mardi, 24 novembre 2009
Les origines de l'ostalgie
Les origines de l'ostalgie |
« Le débat sur la RDA est resté au point mort ou, plus exactement, qu’il a été étranglé par l’unité allemande. La vie de presque tous les Allemands de l’Est ayant été de ce fait bouleversée de fond en comble, débattre de “l’autre époque” eût été un grand luxe. Il fallait d’abord souscrire les bonnes assurances, se former aux entretiens d’embauche, apprendre ce qu’était un propriétaire bailleur. La vie après la chute du Mur a été, pour de nombreux Allemands de l’Est, tellement dévorée par ces aspects peu romantiques que tout regard en arrière aurait été contre-productif. Je me suis mis à la sociologie pour en finir une bonne fois pour toutes avec ce que Neues Deutschland [l’organe du Parti] m’avait inculqué. Seuls ceux qui ne trouvaient pas leur place dans la nouvelle société, trop étrangère, pouvaient se permettre de penser à la RDA – un pays où tous les problèmes que l’on ne parvient pas à résoudre aujourd’hui n’existaient pas. C’est là que la nostalgie de la RDA a fait son apparition et s’est répandue comme une traînée de poudre, tant étaient nombreux ceux qui n’avaient pas pu s’adapter et menaient une vie insatisfaisante. Il y en avait bien plus qu’on ne le supposait à l’Ouest. Et ce n’étaient pas seulement des anciens de la Stasi et autre vermine de l’appareil d’Etat. Le photographe Joachim Liebe a retrouvé, des années plus tard, les gens qui étaient passés par hasard devant son objectif à l’automne 1989 et il a parlé avec eux. Sur les dix personnes photographiées qui ont accepté de s’exprimer, une seule a déclaré avoir réussi sa vie. Les autres font comme ils peuvent, se débrouillent, serrent les dents. Et, je le souligne encore, ce n’étaient pas des gens démis de leurs fonctions, mais des manifestants qui avaient précipité la chute de la RDA. Il est évident que, sur tous les Allemands de l’Est que nous sommes, un seul pouvait devenir chancelier, mais l’unité aurait dû nous offrir un meilleur taux de réussite que celui de un sur dix.»
Thomas Brussig, sociologue, Cicero (Allemagne), octobre 2009 |
00:30 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, rda, actualité, sociologie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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