lundi, 18 avril 2016
Renaud Camus : « Il faut créer et préserver des sites de l'exigence »
Renaud Camus: «Il faut créer et préserver des sites de l'exigence»
Renaud Camus ─ Extrait tiré d'un entretien de la revue Réfléchir & Agir (n°52 - Hiver 2016)
Ex: http://frontdelacontre-subversion.hautetfort.com
R&A : Au-delà du raz-de-marée des clandestins, l'effondrement de notre civilisation n'est-il pas total et perceptible autant dans la destruction très avancée de la langue française que dans le triomphe des écrans ?
R. C. : Je suis tout à fait d'accord avec vous quant à l'état de délabrement avancé de la langue française, qui touche toutes les classes sociales mais aussi toutes les classes culturelles. Jadis parlaient mal les gens qui parlaient mal, aujourd'hui c'est à peu près tout le monde, à commencer par ceux, professeurs, intellectuels, que leur profession ou leur vocation devraient inciter à apporter un soin particulier à leur langage. La clavier de la langue ne cesse de perdre des touches. Ce n'est pas seulement le vocabulaire, qui se réduit, c'est la syntaxe qui se contracte en même temps qu'elle se délabre. A peine a-t-on eu le temps de faire son deuil du subjonctif imparfait ou du passé simple, c'est le futur qui bat de l'aile (« Tu viens la semaine prochaine et on prend un verre ? »), l'impératif (« Corinne, tu sors de l'eau ! ») et même maintenant le subjonctif présent, si du moins l'on s'en remet à Karim Benzema dans ses démêlés récents avec Valbuena (« Alors j'lui dis : " Faut qu'tu vas voir le mec " »). Or la réduction du clavier de la langue n'a pas seulement des conséquences sur la communication, elle en a aussi sur l'intellection et même la perception. L'homme ne peut rien appréhender de ce que son vocabulaire ne sait pas nommer ; il ne peut rien concevoir de ce que sa syntaxe ne sait pas ordonner. L'effondrement syntaxique est une des composantes essentielles de l'hébétude qui gagne, et cette hébétude est elle-même la condition sine qua non du Grand Remplacement. Qu'il s'agisse d'éducation, de culture, de territoire ou de beauté du monde, je fonde de grandes espérances sur les sanctuaires, comme au Haut Moyen-Âge. Il faut créer et préserver des sites de l'exigence, de l'étude, de la rigueur, de la splendeur : des lieux de conservation et de rayonnement, et bien sûr de reconquête. »
00:05 Publié dans Actualité, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, renaud camus, entretien | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.