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lundi, 11 novembre 2024

Si les cartes sont redistribuées, le paquet reste le même

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Si les cartes sont redistribuées, le paquet reste le même

par Enrico Tomaselli

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/si-rimescolano-le...

Je l'ai dit à une époque où cela n'était pas encore évident : l'élection de Trump en soi ne peut pas automatiquement représenter un tournant radical dans la politique internationale des États-Unis, car il existe des intérêts (concrétisés dans des stratégies à long terme) qui ne peuvent pas être remis en question à chaque changement d'administration. Il faudra donc voir, surtout sur le moyen et le long terme, comment le Président agira concrètement.

En gardant à l'esprit que, précisément parce qu'il s'agit d'une administration tendanciellement « isolationniste », son attention sera concentrée sur des questions internes aux États-Unis, à commencer par celle de l'immigration, l'un de ses chevaux de bataille. Et cela pourrait signifier, par exemple, que si les résistances du deep state à certains de ses orientations sont trop fortes, il pourrait utiliser son image de président principalement sur ces batailles internes, laissant à d'autres les rôles plus inconfortables liés à la politique étrangère.

Fondamentalement, sous cet angle, il sera essentiel de voir qui occupera deux postes clés : secrétaire d'État et secrétaire à la Défense. Il est assez évident que, du moins en partie, la vision trumpienne du « Make America Great Again » n’est pas si éloignée des orientations stratégiques des deux dernières décennies, ou du moins de la manière dont celles-ci sont en train de se réorienter. Par exemple, l'intention de mettre fin à la guerre en Ukraine (même si, comme il est assez évident, les idées sur la manière de le faire sont plutôt superficielles) ne s'écarte pas beaucoup du processus de désengagement déjà substantiellement amorcé sous la présidence de Biden.

Même par rapport à la question du Moyen-Orient, je ne vois pas de différences substantielles, et dans ce cas encore, il faudra voir comment se concrétiseront les slogans électoraux. La même déclaration « plus de guerres pendant mon mandat » peut facilement se traduire (et c’est probablement ce qui se passera) par une réduction de l'intervention américaine en soutien aux guerres en cours (et, bien sûr, par la non-participation directe des forces armées américaines), tout en maintenant l'incitation pour les différents proxy à continuer de manière plus autonome.

Quant à la Chine, il est clair que la présidence Trump sera marquée par une conflictualité économique, mais la dimension militaire — même si elle devait jamais se concrétiser — ne sera sûrement pas à l'ordre du jour sous la nouvelle administration. Ceux qui auront le plus à craindre de cette nouvelle administration ne sont aucun des pays que les États-Unis considèrent comme hostiles. Pour eux, cela changera relativement peu, car ils sont, chacun à leur manière, assez forts pour ne rien craindre de nouveau qu'ils n'aient déjà expérimenté ces dernières années.

En revanche, ce seront probablement les Européens qui paieront le prix des variations, même minimes, de la politique étrangère américaine. Le soutien largement anti-trumpien de presque toutes les directions européennes, du moins jusqu'à hier, ne manquera pas d’influencer davantage l’orientation de la politique des États-Unis envers l’Europe, qui de toute façon ne sera pas particulièrement favorable ; au contraire, on peut s’attendre à ce que nous soyons traités presque comme la Chine, mais sans en avoir ni la force commerciale ni la force politique.

En somme, les quatre prochaines années ne verront probablement pas de résolution rapide des conflits en cours, du moins pas par l’action directe des États-Unis. Néanmoins, tout changement dans le cadre général, même s’il n’est pas radical, apporte toujours de nouvelles opportunités ; il reste donc à voir qui, où et quand, saura les saisir. Et, bien sûr, surtout si il y aura saisie.

lundi, 06 juin 2011

Obama ou le velours afro-américain sur le poing d'acier yankee

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Obama ou le velours afro-américain sur le poing d’acier yankee

 

Entretien avec le Professeur Francis Boyle sur le rôle politique mondial de Barack Obama

 

Dans la deuxième partie de son entretien accordé au Dr. Gerhard Frey jr., le Prof. Francis Boyle se concentre principalement sur le rôle que doit jouer la présidence d’Obama dans le plan général de l’impérialisme américain (première partie : http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2011/05/09/p... ).

 

Q. : Prof. Boyle, pour nous Européens, Obama demeure un homme à mystères. Lorsqu’il a accédé à la présidence, il a fait ôter le buste de Churchill qui ornait le « Bureau ovale » de la Maison Blanche, non seulement parce qu’il s’agissait d’un prêt —et non d’un don— de l’ambassade britannique, mais parce qu’il voulait montrer que, vu son idiosyncrasie familiale, il ne pouvait pas, théoriquement, avoir le même mode de pensée que George Bush jr…

 

FB : N’oublions pas, d’abord, que lorsque Obama a fréquenté la « Columbia University », son « mentor » y était rien moins que Zbigniew Brzezinski. Ce dernier fut également son conseiller pendant la campagne électorale des présidentielles qui l’a mené à la Maison Blanche. Dès qu’Obama y est entré, il a truffé littéralement cette Maison Blanche de poulains issus de l’écurie de Brzezinski.

 

Personnellement, lorsque j’étais à Harvard, j’ai suivi le même curriculum pour ma promotion qu’avaient suivi jadis Kissinger et Brzezinski. Obama a terminé ses études après moi à la « Harvard Law School ». Lorsque j’étais à Harvard, le « Centre des Relations Internationales » m’avait donné le même bureau qu’avait occupé préalablement Kissinger. Je connais donc bien la manière de penser de personnalités comme Kissinger et Brzezinski. Lisez le livre de Brzezinski, The Grand Chessboard (« Le grand échiquier ») et vous y découvrirez que tout tourne autour d’une volonté bien résolue de s’emparer de toutes les réserves de pétrole et de gaz naturel. Celui qui a écrit ce livre est donc le principal conseiller d’Obama en politique étrangère ! Ensuite, Kissinger, lui aussi, conseille le Président. Quant au Général James Jones qui, jusqu’en octobre 2010, a été le conseiller d’Obama en matière de sécurité et de défense, il a déclaré ouvertement qu’il recevait chaque jour des directives de Kissinger. Je vous assure : il n’y a aucune différence entre Kissinger et Brzezinski. Sur le plan formel, l’un est « démocrate » et l’autre « républicain », mais ils défendent tous deux les mêmes idées et projets. Et je le répète : vous découvrirez la politique étrangère d’Obama dans les ouvrages de Brzezinski. Pour l’essentiel, cette politique étrangère dérive in fine de la géopolitique britannique de Sir Halford John Mackinder, théoricien d’une politique mondiale de puissance. C’est cela que l’on enseigne à Harvard de nos jours : comment il faut procéder pour dominer le monde. Voilà pourquoi Obama reçoit les conseils prodigués par Kissinger et Brzezinski.

 

Q. : Peut-être mais quoi qu’il en soit, le père d’Obama a été emprisonné au Kenya lors de la révolte antibritannique des Mau Maus. On pourrait dès lors penser, au vu de cette mésaventure paternelle, qu’Obama s’émancipera de cette politique de puissance, quoi que lui disent Kissinger et Brzezinski. Dans tout ce que vous dites, on dirait qu’Obama n’est qu’une simple marionnette…

 

caric_obama_book_sf.jpgFB : Je ne dirais pas qu’il n’est qu’une simple marionnette. Je me réfère notamment à des informations accessibles à tout un chacun, qui ont été dûment documentées et vérifiées et qui proviennent des travaux d’un reporter et journaliste d’investigation australien, réputé fort sérieux et couronné de quelques prix. Il s’agit de John Pilger. Celui-ci a pu prouver qu’après sa collaboration avec Brzezinski à la Columbia Université, Obama a travaillé pour une organisation camouflée de la CIA, la « Business International Corporation », qui aurait également financé le coût énorme de ses études et apuré ses dettes auprès de son université. Je pense que l’on peut poser, en toute vraisemblance, l’hypothèse qu’Obama a travaillé pour la CIA.

 

Pour résumer ce que je viens de dire : Obama n’est pas une marionnette, il fait partie du système. Il est le gant de velours afro-américain sur le poing d’acier de l’habituel impérialisme américain. Bush, lui, était le poing d’acier sans gant. Mais avec cette manière abrupte d’agir, les objectifs s’avéraient difficiles à atteindre, parce qu’une telle attitude était rejetée par les autres puissances qui comptent sur la scène globale. C’est pourquoi on a décidé de faire intervenir un autre acteur de la réserve et Obama est arrivé…

 

Q. : Qui donc se profile derrière Kissinger et Brzezinski ?

 

FB : Derrière Kissinger et Brzezinski se trouvent David Rockefeller et tout le clan Rockefeller. Tous les deux se trouvaient sur leur « payroll », sur la liste des personnes qu’ils finançaient : ainsi, lorsque Kissinger n’a pas obtenu son poste à Harvard, il a travaillé pour les Rockefeller. Brzezinski s’y est ajouté en 1973 quand il avait vainement essayé de devenir le directeur de la Commission Trilatérale. A l’époque, on avait choisi Jimmy Carter pour devenir candidat à la présidence. Lorsqu’il a emporté la course à la Maison Blanche, les Rockefeller ont introduit Brzezinski dans la place. Il a pris alors le rôle que jouait Kissinger sous Nixon. Nous constatons dès lors que quoi qu’il arrive, que ce soient les démocrates ou les républicains qui occupent l’avant-scène du pouvoir, ce sont toujours des poulains issus des écuries de ces deux personnalités qui définissent la politique étrangère américaine. David Halberstam, dans on livre « The Best and the Brightest », rappelle que ce « modus operandi » n’est pas récent : quand Kennedy entre à la Maison Blanche, après avoir, lui aussi, achevé des études à Harvard, il recrute effectivement « les meilleurs et les plus brillants » dans cette même université et ces intéressants sujets nous ont bien vite amené la guerre du Vietnam. Je viens de résumer très brièvement le bilan de cinquante années de politique étrangère américaine.  On ne doit donc pas être étonné qu’Obama reprenne tout bonnement les programmes qui fonctionnent depuis un demi siècle.

 

Q. : Ne craignez-vous pas qu’un jour ou l’autre on vous impose le silence…

 

FB : N’avons-nous pas tous appris la leçon du Pasteur Martin Niemöller ? Nous devons ouvrir la bouche et nous n’avons pas le droit de nous taire. Il n’y a rien de plus à dire.

 

(entetien paru dans « DNZ », Munich, Nr. 18/2011)

 

* *

Le Professeur Francis Boyle, né en 1950, est docteur en sciences juridiques et en philosophie, issu de Harvard. Au cours de sa carrière, il a travaillé sur le « Biological Weapons Anti-Terrorism Act » de 1989 et sur la législation américaine relative à la transposition en droit des accords sur les armes biologiques de 1972. Il a donné des cours de droit international à l’Académie militaire de West Point et en Libye et a représenté la Bosnie-Herzégovine et la Palestine. Il s’est engagé à défendre les droits des peuples indigènes comme les Amérindiens Pieds Noirs au Canada, les Lakota et le peuple autochtone des Iles Hawaï.