« Tout mon livre doit être lu comme un soutien à la révolution culturelle accomplie par Podemos et aux combats des partisans de la décroissance ! » C’est ainsi que Jean-Claude Michéa – quelqu’un pour la pensée duquel j’ai la plus grande estime – s’exprimait l’autre jour lors de l’entretien accordé à Libération et où il était question de son dernier livre Notre ennemi, le capital. C’est curieux de constater la déférence avec laquelle les médias amis du capital accueillent la pensée iconoclaste, anti-système, de Jean-Claude Michéa ; lequel, loin de leur faire la moindre courbette, en profite, comme c’était le cas lors de l’entretien à Libé, pour décocher des flèches envenimées contre l’esprit libéral-libertarien que le journal incarne.
La raison la plus probable d’un tel accueil est sans doute… la plus bête aussi : c’est quand même de la « gauche » que Michéa vient, doivent-ils se dire, les bobos des rédactions ! Quoi qu’il en soit, le fait est que toute cette déférence médiatique ne va pas sans rappeler celle que les grands médias espagnols ont accordée à Podemos ; une déférence sans laquelle jamais le parti de ces jeunes gauchistes ne serait passé, dans l’espace de quelques mois, du néant où il était aux portes (encore closes) du pouvoir.
Mais la comparaison s’arrête là car, quelles que soient les illusions que Michéa se fait à l’égard de Podemos, il n’y a aucun rapport entre l’idéologie de ce parti et la pensée de ce grand penseur qui a mis nettement en lumière le rapport intime reliant le libéralisme de « droite » (le capitalisme, dans sa dimension économique) et le libertarisme de « gauche » (le même capitalisme sous son jour sociétal).
Deux femens se sont enchaînées dans la cathédrale Almudena: un happening foucaldien de mauvais goût. Même si Foucault peut être qualifié de "nietzschéen", ce faux nietzschéisme n'est en tous les cas pas "apollinien"...
Comment ce Michéa, qui voit juste en mettant dans le même panier « Hayek et Foucault », peut-il ne pas voir que Podemos, c’est du « Foucault » tout craché ? Sans doute ne le voit-il pas parce que si, sur le plan sociétal, Podemos tombe en plein dans la fange nihiliste, il n’en va pas de même sur le plan économique. Là, c’est vrai, son libertarisme ne rejoint nullement le libéralisme, les positions anticapitalistes de Podemos étant plus qu’évidentes – du moins sur le papier, car mille autres questions restent posées.
Il y a deux grands fronts, finalement, dans la lutte du peuple contre les élites de l’oligarchie : le front sociétal ou culturel, et le front économique. Lorsqu’on oublie, chez ceux qu’on appelle parfois « les populistes de gauche », leur déchéance nihiliste concernant l’invasion migratoire, la dissolution sexuelle, la négation de l’identité nationale, lorsqu’on ne retient que leurs « bonnes intentions » sur le plan économique, cela revient à considérer que, de ces deux fronts – et là, je ne pense pas qu’au seul Michéa –, il y en a un qui l’emporte décidément sur l’autre. Cela revient à considérer, en un mot, que l’argent et la bouffe sont toujours la clé du monde : son « infrastructure », comme l’appellent depuis toujours les marxistes – clé ou infrastructure qu’aucun libéral-capitaliste ne saurait, d’ailleurs, contredire.
Javier Portella.
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