Ex: http://fortune.fdesouche.com/
Ils ont eu 18 ans en 2000 et subissent la «grande récession» de plein fouet. Ils ne laisseront personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Cela se voit à l’œil nu aux États-Unis.
Ainsi 38% des millennials – les adultes qui ont eu 18 ans en 2000 ou après – portent un ou plusieurs tatouages. Leurs pères et mères, les baby-boomers aujourd’hui âgés de 46 à 64 ans, ne sont que 6% à être tatoués. Quant à la classe d’âge intermédiaire, les gens nés entre 1965 et 1981 – «la génération X» selon les sociologues américains -, 32% arborent des dessins sous-cutanés.
Voilà ce que nous apprend une enquête réalisée en début d’année par le très réputé Pew Research Center. Cet organisme indépendant se présente comme un fact tank, un révélateur des faits et gestes de la société américaine.
Le Pew Research entend dresser le portrait des 50 millions d’Américains qui forment la «génération du millénaire», traduirait-on en français. Il nous dit tout sur leurs options politiques, leurs statuts professionnels et leurs modes d’expression.
Derniers embauchés, premiers au chômage
Les millennials constituent un groupe à part politiquement. Ils ont voté à 66% pour Barack Obama, alors que le reste de la population a donné tout juste la moitié de ses votes au candidat démocrate. Par ailleurs, les moins de 30 ans – la première génération élevée au biberon des technologies numériques – ont pour les trois quarts d’entre eux un profil sur Facebook ou un autre réseau social. Les baby-boomers ne sont que 30% à en avoir créé.
Être de plain-pied avec les nouveaux instruments de communication ne donne pourtant pas un avantage décisif sur le marché du travail. Ils ont été les plus touchés par «la grande récession » de 2008-2009. Selon Pew Research, «les nouveaux entrants sur le marché du travail ont été les derniers à être embauchés et les premiers à perdre leur job ». Ce qui explique que 37% des millennials (ayant terminé leurs études) sont au chômage ou en dehors de la vie active. «La plus forte proportion depuis plus de trois décennies.»
Or cette passe difficile risque d’avoir des effets durables. Les jeunes diplômés des collèges qui arrivent dans une économie maussade pourraient en subir les effets négatifs, y compris salariaux, pendant quinze ans, selon une étude de Lisa B. Kahn de l’Université de Yale, qui prend pour référence les récessions antérieures et actuellement très commentée outre-Atlantique.
Les vieux plus démoralisés que les jeunes
Les millennials, une classe sacrifiée ? Ils ne le pensent pas. Paradoxalement, 41% des moins de 30 ans se montrent «satisfaits de la situation présente », contre à peine 30% pour les plus âgés. La crise immobilière et financière, la récession et les guerres menées en Afghanistan et en Irak semblent avoir plus entamé le moral des vieux que des jeunes.
C’est «la génération la mieux éduquée de toute l’histoire américaine », explique Pew Research, qui note que seulement 25% des Américains interrogés – tous âges confondus – redoutent «un conflit de générations ». Son enquête est un concentré de l’optimisme du Nouveau Monde, avec ce titre roboratif : «The Millennials : Confident. Connected. Open to Change» («Les millénaires : Confiants. Connectés. Ouverts au changement»).
Il est dommage que l’Europe et la France ne disposent pas de recherches équivalentes sur leurs jeunes. Bien avant que ne survienne la «grande récession», le sociologue Louis Chauvel, l’auteur de Destin des générations, dénonçait le triple handicap des classes d’âges qui ont succédé aux baby-boomers.
Les écarts salariaux s’élargissent (en 1977, les quinquagénaires gagnaient 15% de plus que les trentenaires, la différence atteignait 40% en 2000), les risques de déclassement deviennent plus fréquents, et l’accès à la politique plus difficile. Louis Chauvel nous fait remarquer que la Chambre des députés élus en juin 2007 a été la plus âgée de toute l’histoire de nos républiques !
De son côté, l’Insee considère que «la génération (née après) 1945 est la dernière pour laquelle le revenu par unité de consommation est supérieur à celui des générations précédentes» («Les revenus et les patrimoines des ménages», édition 2009). Rappelons que dans le langage si spécial des statisticiens, le célibataire compte comme une «unité de consommation», mais le fameux foyer «papa, maman, la bonne et moi» ne vaudra que 2,5 unités…
Tendances exacerbées avec la crise
Il est à craindre que ces tendances se soient exacerbées avec la crise, comme le laisse entendre Martin Hirsch, le haut-commissaire à la Jeunesse. «Entre le troisième trimestre 2008 et le troisième trimestre 2009, le taux de chômage a augmenté 2,7 fois plus vite pour les jeunes que pour la population totale (+ 4,6 points contre + 1,7) pour atteindre 23,8% (9,1% pour l’ensemble de la population », écrit-il dans « L’État de l’opinion, TNS Sofres 2010 ». Les jeunes en question sont les moins de 25 ans, selon la typologie classique de l’administration française, qui répugne à raisonner en termes de générations.
La remarque de Martin Hirsch n’en est pas moins de bon sens : «Les jeunes sont ainsi confrontés à une situation paradoxale : la démographie et la politique sociale de la France les désignent comme ceux sur qui vont porter la dette publique et le poids des retraites, mais l’accès à l’emploi leur est difficile.» Voilà une thématique appelée à un grand avenir dans les mois qui viennent.
Les commentaires sont fermés.