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mardi, 20 novembre 2007

Sur l'oeuvre de Benedetto Croce

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Sur l'oeuvre de Benedetto Croce

20 novembre 1952: Mort du grand philosophe italien Benedetto Croce. Né dans une vieille famille napolitaine le 25 février 1866, il perd ses parents et sa sœur lors d’un tremblement de terre en 1883. Il s’inscrit intellectuellement dans la tradition de Labriola, qui l’initiera à Hegel, au néo-idéalisme et au marxisme. En 1903, il fonde la revue « La Critica », qui sera ensuite reprise par l’éditeur Laterza. Sénateur en 1919, il sera par la suite ministre de l’instruction publique dans le cinquième et dernier gouvernement Giolitti, en 1920-21, avant la Marche sur Rome des fascistes.

Croce n’acceptera jamais ce coup de force d’octobre 1922. Il rompra avec le régime après l’assassinat de Matteotti en 1924. De même, il coupera les ponts avec son disciple le plus brillant, Giovanni Gentile, qui, lui, adhèrera entièrement au régime nouveau. Cette rupture a dû être particulièrement douloureuse, car Gentile fut l’un des tout premiers collaborateurs de « La Critica ». En 1925, Gentile publie un « manifeste des intellectuels fascistes » auquel Croce répond immédiatement par un « manifeste des intellectuels anti-fascistes ». Après la publication de cette déclaration de principes, Croce disparaît complètement de la vie politique italienne, pour revenir en 1944, dans le gouvernement Badoglio, où il sert de « monsieur-bons-offices » pour tenter de réconcilier l’ensemble très disparate des formations politiques se proclamant, sur fond de défaite allemande, « anti-fascistes ».

Tâche qui fut manifestement ingrate, car il donne sa démission dès le 27 juillet. Il dirige ensuite le nouveau « Parti Libéral » italien, mais, déçu, s’en retire dès 1946. Que retenir aujourd’hui de la philosophie de Benedetto Croce ? Elle est essentiellement un prolongement, mais un prolongement critique, de la philosophie de Hegel. Croce, comme Hegel, voit en l’ « esprit » la force motrice de l’univers et de l’histoire. L’esprit produit des idées, qui mûrissent, qui génèrent des projets pratiques ; ceux-ci modifient le cours de l’histoire. Pour Hegel, la dialectique est duale : la thèse règne, l’anti-thèse émerge ; le choc entre les deux produit une synthèse. Cette synthèse devient nouvelle thèse, qui, à terme, sera challengée par une nouvelle anti-thèse ; conflit qui débouchera sur une nouvelle synthèse, et ainsi de suite. Croce estime cette dialectique hégélienne trop réductrice. Il affine la notion de dialectique en évoquant les « distinctions » ou « différences » qui innervent la réalité, s’entrechoquent, mais non de manière binaire et générale, mais d’innombrables façons à d’innombrables niveaux dans la complexité infinie du réel. Croce doit ce correctif qu’il apporte à la dialectique de Hegel, en ultime instance, au philosophe italien du 18ième siècle, Gianbattista Vico. Seule une bonne connaissance de l’histoire, de l’histoire d’une discipline ou d’une activité humaine, comme le droit ou l’économie, permet de saisir les chocs, conflits et différences qui forment le mouvement dialectique du monde.

L’histoire éclaire donc la genèse des faits. Elle est indispensable à la connaissance de l’homme politique. C’est pourquoi Croce critique le libéralisme issu de la philosophie des Lumières, car celui-ci ne table que sur des idées générales, dépouillées de toute profondeur historique, ce qui les rend inopérantes pour saisir l’infinie prolixité du réel. Giovanni Gentile, partant des mêmes postulats philosophiques, entendait épouser cette prolixité par des actes volontaires précis, interventionnistes, directs et rapides. Pour lui, le fascisme représentait un mode de ce volontarisme. Benedetto Croce estimait que seule la notion libérale de liberté pouvait harmoniser conflits et différences et amortir les chocs entre ces dernières. Tous deux estimaient toutefois que l’histoire est à la fois pensée et action. Giovanni Gentile sera assassiné en 1943. Benedetto Croce meurt à Naples le 20 novembre 1952 (Robert Steuckers).

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