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jeudi, 26 avril 2012

La Turquie a perdu la confiance de l’Iran

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Ferdinando CALDA:

La Turquie a perdu la confiance de l’Iran

 

Les dernières démarches d’Ankara à l’encontre de la Syrie et sur le pétrole ont fait qu’Istanbul n’a pas été choisie comme siège des pourparlers “5 + 1”

 

“La date et le lieu des prochains pourparlers peuvent certes être importants mais le contenu de ces négociations sera encore plus significatif”. Cette phrase, que l’on pourrait prendre pour une lapalissade, a été prononcée par le ministre des affaires étrangères iranien, Ali Akbar Salehi, mais n’est vraie que pour partie. La preuve? Elle nous est fournie par la délicate question de fixer le prochain siège des pouparlers entre l’Iran et le groupe “5 + 1” (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine, Allemagne), qui devait se tenir les 13 et 14 avril 2012.

 

Là, nous avons encore un mystère. Au départ, on semblait avoir désigné Istanbul pour site de ces nouveaux pourparlers, surtout après la visite, début avril, du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Téhéran. La grande ville turque avait accueilli la rencontre précédente, au début de l’année 2011. Le gouvernement turc était tout prêt à accueillir le nouveau sommet et Salehi lui-même avait indiqué Istanbul comme “le meilleur lieu pour la reprise des négociations”.

 

Quelques jours plus tard, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton avait annoncé publiquement que les pourparlers se tiendraient à Istanbul. Très vite, les démentis se sont succédé. De Moscou, de Bruxelles et de Téhéran sont arrivées les notes diplomatiques signalant que le siège des pourparlers n’avait pas encore été fixé. Des sources iraniennes et irakiennes ont suggéré Bagdad comme alternative possible à Istanbul. Le ministre des affaires étrangères irakien, Hoshiyar Zebari a déclaré début avril 2012 avoir reçu une requête en ce sens, provenant d’une délégation iranienne. Il s’est dit “prêt à accueillir ce sommet”. D’autres sources ont émis l’hypothèse que la Syrie pourrait être le pays-hôte.

 

De toutes les façons, Istanbul semble avoir été écartée définitivement. “La Turquie est désormais exclue des intentions du Parlement et du gouvernement (iraniens)”, a déclaré, pour sa part, le chef de la commission des affaires étrangères du Majlis (le Parlement iranien), Allaeddine Bouroujerdi à la télévision iranienne en langue arabe, Al-Alam, confirmant du même coup la proposition faite aux Irakiens.

 

Tout cela s’est passé après la visite d’Erdogan en Iran —où le premier ministre turc avait défendu bec et ongles le droit des Iraniens à développer un nucléaire civil. Qu’est-ce qui a fait qu’Istanbul, aux yeux des Iraniens, est passé du statut de siège privilégié à celui d’éventualité à éviter?

 

A coup sûr, les divergences sur la question syrienne ont joué. Téhéran défend la légitimité du régime d’Al-Assad tandis qu’Ankara cherche à exercer un contrôle sur les Kurdes de Syrie et s’est rangé sans nuance du côté des rebelles. Dans la première décade d’avril, les soi-disant “Amis de la Syrie” se sont réunis à Istanbul. Au cours de cette réunion, les “amis”, avec, en tête, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et le Qatar, ont décidé de fournir de l’argent et des équipements aux miliciens de l’opposition syrienne qui combattent l’armée légale de Damas. Cette initiative ne fait nullement l’unanimité: la Russie, la Chine, l’Irak et bien sûr l’Iran, ne partagent pas ce point de vue. Et aucun de ces pays n’a participé à cette réunion.

 

Mais les tiraillements entre la Turquie et la République Islamique d’Iran ne se limitent pas à cela. Quelques heures à peine après le départ d’Erdogan de Téhéran, où il n’avait rencontré que très brièvement le président Ahmadinedjad et l’ayatollah Ali Khamenei, la TUPRAS, soit la plus importante société turque de raffinement du pétrole, a annoncé une réduction de 20% dans ses importations d’hydrocarbures iraniens. Cette option est d’autant plus étonnante quand on se rappelle que la Turquie s’était vantée d’entretenir des échanges commerciaux importants avec l’Iran, dans la mesure où elle dépendait pour un bon tiers de ses besoins énergétiques du brut iranien. C’est là une décision que les Iraniens, non sans raison, ont interprété comme une soumission inacceptable aux diktats de Washington qui, depuis longtemps déjà, fait pression sur ses alliés pour qu’ils diminuent leurs importations de pétrole en provenance de l’Iran. “La Turquie est l’esclave des Etats-Unis et d’Israël et le gouvernement turc finira très bientôt par être haï par ses propres citoyens, s’il continue sur cette voie”, a dit un ancien membre de la Commission des affaires étrangères du Parlement iranien, Esmaeel Kosari.

 

En fin de compte, en prenant cette initiative de réduire ses importations de brut iranien, la Turquie risque de perdre la confiance de l’Iran qui avait pourtant été jusqu’à faire sembler d’ignorer l’appartenance turque à l’OTAN et l’affaire du bouclier anti-missiles; la Turquie perd ainsi la possibilité, qu’elle avait fait entrevoir, de devenir la puissance médiatrice entre l’Iran et les Etats-Unis, notamment dans la question fort délicate du nucléaire. Dans un passé très récent, cette position d’éventuelle médiatrice avait donné au gouvernement turc un prestige discret dans la région et au-delà. Dans un tel contexte, on ne s’étonnera pas de voir l’Irak tenter de prendre la place de la Turquie comme puissance médiatrice entre l’Iran et l’Occident.

 

Ferdinando CALDA.

( f.calda@rinascita.eu ).

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 5 avril 2012; http://www.rinascita.eu ).

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