?! Vous pensez que vous avez simplement arrêté un accord commercial. Ce n'est pas le cas. Les Arabes ont retiré des milliards de dollars de ce pays, et maintenant ils doivent les remettre ! C'est le flux et le reflux, la gravité des marées ! C'est l'équilibre écologique ! »

Il faut alors comprendre dans quel monde global on se trouve :

« Vous êtes un vieil homme qui pense en termes de nations et de peuples. Il n'y a pas de nations. Il n'y a pas de peuples. Il n'y a pas de Russes. Il n'y a pas d'Arabes. Il n'y a pas de tiers-monde. Il n'y a pas d'Occident. Il n'y a qu'un seul système holistique de systèmes, une domination de dollars vaste et immanente, entrelacée, interagissant, multivariée et multinationale. Pétrodollars, électro dollars, multi dollars, reichsmarks, rins, roubles, livres et shekels. »

Le monde, c’est les marchés. On l’avait compris. Et l’argent c’est la vie ; on le comprend mieux alors qu’ils nous liquident en gardant les marchés au sommet – les chiffres n’ont plus besoin de consommateurs donc ces consommateurs peuvent et surtout doivent crever – dixit Harari.

La suite prend un ton comique et presque rabelaisien :

« C'est le système monétaire international qui détermine la totalité de la vie sur cette planète. C'est l'ordre naturel des choses aujourd'hui. C'est la structure atomique, subatomique et galactique des choses aujourd'hui ! Et VOUS vous êtes mêlé des forces primaires de la nature, et VOUS EXPIERIEZ ! »

Après l’extraordinaire Paddy Chayefsky (trois oscars, voyez l’excellente américanisation d’Emily) ose écrire – et faire dire :

« Vous vous levez sur votre petit écran de vingt et un pouces et hurlez sur l'Amérique et la démocratie. Il n'y a pas d'Amérique. Il n'y a pas de démocratie. Il n'y a qu'IBM et ITT et AT&T et DuPont, Dow, Union Carbide et Exxon. Ce sont les nations du monde d'aujourd'hui. »

Dans le même esprit les Français avaient fait à la même époque Mille milliards de dollars et l’Imprécateur. L’insatisfaction était tendance ; aujourd’hui, ce qui est tendance, c’est la déification des riches et des célèbres, la sacralisation de Bill Gates, de Davos et de notre génocide. On a les élans que l’on peut : la télé programme.

Comme Guy Debord (Société, § 111), le Pdt Jensen ne croit pas à l’opposition russe, chinoise ou autre :

« De quoi pensez-vous que les Russes parlent dans leurs conseils d'État - de Karl Marx ? Ils sortent leurs tableaux de programmation linéaire, leurs théories de décision statistique, leurs solutions minimax et calculent les probabilités prix-coût de leurs transactions et investissements, tout comme nous le faisons. »

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Et à propos des corporations :

« Nous ne vivons plus dans un monde de nations et d'idéologies, monsieur Beale. Le monde est un collège d'entreprises, inexorablement déterminé par les statuts immuables des affaires. Le monde est une entreprise, M. Beale. C'est depuis que l'homme a rampé hors de la boue. »

Et le tout se termine sur un ton très Tocqueville :

« Et nos enfants vivront, M. Beale, pour voir ce monde parfait dans lequel il n'y a ni guerre ni famine, ni oppression ni brutalité - une vaste et œcuménique holding, pour laquelle tous les hommes travailleront pour servir un profit commun, dans lequel tous les hommes détiendront une part du capital, toutes les nécessités seront pourvues, toutes les inquiétudes seront apaisées, tout l'ennui sera amusé. »

Sauf que le système s’est lassé de nous et qu’il veut s’en débarrasser.

Jensen ajoute :

« Et je vous ai choisi, monsieur Beale, pour prêcher cet évangile.

Beale : Mais pourquoi moi ?

Jensen : Parce que tu es à la télévision, imbécile. Soixante millions de personnes vous regardent tous les soirs de la semaine, du lundi au vendredi… »

Il est clair que 90% des gens (les « anti complotistes ») ne comprendront jamais rien à un message pareil. Le système peut donc y aller.

Sources :

Hollywood et la théorie de la conspiration, par Nicolas Bonnal – Le Courrier des Stratèges (lecourrierdesstrateges.fr)

"The World Is a Business, Mr. Beale" - YouTube

Looker (1981) ORIGINAL TRAILER [HD 1080p] - YouTube

Microsoft Word - Document dans Microsoft Internet Explorer (free.fr)

(PDF) Richard Hofstadter Paranoid Style in American Politics | Matei Fratila - Academia.edu

 

 

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lundi, 19 septembre 2022

Jean-Luc Godard ou le cinéma en tant qu'œuvre d'art totale

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Jean-Luc Godard ou le cinéma en tant qu'œuvre d'art totale

L'histoire du cinéaste français est le récit d'une indépendance artistique obtenue en essayant de ne répondre à rien d'autre qu'à sa propre conscience au prix d'aller à l'encontre de l'esprit du temps

par Andrea Piran

Source: https://www.barbadillo.it/106075-jean-luc-godard-ovvero-il-cinema-come-opera-darte-totale/

Ce n'est pas une hyperbole de dire que Jean-Luc Godard appartient à cette catégorie de cinéastes, composée d'une poignée de noms, qui ont forgé la grammaire du septième art, élevant son rang d'attraction de cirque à une discipline digne d'une étude académique. Le début de sa carrière, cependant, c'est en tant que critique de cinéma pour divers magazines avec un intérêt particulier pour le cinéma américain et en essayant d'élaborer une haute idée de cette discipline au point d'écrire : "à la question 'qu'est-ce que le cinéma ?' je répondrais d'abord : l'expression de sentiments nobles".

Cette approche le conduira au cours de sa filmographie à repenser les formes du cinéma afin de résoudre la contradiction qui existe parce que le film est simultanément un produit industriel et une œuvre d'art. Le principal problème théorique que pose la notion d'auteur au cinéma est lié au fait que, pour des raisons de production, le nombre de personnes impliquées dans la réalisation d'un film est si important que la personne responsable du résultat artistique ne peut être identifiée au premier coup d'œil. Ce n'est pas un hasard si la définition du cinéaste en tant qu'auteur est liée à l'existence d'éléments esthétiques qui permettent de définir un style et qui sont cohérents dans sa production. Ce n'est pas un hasard si l'intérêt de Godard pour la technologie et les techniques cinématographiques est lié à sa conviction que l'indépendance économique du cinéaste est essentielle pour parvenir à un contrôle esthétique du film.

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Sa production cinématographique peut essentiellement être divisée en trois phases : la première, qui s'étend de Jusqu'au dernier souffle en 1959 à La Chinoise en 1967, est la plus connue car elle est propre au mouvement dit de "la nouvelle vague" et à son importance historique bien établie, et parce qu'elle est la plus facile à apprécier. Dans le cadre des innovations formelles de ces films : l'absence de salles de cinéma et le montage inégal c'est-à-dire, une scène est découpée en parties divisées par une ellipse temporelle au lieu d'un lien, l'utilisation d'un scénario de type traditionnel, bien que soumis à des réécritures et des modifications en cours de production, est le lien avec une forme de cinéma à caractère également populaire, sachant que Godard n'a jamais caché sa considération critique du cinéma de genre, notamment américain, et, ce n'est pas un hasard, de nombreux topos de ces formes populaires sont présents bien que filtrés par la poétique personnelle de l'auteur. Dans cette phase, le projet de l'auteur est le renouvellement d'une forme qui est de toute façon liée, ou conséquente, aux maîtres du passé, mais à moderniser en éliminant les traits les plus nettement théâtraux et en insérant un élément de réalité d'une matrice éminemment photographique.

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La deuxième phase, qui s'étend de British Sounds en 1969 à Tout va bien en 1972, est liée à l'idée d'un cinéma marxiste : c'est-à-dire que Godard entame une réflexion sur la relation entre les conditions économiques de la réalisation d'un film et sa forme esthétique, et par conséquent sur la manière dont le cinéma peut jouer un rôle politique dans la construction de la conscience de classe. De nombreux films de cette période sont signés "Groupe Dziga Vertov" et réalisés avec d'autres cinéastes, notamment Jean-Pierre Gorin, en référence aux tendances de l'époque qui prônaient la centralité de l'action collective par rapport à l'action individuelle. L'hommage au maître soviétique se reflète dans l'utilisation de formes de nature documentaire, notamment dans Un film comme les autres, et dans la capacité à faire un cinéma éloigné de la propagande fade tout en étant idéologiquement orienté en vertu d'un détachement programmatique de l'artifice.

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Dans cette phase, la tendance à passer d'un cinéma qui doit raconter une histoire à un cinéma qui doit représenter une pensée commence à émerger et, par conséquent, une utilisation marquée des voix off commence, qui ont pour tâche de créer une relation dialectique entre le son et l'image ainsi que de rompre la cohérence cinématographique habituelle entre ces deux éléments. À la fin de cette phase, il y a un silence artistique essentiellement lié à l'épuisement d'une saison politique et à la crise pratique d'un projet esthétique (le "Groupe Dziga Vertov" se dissout en raison de désaccords entre ses membres) où l'aspect esthétique est relégué à l'aspect fonctionnel.

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Après une phase intermédiaire d'œuvres réalisées avec Anne-Marie Miéville en 1980, commence la troisième phase, qui s'étend de La vie sauve ceux qui peuvent, jusqu'à Le livre d'image de 2018, qui est, selon l'écrivain, la plus importante de son œuvre. Dans cette phase, en s'émancipant d'une cohérence narrative de type littéraire, c'est-à-dire raconter une histoire, le cinéma devient un véritable Gesamtkunstwerk dans lequel convergent les influences et les suggestions de tous les arts, tenus par une cohérence formelle de type philosophique, c'est-à-dire développer une pensée.

L'une des œuvres symboliques de cette période est Histoire(s) du cinéma, dans laquelle des fragments de toute l'histoire du cinéma sont articulés dans une réflexion complexe sur la forme, montrant les éléments qui se répètent et se modifient au fil du temps, et dans laquelle le spectateur est appelé à les analyser et à les interpréter dans le contexte de la réalisation ; une œuvre rendue possible par l'utilisation de la bande vidéo, car ce support permet une extraction du contenu et une duplication beaucoup plus simples que la pellicule, et surtout, il permet l'absence de recours à des figures tierces.

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En définitive, l'histoire de Jean-Luc Godard est l'histoire d'une indépendance artistique obtenue en essayant de ne répondre à rien d'autre qu'à sa propre conscience au prix d'aller à l'encontre de l'esprit du temps : on se souvient qu'il ne s'est pas rendu à Los Angeles, l'une des patries du salutisme politiquement correct, pour recueillir l'Oscar de sa carrière, sous prétexte que le voyage était long et qu'il était interdit de fumer dans l'avion. Pour la postérité, il tente de répondre à la question qui sous-tend son dernier film : est-il possible d'écrire un livre, c'est-à-dire d'atteindre le même niveau de discursivité que l'écrit, en utilisant des images ? Quelles sont les implications pour les techniques d'édition ? L'alternative est de rester obstinément ancré à la tradition et à ses codes esthétiques, mais cela signifie être persuadé de la fin de l'histoire.

Andrea Piran.

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mercredi, 14 septembre 2022

Top Gun - La propagande hollywoodienne pour l'armée américaine au cinéma

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Top Gun - La propagande hollywoodienne pour l'armée américaine au cinéma

Alexander Markovics

Les Etats-Unis au milieu des années 1980 : après la médiatisation des crimes de guerre commis par l'armée américaine au Vietnam, un important mouvement pacifiste dans les années 1960 et 1970 et une vague de films anti-guerre comme Apocalypse now et Ceux qui traversent l'enfer ont ruiné la réputation des forces armées américaines. Mais un film a largement contribué à changer la donne : Top Gun, de Jerry Bruckheimer, avec Tom Cruise dans le rôle principal. Doté d'un budget de 15 millions de dollars, le film a rapporté 356,8 millions. Le grand succès du film est sans aucun doute dû en partie à l'US Navy qui, par le biais du DOD Entertainment Office, met des porte-avions et des chasseurs à la disposition de la production. Ce bureau du ministère américain de la Défense existe curieusement depuis 100 ans et a coopéré pour la première fois avec des cinéastes en 1927 pour le film Wings, sur les pilotes de chasse pendant la Première Guerre mondiale. Et la marine en a également profité : après la sortie du film en 1986, on a assisté à une augmentation de 500% du nombre de jeunes pilotes dans la marine, notamment parce qu'il y avait en même temps des recruteurs militaires devant les salles de cinéma.

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Parallèlement, le ministère américain de la Défense contrôle ainsi les messages véhiculés par le film : l'ensemble du scénario doit être approuvé au préalable. Top Gun, avec ses scènes d'action rapides et ses manœuvres aériennes audacieuses, n'est donc pas seulement un bon film d'un point de vue technique, mais aussi un message publicitaire efficace en faveur de l'impérialisme américain. Il ne fait aucun doute que le film laisse un goût amer lorsque l'on sait que ce sont précisément les pilotes américains qui ont bombardé l'Irak, la Yougoslavie, la Libye et bien d'autres pays au cours des trente dernières années, causant la mort de millions de personnes. Trente-six ans plus tard, Tom Cruise et les forces armées américaines réitèrent cette manœuvre dans les salles de cinéma, cette fois avec le film Top Gun : Maverick. Cette fois encore, il s'agit essentiellement d'un film pornographique de guerre qui glorifie l'armée américaine de manière ridicule et dépeint une troupe qui place la camaraderie et l'abnégation au-dessus de tout. Si l'on considère le taux élevé de suicides dans les forces armées américaines, cela aussi se moque de la réalité.

Ce qui est intéressant dans ce film, c'est qu'il manque de contexte ou qu'il le laisse dans l'ombre : Top Gun Maverick ne prend même pas la peine de justifier la politique étrangère américaine. Un État voyou non identifié veut construire un réacteur nucléaire et l'escadron d'élite Top Gun doit le détruire lors d'une opération commando. Il n'y a pas de débat sur la motivation de l'État voyou à vouloir construire ce réacteur (peut-être pour pouvoir défendre sa souveraineté contre les États-Unis ou pour ne pas avoir à subir les sanctions énergétiques américaines?), et on ne montre pas non plus les protagonistes de l'État ennemi sans visage, qui ne servent que de chair à canon anonyme pour les as de l'aviation américaine. Du point de vue des Etats-Unis, de tels films peuvent être compréhensibles, mais seuls les maîtres du complexe de divertissement militaire d'Hollywood et de Washington savent pourquoi les spectateurs allemands et européens, qui ont également eu à souffrir des bombes américaines dans le passé, sont contraints de voir de tels films.

mardi, 13 septembre 2022

Jean-Luc Godard et le crépuscule des dieux 

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Jean-Luc Godard et le crépuscule des dieux 

par Nicolas Bonnal

Source: https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/09/13/jean-luc-godard-et-le-crepuscule-des-dieux-par-nicolas-bonnal/

Quelques lignes de Nicolas Bonnal pour rendre compte du vrai Godard, très loin des mièvreries de la bien-pensance qui se déversent depuis ce matin.

Godard pour moi n’a existé que dans les années soixante, au temps de la splendeur de Bardot, de Belmondo, de Marina Vlady. On vit à l’heure de la Conquête du cool décrit par Frank, et Godard incarne à la fois une révolte formelle – qui a totalement disparu depuis du cinéma – et politique, une révolte proche dans l’esprit de celle des situationnistes.

En quelques films il remet en cause la réalité de la France bourgeoise, consumériste et gaulliste – et ne propose rien. Quand il va proposer quelque chose (la Chine maoïste, les Black Panthers, etc.), il va sombrer. Parvulesco, confirmé par Antoine de Baecque, me disait que, dans sa jeunesse, il était d’extrême-droite, Godard, comme pas mal de cinéastes de cette époque étonnante ; et que, lui, Parvulesco lui servait de gourou. D’où l’extraordinaire interview de Melville grimé en Parvulesco dans A bout de souffle. L’homme a tout perdu, notamment par rapport à la femme en Amérique woke : tel est le message rigolard du maître goliard que je n’ai jamais contesté. Quel dommage qu’on ait perdu le cinéma de Hawks et de Hitch au passage (voyez mes livres).

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La caméra prophétique de Godard

Aucune envie de polémiquer. Je rappellerai donc que :

  • Dans A bout de souffle, Godard montre (et dénonce sans doute sans le vouloir) l’américanisation en profondeur et en surface de la France. La France est déjà un pays englouti par l’américanisation, peut-être plus que d’autres (d’où sans doute ce très inutile antiaméricanisme qui nous marque tous). La belle américaine mène notre voyou franchouillard à la mort (comme aujourd’hui ils nous remmènent à l’abattoir – on y a pris goût).
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  • Dans Alphaville Godard annonce le nazisme numérique de la Commission de Bruxelles. C’est la victoire du professeur von Braun et de la machine. On a tant écrit sur ce sujet – pour rien encore…
  • Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Godard filme l’horreur des banlieues et des HLM. Le grand remplacement a déjà eu lieu et il est dans les têtes et les paysages. Relire Virilio et mon texte sur ce très grand auteur, repris par son éditeur Galilée.

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  • Dans Le Petit soldat Godard fait un film d’extrême-droite, peut-être le seul du cinéma français. C’est sur la guerre d’Algérie. Allez voir.
  • Dans Le Mépris, Godard lamente avec le thème sublime de Delerue la fin du cinéma, la Fin des dieux (il cite Hölderlin et nous montre Fritz Lang), et la fin de la Méditerranée. Le touriste va remplacer les héros odysséens. La crise du couple nous bassine un peu plus.

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D’autres films pourraient être cités de cette extraordinaire époque anarchiste de droite, comme Les Carabiniers, qui avaient enchanté Polanski. Finissons avec Hölderlin : « les dieux existent peut-être, mais au-dessus de nos têtes, et dans un autre monde ».

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jeudi, 25 août 2022

La Malaisie en guerre contre le cinéma occidental: les films à contenu Lgbt sont bloqués

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La Malaisie en guerre contre le cinéma occidental : les films à contenu Lgbt sont bloqués

Par Cristina Gauri

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/esteri/malesia-cinema-occidentale-film-contenuti-lgbt-241641/

Rome, 15 août - Encore des problèmes pour le film Thor : Amour et Tonnerre, produit par Marvel : après avoir encaissé les interdictions de la Chine, qui a bloqué sa projection en salle pour un contenu jugé trop Lgbt-friendly, c'est maintenant le tour de la Malaisie, qui a interdit sa distribution car il "alimente la culture gay". Thor est en bonne compagnie : Buzz Lightyear et son baiser saphique entre les deux femmes principales - qui n'avait déjà pas réussi à passer les contrôles stricts des Émirats arabes - n'a pas non plus réussi à franchir les frontières malaisiennes. Les deux films avaient été soumis après que les sociétés de production aient refusé de faire les coupes exigées par le gouvernement de Kuala Lumpur.

La Malaisie rejette Thor et Buzz l'Éclair : "contenu Lgbt"

Le refus de distribuer les deux films s'inscrit dans le cadre d'une campagne de répression annoncée par le vice-ministre malaisien des communications, Zahidi Zainul Abidin, qui a confirmé l'engagement du gouvernement à censurer autant de contenus LGBT que possible : "Actuellement, nous nous rendons compte que de nombreux films comportant des éléments homosexuels parviennent à passer la censure", a-t-il déclaré, faisant notamment référence aux séries et aux films diffusés sur les plates-formes de diffusion vidéo. "Nous avons toujours été stricts et engagés", a-t-il déclaré. Et ce, malgré le fait que la Malaisie dispose de lois qui promeuvent et défendent la tolérance raciale et religieuse : la majorité de la population malaisienne est en effet musulmane et donc peu tolérante vis-à-vis de l'homosexualité et de la propagande LGBT dont regorgent les productions occidentales actuelles.

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Mais les plateformes de streaming échappent à l'examen

Outre les deux films susmentionnés, le gouvernement malaisien a récemment empêché la projection d'autres films, dont Rocketman, sur la vie d'Elton John, et un livre intitulé Gay Is OK ! Une perspective chrétienne. Il est plus difficile d'intervenir dans le cas des plateformes de streaming, telles que Netflix, Disney+ et Amazon Prime Video, qui ne sont pas des diffusions publiques. C'est pourquoi le ministère des Communications a lancé une campagne de sensibilisation pour que les familles exercent un contrôle plus strict sur les contenus visionnés par leurs enfants, grâce à l'utilisation du contrôle parental.

Cristina Gauri

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lundi, 18 juillet 2022

Contre la glace, le courage, la découverte et beaucoup de froid

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Contre la glace, le courage, la découverte et beaucoup de froid

Fabio S. P. Iacono

SOURCE : https://www.destra.it/home/against-the-ice-coraggio-scoperte-e-tanto-freddo/

Against the Ice est un film inspiré d'une histoire vraie. Au début des années 1900, les Danois Ejnar Mikkelsen et Ivar Iversen se sont isolés pendant plus de huit cents jours dans la glace du Groenland pour prouver, non seulement sur le papier mais dans les faits, que cette énorme surface de glace appartenait au Danemark et que les revendications des Américains étaient fictives et de mauvaise foi.

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Ejnar Mikkelsen (joué par Nicolaj Coster-Waldau, également connu sous le nom de Jaime Lannister et scénariste et producteur du film), est un vétéran de l'exploration polaire. Aux commandes du navire Alabama, bloqué par la glace, il décide de ne laisser son équipage prendre aucun risque et de partir avec Ivar Iversen (Joe Cole), le motorman, pour une reconnaissance dangereuse. Sur le chemin du retour, il se passe tout et n'importe quoi : les preuves sont stockées sous des rochers, mais le navire est parti et il ne reste qu'une cabane. Ils y restent et décident ensuite de récupérer les preuves, mais lorsqu'ils retournent à la base, ils découvrent que quelqu'un était venu les secourir. Un canular.  Mikkelsen et Iversen doivent donc se résigner à de nouvelles attentes et survivre jusqu'aux limites extrêmes de l'endurance physique et psychologique. Enfin, le salut. Inattendu et surprenant.

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Le réalisateur Peter Flinth reproduit efficacement l'ensemble de l'histoire avec une précision presque artisanale, et Against the Ice est un film habilement produit et emballé. Le film a été présenté hors compétition au Festival du film de Berlin 2022. En Italie, il est sur Netflix depuis quelques jours.

Fabio S. P. Iacono

 

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mardi, 24 mai 2022

Idiocratie et cinéma

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Idiocratie et cinéma

Nicolas Bonnal

Le cinéma a peut-être décliné depuis John Ford ou Fritz Lang, mais il reste toujours ce qui dit la vérité vingt-quatre fois par seconde, surtout quand il est d’essence commerciale. Certainement plus que la réalité organisée des news et des docus. C’est que la fiction, comme disait Mark Twain rend certainement plus compte de la réalité que le journalisme, qui n’a jamais été aussi totalitaire et diffus qu’aujourd’hui.

Que nous apprend cette crise du virus, cette montée du totalitarisme technologique et du camp de concentration planétaire ? Que nous sommes des idiots et des lâches (regardez le pauvre Philippot qui se débat avec quelques centaines de manifestants chaque fois) dirigés par des tyrans débiles, dont les solutions sont criminelles, suicidaires, inefficaces. Le dénominateur commun de tout cela c’est l’idiotie. La foule mondialiste veut du reset et du vaccin, de la prison et de la mort – ce que son élite appelle par exemple la transition énergétique. Elle veut aussi de l’esclavage volontaire, et cette soumission, on le sait depuis La Boétie et depuis l’Antiquité, accompagne l’idiotie. Au sens strict de mon dictionnaire de grec ancien, l’idiot est celui qui n’a pas de vie sociale, celui qui s’est marginalisé, confiné dans la cité – du fait de sa stupidité, mais pas seulement. Aujourd’hui nous sommes tous confinés, mais devant la télé – ou les écrans. Nous sommes réunis dans le séparé, disait Guy Debord. Cette idiotie sociale s’accompagne surtout chez nos élites aussi d’un délabrement intellectuel. Tout devenant théorie de complot, on ne saurait s’intéresser à rien, sous peine… L’imbécillité des Schwab, Gates, Macron, ne saurait nous étonner. Le maître Cipolla professeur à Oxford a brillamment défini le stupide : c’est l’homme de décision qui nuit à tous ses prochains sans forcément en tirer parti. Certes certains peuvent être achetés par Soros (les parlements, les juges) ou Bill Gates (les médecins, les journalistes), mais cela ferait trop de gens ; et ce qui caractérise le gouvernement Macron c’est le pullulement des imbéciles. Il est évident en France, ce pullulement, je dirais depuis l’ère Sarkozy et peut-être même depuis l’époque de Chirac, qui mit ce même Sarkozy et notre sorcière Lagarde aux affaires (le gouvernement Juppé de 1995 était aussi un désastre obscur). Depuis cette époque (comme je regrette mon « grand initié » Mitterrand qui m’avait même répondu !) la France n’a fait que se déliter sur le plan intellectuel, moral, matériel, économique, libéral, bref sur tous les plans. Et à part une poignée de grincheux dont je ne fais plus partie, tout le monde de nos sous-doués s’en tape.

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J’en viens au cinéma : le cinéma a reflété cette montée de l’imbécillité et des idiots. Avant les idiots étaient des idiots (Laurel et Hardy) ; aujourd’hui les héros sont idiots. En Espagne on a eu Torrente, en France Dujardin avec Brice ou OSS 117. En Amérique on a eu les excellents Dumb et Dumber (jouer à l’handicapé physique ou mental pour ne pas travailler devient une industrie occidentale) et puis le mouvement s’est accéléré : on a eu les débiles bourrés de Las Vegas et Hong-Kong (la trilogie de « Hangover » de l’excellent et très lucide Todd Phillips), on a eu les wedding crashers, et toutes ces comédies grand public ont accompagné le cinéma d’auteur américain.

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Cela fait quarante ans en effet que Jim Jarmusch décrit l’imbécillité américaine, cela a commencé avec « Stranger than paradise », puis cela s’est prolongé avec le grand acteur de cette prostration intellectuelle et morale, j’ai nommé Bill Murray, qui chassait jadis les démons à New York (« Ghostbusters »). Exaspéré par Trump et cette montée irrésistible, Jarmusch a filmé aussi les zombies dans un film éponyme qui montre nos zombies le pif toujours dans leur smartphone ! Jarmusch a aussi été le cinéaste du délitement industriel américain (qui commence à Cleveland, comme « Voyage au bout de l’enfer ») et il semble que deux décisions aient contribué à cette montée de l’imbécillité de masse : la fin de l’étalon-or qui fit enfler les programmes sociaux et la désindustrialisation (les délocalisations).

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Je vais vous dire une chose : je ne parle qu’aux gens qui exercent un travail manuel utile, car les autres sont devenus cons comme la lune, fonctionnaires, bureaucrates, profs, etc. Le travailleur manuel est l’avenir de l’humanité, et il en reste fort peu. Vive le marteau et la faucille, comme dirait Georges Marchais.

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À côté de Jarmusch on a les frères Coen, qui ont très bien filmé l’imbécillité des riches dans « Intolerable cruelty » par exemple. Mais leur record de la stupidité cruelle à tous les niveaux reste « Fargo » ; ici on est dans la vingt-cinquième heure de Gheorghiu, dont j’ai déjà parlé. Désolé pour tout le monde, il est trop tard pour le messie et ceux qui s’aspergent d’apocalypse feraient mieux d’étudier la notion de nécro-politique ou hystérésie. Quelque chose (un pays, la démocratie, les hommes), peut être mort et vivre encore. On verra ce que le futur nous réserve quand plus de 99% des imbéciles seront vaccinés et persécuteront cruellement ceux qui ne le sont pas ; tout ça pour une pandémie qui tue une personne sur trois mille…

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Je vais citer d’autres noms ; la fille Coppola, qui ne cesse de surprendre et qui est un génie incompris alors qu’elle a magnifiquement montré le devenir idiot de la mondialisation. « Lost in translation » montre l’abrutissement du japonais (référence d’Harari comme de Kojève), avec ce bombardement médiatique qui déclenche dans chaque pays un Hiroshima intellectuel. C’est la pluie noire dont a parlé Ridley Scott dans un film incompris. Coppola aussi a montré l’abrutissement des jeunes par les réseaux sociaux dans « Bling Ring ». On cambriole des stars vues dans Facebook ou Instagram puis on se fait prendre en photo avec le butin avant d’être fait prisonniers par la police…

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Le film « Somewhere » montre la nullité de la vie d’un people à Los Angeles qui couche avec toutes les filles qui l’assaillent (et ne lui ont pas fait le coup de Me Too). Même « Marie-Antoinette » montrait la crétinisation de la Cour versaillaise que Taine avait magnifiquement dénoncée dans le premier tome de ses « Origines de la France contemporaine » (voyez mon texte). Taine aussi a vu l’inquiétante montée (y compris chez Molière) du fonctionnaire et bourgeois qui depuis la république tyrannisent la France. Ils avancent avec un pouvoir fort et centralisé, explique-t-il, oubliant qu’ils fabriquent leurs idiots à la chaîne ensuite, via les médias, la médecine, les études (oh, ces femmes savantes contre qui se bat la grand-mère de Ricardo Boutry…).

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On terminera avec Alexander Payne cinéaste américain de culture orthodoxe dont les comédies décalées (« Sideways », « les Descendants », « Nebraska ») filment sans concession mais aussi sans lourdeur et sans méchanceté, ce dumbing down, cet effritement intellectuel des Américains et de notre humanité. Et on ajoutera ceci : ces films ne sont pas des produits critiques d’avant-garde façon « Weekend » de Godard. Ce sont des films grand public qui reflètent un affaissement ontologique intégral, et dans lesquels le grand public s’est joyeusement reconnu.

La crétinisation a été mal évaluée : on a vu Céline (voyez mes textes), Cipolla (voyez mes textes encore) on rappellera Debord : « L’ineptie qui se fait respecter partout, il n’est plus permis d’en rire ; en tout cas il est devenu impossible de faire savoir qu’on en rit ». Debord ajoutait toujours dans ses Commentaires si extraordinaires : « Et plus assurément il a été presque partout estimé que les recherches géologiques d’un gisement pétrolier dans le sous-sol de la ville de Paris, qui ont été bruyamment menées à l’automne de 1986, n’avaient pas d’autre intention sérieuse que celle de mesurer le point qu’avait pu atteindre la capacité d’hébétude et de soumission des habitants ; en leur montrant une prétendue recherche si parfaitement démentielle sur le plan économique ».

Le grand reset et la lutte contre le virus relèvent de la même démence et de la même hébétude : rien de nouveau au royaume du sommeil.

Terminons par une brève allusion à « Idiocracy ». Les frères Coen ont déclaré qu’ils ne pensaient pas arriver en 15 ans à une situation qu’ils pensaient voir arriver dans 500 ans. Certes, certains se défoulent avec Trump mais à voir ce que Biden accomplit en ce moment avec ses woke, ses BLM, son pentagone et ses errances russopobes-sinophobes on ne peut qu’admirer l’accélération de cette Fin de l’Histoire décidément pas comme les autres. Il est clair, me confirmait Lucien Cerise, que l’on va vers un effondrement plus que vers une dictature terrifiante. « Le destin du spectacle n’est pas de finir en despotisme éclairé ». Le spectacle, c’est la démocratie libérale avancée de Giscard qui vire au fascisme gâteux et inopérant. Ce cadre déprimant peut toutefois fournir à une poignée de jeunes bien organisés et de militants survivalistes une extraordinaire fenêtre d’action. Il faudra en reparler.

 

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vendredi, 06 mai 2022

Exemples de bellicisme hollywoodien

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Exemples de bellicisme hollywoodien

par Georges FELTIN-TRACOL

En 2003, les éditions Autrement publient un essai magistral de Jean-Michel Valantin, Hollywood, le Pentagone et Washington. Les trois acteurs d’une stratégie globale. Ce livre dévoile de profondes, solides et vieilles complicités entre le milieu cinématographique et le puissant complexe militaro-industriel présents aux États-Unis d’Amérique. L’auteur se focalise sur l’imbrication totale entre différents plans (personnalités, récits, financements) au point qu’il qualifie l’ensemble ainsi étudié de « complexe militaro-cinématographique » et de « cinéma de sécurité nationale ».

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Depuis la parution de ce maître-ouvrage, ce complexe discret a encore entendu son influence. Sous le premier mandat (2009 – 2013) de Barack Obama, Jonathan « Jon » Favreau animait l’équipe des « plumes » du 44e président avant de se lancer dans une carrière de scénariste à Hollywood. Ainsi a-t-il écrit le scénario de la série 1600 Penn. Attention toutefois au risque de confusion avec un homonyme, Jon Favreau, lui aussi scénariste des plusieurs films et séries (la franchise Marvel, Le Loup de Wall Street ou The Mandalorian). Sous Donald Trump (2017 - 2021), un ancien cadre de Goldman Sachs, Steven Mnuchin, occupe le poste de secrétaire au Trésor. Avant cette incursion politique, il avait produit des films comme Edge of Tomorrow (2014), Mad Max. Fury Road (2015) ou Batman vs Superman. L’aube de la justice (2016).

Ennemis désignés

Les liens structurels entre le cinéma de sécurité nationale et l’identité stratégique étatsunienne sont si prégnants qu’il faut de temps en temps les contester sur le grand écran. En 2013, Roland Emmerich réalise White House Down. Candidat recalé du Secret Service, John Cale (Channing Tatum) et sa fille Emily se retrouvent en pleine prise d’otage à la Maison Blanche. Ancien Marine, Cage sauve le président – noir – des États-Unis, James Sawyer (Jamie Foxx). Financés par les industries militaires qui ne désirent aucun règlement de paix durable au Moyen-Orient, les terroristes proviennent des mouvances d’« extrême droite ». Or, l’un des assaillants, Carl Killick (Kevin Rankin), au comportement de parfait psychopathe, qui doit surveiller une trentaine d’otages, porte en tatouage le A cerclé des anarchistes. L’anarchisme serait-il selon les critères hollywoodiens une variante du fascisme ou du nationalisme blanc ?

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L’assaut de la résidence officielle du chef de l’État yankee fait aussi l’objet d’un autre film, le premier d’une trilogie, intitulé La chute de la Maison Blanche (2013) d’Antoine Fuqua. Ce ne sont plus de très vilains fascistes qui s’emparent du célèbre bâtiment et de la personne du président Benjamin Asher (Aaron Eckhart), mais un commando nord-coréen très efficace. Et pourquoi pas des Suédois ? Ce parti-pris ne surprend pas. Ce film contribue à travers la distraction et le divertissement à la manipulation des masses qui ne peuvent envisager la République populaire démocratique de Corée qu’en tant que menace existentielle pour la paix mondiale… La Corée du Nord est aussi dénoncée dans le film de Lee Tamahori, Mourir un autre jour (2002). L’intrigue commence sur une plage coréenne du Nord où débarque en toute discrétion l’agent britannique 007 James Bond. Il est vrai qu’il peut ensuite passer inaperçu dans les campagnes de ce pays…

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Autre cible cinématographique du complexe militaro-cinématographique : le Bélarus. Réalisé en 2017 par Patrick Hughes, Hitman and Bodyguard raconte l’alliance de circonstance entre deux ennemis intimes. Le garde du corps Michael Bryce (Ryan Reynolds) doit protéger le redoutable tueur à gage Darius Kincaid (Samuel L. Jackson) afin qu’il puisse témoigner devant la Cour pénale internationale de La Haye des crimes contre l’humanité commis par le dirigeant bélarussien Vladislav Dukhovich. Pourquoi le Bélarus et non pas l’Arabie Saoudite qui, c’est bien connu, apporte un bonheur certain au Yémen depuis plusieurs années ?

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Gary Oldman joue le président Dukhovich. En 1997, cet acteur interprète Korchunov, le chef des « méchants » dans le film germano-étatsunien de Wolfgang Petersen Air Force One. C’est le premier film qui met en scène le président des États-Unis. La source ne tarira plus avec White House Down où James Sawyer manipule un lance-roquette pendant une poursuite automobile dans le parc de la Maison Blanche ou dans des séries télévisées telles que The West Wing (À la Maison-Blanche), Commander in Chief (Commandant en chef) ou Designated Survivor (Survivant désigné).

Un modèle du genre

Air Force One s’ouvre sur une opération des forces spéciales yankees qui s’emparent au Kazakhstan du général Ivan Radek joué par Jürgen Prochnow, le commandant de sous-marin allemand dans Le Bâteau de Wolfgang Petersen, et le duc Leto Atreides dans Dune de David Lynch. En visite d’État en Russie quelques semaines plus tard, le président James Marshall (Harrison Ford) prononce un discours musclé devant des hôtes ravis. Dorénavant, les États-Unis ne discuteront plus avec les « États voyous »; ils les combattront jusqu’au dernier. Le dirigeant occidental doit retourner à Washington à bord de l’avion présidentiel qui donne son titre au film. Son épouse Grace et leur fille Alice l’accompagnent. Bénéficiant de l’aide du responsable de l’équipe de protection présidentielle du Secret Service, Gibbs, six faux journalistes montent à bord et s’emparent de l’avion. Ils exigent la libération immédiate du général Radek jugé ultra-nationaliste, mais qui sort de la prison au son de L’Internationale chantée par les détenus avant d’être abattu au dernier moment. Ivan Radek incarne aux yeux du scénariste Andrew W. Marlowe la quintessence du militarisme rouge – brun national-soviétique…

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Ancien vétéran du Vietnam où il pilotait des hélicoptères, James Marshall ne se laisse pas faire. Il combat les preneurs d’otages. Pendant ce temps à la Maison Blanche, des divergences apparaissent vite entre la vice-présidente Kathryn Bennett (Glenn Close) – une première à l’écran de féminiser ce poste ! - et le secrétaire à la Défense Walter Dean. Qui prend les décisions urgentes en cas d’empêchement du président ? Bennett intervient en présidente par intérim alors que Dean veut invoquer le XXVe amendement qui permet la déposition du président en exercice par la majorité des membres du gouvernement. Le film pose donc une vraie question d’ordre constitutionnel nullement résolue.

Par ailleurs, par les bons soins du scénariste, lors d’une courte conversation avec Alice Marshall, Korchunov lui dit qu’il tue des innocents à l’instar de son président de père qui ordonne des frappes dévastatrices et des bombardements aveugles qui font de nombreuses victimes… Finalement, incurable optimisme oblige, James Marshall rétablit la situation et sauve sa famille. En 2016, un sondage du Wall Street Journal distinguait James Marshall comme le plus grand président fictif des États-Unis ! C’est sûr que ce ne serait pas le valétudinaire Joe Biden qui cognerait l’un des assaillants dans la soute de l’appareil !

Air Force One annonce les thrillers qui propageront la vue du monde néo-conservatrice, cette propension inacceptable à vouloir imposer un bonheur matériel consumériste et hédoniste à tous les peuples de la Terre enfin soumis au mantra des « droits de l’homme ». Depuis la sortie de ce film aux scènes haletantes, le complexe militaro-cinématographique continue à répandre une propagande incessante qui ne fait qu’alimenter l’hubris belliciste de l’Occident globalitaire américanomorphe.

Georges Feltin-Tracol.

samedi, 06 novembre 2021

No time to die: la faiblesse de Bond à l'heure de la cancel culture

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No time to die: la faiblesse de Bond à l'heure de la cancel culture

La dernière version cinématographique de l'agent créé par l'écrivain anglais Fleming n'est pas convaincante

par Giuseppe Del Ninno

Ex: https://www.barbadillo.it/101464-no-time-to-die-la-debolezza-di-bond-al-tempo-della-cancel-culture/

No time to die, le dernier film de James Bond

Dans ses meilleures années, l'industrie cinématographique a également connu des sagas, des films qui ont obtenu un succès international grâce à un personnage, un interprète, une saga littéraire et qui ont ensuite, précisément en raison de ce succès, donné lieu à une ou plusieurs "suites". James Bond est un cas presque unique où le protagoniste d'une saga est joué par plusieurs acteurs, dont le dernier, Daniel Craig, fait ses adieux au personnage de 007, né de la plume de Ian Fleming, dans ce No time to die (qui renoue avec la récente habitude des distributeurs de ne pas traduire les titres originaux).

Le titre même - No time to die - semble contredire la fin, largement anticipée par les médias, qui voit succomber le héros de tant de films inspirés par le prince des agents secrets. Des pelotons entiers de sémiologues, à commencer par Umberto Eco, ont écrit des pages et des pages sur la signification profonde du succès de cette figure, populaire surtout auprès du public masculin: invincibilité, capacité de séduire les plus belles femmes, ironie (qui, par exemple dans les interprétations de Roger Moore, est devenue auto-ironie), liberté d'action totale avec l'intolérance conséquente des règles "professionnelles" (par rapport aux patrons qui se consacrent surtout à limiter son initiative) et sociales (lire : bref, tout ce complexe de connotations identitaires faisait que le spectateur moyen avait tendance à s'identifier au Héros, échappant, pendant deux heures, à la médiocrité de son quotidien.

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Et, coucou, voilà le politiquement correct

Eh bien, un tel bagage est complètement déballé et laissé sur le plateau, abandonné par Daniel Craig dans son dernier effort d'incarner sur l'écran l'agent 007 (qui, remarquez, menace de continuer sa carrière en devenant cet agent mythique sous les traits d'une jeune fille à la peau sombre, agréable, ambitieuse et efficace, afin de s'adapter au politiquement correct du moment, mais nous ne savons pas si cela revient aussi à s'adapter aux règles du marché. C'est du moins ce que nous dit l'intrigue de No time to die, qui nous offre un avant-goût de cet héritage).

Le film, cependant, est à mon avis décevant: un scénario brouillon et interminable, avec des rôles ambigus (à un certain moment, on ne sait plus qui sont les "bons" et qui sont les "méchants"), des sauts de "lieu" trop brusques, des poursuites et des fusillades tonitruantes (avec un seul exploit de la fameuse Aston Martin équipée d'options mortelles); même la bande sonore, qui a contribué au succès mondial de la série, semble faible et anonyme. Dans ce contexte, il est difficile de comprendre le "caméo" non pas d'un acteur charismatique, mais d'une ville: la splendide Matera, dont le délicat enchevêtrement de montées et de descentes et de vieilles maisons a été mis en danger par le vrombissement des voitures et des motos, qui ont fait irruption dans un moment d'intimité fugace et tendre de notre héros avec sa compagne, dans un hôtel luxueux. Complètement superflu dans l'histoire, nous voudrions y voir un hommage à la "Venise des Sassi", capitale de la culture pour 2019.

Twilight Bond

Mais venons-en au Bond de sa dernière performance. Un personnage crépusculaire aurait pu être l'occasion d'un film qui ne soit pas seulement un blockbuster, mais un film de qualité ; au lieu de cela, le réalisateur californien Cary Fukunaga a échoué dans son objectif. Et en parlant de sagas et de crépuscules, il suffit de penser au western de Don Siegel et à The Gunslinger de John Wayne pour voir une comparaison impitoyable. Craig apparaît peu crédible dans son nouveau rôle de père et de compagnon fidèle, et de plus nous le percevons comme vulnérable aux embuscades et aux coups que lui infligent ses ennemis de toujours - et pas seulement le mythique "Spectre" - jusqu'à l'issue fatale.

L'attitude de coureur de jupons impénitent du Bond vintage, qui ne laissait jamais échapper aucune de celles que l'on appelait de façon cohérente les "Bond girls", appartient également au passé : Ici, face à une compagne séduisante et farouche, il se contente de faire un compliment et de s'éloigner... À cela s'ajoute l'hommage à l'actuelle "pensée unique dominante" qui, outre l'héritage précité de 007 passé entre les mains de l'interprète noir, colore également la peau de la secrétaire de "M", Miss Moneypenny, la faisant paraître plus jeune (autre trahison perpétrée à l'encontre de Fleming).

Nous savons tous que dans les films de 007, il manque l'"ennemi politique", celui, pour être clair, représenté dans de nombreux films d'espionnage par l'"Empire du Mal" soviétique: Fleming, qui avait également une expérience de l'espionnage au service de la Royal Navy contre l'Empire du Mal de l'époque (celui du soi-disant nazi-fascisme...), dès ses premiers romans s'est extrait de cette dialectique glissante, et a pointé ses flèches (ou plutôt celles de son Héros) contre les Grands Délinquants et les Organisations Criminelles qui se limitent à la recherche du profit et du pouvoir.

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Qu'il s'agisse de menacer le monde avec des engins nucléaires ou - comme dans ce cas - avec des résultats de recherches sophistiquées dans le domaine de la génétique, Bond était toujours en première ligne, peut-être avec les armes mortelles conçues par le Dr Q, un brillant scientifique des services secrets britanniques, qui dans ce film - mainstream oblige... - fait une sortie discrète, faisant à peine allusion à son homosexualité (inouïe). C'est peut-être une coïncidence, mais cette fois, ses tours diaboliques ne parviendront pas à sauver notre héros...

Les bons et les méchants existent-ils encore ?

À ce stade, quelques brèves réflexions sur la dérive de l'imaginaire collectif s'imposent : le déclin d'un genre comme le western, qui avait marqué pendant des décennies les fantasmes des enfants et des adultes, est, entre autres, la conséquence de complexes de culpabilité et d'un universalisme insidieux de l'"Ouest"; même d'un point de vue sémantique, on ne pouvait plus parler de "peaux rouges" et, encore moins, de "visages rouges": la seule définition admise était celle des "Amérindiens". Et pourtant, il n'y avait aucune malice dans cette "acclamation" pour la 7e Cavalerie de John Fors et de nombreux autres réalisateurs, qui, surtout dans notre pays, l'Italie, ne prédisposait à aucune forme de racisme.

Mais plus généralement, la montée du relativisme éthique et culturel a également transformé les figures du "bon" et du "mauvais", notamment sur le grand écran. Le gentil avait des moments et des traits du méchant, qui à son tour apparaissait, dans certains passages, moins "méchant" que ce à quoi nous nous attendions. Par conséquent, le héros-protagoniste devait se montrer dans toute son ambiguïté, plus semblable à l'homme moyen qu'au modèle inatteignable du Héros, courageux mais avec des moments de peur, généreux mais aussi impitoyable, chanceux mais aussi sujet, ici et là, à la malchance, et ainsi de suite, sur la route de la médiocrité qui ne fait pas rêver.

Ainsi, avec ce Bond au crépuscule, ils nous ont fait faire un pas de plus dans la direction du désenchantement : c'est peut-être aussi de cette manière que s'affirme la déplorable "cancel culture".

@barbadilloit

12:20 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james bond, cancel culture, cinéma, film, 007, politiquement correct | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook