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jeudi, 19 juin 2025

La révolution du thorium en Chine : une technologie américaine oubliée qui devient une arme géopolitique

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La révolution du thorium en Chine: une technologie américaine oubliée qui devient une arme géopolitique

Source: https://report24.news/chinas-thorium-revolution-vergessen...

La Chine pourrait-elle devenir une puissance mondiale en matière de politique énergétique grâce aux centrales à thorium qui sont actuellement en construction ? Le vent et le soleil sont dépassés ; à la place, la République populaire travaille à une fourniture d’énergie stable, abordable et durable pour l’avenir. Et l’Occident ? Il reste simplement spectateur.

Alors que l’Europe lutte dans le cadre de la transition énergétique, s’embourbe dans des réglementations, et que les États-Unis semblent coincés dans une impasse de stagnation politique et de lobbying, la véritable révolution se produit ailleurs: profondément dans le désert de Gobi, loin de l’attention occidentale. Là, s’opère un saut quantique technologique et géopolitique qui pourrait ébranler les fondements de l’ordre énergétique mondial.

La Chine a — presque à l’insu de l’opinion internationale — mis au point une technologie qui a été développée autrefois au cœur du programme nucléaire américain, puis abandonnée: le réacteur à sels de thorium. En octobre 2024, des scientifiques chinois ont réussi pour la première fois à faire fonctionner en continu un tel réacteur avec un nouveau combustible. Une étape décisive — non seulement pour la science, mais aussi pour l’agenda géopolitique de Pékin.

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Une technologie oubliée, réactivée en Chine

L’ironie de l’histoire: le principe des réacteurs à sels fondus a déjà été testé avec succès dans les années 1960 au Oak Ridge National Laboratory dans le Tennessee. Mais le Pentagone a décidé de ne pas poursuivre ses expérimentations avec le thorium. La raison n’était pas technique, mais stratégique: les réacteurs à uranium sous pression produisaient du plutonium — la base des armes nucléaires. Le thorium, lui, est peu utile pour la destruction massive. Le projet a donc été abandonné — archivé, délaissé, oublié.

La Chine, en revanche, a fait preuve d’une patience stratégique. Dès 2011, la République populaire a commencé à développer ses propres technologies, en se basant sur la recherche américaine accessible au public. Pas de campagnes de relations publiques, pas de vitrines pour investisseurs. Au contraire, la construction, le développement et les tests se sont faits dans le silence du désert — avec une vision à long terme, presque étrangère à la mentalité occidentale qui ne privilégie que le court terme. En 2024, le premier réacteur a commencé sa pleine exploitation. Et une percée dans le rechargement en fonctionnement a rapidement suivi — une innovation technologique.

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Le thorium : la clé de la souveraineté énergétique de la Chine

Autrefois phénomène marginal dans la recherche nucléaire, le thorium devient aujourd’hui une ressource géopolitique de premier plan. Ce combustible est trois à quatre fois plus abondant que l’uranium, disponible mondialement, et moins susceptible d’être utilisé pour la prolifération. Dans les réacteurs à sels fondus, il permet d’atteindre des températures élevées à pression atmosphérique — ce qui élimine pratiquement les risques d’explosions ou de catastrophes comme Fukushima. En cas de coupure de courant, il n’y a pas de perte de contrôle, mais une extinction automatique et passive en toute sécurité. Enfin, la méthode réduit significativement les déchets radioactifs, et peut même recycler les déchets issus des réacteurs à uranium.

En janvier 2025, Pékin a annoncé la découverte d’un gigantesque gisement de thorium dans la région de Bayan-Obo, en Mongolie intérieure. Selon des géologues chinois, ces réserves suffiraient à couvrir la consommation énergétique du pays pendant environ 60.000 ans, à consommation constante. La Chine détient donc non seulement la technologie des réacteurs, mais aussi la ressource en combustible — devenant ainsi un potentiel exportateur d’énergie de première importance.

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Géopolitique de l’énergie: la nouvelle arme atomique, l’électricité

Alors que les États occidentaux misent sur l’éolien et le solaire dans leur hystérie climatique, la Chine construit une nouvelle réalité: un modèle énergétique nucléaire, déconnecté des éoliennes et panneaux solaires dépendants des conditions météorologiques. Déjà en Wuwei, un prototype de 10 MWe pour la production combinée d’électricité et d’hydrogène est en construction. La température du réacteur lui confère un avantage pour les procédés thermochimiques, rendant même l’hydrogène « vert » économiquement compétitif — un autre coup porté au récit énergétique occidental.

Simultanément, la Chine développe des navires à thorium. Sa vision est la suivante : des porte-conteneurs capables de fonctionner sans ravitaillement pendant des années — indépendants du prix du pétrole, des accès portuaires ou d’autres restrictions. Selon des rapports récents, la République aurait lancé des projets concrets pour construire de tels navires. Le contrôle du commerce maritime international pourrait ainsi intégrer une composante nucléaire.

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L’Occident regarde et se tait

Les États-Unis détenaient autrefois la clé de cet avenir — et l’ont laissée tomber. Le réacteur à thorium opérationnel à Oak Ridge a été abandonné au profit de technologies militaires plus exploitables. Depuis lors, les stratégies énergétiques occidentales s’embrouillent dans des contradictions d'ordre réglementaire, dans du lobbying et des querelles idéologiques.

Aujourd’hui, il est presque tragico-comique de constater que la source d’énergie qui pourrait alimenter les centres de données pour l’intelligence artificielle avancée — avec ses besoins électriques gigantesques — provient d’une technologie américaine elle-même abandonnée par Washington. La Chine, elle, avance: IA, automatisation industrielle, ordinateurs quantiques — tout cela nécessite une énergie constante, dense, fiable. Et c’est là que Pékin agit.

Thorium : l’indépendance énergétique comme levier géopolitique

La question reste en suspens quant à savoir si le thorium deviendra réellement la principale source d’énergie dans les décennies à venir. Mais, dès maintenant, il offre à la Chine des options stratégiques qui dépassent la seule dimension technique. L’énergie n’est pas qu’un facteur économique — c’est une projection de puissance géopolitique. Qui fournit de l’électricité fiable et abordable, contrôle la production, le traitement des données, la numérisation — en bref : l’avenir.

L’Occident a longtemps cru que sa suprématie technologique était assurée pour toujours. Or, Pékin prouve que la vision à long terme, la stratégie et le savoir-faire technologique ne peuvent pas être éternellement compensés par des sanctions, barrières commerciales ou campagnes de relations publiques. La grande question demeure : l'Occident continuera-t-il à regarder la Chine faire prospérer une technologie née dans ses propres laboratoires — et à la transformer en fondement d’un nouvel ordre mondial, communiste ?

18:58 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, thorium, chine, énergie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 26 janvier 2014

L’atome vert : le thorium

L’atome vert : le thorium

« L’atome vert » est un livre consacré à une technologie peu connue du grand public mais beaucoup plus avancée et prometteuse que je ne le pensais : les réacteurs nucléaires au Thorium.

Par Philippe Guglielmetti.

Ex: http://www.contrepoints.org

L'atome vert

L’atome vert est un livre consacré à une technologie peu connue du grand public mais beaucoup plus avancée et prometteuse que je ne le pensais : les réacteurs nucléaires au Thorium. Les avantages sont très nombreux :

  • le Thorium 232 est plus abondant que l’uranium1, on peut l’utiliser à 100% contre quelques pourcents pour l’uranium, et il n’y a pas besoin de l’enrichir.
  • Le 232Th étant fertile et non fissile2, il ne peut pas produire de réaction en chaîne. Une centrale ne peut pas s’emballer, et elle peut s’arrêter d’elle même en cas de défaut de refroidissement.
  • Les déchets du 232Th ne sont dangereux que quelques siècles, contre des centaines de milliers d’années pour ceux de l’uranium3.
  • Les centrales au thorium peuvent « incinérer » les déchets des centrales à uranium, y compris le plutonium.
  • On ne peut pas produire d’armes nucléaires avec une centrale au thorium.

Coté désavantages, en cherchant bien il y en a quelques-uns, mais le principal est :  on ne peut pas produire d’armes nucléaires  avec une centrale au thorium. Selon Jean-Christophe de Mestral, c’est ce qui a favorisé la filière de l’uranium pendant la guerre froide alors que plusieurs expériences ont démontré la faisabilité et la sécurité des solutions au Thorium. Entre autres :

  • Le réacteur expérimental de Shippingport aux États-Unis qui a fonctionné comme surgénérateur au Thorium entre 1977 et 1982.
  • Plusieurs réacteurs à très haute température (HTGR) ont fonctionné avec des barres de combustible mixant Uranium 235 et Thorium 232 aux États-Unis, mais aussi en Allemagne entre 1966 et 1989.
  • Les réacteurs expérimentaux et 7 réacteurs CANDU de 220 MW chacun utilisant un mix Uranium/Thorium qui fonctionnent actuellement en Inde. L’Inde est le seul pays mentionnant clairement le thorium dans son programme énergétique, pour une raison simple : l’Inde a très peu d’Uranium, et ne peut pas en importer facilement car elle n’a pas signé le traité de non prolifération. En revanche, elle dispose de gros gisements de Thorium.
  • Et aussi le « Molten-Salt Reactor Experiment » (MSRE) qui fonctionna entre 1965 et 1969 avec divers combustibles, dont de l’Uranium 233 produit à partir de Thorium dans un autre réacteur.

Les réacteurs à sels fondus (MSR) sont prometteurs à moyen terme. Ils sont d’ailleurs prévus par le « Forum International Génération IV » dans les technologies disponibles d’ici 2030, mais hélas seulement dans leur version à l’Uranium. Les Réacteurs au Fluorure de Thorium Liquide (LFTR) n’ont pas été projetés dans cet horizon de temps, tout comme le « Rubbiatron » qui nécessite un accélérateur de particules d’ailleurs. Ce qui n’empêche pas l’AIEA d’en penser du bien4, ni la Chine de démarrer un ambitieux projet de LFTR, qui sera probablement une première mondiale…

MSR

Schéma de principe d’un MSR à neutrons thermiques.

 

Du point de vue nucléaire, les réacteurs à sels fondus n’ont que des avantages :

  • Le combustible est dissous dans un sel, solide à basse température, liquide en fonctionnement et servant en même temps de fluide de refroidissement primaire.
  • La réaction ne se produit que dans le cœur car il faut à la fois une source de neutrons et un volume suffisant pour que la probabilité que le neutron soit absorbé soit assez élevée.
  • L’installation fonctionne à pression ambiante : le très haut point d’ébullition du sel empêche que le système devienne une cocote-minute
  • Si l’installation surchauffe, un bouchon (« Freeze Plug » sur le dessin) fond et le sel s’écoule par gravité dans des réservoirs (en bleu) dont la géométrie stoppe les réactions nucléaires. C’est d’ailleurs comme ça que le MSRE était arrêté pour maintenance.

ARE Thorium : plus besoin de réservoirs, on va pouvoir mettre des passagers aussi dans les ailes…

Les difficultés et inconnues sont surtout liés à la chimie de ces sels. Il faut installer une usine chimique pour les purifier à côté de la centrale, notamment pour en enlever le Xenon 135. On ne sait pas trop bien comment un LFTR vieillira, notamment en raison de la corrosion par les sels.

Au passage, j’ai découvert l’existence du projet Aircraft Reactor Experiment qui visait la propulsion nucléaire d’avions. C’était un MSR dont les sels à 850° chauffaient l’air dans les réacteurs, qui fonctionna 1000 heures en 1954, quand on avait peur de rien sauf peut être des rouges. Donc je ne le savais pas mais oui, il existe dans les cartons une alternative au turboréacteur.

Le livre L’atome vert est très intéressant et convaincant pour l’initié, mais il m’a semblé parfois trop technique pour le grand public. Je le trouve aussi inutilement provocateur pour les écolos irréductibles, notamment le passage comparant les risques des diverses sources d’énergie par TWh produit et celui comparant les taux de cancers dans les zones à forte radioactivité naturelle, même si c’est très intéressant5.

Enfin, même la conclusion me semble trop touffue pour les politiciens lambda qui sont pourtant les personnes à convaincre, alors je résume pour eux : « Thorium pouvoir produire Térawatts propres et pas chers pour remplacer pétrole et charbon. Vous y’en a donner feu vert, nous s’occuper du reste ». Je ne sais pas ce que ça donne en hindi ou en mandarin, mais là-bas ils ont compris.

— Jean-Christophe de Mestral, L’atome vert : Le thorium, un nucléaire pour le développement durable, Favre, 2011, 140 pages.


Sur le web.

 
  1. Maurice Mashaal, « La chaleur radioactive de la Terre chiffrée », 2011, Actualités Pour La Science.
  2. Pourquoi le Thorium 232 est-il fertile ? 2011, site « Je Comprends Enfin ».
  3. Sylvain David, Élisabeth Huffer, Hervé Nifenecker « Revisiting the thorium-uranium nuclear fuel cycle«  (2007), Europhysics News vol. 38 (2) p. 24-27 DOI : 10.1051/EPN:2007007.
  4. « Thorium fuel cycle – Potential benefits and challenges«  IAEA-TECDOC-1450, May 2005.
  5. Ghiassi-nejad, M;  Mortazavi, S M J;  Cameron, J R;  Niroomand-rad, A;  Karam, P A, « Very high background radiation areas of Ramsar, Iran: preliminary biological studies » (2002), Health physics, vol. 82 (1) p. 87-93.