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mercredi, 07 novembre 2007

Pour un langage impertinent !

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Un combat pour un langage impertinent et mordant en politique !

 

Message amical de Robert Steuckers à la rédaction du journal hebdomadaire « Zur Zeit » (Vienne), à l’occasion de son dixième anniversaire

 

« Political Correctness » ? Non merci ! Est-ce là encore une platitude de notre monde moderne, qui voudrait subitement ne plus être « moderne », comme nous ? Peut-être. Ou peut-être pas. Car créer un hebdomadaire conservateur (des valeurs et non des structures) qui soit simultanément libre d’esprit, freisinnig, cela signifie vouloir immuniser le citoyen contre l’emprise des « généralités » rigides, qui tiennent le haut du pavé en Europe aujourd’hui. Un tel combat n’est ni d’hier ni d’avant-hier. La galerie des ancêtres, qui nous ont précédé dans cette lutte, est impressionnante.

 

Notre maître à tous, Armin Mohler, avait posé le combat contre toutes les « généralités » dominantes, terriblement simplificatrices, et pour le maintien de l’infinie diversité du monde comme l’ « agonalité » en soi. Aux sources des « généralités » qui sévissent aujourd’hui, nous trouvons une interprétation boiteuse de la philosophie des Lumières, interprétation boiteuse qui est couplée à une apologie du bavardage que l’on veut nous servir sous la forme de la « raison communicationnelle » de Jürgen Habermas. Cette interprétation pauvre et limitée des Lumières, propre au jacobinisme, fait en sorte que a) toute continuité particulière de nature historique est biffée, car, dans cette optique, tout ce qui a été jadis est d’office considéré comme irrémédiablement révolu ; ensuite, b) cette interprétation boiteuse géométrise ou rend abstraite toute pensée politique (cf. Georges Gusdorf), ce qui entraîne que toute communauté politique/historique se voit vidée de ses forces originales par des zélotes frénétiques, si bien, qu’en bout de course, il n’y a plus qu’un et un seul possible qui soit toléré : la répétition ad infinitum du même discours monotone et dévitalisé, ce qui revient à répéter les « vérités » abstraites posées une fois pour toutes par ces zélotes autoritaires.

 

Les peuples doivent dès lors écouter l’appel : « Prolétaires de tous les pays, devenez des perroquets bavards ! ». Chaque mot qui n’est pas la répétition du déjà répété se verra labelliser « scandaleux », contraire à l’esprit perroquet, voire « fasciste » pour reprendre, ironiquement et pour une fois, les tics langagiers de notre misère contemporaine. Orwell nous salue, de là où il se trouve aujourd’hui ! Nous exigeons dès lors le droit de ne plus avoir à répéter les slogans pétrifiés de la « correction politique », nous réclamons le droit d’innover, le droit de pérégriner à nouveau vers les sources vives, vers les fleuves, qui sont certes toujours les mêmes fleuves mais dont les eaux ne sont jamais identiques, ne coulent jamais de la même façon (Héraclite !). Raison pour laquelle, il s’avère impératif de créer un autre langage politique, un langage qui rend à nouveau les concepts fluides, qui corrode et dissout les rigidités de l’établissement par son insolence et son acidité, qui s’exprime par le rire et la moquerie ! Notre arme principale doit être ou redevenir l’ironie ; notre tâche principale est de ramener à la vie la fraîcheur d’esprit de ce bon vieux Diogène !

 

Les revues sont les laboratoires de l’avenir, qui ont pour tâche de saisir le devenir et l’effervescence du monde, et, de ce fait, il n’y a pas d’avenir possible si l’on n’obtient ou ne conquiert pas le droit d’affirmer de nouvelles valeurs ou de raviver des valeurs anciennes et fondamentales, sans avoir à craindre de censure.

 

Voilà pourquoi je souhaite encore de longues années d’agonalité à « zur Zeit » et à ses animateurs, et surtout, en particulier, à ceux d’entre eux que je connais depuis de si longues années et qui sont venus de Vienne, tout jeunes, pour participer aux séminaires de Munkzwalm en Flandre orientale avec des amis accourus de toute l’Europe, ce qui a forgé des liens d’amitié indéfectibles. Je leur souhaite donc de longues années d’agonalité, ce qui mettra indubitablement du sel dans notre soupe quotidienne. Je nous souhaite à tous une longue route pleine de découvertes et d’enrichissements intellectuels, avec des hauts et des bas, et toujours bien loin des fades opinions de nos contemporains repus, opinions que nous allons, bien évidemment, moquer avec polissonnerie, sans trêve et dans la joie ! Glück Auf !

 

Robert Steuckers.

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