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Quelques réflexions sur le Ragnarök

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Robert Steuckers :

Quelques réflexions sur le Ragnarök

Le Ragnarök est un récit récurrent de la mythologie scandinave dont les sources se trouvent dans la Völuspa (littéralement, la « prophétie de la voyante ») et dans l’Edda de Snorri Sturluson (1179-1241). Le Ragnarök évoque une fin du monde catastrophique que l’on retrouve certes dans l’Apocalypse de la Bible mais aussi dans bon nombre de traditions indo-européennes, zoroastriennes et bouddhistes. La Völuspa a été rédigée vers l’an 1000 de l’ère chrétienne, à l’époque où l’humanité européenne s’attendait à une fin de monde. On a parlé de la « terreur de l’an 1000 », où l’on pensait que le monde allait s’effondrer en 1033, soit mille ans après la crucifixion du Christ. Cette vision eschatologique a été exprimée par Raoul le Glabre, moine né en Bourgogne vers 985. Georges Duby utilisera ses écrits pour prouver qu’il existait, vers l’an 1000, une crainte généralisée de voir disparaître le monde dans un scénario proche de l’Apocalypse. Comme dans la Völuspa, Raoul le Glabre imaginait que cet effondrement serait précédé d’un bouleversement calamiteux de l’ordre des saisons. L’interprétation de Duby est remise en cause aujourd’hui : nos ancêtres, en l’an 1000, n’auraient pas été aussi tourmentés par l’idée d’une fin du monde.

indexeddda.jpgSnorri Sturluson, poète et homme politique islandais, né à la fin du 12ème siècle, a étudié le latin, la théologie, la géographie et le droit islandais. Son Edda est un livre destiné à la formation des scaldes et des poètes, véritable institution dans l’Islande de son époque qui exportait des chansons de geste et des poésies à la gloire de hauts seigneurs, principalement norvégiens et anglais.

Avant la rédaction de la Völuspa, qui fait directement référence au panthéon scandinave préchrétien, le monde littéraire germanique a produit le Muspilli, fragment de 103 vers, dont le manuscrit a été retrouvé en Bavière et date de la seconde moitié du 9ème siècle, copié vraisemblablement d’une version originale venue des Iles Britanniques. Elle est une christianisation des thèmes eschatologiques païens voire mithraïques, où l’Ange et le Démon s’affrontent pour le salut des âmes des hommes, lors d’un Jugement dernier. Finalement, une armée arrive depuis les étoiles du ciel pour en affronter une autre, issue du feu de l’enfer. Jusqu’ici l’inspiration est biblique-mithraïque voire zoroastrienne. Elias (Odin) affronte l’Antéchrist (Fenrir). Mais, dans la suite du récit, les thématiques cosmiques du paganisme se révèlent clairement : quand le sang d’Elie (Odin) coule sur le sol de la Terre, « les montagnes se mettent à trembler, plus aucun arbre ne demeure debout sur la Terre, les eaux s’assèchent, les marais s’engloutissent eux-mêmes, le ciel se consume dans les flammes et la lune tombe, l’espace de la Terre brûle ». Les 103 vers du Muspilli, et l’antériorité du manuscrit par rapport à la Völuspa et à l’Edda de Snorri Sturluson, attestent d’une pérennité de thématiques eschatologiques que le christianisme n’a pas pu éradiquer.

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La caractéristique de ces récits est d’exagérer considérablement les catastrophes qui surviennent, à intervalles réguliers, dans l’histoire de l’humanité : bouleversements climatiques, éruptions volcaniques, déluges, etc. Dans l’histoire européenne qui a immédiatement précédé l’apparition du Muspilli et de la Völupsa (l’Edda de Snorri est plus récente, de même que le Chant des Nibelungen), des catastrophes ont marqué les esprits. Ainsi, la crainte de voir s’installer un hiver interminable a-t-elle été renforcée par les événements de l’année 536, où, inexplicablement pour les contemporains en nos régions du Nord-Ouest de l’Europe, le soleil se brouille, le ciel s’obscurcit, les étoiles ne sont plus visibles la nuit et les choses n’ont plus d’ombre. L’astre apollinien n’est plus un disque rayonnant mais une tache informe et jaunâtre qui marque vaguement le ciel. Les quartiers de lune ne sont plus visibles et les hommes ne peuvent donc plus mesurer le temps. L’archéologue anglais David Keys a pu démontrer qu’un volcan avait fait irruption quelque part en Indonésie, probablement le Krakatoa, en cette année 536, lâchant dans l’atmosphère d’épais nuages de cendres et de cristaux de glace sulfureux, provoquant une catastrophe climatique sans précédent et sans suite, à part les éruptions du Tambora en 1815 (expliquant le climat exécrable lors de la bataille de Waterloo et l’année sans hiver de 1816, où il a neigé en juin sur la côte Est des Etats-Unis) et du Krakatoa en 1883. L’éruption de 536 aurait été bien plus considérable et conséquente que les deux autres, observées au 19ème siècle. L’angoisse générée par cet « hiver » permanent aurait incité Médard, évêque franc-mérovingien de Tournai, à envoyer une expédition vers l’Est pour « aller chercher le soleil  absent », expédition qui aurait également entraîné la soumission au pouvoir franc des tribus installées entre Rhin et Thuringe. Les années sans soleil de 535-536 marquent donc les esprits au point de s’ancrer immanquablement dans l’imaginaire mythologique.

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De même, l’idée d’une grande bataille finale, certes présente dans de nombreux récits mythologiques indo-européens, a dû apparaître plausible en Europe centrale et occidentale suite à l’invasion hunnique. Le fameux manuscrit frison « Oera-Linda », souvent jugé faux mais décrypté par le professeur Frans J. Los, évoquerait des faits historiques des 4ème et 5ème siècles. Des invasions hunniques et finno-ougriennes ravagent l’Europe orientale, l’Est de l’Allemagne actuelle, le territoire aujourd’hui polonais mais aussi la Scandinavie, plus exactement la Scanie (le Sud de la Suède actuelle). La « mère du peuple », la « Volksmutter » des Frisons, dont le système était matrilinéaire, est tuée. Un combat oppose les Danois et les Huns sur mer. La Frise est menacée car les Huns et les Finno-Ougriens s’installent à l’est de la Weser. L’anarchie règne. Aucune nouvelle Volksmutter ne peut être nommée. Les raids ennemis se succèdent, où les familles des Volksmütter sont décimées. Finalement, en 450-451, le pays frison est inondé par un raz-de-marée. Seul demeure intact, le fortin de l’île de Texel. La mer détruit les forêts (dans le Muspilli et la Völuspa : plus aucun arbre ne reste debout sur la Terre). Le souvenir de ce raz-de-marée dans un pays assiégé par des ennemis assimilés à des démons (parce que foncièrement étrangers) et la destruction des forêts servent à renforcer concrètement les images déjà véhiculées par les récits mythologiques.

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Les trois récits évoquent aussi une destruction du monde par le feu. Dans l’espace grec-égéen, on a le souvenir de l’éruption antique du Santorin. Pour les spécialistes de la mythologie scandinave Hilda Ellis Davidson et Bertha Phillpotts, l’idée d’une destruction par le feu est tributaire d’une observation par les Islandais, récemment arrivés sur leur île de l’Atlantique Nord, des activités sismiques et volcaniques qui y ont cours en permanence. La figure de Surtr, dirigeant des colonnes infernales qui prennent l’Asgard d’assaut, est celui qui, à la fin du récit mythologique de la Völuspa, détruit le monde par le feu. Pour Bertha Phillpotts, Surtr est un démon volcanique car la scène qui le décrit en train de bouter le feu au monde évoque des fumées et des flammes qui atteignent les étoiles. En 1783, un volcan islandais entre en éruption, le Skaptar Yökul. La description qu’en firent les contemporains correspond aux images léguées par la Völuspa : d’abord des secousses sismiques qui ébranlent les montagnes puis l’obscursissement du soleil par les nuages de cendres, puis les flammes qui jaillissent, la fonte des glaces et un raz-de-marée.

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La fin du monde est donc une convergence de catastrophes naturelles et sociales car, rappelle Klaus Bemmann, en décrivant les linéaments de la vision de la fin du monde chez les Germains : « D’inquiétants signes avant-coureurs laissaient deviner le mal. Durant trois longs hivers successifs, de grandes batailles furent livrées dans le monde entier. Les hommes s’ensauvageaient, les mœurs entraient en déliquescence, les liens dans les clans n’étaient plus respectés. Les frères s’entretuaient, les fils levaient leurs épées sur leurs pères et les pères assassinaient leurs fils. Personne ne craignaient plus l’adultère et le vice ».

Nous avons donc un mixage entre des éléments mythologiques locaux, scandinaves et germaniques, des éléments mythologiques indo-européens très anciens (comme nous allons le voir) et des éléments de l’Apocalypse et de l’eschatologie chrétienne, surtout dans le Muspilli, rédigé forcément par des clercs. Au 13ème siècle, Snorri Sturluson lui-même est un clerc : il a donc été formaté par la religion du pouvoir à son époque. Il n’empêche que les traditions populaires prennent malgré tout le dessus : Hilda Ellis Davidson rappelle qu’Axel Olrik (1864-1917), spécialiste des traditions populaires danoises, pionnier dans l’étude des sources orales, a signalé, dans ses recherches, que les narrations populaires au Danemark contenaient des récits similaires à ceux de la Völuspa et de l’Edda : un monstre qui dévore le soleil, la Terre qui finit par sombrer dans la mer, un géant entravé qui se libère pour déchainer le chaos. Ce qu’Olrik découvre dans les campagnes du Jutland ou de la Scanie suédoise au 19ème siècle devait encore être plus prégnant dans les siècles où le christianisme venait à peine de s’imposer. L’héritage mythologique est inamovible sauf peut-être à notre époque où il n’est pas défié par une religion concurrente mais par un consumérisme omnidévorant, dont les effets pervers correspondent à la description de Bemmann.

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Ces thèmes mythologiques ne sont pas le propre des peuples scandinaves : on les retrouve dans d’autres traditions indo-européennes. Pour Mircea Eliade ou Rudolf Simek, le récit de la Völuspa et de l’Edda relève du temps cyclique. Dans le récit du Ragnarök, les figures régénérantes qui président au renouveau cosmique après l’effondrement total du monde et son incendie sont Lîf et Lîfthrasir, soit la vie et le principe vital. Nous avons là ce que les mythologues appellent une « anthropogénie dupliquée », la genèse du monde et des hommes se répète une seconde fois et le cycle recommence. Lîf et Lîfthrasir émergent de troncs d’arbre : là encore, le folklore populaire rappelle que ce mythe d’une (re)naissance post-catastrophique est indestructible. En effet, une légende bavaroise évoque un berger qui vit dans un tronc d’arbre et dont les descendants repeuplent la Terre après une peste dévastatrice.

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L’idée d’un hiver cosmique interminable ou de trois hivers consécutifs aux effets calamiteux, telle celle du Fimbulwinter scandinave se retrouve dans la mythologie iranienne. Les récits du Bundahishn et de Yima en attestent, y compris dans leurs transpositions zoroastriennes où les forces bénéfiques d’Ahura Mazda affrontent celles d’Angra Mainyu, qui se soumet et sombre dans l’inertie pendant trois mille ans. Ahura Mazda profite de l’inertie d’Angra Mainyu pour créer Ewagdad, la vache primordiale, et Gayomard, l’homme primordial, et pour organiser le monde selon les critères de l’Ard, de la Vérité, laquelle doit faire barrage contre les manigances d’Angra Mainyu qui cherche à détruire le monde. Le mythe de Yima, quatrième roi de la dynastie perse des Pishdadian, nous campe un roi lumineux qui, selon Henry Corbin, crée le château, le Var, où se rassemblent les élus parmi tous les êtres, les plus nobles et les plus gracieux, pour qu'ils soient préservés de l’hiver mortel que provoquent les puissances démoniaques qui ravageront la Terre. Après l’oeuvre de destruction de ces forces maléfiques, les vertueux du Var repeupleront la Terre et transfigureront le monde. Persépolis, dans l’empire perse, devait être à l’image du Var de la mythologie.

Dans le bouddhisme, l’ère du « bon savoir », du dharma, va prendre fin cinq mille ans après la mort du Bouddha. Une ère nouvelle commencera après, avec un nouveau Bouddha, le Bouddha Maitreya, dont le règne adviendra après une période de dégénérescence complète de l’humanité, marquée par la violence, l’impiété, la dépravation sexuelle, l’effondrement social.

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Cette vision bouddhique doit nous faire réfléchir, aujourd’hui, où notre monde part totalement en quenouille. Les manifestations du déclin, bien visibles, surtout depuis deux décennies, où elles ont pris des proportions démesurées par rapport à ce que nous connaissions déjà comme affres du déclin, sont justement les manifestations évoquées par nos mythologies, correspondent à la convergence des catastrophes dont elles craignaient la survenance. Au bout de cet effondrement dramatique, nous périrons tous mais Lîf et Lîfthrasir reviendront. Et l’herbe reverdira, percera la cendre des feux volcanique déchaînés par Surtr.

Bibliographie :

  • Klaus BEMMANN, Der Glaube der Ahnen – Die Religion der Deutschen bevor sie Christen wurden, Phaidon, Essen, 1990.
  • R. Ellis DAVIDSON, Gods and Myths of Northern Europe, Penguin, Harmondsworth, 1963-1971.
  • Hans Jürgen KOCH, Die deutsche Literatur in Text und Darstellung – Mittelalter I, Reclam, Stuttgart, 1976 (pour le texte du Muspilli).
  • Frans J. LOS, Die Ura Linda Handschriften als Geschichtsquelle, J. Pieters, Oostburg (NL), s. d.
  • Reinhard SCHMOECKEL, Deutschlands unbekannte Jahrhunderte – Geheimnisse aus dem Frühmittelalter, Lindenbaum Verlag, Schnellbach, 2013.
  • Rudolf SIMEK /Hermann PALSSON, Lexikon der Altnordischen Literatur,Kröner, Stuttgart, 1987.

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jeudi, 19 novembre 2020 | Lien permanent

Okinawa : la « bataille Ragnarök »

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Okinawa : la « bataille Ragnarök » (1er avril – 21 juin 1945)

par Rémy VALAT

 

En mémoire du soldat Tsukamoto Sakuichi, mort au combat à Okinawa (1945)

 

塚本作一氏を偲んで

 

Il y a 68 ans s’est déroulée sur l’île d’Okinawa une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale. Les habitants de l’île, retournée sous la souveraineté du Japon en 1972, vivent dans le souvenir de cette bataille et subissent au quotidien les conséquences de celle-ci : présence de l’armée américaine d’occupation, à la fois fardeau financier et source de crimes sexuels, un sol miné par 2 100 tonnes d’obus encore intacts, des séquelles psychologiques et morales. En un mot, le Japon paye encore le prix de la défaite face aux forces alliées en septembre 1945.

 

Une île martyre…

 

L’île est encore occupée par un fort contingent de troupes de marine américaines, bien que 9 000 soldats vont être prochainement déplacés sur l’échiquier de la zone Pacifique, en application des accords bilatéraux nippo-américains, récemment révisés, sur le redéploiement des forces américaines stationnées à Okinawa (2006). Les États-Unis vont relocaliser une partie de leurs unités à Guam et à Darwin (Australie). Ces mouvements sont une réponse à la montée en puissance de la flotte de guerre chinoise au sud et à l’est de la Mer de Chine, flotte qui mène d’audacieuses actions de déstabilisations près des îlots dont ils revendiquent la souveraineté (les îles japonaises Senkaku). La stratégie navale chinoise aurait pour ambition de prévenir la présence de porte-avions américains, par la construction de bâtiments de la même catégorie et l’amélioration de son équipement en missiles balistiques anti-navires : la dispersion des unités américaines aurait pour objectif de multiplier les cibles potentielles et de créer une nouvelle donne stratégique. Les unités restantes (9 000 hommes environ) aurait pour zone d’intervention l’Asie du nord-est (péninsule coréenne et façade orientale de la Chine comprise), celle de Guam la zone du Pacifique ouest, et enfin, celle de Darwin, le sud de la Mer de Chine et l’Océan Indien. La présence de la 3e force expéditionnaire du corps des Marine (IIIrd Marine Expeditionary Force) (1) et d’une formation équivalente à un régiment (les 2 200 hommes du 31st Marine Expeditionary Unit) est jugé indispensable par les autorités américaines qui considèrent l’île comme une « position clé de la ligne de front (key frontline base) face à la Chine et à la Corée du Nord. Washington a aussi argué que cette nouvelle répartition faciliterait les interventions humanitaires américaines en cas de catastrophe naturelle majeure dans la zone du Pacifique, ce qui ne peut laisser le gouvernement japonais indifférent après le désastre du 11 mars 2011.

 

Or la population tolère de moins en moins le coût financier et la présence de l’armée américaine dans l’île, dont 10 % du territoire est affecté aux installations militaires. La soldatesque commet régulièrement des actes de délinquance et les habitants subissent les nuisances des entraînements, et aussi un certain mépris des autorités états-uniennes pour leur sécurité. 24 Osprey MV-22, appareils destinés au remplacement des hélicoptères de transport de troupes CH-46 ont été officiellement choisis pour leurs meilleures capacités techniques comparativement aux hélicoptères CH-46 (vitesse double et capacité de portage triple). Leur rayon d’action (3 900 km) permettrait une rapide projection de troupes sur la péninsule coréenne. Mais, les déficiences techniques à répétition ayant occasionné le décès des personnels embarqués (Maroc, Floride et le 5 août 2013 sur une base américaine d’Okinawa) inquiètent les habitants et autorités locales qui se sont opposés vigoureusement à leur arrivée. Les Okinawaiens font également obstacle au déménagement de la base aéronavale de Futenma (qui doit être réinstallée dans la la baie de Henoko). Cette résistance passive, qui rappelle sur la forme celui du « Mouvement d’opposition à l’extension du camp du Larzac » des années 1970 : un noyau de militants, soutenus par la population, se relaient en permanence sur le chantier pour empêcher la progression des travaux. S’ajoute à cela le fléau des viols perpétrés régulièrement et en quasi-impunité (en raison de l’extra-territorialité des polices militaires) depuis 1945 par des soldats américains (118 viols ont été commis par des GI’s entre 1972 et 2008, selon un décompte de l’association des femmes d’Okinawa contre la violence militaire, réalisé à partir de rapports de police et de la presse locale (2). Ce phénomène récurrent (deux marins américains ont été condamnés cette année par un tribunal japonais à 9 et 10 ans de prison pour le viol en octobre 2012 d’une habitante de l’île) a obligé l’état-major des marines a décrété un couvre-feu pour ses hommes.

 

L’actualité entretient le souvenir douloureux de la Seconde Guerre mondiale, la bataille est ancrée dans les mémoires, et aussi souvent dans les chairs. L’année dernière (le 23 juin 2012, en marge des cérémonies officielles) des contemporains de l’affrontement ont relaté leur histoire. « Maman, je suis encore venue te voir cette année », susurre une habitante de Naha, Keiko Oshiro (68 ans). Nourrisson en 1945, Oshiro ne se souvient pas du visage de sa jeune mère, Tomi, âgée de 21 ans, atteinte à l’épaule par une balle alors qu’elle l’alimentait au sein. Selon le témoignages de proches, Tomi serait décédée dans une des grottes servant d’abris et d’hôpitaux aux militaires et aux civils. Lorsque le nom de sa mère a été gravé sur l’un des murs du Mémorial en 1995, Oshiro a pu commencer à faire le deuil de cette disparition… Fumi Nakamura (79 ans), une habitante du village de Nakagusuku est également venue rendre hommage à son père, mort de la malaria dans un camp des prisonniers. Résidant à proximité d’un aérodrome militaire américain, Nakamura déclare se crisper lorsqu’elle entend le rugissement du moteur des avions…

 

On comprend, à la lecture des récits de ces témoins que les habitants de l’île souffrent encore des conséquences de cet épisode de leur histoire : la guerre est restée quelque part en eux. En août 2012, 40 résidents de l’île (survivants ou membres de la famille des victimes) ont décidé d’ester contre le gouvernement : ils réclament un dédommagement financier et moral (une compensation financière de 440 millions de yen et des excuses officielles) pour les souffrances endurées pendant la Seconde Guerre mondiale, soulevant au passage la douloureuse question de l’implication des civils dans la bataille. Cette réclamation s’insère dans un mouvement plus large de reconnaissance des excès de l’armée impériale commis à l’encontre des habitants pendant la guerre.

 

Okinawa est une île marquée par l’Histoire… De par sa position géostratégique, et les derniers développements dans la région le confirment, l’île reste et restera une pièce maîtresse de l’« échiquier nord-américain» dans la région, notamment en raison de l’importance militaire des îles Nansei, passage obligé pour la marine de guerre chinoise voguant vers le Pacifique. Okinawa est un « porte-avion fixe » et une base avancée de l’armée américaine faisant face au continent est-asiatique. Pour ces raisons, les États-Unis ne sont pas prêts de retirer leurs troupes d’une position aussi importante, de surcroît acquise par la mort au combat de milliers de GI’s et de marines, au cours de ce qui a probablement été la bataille la plus sanglante de la bataille du Pacifique. Bataille ayant eu également pour conséquence (même si ce n’était pas la raison première), les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki… Position qui cependant pourrait légitimement défendue par les forces japonaises elles-mêmes, si l’article 9 de la Constitution venait enfin à être modifié et redonnerait au Japon (troisième puissance économique mondiale) sa dignité et sa place comme grande puissance à part entière. De grands espoirs sont portés sur le Premier ministre Abe Shinzô qui œuvre en ce sens dans un contexte international devenu favorable (3).

 

La bataille : enjeux, unités engagées, déroulement des opérations et bilan des pertes humaines

 

Okinawa est une bataille majeure de la guerre Asie – Pacifique : l’ « Opération Iceberg », nom de code donné à l’automne 1944 par l’état-major américain au plan d’invasion des îles Ryûkyû, est l’opération amphibie ayant mobilisé le plus de moyens humains et matériels sur le front Pacifique depuis 1941. Pour la seconde fois, l’armée impériale japonaise va défendre le sol national avec opiniâtreté et courage (Iwo Jima est tombée le26 mars). Surtout, il s’agit d’empêcher l’armée américaine de contrôler les deux bases aériennes de l’île (Yontan et Kadena), autant de facilités pour les flottes de bombardiers stratégiques d’atteindre les îles principales du Japon et sa capitale (550 km environs séparent les deux archipels). Okinawa prise, les troupes américaines pourraient y stationner en prévision de l’invasion du Japon, programmée pour le printemps 1946 (Opération DownFall).

 

Les troupes alliées, très majoritairement américaines (la contribution britannique et des pays du Commonwealth, plus modeste, est navale et logistique) sont appuyées par une importante marine de guerre. L’armée d’invasion (la Xe armée), de plus de 180 000 hommes ayant une expérience du feu inégale, a été subdivisée en deux corps d’armée et en unités de réserve : le IIIe corps amphibie, composé de deux divisions de marines (1re et 6e divisions); le XXIVe corps d’infanterie (7e et 96e divisions d’infanterie), et en réserve la 2e division de marines ainsi que les 27e et 77e divisions d’infanterie. Cette armée est dirigée par le général Raymond A. Spruance.

 

9f312e7244db1e034005b44a2e25f239.jpgL’armée japonaise (la 32e armée, composée de deux divisions d’infanterie  – 24e, 62e divisions – et d’une brigade mixte indépendante), d’un effectif avoisinant 70 000 combattants. La 62e division est une unité aguerrie ayant combattu en Chine. Ce corps principal a été renforcé par des unités à terre de la marine (9 000 hommes), des habitants des îles Ryûkyû réquisitionnés comme combattants ou comme auxiliaires du génie (39 000 individus) et des formations plus modestes composées de lycéens servant de coursiers, de miliciens ou affectés aux hôpitaux de campagne. Les forces navales sont inexistantes ou presque et les forces aériennes reposent sur les unités de Tokubetsu kôgeki-tai (

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vendredi, 15 novembre 2013 | Lien permanent

Fire in Northern Mythology

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Fire in Northern mythology

Creation

There are two primal forces in Nordic myths, two forces that are known under the names, “fire” and “ice”. Before there was anything, there was Ginungagap, a “yawning gap”. In the south of it, fire ‘resided’ and in the north, ice. When these two came together, everything started. So, fire is the primal force, one side of the Divine. Some symbology!

It is not strange that fire keeps coming back in the symbology of Nordic mythology. What may be strange is that fire is much better represented than ice, but this is not the subject of this article.

Later in the creation myth, the triple divinity Odin, Hænir (sometimes Hoenir, or Hnir) and Lodur give capacities and make man. “Spirit gave Odin, “óður” gave Hoenir, “lá” gave Lodur and the form of gods”. This is how Rydberg translates Völuspa 18. More often you will read something like “Soul gave Othin, sense gave Hnir, Heat gave Lothur and goodly hue”. (Ari Odhinnsen) In the Prose Edda it is Odin, Vili and Vé who are the givers of these things.

Loki

Lodur is often said to be Loki. In the preface to the Reginsmal Odin, Hænir and Loki are named together, so this is not strange. Loki is the most famous of ‘fire Gods’ from the Northern pantheon. The name Loki has been explained in different ways of which two are most interesting in our story. “Logi” supposedly means “flame” and the terms “liuhan” (Gothic) and “lecht” (Anglo-Saxon) are linked to the English word “light”, but also to the term “flame”. The same goes for the term “Lód”.

Fiery triplicity

When you think of it, there are three Gods connected to the concept of fire and also connected to eachother: Heimdallr, Balder and Loki. Heimdallr is the “white As”, the watchman on the Bifrost bridge and is therefor the middleman between the world of men and the world of the Gods. Heimdallr is not only the connecting smoke-pillar representing the Irminsul in the fire ritual, but also unchanging fire. He is the metaphysic flame, beyond time and space. In this regard Heimdallr can be equated with Brahman of the Hindus.

The second name that I mentioned is that of Balder. Balder is Heimdallr, but on another plane. We can place Heimdallr on the godly level, Balder on the human level and Loki on the underwordly level (or Asgard, Midgard and Utgard). Balder is the incarnated fire, the fire in ‘our world’ so to say. He is the warmth of our heart, the sun, the ancestral hearth-fire. To use another Hindu term, Balder may be seen as Atman.

I have already said a few things about Loki, but you can imagine that in regard of the previous, Loki is the destructive, incinerating, consuming fire. Loki is longing and desire.

When I draw this line further, I can say that Balder and Loki are dual aspects of Heimdallr, but on other levels.

Lightning

Lightning is often connected to fire and when I say lightning, I say Thor. Lightning is sparks of fire when Thor’s hammer hits something. The hammer makes an interesting connection, since with his Mjölnir, Thor kills giants (ice-giants!), but the Mjölnir is also connected with right (the judge’s hammer), consecration (for example of marriages) and initiations (a ‘higher’ form of consecration).

Ragnarök

To bring the above together, we get the following picture. Loki, the lower self, turns against the higher self (Balder), causing Ragnarök. During this Ragnarök, Thor kills the Midgard-snake (‘manifestation’), Heimdallr (our divine spark) fights Loki and all this in order to have our higher self ‘become divine’ (in other words: to develop and realise our Balder to become Heimdallr).

An interesting point that does not fit completely in the above is that Surtr, the leader of the fire-giants who raise up to fight the Aesir, also seems to be the cause of the sparks coming from Muspelheimr and thus creation. During Ragnarök Surtr destroys the Bifrost-bridge (Heimdallr’s ‘domain’), kills Freyr and sets the world to flames. Whereas Heimdallr seems to be some ‘overhuman’ fire-aspect, Surtr is more of an ‘underhuman’ aspect. Both larger than our petty selves, but completely opposital. In this regard Surtr maybe represents the outside forces that try to disconnect us from our divine origin. Whatever we may call “evil” maybe. Surtr seems to have always been there and whereas Loki, Balder and Heimdallr are ‘part of us’, Surtr is not.

Of course there are more figures that can be connected to fire, but here I present a certain aspect that may shed light on some of the symbolism in Northern mythology.
-13/3/07-

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mardi, 25 janvier 2011 | Lien permanent

Sleipnir, le cheval à huit jambes de la mythologie nordique

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Sleipnir, le cheval à huit jambes de la mythologie nordique
 
Via Facebook: Léa Maes
 
Sleipnir est dans la mythologie nordique un cheval fabuleux à huit jambes capable de se déplacer sur le mer et dans les airs, il a des runes gravées sur les dents, connu pour être connu pour être la monture du dieu Odin.
 
Sleipnir est tout d'abord une créature chamanique qui permet à l'Ase suprême de voyager entre les différents mondes.
 
C'est aussi un cheval psychopompe qui emmène les guerriers morts au combat jusqu'à la Valhöll. En sa compagnie, Odin franchit Bifröst, le pont arc-en-ciel qui relie Ásgard et Midgardr et dont la garde est confiée au dieu Heimdallr, lui qui entend l'herbe pousser et chaque feuille tomber, qui voit jusqu'aux confins du monde et n'a nul besoin de sommeil. Ils chevauchent jusqu'aux champs de bataille des hommes et Sleipnir escorte les guerriers valeureux, morts au combat, les Einherjars jusqu'à la prestigieuse halle de son maître, la Vallhöll. Là, les Walkyries, les filles d’Odin, les accueillent et leur offrent l'hydromel de la chèvre Heidrún qui, perchée sur le toit du palais, broute les pousses tendres du frêne Yggdrasil.
 
Cette fonction psychopompe se retrouve dans les coutumes funéraires aristocratiques païennes où un ou plusieurs chevaux sont inhumés ou incinérés à proximité du mort.
 
Il est aussi l’un des seuls chevaux avec Helfest, la monture de Hel à trois jambes à pouvoir se rendre dans le royaume de Hel, la déesse gardienne des morts. Ainsi, lorsque Baldr meurt, Hermódr, un autre fils d'Odin, emprunte Sleipnir à son père afin de se rendre dans le royaume de Hel, supplier la déesse de laisser revenir le dieu.
 
Sleipnir est également fortement lié à l'arbre du monde Yggdrasill, support des neuf mondes de la cosmogonie viking, et il se confond avec lui. Comme l'arbre, Sleipnir peut voyager et relier les mondes entre eux. Chaque jour, Odin le chevauche afin de se rendre au conseil des dieux qui se déroule au pied du frêne Yggdrasil, près de la source d'Urdr. Lorsqu'Odin se pend neuf jours et neuf nuits à l'arbre, afin de connaître le secret des runes, Sleipnir est d'abord attaché au frêne.
 

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Lorsque survient le solstice d'hiver, Sleipnir mène la chasse sauvage du dieu à travers le ciel et les bois, galopant devant les Walkyries et les Einherjars. Au jour du crépuscule des Dieux, en ce jour funeste du Ragnarök, Sleipnir mène au combat son maître Odin coiffé d'un casque d'or.
 
Il est le fils de Loki, le seul de ses monstrueux enfants que les dieux gardent près d’eux, père de Grani qui est la monture de Sigurdr.
 
Mon groupe Facebook sur la mythologie nordique/celte :
https://www.facebook.com/groups/718251369069227/

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jeudi, 31 décembre 2020 | Lien permanent

La Noomachie selon Douguine: le logos de l'Allemagne

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La Noomachie selon Douguine: le logos de l'Allemagne

Entretien entre Alexandre Douguine et Natella Speranskaya

Ex: http://platonizm.ru/content/vtoraya-beseda-o-nomahii-logos-germanii

Natella Speranskaya : En prévision de notre conversation philosophique, je voudrais vous demander de définir le Logos dans le contexte de la Noomachie. Il existe une soixantaine de significations du mot grec λόγος. Lorsque vous parlez du Logos d'Apollon, du Logos de Dionysos, du Logos de Cybèle, enfin du Logos de l'Allemagne, quel sens donnez-vous à ce concept ?

Alexander Dugin : C'est la chose la plus importanteque d'y donner sens. À l'origine, l'utilisation du terme Logos était intuitive, et sa signification a été progressivement clarifiée au cours du développement du modèle des trois Logos et de son application à l'étude de cultures et de civilisations concrètes. S'il y a 60 définitions du Logos, ma définition sera la 61ème: car nous devons parler du terme Logos dans le paradigme des trois Logos et dans le contexte de la Noomachie. La règle du cercle herméneutique s'applique ici: je ne me contente pas de prendre le concept du Logos et de l'appliquer à autre chose, mais je prends le contexte - culturel, religieux, philosophique, politique, historique, mythologique, etc. - Je prends le contexte - culturel, religieux, philosophique, politique, historique, mythologique, etc. - comme un tout et j'y délimite les champs correspondant aux trois Logos, en y rapportant tout le reste, créant ainsi une matrice herméneutique. Cette matrice herméneutique est primordiale par rapport aux différentes branches de l'épistémologie. Et il convient de mieux l'étudier avant de le mettre en relation avec les 60 significations du terme Logos, appartenant nécessairement à d'autres contextes et champs herméneutiques. Par conséquent, la définition du 61ème Logos n'est possible que sur la base de l'ensemble du contexte noomachique et dans le cadre du paradigme des trois Logos. Le sens que nous attribuons au terme Logos est secondaire dans ce contexte. Pour nous, le Logos est sciemment pensé dans le contexte des trois Logos, bien que dans In Search of the Dark Logos nous ayons commencé avec une compréhension plus approximative du Logos. Lorsque nous avons découvert, à côté du Logos clair d'Apollon et du Logos sombre de Dionysos, le Logos noir de Cybèle, la notion même de Logos s'est trouvée considérablement modifiée. La recherche du Logos obscur, le Logos de Dionysos, était elle-même dirigée vers un domaine spécial où les normes habituelles de la rationalité classique étaient qualitativement modifiées: déjà le Logos obscur révélait quelque chose d'illogique en soi, incorporant inclusivement à la fois la raison et la folie. Par conséquent, les deux Logos ont également changé l'idée de la nature du Logos, pour autant que nous acceptions de reconnaître Dionysos comme l'expression du Logos. Ce serait en soi la 61ème définition du Logos, car le Logos de Dionysos n'exclut pas l'irrationnel, mais l'inclut. L'apparition du Logos noir de Cybèle comme arrière-plan, mettant en valeur le Logos sombre de Dionysos, modifie encore les thèmes du Logos. Les platoniciens refusaient catégoriquement de reconnaître une quelconque ontologie ou logique à la Mère. Platon parle de la Matière reconnaissable au moyen de la "pensée bâtarde", λογισμός νοθός. Mais pour lui, c'est quelque chose d'opposé au Logos - non pas simplement déviant (comme dans le cas de Dionysos), mais précisément radicalement et complètement illogique. Nous, par contre, dans la construction de la topique noologique, nous avons pris cela pour un Logos spécial - le Logos noir de la Grande Mère. Ainsi, la 61ème définition du Logos a encore été modifiée et, si vous voulez, compliquée.

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Natella Speranskaya et Alexandre Douguine.

Plus précisément, le Logos est la polarisation du Mental, Νοῦς, l'Esprit, Nus contient les trois Logos comme ses sections. Ils résident en Lui simultanément. Mais chacun d'eux, pris séparément, en dehors de l'Esprit-Nus, forme un axe sémantique universel, un rayon dirigé de l'Esprit vers l'extérieur de celui-ci. Ainsi, les trois pôles de l'esprit unique constituent trois axes sémantiques du monde ou, si l'on veut, trois univers spécifiques qui s'interpénètrent holographiquement les uns dans les autres, créant partout un champ de tension sémantique. C'est Noomakhia - la guerre de l'esprit. Ce n'est pas une guerre des esprits, car l'esprit est un; c'est une guerre des pôles de l'esprit, implicite à l'intérieur et explicite à l'extérieur, c'est-à-dire dans la zone des phénomènes, des existences, de l'âme, de la vie, du mouvement et des concrétisations. Ainsi le Logos est un axe sémantique, un rayon, un modèle herméneutique d'interprétation, revendiquant l'exclusivité et la domination, c'est-à-dire le pouvoir. Par conséquent, il y a une guerre mortelle entre les Logos. Elle prédétermine la structure du monde, de l'esprit et de l'histoire.

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Natella Speranskaya : Vous commencez votre livre "Le Logos de l'Allemagne" par la considération de la profonde vision eschatologique du monde des anciens Germains et notez la similitude entre la bataille de Ragnarök et la Titanomachie grecque. Dans les deux cas, il s'agit d'une confrontation entre des dieux et des puissances chthoniennes, mais si la Titanomachie se termine par la victoire des dieux de l'Olympe et le rejet des Titans dans le Tartare, le Ragnarök se termine par la destruction du monde. Même les dieux ne sont pas épargnés par le Ragnarök. "Je crois à l'ancien dicton germanique : tous les dieux doivent mourir", a écrit Friedrich Nietzsche. Qu'est-ce qui explique, selon vous, une différence aussi marquée entre la perception des anciens Germains et celle des anciens Grecs sur l'événement métahistorique qu'est la bataille ?

31oVVFvpRvL._SX329_BO1,204,203,200_.jpgEn revanche, il existe une autre vision de la μαχία grecque (où l'on inclut toutes les batailles: Titanomachie, Gigantomachie, Tiphonia), et elle est présentée dans l'ouvrage "De la vie des idées" de F. F. Zelinsky. Le penseur décrit la bataille "eschatologique" de l'Olympe et des puissances chthoniennes comme la bataille entre l'Esprit (Zeus) et la Terre. La vision originale de cette bataille - déjà dans la religion de Zeus avant la Réforme - était absolument identique à celle des anciens Germains. Tous les dieux sont morts. Et ce n'est qu'après l'arrivée en Grèce du culte d'Apollon, venu de l'Est, que la religion de Zeus a été réformée : les dieux de l'Olympe sont devenus les vainqueurs de la Terre et ont gagné l'immortalité. Le "crépuscule des dieux" n'est pas arrivé. C'est choquant, car quel que soit notre sentiment sur le triomphe des dieux et le renversement des titans/géants, nous ne pouvons nous défaire de l'idée que les choses étaient à l'origine bien différentes. Comment, exactement ? Comme décrit dans l'Edda?

Alexandre Douguine : L'eschatologie et les mythes eschatologiques représentent un champ symbolique extrêmement complexe, saturé de sémantique multidimensionnelle. En général, le scénario eschatologique est unifié : d'abord, la Lumière se dresse sur les Ténèbres, puis les Ténèbres commencent à écraser la Lumière jusqu'à ce qu'elle soit presque éteinte, et après le triomphe momentané des Ténèbres, la Lumière éclate avec une vigueur renouvelée. Mais il s'agit, si vous voulez, d'une lecture dionysiaque de l'eschatologie. C'est un drame, une tragédie: mise à mort sacrificielle et résurrection. Il existe d'autres scénarios, comme celui, purement apollinien, dont parle Zelinski. Dans ce scénario, tout ce qui se passe dans le monde des phénomènes n'affecte pas l'Olympe, la vie pure des dieux. Le drame du monde ne change rien à l'éternité de la Lumière. Ici l'eschatologie n'est pas totale, elle est importante pour les êtres plongés dans le devenir, les dieux ne sont pas concernés. Enfin, le Logos de Cybèle considère la bataille finale, l'Endkampf, de la manière la plus sérieuse: la Grande Mère veut sérieusement renverser les dieux paternels du Ciel et établir à leur place le pouvoir chthonique de titans tyranniques. Les dieux sont immortels dans le scénario d'Apollon et se moquent des mortels. Les dieux meurent et ressuscitent, partent et reviennent dans le scénario de Dionysos, le drame devient ainsi l'expérience intérieure des dieux et l'eschatologie prend une signification métaphysique supplémentaire. Pour Cybele, les dieux doivent périr, le temps doit renverser l'éternité, et la terre doit brouiller le ciel.

Comment l'Edda voit-il l'eschatologie? Je pense que dans l'ensemble, à la manière dionysiaque, le Ragnarök est un drame intérieur des dieux (Ases et Vanes), mais la dernière bataille est suivie de la résurrection de Baldr et de la restauration du monde.  

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Natella Speranskaya : Vous faites là une remarque intéressante, à savoir que les anciens Germains pensaient au monde à partir de la position de la deuxième fonction, c'est-à-dire la fonction guerrière, et leur être même apparaît comme un être-en-guerre. Peut-être, justement pour cette raison, le pathos martial du discours philosophique d'Héraclite révèle-t-il son affinité avec le Logos germanique.

Comme nous le savons, la doctrine du prophète éphésien a été reprise par Martin Heidegger, il est devenu une figure centrale de la philosophie de Hegel. Nietzsche s'est référé à lui comme à son précurseur en considérant le monde comme un "jeu divin au-delà du bien et du mal" et Schleiermacher a soigneusement étudié son héritage. Cette affinité eidétique peut-elle être retrouvée aujourd'hui, ou les penseurs allemands modernes se sont-ils largement écartés de la vision du monde originelle ? Quand l'idée d'Héraclite selon laquelle la guerre est le "père de tout" a-t-elle cessé d'être déterminante pour l'identité allemande et quelle en a été la conséquence ?

Alexandre Douguine : Après 1945, il y a eu une rupture monstrueuse dans l'histoire allemande. Il ne s'agit pas seulement de la guerre perdue et de l'échec de l'idéologie nationale-socialiste. L'Allemagne se dirigeait vers le vingtième siècle comme le moment de son Ereignis, comme l'aboutissement de la dernière bataille, de l'Endkampf. Il s'agissait d'un mouvement vers la fin de l'histoire telle que la concevait Hegel - vers la fin allemande de l'histoire et vers un Nouveau Départ tel que le concevait Heidegger. Le fait que le national-socialisme d'Hitler ait été le sommet était déjà un résultat ambigu. Le fait que le national-socialisme d'Hitler ait perdu et se soit effondré a finalement achevé les Allemands. Aujourd'hui, l'Allemagne en tant que telle n'existe plus. Elle est enterré sous les ruines. Il n'y a donc pas de pensée ou d'espace pour la pensée à cet endroit. Ils ne peuvent ni se battre ni penser. Ils sont tout simplement interdits de bataille et de pensée. C'est pourquoi l'expression "ces jours-ci", en ce qui concerne l'Allemagne, signifie "après la fin du monde", "après la fin de l'histoire". De plus, après cette fin, alors que seule la lumière a cessé, les ténèbres continuent. Ce n'est plus l'Allemagne, mais son simulacre, une copie sans l'original. Je crois que sous les ruines allemandes, une vie secrète subsiste. Il serait stupide et vulgaire que l'histoire de l'Allemagne se termine avec Frau Merkel ou l'entreprise Siemens. Mais il n'y a pas non plus de base pour dire que tout ce qui est authentiquement allemand survit encore. Je préfère donc considérer l'Allemagne comme une sorte d'objet idéal: elle était, elle avait un sens, elle existe encore dans le monde des idées et dans ce monde des idées, elle émet une merveilleuse lumière fascinante. Mais dans le monde des phénomènes, l'Allemagne a disparu. Ce n'est ni par la terre ni par la mer que nous pouvons trouver notre chemin vers la véritable Allemagne. C'est devenu un mythe.

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Natella Speranskaya : Quelle version de l'identité allemande proposait Hermann Wirth? Peut-on dire qu'il agit comme un penseur influencé par le Logos de la Grande Mère?

Alexandre Dugin : C'est une question intéressante. Wirth était en effet un partisan du matriarcat nordique. Il considérait la véritable culture archaïque du cycle de la Grande Mère, dont le noyau était constitué par les peuples blancs pré-indo-européens de l'Europe ancienne et de la Méditerranée (la dernière vague étant les Peuples de la Mer), et Wirt considérait les Indo-Européens avec leur patriarcat comme porteurs de l'esprit "asiatique". Parmi les peuples germaniques, Wirth lui-même a particulièrement distingué les Frisons (il était lui-même Frison), qui présentaient les caractéristiques les plus matriarcales. Plus tard, une version similaire du matriarcat de la vieille Europe a été défendue par Maria Gimbutas et Robert Graves. De manière révélatrice, dans l'Ahnenerbe, Carl Maria Wiligut a étudié les idées d'Evola et a admis qu'elles étaient trop masculines et misogynes, et allaient donc à l'encontre du matriarcat nordique dans l'esprit de Wirth. Mais il s'agit plutôt d'une mésaventure historique. Si Wirth a été influencé par le Logos de la Grande Mère, c'est d'une manière particulière. Il était darwiniste (et ce sont des matrizons typiques), et a sympathisé avec le communisme dans les dernières années de sa vie. Mais son matriarcat est tout de même très spécifique, tout comme son atlantidéisme. Ce matriarcat blanc représente un cas particulier tant parmi les expressions classiques du Logos de Cybèle que parmi les courants traditionalistes et conservateurs-révolutionnaires. Evola appelle Wirth lui-même son professeur avec Guénon et di Giorgio. Guénon a rédigé un compte rendu de ses écrits. Hermann Wirth, lui, a rassemblé une énorme quantité de matériel sur la paléo-épigraphie et a proposé sa propre méthode pour déchiffrer les plus anciens symboles, figures et hiéroglyphes. Il s'agit d'une contribution unique à l'histoire des religions, à l'ethnosociologie et à la paléolinguistique. Il me semble que l'étude des écrits de Wirth doit évoluer, et on peut être en désaccord avec ses conclusions finales et certains aspects de sa méthodologie (parfois, en effet, controversée). 

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Natella Speranskaya : Les vues des mystiques médiévaux allemands apparaissent comme une expression du paradigme apollinien de la pensée, et par conséquent ils "laissent tomber" l'élément de lutte qui était une partie intégrante, le cœur même des vues des anciens Germains (bien que Johannes Tauler soit une exception ici). Chez Meister Eckhart, on ne trouve plus un seul écho de la guerre eschatologique finale, le Ragnarök, ni de l'affrontement tendu entre les dieux et les puissances chthoniennes, ni de l'esprit germanique qui s'est emparé de la connaissance, de la couronne et de l'amour. Il n'y a pas d'obsession Dionysos/Odin dans ses enseignements, bien qu'il y ait certainement de l'extase (mais il s'agit plutôt d'un enthousiasme apollinien). C'est là, comme vous le soulignez subtilement, que se déroule "la rencontre de Platon avec l'Allemagne". Mais où et pourquoi Dionysos s'en va-t-il ?

Eckhart appelle la plus haute des vertus le détachement, qui conduit à la p

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lundi, 04 octobre 2021 | Lien permanent

Survive the Economic Collapse

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Survive the Economic Collapse

Piero San Giorgio
Survive—The Economic Collapse: A Practical Guide
Radix/Washington Summit Publishers, 2013

survivehhhhhhjj.jpgFor White Nationalists, the possibility of some of kind of civilizational collapse not only seems plausible, but is also an exciting prospect as it poses an opportunity to make things right again. We know that the current system is cemented together with falsehoods. We can see that the money system is fraudulent. We understand that the “Gods of the Copybook Headings” will one day return with “terror and slaughter.” What made Western Civilization great—true leaders with an ability to plan for the long term—have been abandoned in favor of panderers who appeal to the short-sighted demands of a foolish public. We feel that this trajectory toward ever greater folly cannot last. Surely, it must not last! With this knowledge the question arises: What do we do in the meantime? Perhaps, Swiss author, Piero San Giorgio can help us find an answer.

There is a saying attributed to Louis Pasteur and paraphrased by several survivalists I know, “Chance favors the prepared mind.” The only thing certain in the event of a major collapse is that chaos will ensue. Survival in such a situation is a matter of being in the right place at the right time, but if you have worked out the various possible scenarios in advance and know how you will respond to each, then you may have a slight advantage. In Survive—The Economic Collapse: A Practical Guide, San Giorgio describes a number of collapse scenarios with varying degrees of severity, and then provides a basic overview of the factors that an amateur survivalist should consider in preparation for doomsday.

The first part Survive is entitled “Risks and Impacts” and begins with some eye-opening numbers regarding overpopulation and the rate of human reproduction on planet earth. People often forget that two centuries ago there were only about a billion people living on the planet. It took the human species approximately 200,000 years to number a billion people. Then, in only 200 years that number has increased seven-fold. When considering this reality, it is almost laughable to hear environmentalists claim that there is an urgent need to pass legislation to reduce the use of fossil fuels. If climate change poses the threat that is often claimed, then it just as much due to the population explosion we have witnessed in the last few decades.

You will be hard pressed to find a mainstream environmentalist proposing that we need to pass legislation to reduce birth rates worldwide, particularly among those most likely to be poor stewards of the earth’s resources. It is very common for the same environmentalists obsessed about fossil fuel legislation to insist that every Third World resident who “dreams” hard enough has a human right to settle in the United States, and these immigrants deserve to be given the First World lifestyle to which Americans have become accustomed with all of its consumption and waste. These brainwashed fools fail to understand that what the planet really needs are fewer human rights and more eugenics programs. This view is not endorsed in the book, but anyone who thinks seriously about overpopulation should not dismiss eugenics as a necessary measure.

Of course, exponential population growth leads to problems beyond global climate change and polluted air, water, and soil. San Giorgio predicts the exhaustion of all vital natural resources in the next 40 years. While I cannot state for certain his numbers are accurate, the theory certainly bears consideration. The earth has a finite number of resources that are being consumed at an ever-increasing rate as the standard of living rises around the globe. It makes sense that at some point these resources will run out. If we fail to use them wisely then we, as a species, we will create a terrible and tragic situation for ourselves or our descendants.

In addition to simply using up natural resources, we are in the process of destroying the cultures that allowed humanity to thrive in the first place. San Giorgio writes:

Culture appears in the word “agriculture” for a good reason. This culture, or cultivation of the earth—I would even say, this love of the earth—is made up of knowledge, competence, tricks, secrets, work methods acquired over centuries and transmitted with care—and, indeed love—to the next generation, from father to son, from mother to daughter.

In less than a century, blinded by the ease fossil energy has brought us, we have thrown all that knowledge away. We have transformed farms into automated factories. Agriculture has gone from family and community management to an industrial and global enterprise.

One question that comes to mind is whether the ease and comfort brought to our daily lives by industrial technology are really worth the trade-off. Has the quality of life improved now that more people can spend their free hours watching television and eating processed foods? Perhaps we would be better off reserving the accessibility of complex technologies to only a select few charged with discovering the mysteries of the universe. The vast majority of people might enjoy an honest days’ work outdoors more than a process-oriented job in a grayish-brown cubicle, or telling stories around a fire rather than sitting in their living room marathoning The Walking Dead on Netflix.

 

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Another risk discussed in the first part of the book is the problem posed by the financial system, how money is created and how this could lead to a potential collapse. This is followed by a critique of globalization, which states the rate of change in a global society requires such rapid adaptation that it cannot be done in a healthy way. Humans are being demanded to give up the aspects of our societies that have made life worth living for generation after generation—the rootedness that we have in our identity as a culture and people—and for what? So that we can become cogs in a giant and seemingly meaningless mechanism, and for most people, there is no choice in the matter. Becoming a cog is necessary if we want to meet our basic needs for survival. This is what “Liberalism” has wrought.

The first part ends with a chapter called “Hopes” to help alleviate the nightmares those of us who read before bed may have been having. For San Giorgio, there is hope to be found in the prospect that another way of life is possible, one that requires radical transformation. He writes:

Instead of trying to get a car to run on something other than gasoline, it is time to reflect on a way of life without cars. The social structure is going to have to evolve; we’re going to have to get rid of bad habits and accept limits: we cannot, for example, make commercial airlines fly on electricity, just as we don’t mold titanium turbines with electricity. It is our habits and culture as a whole that must change. Without new values, we will not succeed.

Yet how can such a shift in values take place when it seems that we are in the multifaceted death spiral the author has previously detailed for us? Life has been jarred out of balance and balance must be restored. To put it another way, justice must be made manifest. In human interactions there can be no justice without power. During the last century, the period on which San Giorgio focuses in pointing to where we went wrong, power has been in the hands of the unjust. Power must be reclaimed by those who will do what is right. This cause is at the heart of White Nationalism and the ethnonationalist moral system that the movement advances.

But Piero San Giorgio is not a White Nationalist. He endorses a small scale, almost pre-political-system of preparedness and self-sufficiency, rather than investing in any movement that pursues sweeping political change. In this sense he is banking on “The Collapse” for the shift in values upon which he has rested his hopes. And “The Collapse” is the title the second part of the book.

In Part II the mechanisms of collapse are more closely examined. In short, as the global industrial and economic system becomes more complex it also becomes more fragile. If one part of the system falters this could lead to the breaking point. Different crises are discussed, in which one part breaks. In a section about the Food Crisis, San Giorgio writes, “It takes 1500 liters of gasoline per inhabitant per year to feed a Westerner. To produce a calorie of food, the equivalent of 10 calories of fossil fuel is needed, whether directly (fuel) or indirectly (electricity, etc.)” This equation cannot be sustainable with a finite amount of fuel in the world. Another factor in the food crisis is the depletion of nutrients in the soil caused by factory farming. But factory farming is necessary to feed the population at its current size.

Countries and regions that rely on the importation of food will be the first to suffer as it becomes scarcer due to a convergence of factors exacerbated by short term planning, and this in turn will lead to a breakdown of the global system. A social crisis will emerge due to antipathy between groups competing to survive, and as social cohesion deteriorates we will see the breakdown of the infrastructure that maintains our current standard of living. Sanitation systems and nuclear power plants are examples of infrastructure that require continuous maintenance. If sanitation systems are neglected there will be a rapid rise in disease and a lack of drinking water. If nuclear power plants do not receive regular attention then there is the potential for another Chernobyl wherever they are found.

San Giorgio describes nine scenarios of how society might handle a collapse depending upon the rate of collapse and the extent of catastrophe. He calls the scenario with the slowest rate and smallest extent a techno-utopia. In this instance, technology continues to solve every resource problem, and the world becomes increasingly globalized. Social atomization advances at a steady pace, and the vast majority of people are medicated to cope with meaninglessness of existence. This is the best possible of scenarios for those who are addicted to comfort. Yet, it is also a collapse of many of the aspects of life that humans value. What is not mentioned here is the idea that when technology becomes complex enough, humanity could feasibly be replaced by artificial intelligence.

Another scenario that is predicted in the case of a slow rate of collapse but a great extent of catastrophe is described as eco-fascism, in which ”Deep Green” parties take over the government and enact strict controls to ensure the preservation of eco-systems. It is in this scenario that eugenics programs are given credence, with a permit being required to have children. Additional measures are described to save costs and reduce the population.

Deep Greens showed a willingness to use tactics that a prior generation would have called “ruthless.” In order to limit demand on the welfare system, the mentally handicapped and those with Down syndrome were systematically tracked down and euthanized. Seniors over the age of 60 were barred from the public health system. The euthanasia of the severely ill was made free and immediate, unless specifically forbidden by the family.

San Giorgio’s description of eco-fascists is reminiscent of the Tea Party’s predictions about Obamacare. As can be seen from the excerpt above, the future scenarios are written in the past tense as if they have already happened. They are fun to read, but then so is science fiction.

The final scenario described is the one with fastest collapse and the greatest extent of catastrophe, which is called Ragnarök. This might be caused by some unforeseen or unpreventable situation such as a comet hitting the earth. But even in such a dire case, the reality is that some humans would probably survive. We so are so numerous and so adaptable that the likelihood of our total extinction is small. In my opinion, it is smaller in a Ragnarök scenario than in one of techno-utopia. After discussing these possible futures, we are asked to consider our personal future and decide how important we think it is to be prepared for the worst. When considering the possibilities, we are told we are better off prepared than not, but of course the choice is up to us.

The fourth part of the book is entitled “Survival” and describes how to build what San Giorgio calls a Sustainable Autonomous Base (SAB). This is a secure space for which provisions have been made to ensure access to seven fundamental principles of survival, which are water, food, hygiene and health, energy, knowledge, defense, and the social bond. A chapter is dedicated to each of these principles. A well-planned SAB should be stocked with supplies for short term survival as well as the tools and equipment necessary to eventually live completely off the grid.

The tone of the book becomes more technical, like a manual. The amount of information can be overwhelming, and each chapter provides only a basic overview what kinds of thing one should consider surrounding these principles. For instance, in the food chapter, a list of foods that can be stored long term is provided along with suggestions for how much should be stocked for a year’s supply. Methods of preservation are also described and ways of procuring food once supplies run out, like hunting, fishing, and gardening. But only a few pages are dedicated to these broad concepts. A person serious about building an SAB will need to do a lot more research.

Few have the time or money to master every facet of an SAB. This is why knowledge is included as a principal of survival. Having a comprehensive physical library will be very useful for learning those things that the survivalist did not have time to study before a dire situation arises. The social bond is also important principle for this reason. San Giorgio recommends partnering with others to build an SAB. Preferably these partners should have a wide array of different skills, or can be assigned to become experts in one or several of the principles of survival.

Also falling under the social bond principle are ways of communicating with the outside world, be it locally or with the wider world via some type of radio communication. Protocols need to be developed regarding how outsiders should be treated. In a collapse scenario, there is a far greater risk of being open and neighborly, yet at the same time, being too security conscious could lead to missed opportunities.

 

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lundi, 04 mai 2015 | Lien permanent

Friedrich Georg Jünger: The Titans and the Coming of the Titanic Age

Friedrich Georg Jünger:

 

The Titans and the Coming of the Titanic Age

 

 

Tom Sunic

 Translated from the German and with an Introduction by Tom Sunic

Friedrich Georg Jünger (1898-1977)

Friedrich Georg Jünger (1898-1977)

Introduction: Titans, Gods and Pagans by Tom Sunic

Below is my translation of several passages from the last two chapters from Friedrich Georg Jünger’s little known book, Die Titanen, 1943, 1944 (The Titans). Only the subtitles are mine. F.G. Jünger was the younger brother of Ernst Jünger who wrote extensively about ancient Greek gods and goddesses. His studies on the meaning of Prometheism and Titanism are unavoidable for obtaining a better understanding of the devastating effects of the modern belief in progress and the role of “high-tech” in our postmodern societies. Outside the German-speaking countries, F.G. Jünger’s literary work remains largely unknown, although he had a decisive influence on his renowned brother, the essayist Ernst Jünger. Some parts of F.G Jünger’s other book,Griechische Götter (1943) (Greek Gods), with a similar, if not same topic, and containing also some passages from Die Titanen, were recently translated into French (Les Titans et les dieux, 2013).

In the footsteps of Friedrich Nietzsche and along with hundreds of German philosophers, novelists, poets and scientists, such as M. Heidegger, O. Spengler, C. Schmitt, L. Clauss, Gottfried Benn, etc., whose work became the object of criminalization by cultural Bolsheviks and by the Frankfurt School in the aftermath of WWII, F. G. Jünger can also be tentatively put in the category of “cultural conservative revolutionaries” who characterized the political, spiritual and cultural climate in Europe between the two world wars.

Ancient European myths, legends and folk tales are often derided by some scholars, including some Christian theologians who claim to see in them gross reenactments of European barbarism, superstition and sexual promiscuity. However, if a reader or a researcher immerses himself in the symbolism of the European myths, let alone if he tries to decipher the allegorical meaning of diverse creatures in the myths, such as for instance the scenes from the Orphic rituals, the hellhole of Tartarus, or the carnage in the Nibelungen saga, or the final divine battle in Ragnarök, then those mythical scenes take on an entirely different meaning. After all, in our modern so-called enlightened and freedom-loving liberal societies, citizens are also entangled in a profusion of bizarre infra-political myths, in a myriad of weird hagiographic tales, especially those dealing with World War II vicitmhoods, as well as countless trans-political, multicultural hoaxes enforced under penalty of law. Therefore, understanding the ancient European myths means, first and foremost, reading between the lines and strengthening one’s sense of the metaphor.

There persists a dangerous misunderstanding between White nationalists professing paganism vs. White nationalists professing Christian beliefs. The word “paganism” has acquired a pejorative meaning, often associated with childish behavior of some obscure New Age individuals carrying burning torches or reading the entrails of dead animals. This is a fundamentally false conception of the original meaning of paganism. “Pagans,” or better yet polytheists, included scores of thinkers from antiquity, such as Seneca, Heraclites, Plato, etc. who were not at all like many modern self-styled and self-proclaimed “pagans” worshipping dogs or gazing at the setting sun. Being a “pagan” denotes a method of conceptualizing the world beyond the dualism of “either-or.” The pagan outlook focuses on the rejection of all dogmas and looks instead at the notion of the political or the historical from diverse and conflicting perspectives. Figuratively speaking, the plurality of gods means also the plurality of different beliefs and different truths.  One can be a good Christian but also a good “pagan.”  For that matter even the “pagan” Ernst Jünger, F.G. Jünger’s older brother, had a very Catholic burial in 1998.

When F.G Jünger’s published his books on the Titans and the gods, in 1943 and in 1944, Germany lay in ruins, thus ominously reflecting F.G. Jünger’s earlier premonitions about the imminent clash of the Titans. With gods now having departed from our disenchanted and desacralized White Europe and White America, we might just as well have another look at the slumbering Titans who had once successfully fought against Chaos, only to be later forcefully dislodged by their own divine progeny.

Are the dozing Titans our political option today? F.G. Jünger’s book is important insofar as it offers a reader a handy manual for understanding a likely reawakening of the Titans and for decoding the meaning of the new and fast approaching chaos.

*    *    *

THE TITANS: CUSTODIANS OF LAW AND ORDER

….The Titans are not the Gods even though they generate the Gods and relish divine reverence in the kingdom of Zeus. The world in which the Titans rule is a world without the Gods. Whoever desires to imagine a kosmos atheos, i.e. a godless cosmos, that is, a cosmos not as such as depicted by natural sciences, will find it there. The Titans and the Gods differ, and, given that their differences are visible in their behavior toward man and in view of the fact that man himself experiences on his own as to how they rule, man, by virtue of his own experience, is able to make a distinction between them.

Neither are the Titans unrestrained power hungry beings, nor do they scorn the law; rather, they are the rulers over a legal system whose necessity must never be put in doubt. In an awe-inspiring fashion, it is the flux of primordial elements over which they rule, holding bridle and reins in their hands, as seen inHelios. They are the guardians, custodians, supervisors and the guides of the order. They are the founders unfolding beyond chaos, as pointed out by Homer in his remarks about Atlas who shoulders the long columns holding the heavens and the Earth. Their rule rules out any confusion, any disorderly power performance. Rather, they constitute a powerful deterrent against chaos.

The Titans and the Gods match with each other. Just as Zeus stands in forKronos, so does Poseidon stand in opposition to Oceanus, or for that matter

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samedi, 12 avril 2014 | Lien permanent

Sur la fête de l'aurore

Frédéric VALENTIN:

Sur la fête de l’Aurore

 

 

Il est probable qu'une troisième classe de divinités s’insérait initialement entre celle du ciel diurne et celle du ciel nocturne : les divinités du ciel rouge, auroral et crépusculaire, en particulier les Aurores (1). L'intention d'une fête de l'Aurore a donc une certaine ambiguïté : soit elle vise à encourager l'Aurore contre l'offensive imminente du temps nocturne ; soit à renforcer l'Aurore contre sa propre lassitude.

 

 

Dans la religion cosmique, l'Aurore est l'intermédiaire obligé entre tous les dieux. Aussi, tantôt elle est une actrice énergique qu'il est très difficile de se concilier, surtout lorsque les rencontres qu'elle agence ont un caractère militaire, tantôt elle est l'objet de sévères disputes entre les deux forces qui la convoitent. En fait, l'Aurore est à la fois une déesse fille, mère et épouse des dieux, notamment ceux du ciel diurne.

 

Hiérogamie

 

 

Homère, dans le chant 14 de l'Iliade, narre l'union de Zeus et d'Héra sur le sommet du Gargaros. Schéma mythique : la scène se passe au printemps. Le retour du printemps est symbolisé par l'union amoureuse des deux divinités. Le lieu, la montagne, est essentiel. Il existe par exemple une " montagne de l'année ", le Lycabette dont le nom s'explique par le souvenir d'une liaison entre l'année et la montagne. La « montagne » de l’année est celle où se manifeste le retour du soleil : celle dont sortent les « Aurores de l’année ».

 

 

Le mythe de Vala

 

 

Selon le Veda, un être mythique, Vala, retient prisonnier dans une caverne les éléments de la création. Vala prospère grâce à cette rétention. Il faut qu'il soit assiégé par un Dieu armé de la parole et accompagné d'un chœur (le récit affirme qu'ils sont sept) pour que, fracturé par la parole, il relâche les biens de la création (2).

 

 

La caverne de Vala apparaît comme un enclos qui abrite les forces vitales entre deux cycles. Un tel lieu pourrait être connu par les mythologies de plusieurs peuples indo-européens. En Europe du Nord, les éléments qui permettront une vie nouvelle après la destruction du monde, lors du Ragnarök, sont sauvegardés dans le Gimlé. Puisque Vala symbolise l'hibernation de la Création accompagnée de l'affaiblissement de la nature, Vala fracturé c'est l'assurance du retour de la vie, du printemps. Ce retour est représenté par la délivrance des Aurores, les vaches d'abondance.

 

 

L'Aurore crée une filière

 

 

Selon les linguistes, il devait exister une formule indo-européenne : " Fendre la montagne par la formule pour faire luire la lumière cachée ". A partir de cette formulation, un réseau d'homologies est établi entre : lumière ; éveil ; vitesse vigueur et courage ; victoire. Parallèlement il existe une homologie entre chanter et luire.

 

 

L'Aurore, captive de la nuit silencieuse, est accompagnée de bruissements de la nature lorsqu'elle parait. D'où l'association entre l'apparition de la lumière et le bruissement, la rumeur matinale. Par inversion de l'effet et de la cause, le chant (ou bruissement) a délivré l’Aurore des ténèbres.

 

Selon les hymnes védiques à USAS l'Aurore, celle-ci préside au retour de la lumière solaire. En tant que bonne déesse, l'Aurore prodigue elle même ses dons, tout ce qui permet de subsister et d'être heureux. L'Aurore introduit la lumière en tant qu'éclairante, opposée à l'obscurité. Elle ouvre la succession des rites : elle met en rapport les dieux et leurs fidèles. Mais, simultanément, elle ouvre une longue saison avec un contenu incertain, imprévisible. En éclairant, elle éveille les acteurs de la comédie humaine et elle leur propose leur action. Elle ramène à la vue et à la mémoire les fins et les moyens de l'action de chacun, en sorte qu'elle entretient un rapport avec la déesse romaine Fortuna.

 

 

Rome et Mater Matuta (3)

 

 

Le jour romain commence à minuit et l'année débute après le solstice d'hiver car il existe une "bonne" obscurité, grosse du soleil, transmettant à l'Aurore l'enfant lumineux en train de naître. L'Aurore est considérée comme la mère adoptive du Soleil : elle le recueille. Ici, nuit et aurore ont en commun une œuvre maternelle. Ces “sœurs” sont des mères collaborantes. Soit elles sont les deux mères d'un même enfant, le Soleil (ou le Feu céleste}; soit l'Aurore prend livraison du fils de la nuit et le soigne à son tour (le Soleil étant remplacé, en Inde, par le Feu des offrandes).

 

Le service de la déesse se décompose en deux temps.

 

-          Aux matralia (11 juin), deux actions sont effectuées : Négative, chasser l'obscurité ; positive, recevoir le jeune soleil. Mater Matuta est la protectrice du plus brillant des nouveaux-nés, donc protectrice d'une catégorie de jeunes enfants.

 

-          Deux jours après, les Aurores récalcitrantes ( rôle tenu par des travestis), sont ramenées malgré elles et par ruse, à leur devoir .

 

Ovide signale que le jour des Matralia, les mères offrent des gâteaux en forme de roue, cuits dans un moule, et de couleur jaune. Cela se réfère à la naissance du soleil.

 

 

Conclusion

 

 

L'Aurore est à la fois : la compagne des guerriers (éveil, courage) ; celle des poètes (fendre la montagne par la formule); la porteuse de dons (bienfaits de la lumière opposée aux ténèbres) ; la garante du bon ordre du monde (une fois le souverain nocturne évincé, le jeune Dieu solaire peut naître). Ces multiples aspects sont à intégrer dans la fête de l'Aurore qui demande aussi que l'on choisisse entre la "montagne de l'aurore", ou la "fracture de la caverne" comme rite inaugural.

 

 

Frédéric VALENTIN.

 

 

(1) Jean HAUDRY : La religion cosmique des Indo-Européens. Arché,

 

Les Belles Lettres, 1987.

 

(2) Patrick MOISSON : Les dieux magiciens dans le Rig-Veda. Archè-Edidit. 1993, p.36 et suivantes.

 

(3) Georges DUMEZIL : Mythe et Epopée, III, 2°partie : la saison de l'Aurore. Gallimard, 1990.

 

 

 

 

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lundi, 29 janvier 2007 | Lien permanent

Sur la fête de l'Aurore

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Sur la fête de l’Aurore

 

Il est probable qu'une troisième classe de divinités s’insérait initialement entre celle du ciel diurne et celle du ciel nocturne : les divinités du ciel rouge, auroral et crépusculaire, en particulier les Aurores (1). L'intention d'une fête de l'Aurore a donc une certaine ambiguïté : soit elle vise à encourager l'Aurore contre l'offensive imminente du temps nocturne ; soit à renforcer l'Aurore contre sa propre lassitude.

 

Dans la religion cosmique, l'Aurore est l'intermédiaire obligé entre tous les dieux. Aussi, tantôt elle est une actrice énergique qu'il est très difficile de se concilier, surtout lorsque les rencontres qu'elle agence ont un caractère militaire, tantôt elle est l'objet de sévères disputes entre les deux forces qui la convoitent. En fait, l'Aurore est à la fois une déesse fille, mère et épouse des dieux, notamment ceux du ciel diurne.

 

Hiérogamie

 

Homère, dans le chant 14 de l'Iliade, narre l'union de Zeus et d'Héra sur le sommet du Gargaros. Schéma mythique : la scène se passe au printemps. Le retour du printemps est symbolisé par l'union amoureuse des deux divinités. Le lieu, la montagne, est essentiel. Il existe par exemple une " montagne de l'année ", le Lycabette dont le nom s'explique par le souvenir d'une liaison entre l'année et la montagne. La « montagne » de l’année est celle où se manifeste le retour du soleil : celle dont sortent les « Aurores de l’année ».

 

Le mythe de Vala

 

Selon le Veda, un être mythique, Vala, retient prisonnier dans une caverne les éléments de la création. Vala prospère grâce à cette rétention. Il faut qu'il soit assiégé par un Dieu armé de la parole et accompagné d'un chœur (le récit affirme qu'ils sont sept) pour que, fracturé par la parole, il relâche les biens de la création (2).

 

La caverne de Vala apparaît comme un enclos qui abrite les forces vitales entre deux cycles. Un tel lieu pourrait être connu par les mythologies de plusieurs peuples indo-européens. En Europe du Nord, les éléments qui permettront une vie nouvelle après la destruction du monde, lors du Ragnarök, sont sauvegardés dans le Gimlé. Puisque Vala symbolise l'hibernation de la Création accompagnée de l'affaiblissement de la nature, Vala fracturé c'est l'assurance du retour de la vie, du printemps. Ce retour est représenté par la délivrance des Aurores, les vaches d'abondance.

 

L'Aurore crée une filière

 

Selon les linguistes, il devait exister une formule indo-européenne : " Fendre la montagne par la formule pour faire luire la lumière cachée ". A partir de cette formulation, un réseau d'homologies est établi entre : lumière ; éveil ; vitesse vigueur et courage ; victoire. Parallèlement il existe une homologie entre chanter et luire.

 

L'Aurore, captive de la nuit silencieuse, est accompagnée de bruissements de la nature lorsqu'elle parait. D'où l'association entre l'apparition de la lumière et le bruissement, la rumeur matinale. Par inversion de l'effet et de la cause, le chant (ou bruissement) a délivré l’Aurore des ténèbres.

 

Selon les hymnes védiques à USAS l'Aurore, celle-ci préside au retour de la lumière solaire. En tant que bonne déesse, l'Aurore prodigue elle même ses dons, tout ce qui permet de subsister et d'être heureux. L'Aurore introduit la lumière en tant qu'éclairante, opposée à l'obscurité. Elle ouvre la succession des rites : elle met en rapport les dieux et leurs fidèles. Mais, simultanément, elle ouvre une longue saison avec un contenu incertain, imprévisible. En éclairant, elle éveille les acteurs de la comédie humaine et elle leur propose leur action. Elle ramène à la vue et à la mémoire les fins et les moyens de l'action de chacun, en sorte qu'elle entretient un rapport avec la déesse romaine Fortuna.

 

Rome et Mater Matuta (3)

 

Le jour romain commence à minuit et l'année débute après le solstice d'hiver car il existe une "bonne" obscurité, grosse du soleil, transmettant à l'Aurore l'enfant lumineux en train de naître. L'Aurore est considérée comme la mère adoptive du Soleil : elle le recueille. Ici, nuit et aurore ont en commun une œuvre maternelle. Ces “sœurs” sont des mères collaborantes. Soit elles sont les deux mères d'un même enfant, le Soleil (ou le Feu céleste}; soit l'Aurore prend livraison du fils de la nuit et le soigne à son tour (le Soleil étant remplacé, en Inde, par le Feu des offrandes).

Le service de la déesse se décompose en deux temps.

-           Aux matralia (11 juin), deux actions sont effectuées : Négative, chasser l'obscurité ; positive, recevoir le jeune soleil. Mater Matuta est la protectrice du plus brillant des nouveaux-nés, donc protectrice d'une catégorie de jeunes enfants.

 

-           Deux jours après, les Aurores récalcitrantes ( rôle tenu par des travestis), sont ramenées malgré elles et par ruse, à leur devoir .

Ovide signale que le jour des Matralia, les mères offrent des gâteaux en forme de roue, cuits dans un moule, et de couleur jaune. Cela se réfère à la naissance du soleil.

 

Conclusion

 

L'Aurore est à la fois : la compagne des guerriers (éveil, courage) ; celle des poètes (fendre la montagne par la formule); la porteuse de dons (bienfaits de la lumière opposée aux ténèbres) ; la garante du bon ordre du monde (une fois le souverain nocturne évincé, le jeune Dieu solaire peut naître). Ces multiples aspects sont à intégrer dans la fête de l'Aurore qui demande aussi que l'on choisisse entre la "montagne de l'aurore", ou la "fracture de la caverne" comme rite inaugural.

 

Frédéric VALENTIN.

 

(1) Jean HAUDRY : La religion cosmique des Indo-Européens. Arché,

Les Belles Lettres, 1987.

(2) Patrick MOISSON : Les dieux magiciens dans le Rig-Veda. Archè-Edidit. 1993, p.36 et suivantes.

(3) Georges DUMEZIL : Mythe et Epopée, III, 2°partie : la saison de l'Aurore. Gallimard, 1990.

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lundi, 11 juin 2007 | Lien permanent

La symbolique politique du Loup

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Karlheinz WEISSMANN :

La symbolique politique du Loup

 

Ces jours-ci, on conteste l’authenticité de la découverte récente, à Rome, d’une grotte où, prétend-on, l’on honorait les fondateurs de l’Urbs, Romulus et Remus. C’est un coup supplémentaire pour la Ville porteuse de tant de mythes, après que l’on ait nié l’authenticité de la Louve Capitoline, qui n’aurait pas d’origines dans l’Antiquité mais n’aurait été inventée qu’au cours de notre moyen âge. Quoi qu’il en soit, les enfants légendaires de la Louve sont tels qu’on les a toujours imaginés : paisibles sous le ventre du fauve, s’abreuvant à ses tétons.

 

Le choix de la Louve, comme mère de substitution, n’est nullement dû au hasard et s’explique en référence au père des jumeaux : Mars, le Dieu de la Guerre, qui se manifestait accompagné du Loup, emblème de son être intime, relevant de la même nature que l’animal totémique. Les Romains ont su exploiter ce lien Mars/Loup et utiliser le symbole du Loup dans leurs armées et sous de multiples variantes. Aux temps auroraux de la Ville, le Loup était l’emblème des légions et, jusqu’à l’ère impériale, les légions alignaient une partie de leurs effectifs, les vélites, légèrement armés, vêtus de peaux de loup et arborant des crânes de l’animal. Bon nombre de porte-drapeaux portaient également des peaux de loup. On peut aisément supposer qu’aux temps de Rome demeurait une réminiscence des très anciennes « compagnies du Loup », depuis longtemps oubliées, même au moment où Rome est sortie des ténèbres de la proto-histoire pour émerger dans la lumière des temps connus. Leur simple présence dans l’héritage romain rappelle l’existence de compagnies ou communautés similaires chez d’autres peuples indo-européens.

 

L’historien Georg Scheibelreiter nous signale, dans son œuvre, qu’aucun autre nom d’animal n’est aussi fréquent dans les noms ou prénoms personnels que celui du loup : du védique « vrka-deva », signifiant probablement « Dieu-Loup », en passant par le grec « Lykophron » (« Conseil de Loup ») ou le celtique « Cunobellinus » (« Chien ou Loup de Belenos »), jusqu’aux prénoms germaniques Wolf, Wulf, Wolfgang, Wolfram, Wolfhart. Lorsque l’on donnait un nom à un enfant, il n’y avait pas que la sympathie individuelle que l’on éprouvait à l’endroit de l’animal qui jouait, mais aussi le souhait de conférer à l’enfant ses qualités. Principalement, toutefois, jouaient des représentations religieuses, où l’on pensait obtenir une métamorphose rituelle en l’être vivant choisi pour le nom/prénom.

 

Jusqu’aux temps modernes, on a appelé « Werwolf » (loup-garou), les hommes qui avaient la capacité de se muer en loups ou étaient contraints de le faire. Ce mythème s’enracine vraisemblablement dans l’apparition d’individualités ou de communautés entrant en transe, vêtues de peaux, pour se transformer en bêtes échevelées. Les cultures préchrétiennes s’étaient déjà distanciées de tels phénomènes, même si les Romains avec Mars, ou les Grecs avec Zeus et Apollon honoraient des dieux accompagnés de loups. L’attitude dominante était un mélange de vénération et d’effroi, où ce dernier sentiment finissait toutefois par dominer : un loup, nommé Freki, suivait également le dieu germanique Wotan/Odin, mais les Germains croyaient aussi qu’au crépuscule des dieux, Odin lui-même allait être avalé par le loup Fenrir, aux dimensions monstrueuses. Dans l’Edda, l’Age du Loup correspond à l’Age sombre qui précède le Ragnarök.

 

Tous ces faits mythologiques expliquent pourquoi le loup, après la christianisation, ait perdu toute signification symbolique positive. Il était non seulement un indice de paganisme mais aussi et surtout la manifestation du mal en soi. Cette vision du loup s’est perpétuée dans nos contes. Le loup disparaît également des emblèmes guerriers de l’Europe ou n’y fait plus que de très rares apparitions.

 

En dehors de l’aire chrétienne, le loup n’a pas subi cet ostracisme. Il m’apparaît important de relever ici la vénération traditionnelle du loup chez les peuples de la steppe. Après l’effondrement de l’Union Soviétique, Tchétchènes et Gagaouzes se sont donné des drapeaux où figure le loup. Les Gagaouzes appartiennent à la grande famille des peuples turcs, qui ont, depuis des temps immémoriaux, considéré le loup comme leur totem. En Turquie, les Loups Gris, formation nationaliste, ont évidemment le loup comme symbole et saluent en imitant une tête de loup avec les cinq doigts de la main. Les Loups Gris professent l’idéologie pantouranienne qui entend rassembler tous les peuples turcs au sein d’un Empire uni.

 

Officiellement, l’organisation des Loups Gris a été interdite et dissoute en 1980, ce qui n’a diminué en rien la charge affective et l’attractivité du symbole du loup. Cette fascination pour le loup concerne également les Turcs émigrés en Europe, où personne n’est capable d’interpréter correctement cette symbolique. En Allemagne, personne ne comprend le sens réel de la chanson « Wolfszug » (= « Cortège du Loup ») du rappeur Siki Pa, frère de Muhabbet, qui a attiré récemment toutes les attentions sur lui :

 

« Fürchtet um euer Hab’ und Gut

Werdet brennen im Feuer…

Pakt der Wölfe zieht mit dem Wolfszug

Blutiger Horizont, der Tod friedlich ruht“.

(„ Craignez pour vos avoirs, pour vos biens,

Vous brûlerez dans le feu…

La meute de loups s’engage dans le cortège du Loup,

L’horizon est de sang et la mort repose en paix »).

 

Karlheinz WEISSMANN.

(article paru dans l’hebdomadaire berlinois « Junge Freiheit », n°51/2007, trad. franç. : Robert Steuckers).

 

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vendredi, 11 janvier 2008 | Lien permanent

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