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jeudi, 18 février 2021

Quand le coronavirus ressuscite Foucault

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Quand le coronavirus ressuscite Foucault

Par Javier Barraycoa

(ex : postmodernia.com )

Être confiné chez soi, soumis à la pression du télétravail qui oblige à des autorégulations disciplinaires, ou à la séparation volontaire d'un mètre de ses semblables quand on sort faire ses courses dans des rues à moitié vides, ne peut que nous rappeler la pensée de Michel Foucault. Il fut l’auteur d'innombrables ouvrages consacrés à expliquer le passage des sociétés traditionnelles aux sociétés qui contrôlent, soit aux sociétés disciplinaires. Son oeuvre nous semble d'une actualité effrayante. Autant on voudrait éviter les théories conspirationnistes sur l'apparition de ce nouveau coronavirus, autant un frisson nous parcourt la colonne vertébrale, lorsque nous voyons comment, en quelques jours, au prix d'une pandémie, les "plaques tectoniques" de la géopolitique se déplacent à la vitesse de l'éclair. Mais il vaut peut-être mieux laisser cela pour une autre fois.

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Pour l'instant, nous ne reprendrons que quelques brèves réflexions de Foucault et nous verrons que son cadre théorique s'inscrit parfaitement dans la situation que nous vivons. Comme nous l'avons dit, la pensée de notre auteur a marqué une étape importante dans le changement de la vision que nous avons du pouvoir. La modernité du XVIIIe siècle avait développé un système de contrôle typique d'un état absolu, dont le référent était le panopticon : une structure spatiale qui permettait aux surveillants de surveiller sans être vu par les contrôlés. Le mécanisme, conçu par Bentham, pouvait être utilisé pour contrôler une prison ainsi bien qu'une usine. L'œil qui voit tout était une représentation de la déification de l'État.

Cependant, au XIXe siècle, ce pouvoir souverain est devenu obsolète en soi et a dû se développer, et concurrencer les nouvelles formes de contrôle social. Ce fut l'émergence de sociétés disciplinaires, où les dispositions spatiales et le contrôle jouent à nouveau un rôle fondamental. Mais cette fois, ce n'est pas une idéologie de l'État souverain qui légitime le pouvoir, mais des ‘’micro-idéologies’’ (des "savoirs" selon Foucault) qui se superposent les unes aux autres, créant des "espaces" où le corps est discipliné. D'où ses analyses approfondies des hôpitaux, des écoles, des prisons, des asiles, en tant qu'"espaces" où s'applique la connaissance/pouvoir (une connaissance technologique du corps et de l'esprit), qui permet le développement de ce qu'il appelle les "technologies du soi", c'est-à-dire la construction de l'identité du soi par la connaissance scientifique ou les "savoirs" (essentiellement les idéologies) et l'acquisition de processus comportementaux prédéterminés.

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Foucault, dans la dernière phase de son travail intellectuel, a tenté de démontrer que la société disciplinaire qui avait été créée (les comportements actuels de consommation en seraient une expression de plus) ne remplaçait pas ou ne s'opposait pas au pouvoir souverain, mais plutôt le complétait. De ces frictions, une nouvelle modalité de pouvoir/discipline émergerait qui ne s'occuperait plus du contrôle disciplinaire des sujets, mais de celui des populations. Il a appelé ce fait l'apparition de la biopolitique, du biopouvoir. Avec ces termes, il a tenté d'expliquer le souci du pouvoir de contrôler la "population" (un concept qui correspond au sujet du biopouvoir). Pour l'État, il devient aussi important d'exercer imperceptiblement son pouvoir sur les sujets individuels par le développement de disciplines de maîtrise de soi, que de contrôler un sujet - pris dans son ensemble - qui est la population. D'où la préoccupation des États pour la maîtrise des naissances, de l'espérance de vie, de l'accroissement de la population, de son vieillissement, en bref de ses paramètres en tant qu'être vivant.

Le génie de Foucault réside peut-être dans la description de la disjonction entre le pouvoir souverain, les techniques disciplinaires et le biopouvoir. Cette inévitable discordance entre les différentes formes d'exercice du pouvoir, serait résolue de la manière la plus surprenante et la plus actuelle. Le déclencheur de tout cela serait la sécularisation de la modernité. Dans une société où le transcendant est présent, le pouvoir - d'une certaine manière - n'a pas de limites ni de discontinuités. Mourir signifie passer de la soumission à l'État souverain à la juridiction d'un Dieu souverain. Par conséquent, en présence du pouvoir, elle était maintenue (même si elle était dans l'imaginaire particulier) au-delà de la mort. Mais la sécularisation et l'immanentisation de la vie mettent une limite au pouvoir. Il ne peut être exercé qu'en temps historique. Ceci, selon un Foucault, philosophe clairvoyant, obligerait à une resacralisation du pouvoir temporel. Mais il est difficile, voire impossible, de le rendre explicite dans une société moderne ou contemporaine.

photomichelfoucault.pngLe besoin de resacralisation et d'une charnière pour s'adapter aux trois formes de pouvoir que nous avons exposées, se résout avec la "sacralisation" d'une des disciplines développées dans la modernité : la clinique. Foucault voit dans la médicalisation de la société (omniprésence des thérapies, des protocoles médicaux, présomption que nous sommes tous malades et avons besoin d'être soignés), dans la légitimité auto-accordée de l'État à contrôler cette thérapeutique et dans les mécanismes de contrôle de la population, la survie du pouvoir. Dans la modernité, l'État ne se préoccupe pas des personnes, il se préoccupe des statistiques. C'est pourquoi, une fois l'exercice des modalités du pouvoir dans l'au-delà rendu impossible, l'État - affirme Foucault - ne se préoccupe pas de la mort, mais de la mortalité.

Nous ne pouvons pas oublier comment les premières études de notre philosophe sur le biopouvoir ont cherché leurs fondements dans le contrôle des espaces dans les villes face aux épidémies. Les grandes épidémies ont conduit à recréer l'espace des villes (en créant des rues plus larges, en éliminant les quartiers fermés, ...) qui à leur tour ont permis un meilleur contrôle policier et politique. Aujourd'hui, en ces temps d'épidémie globale/locale, même si nous sommes dirigés par un gouvernement plus que maladroit, on ne peut s'empêcher de remarquer comment les observations du penseur français se concrétisent. Nous avons des gouvernements qui ne se soucient pas des morts (parce qu'ils sont condamnés à mourir en isolement), mais des statistiques quotidiennes de mortalité et d'infections. Presque automatiquement, bien que paresseusement, les mécanismes de contrôle spatial ont déjà été mis en route, retournant à la réclusion déguisée en auto-confinement volontaire. Le pouvoir, à travers ses médias, nous aide dans le contrôle de l'autodiscipline dans nos maisons ou dans les protocoles de déplacement. Et tout cela avec la conviction que le pouvoir est le garant de notre salut.

Si Foucault devait être ressuscité, il sourirait probablement et se tairait.

https://grupominerva.com.ar

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lundi, 28 septembre 2020

Crise sanitaire : le retour de Michel Foucault

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Crise sanitaire : le retour de Michel Foucault

Au moment où les dernières mesures sanitaires anti-Covid (principalement, fermeture des bars et des restaurants à partir de 22 heures à , et fermeture totale de ces établissements à Marseille ; le tout pour les quinze prochains jours) sont annoncées, le 23 septembre, par le ministre de la Santé, le peuple français se rend-il compte dans quelle mesure les sociétés humanistes et libérales peuvent s’avérer in fine coercitives et inhumaines, parce que d’abord moralistes et technocratiques ? 

Celui qui avait perçu ce travers des systèmes modernes est Michel Foucault (1926-1984). Pourtant, beaucoup d’universitaires le disaient dépassé. Et, encore aujourd’hui, le camp national le qualifie – à juste titre – de « déconstructeur », essentiellement de la famille et de l’identité, alors que la gauche libertaire en fait encore un héros de l’anticarcéralisme et le dénonciateur de tous les types de coercition. Un esprit rebelle, jusqu’à soutenir et la « révolution sexuelle » (théorie du genre, etc.) et la révolution islamique d’Iran. En bref, un islamo-libertaire avant l’heure ! Pour autant, n’oublions pas qu’en dépit de ses contradictions le grand auteur revient toujours. 

En bon nietzschéen, Foucault n’a jamais tranché entre la philosophie de la déduction et celle de l’intuition, ou entre celle des mots et celle des choses. Il a donc mené une recherche intempestive des « jeux de vérité » – disait-il –, et ce, selon les époques et les cultures : en se fondant sur les travaux du linguiste Ferdinand de Saussure, il a conclu que la nature humaine était structurée tel le langage. Résultat : « l’homme est une invention dont l’archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine », avait-il écrit dans Les mots et les choses. Comme si l’ego pouvait être de trop…

De fait, Foucault a été le visionnaire d’un monde humain déclinant, mais déclinant en faveur de, et non pas contre, l’humanisme : à l’image du serpent qui s’étiole pour mieux évoluer. D’un même geste, il a saisi de quelle manière le discours médical du XIXème s’était façonné à l’aune des progrès techniques et industriels de son temps, ceux-ci révélant les organes, de « nouveaux » objets constitutifs de l’intérieur du corps. Deux conséquences : la maladie comme effet immédiat de la vie, et la folie comme l’autre inéluctable de la rationalité (par exemple, dans le cas de l’incendie meurtrier de Paris, en février 2019). Voilà pourquoi l’âme devient la « prison du corps » et la folie « le déjà-là de la mort ».

Seulement, tout ce cheminement génère ses propres ornières : alors que « la prison ne peut pas manquer de fabriquer des délinquants » et que « notre société n’est pas celle du spectacle, mais de la surveillance », toute cité demeure conformément à l’« impératif du secret », d’autant plus que « l’inspection fonctionne sans cesse » (in Surveiller et punir), des thèses n’ayant de sens qu’eu égard à celles de son Histoire de la folie à l’âge classique. « L’internement, ce fait massif dont on trouve les signes à travers toute l’Europe du XVIIème siècle, est chose de ʺpoliceʺ […] Avant d’avoir le sens médical que nous lui donnons (…), l’internement a été exigé par tout autre chose que le souci de la guérison ». Prophétique s’il en est ! Car comment ne pas voir dans cette formule la prévision d’un biopouvoir, tel un vice consubstantiel aux ères bâties sur les technosciences ? Ou quand biopolitique rime avec tragique.

mercredi, 04 décembre 2019

Foucault, el neoliberal

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Foucault, el neoliberal

Ex: https://www.geopolitica.ru

Uno de los temas que está entrando a debate en los ambientes izquierdistas franceses es la cada vez más manifiesta afinidad existente entre el pensamiento de la denominada Nueva Izquierda, nacida en Mayo del 68, y el neoliberalismo económico. Hoy, este debate está empezando a caldear los ánimos y se puede decir que gira alrededor de la figura de uno de los gurús más importantes de la Nueva Izquierda: Michel Foucault. Gracias al trabajo de investigación publicado por varios de sus discípulos y críticos, hoy surge una nueva imagen de un Foucault menos izquierdista, o de extrema izquierda, y más bien apuntando en un sentido contrario: el de un apologista de la sociedad neoliberal y del capitalismo tardío. Realizando un examen de la obra de Michel Foucault, los sociólogos franceses Daniel Zamora y Michael C. Behrent, han mostrado una nueva imagen del famoso filósofo postmoderno, después de compilar una serie de estudios acerca de la influencia del neoliberalismo en el pensamiento de Foucault: su estudio titulado Foucault y el neoliberalismo, publicado por la editorial Amorrortu, resulta muy revelador. En una entrevista hecha por la revista Ballast, Daniel Zamora señala como al final de su vida Foucault mostró un gran interés por el neoliberalismo. “Foucault”, dice Zamora, “se sentía muy atraído por el liberalismo económico: el cual veía como una posible forma de gobierno menos normativa y autoritaria que la izquierda socialista y comunista que encontraba totalmente obsoleta. Veía al neoliberalismo como una opción “mucho menos burocrática” y “mucho menos disciplinaria” que la propuesta por el Estado social de postguerra. Imaginaba un neoliberalismo que no proyectaría un modelo antropológico sobre los individuos y que les ofrecería mayor autonomía frente al Estado” (1).

Este tema no deja de tener una profunda repercusión en el ámbito académico, pues la Nueva Izquierda francesa – convertida en el núcleo duro de la postmodernidad occidental – había sido cubierta con un halo de invulnerabilidad y reconocimiento acrítico de todos sus postulados. Muchos de sus autores han sido consagrados en las universidades y las academias como clásicos del pensamiento que son ineludibles, y los estudios hechos sobre ellos se hacen ya innumerables. Recordemos que bajo el rotulo de la Nueva Izquierda se agrupaban una serie de pensadores modernos, sobre todo franceses, que habían optado por una revisión sistemática de la herencia del pensamiento de la Modernidad Occidental y en la cual convergían autores como Félix Guattari, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jacques Lacan, Jacques Derrida, entre otros. Muchos de ellos optaron por una “deconstrucción” de la cultura occidental, la cual clamaban estaba llena de prejuicios, autoritarismo, exclusiones y disciplinas que habían producido un totalitarismo velado en las sociedades democráticas y liberales. A través de la revisión del aparato teórico de la modernidad, sus autores esperaban demoler ideológicamente semejante legado y preparar la llegada de una nueva libertad: la de un “cuerpo sin órganos”, una lengua sin contenidos, un mundo menos estructurado que podría finalmente ser considerado afín a una sociedad libre. Muchos de los autores de esta Nueva Izquierda habían sido disidentes de la Guerra Fría, identificándose como izquierdistas, pero detestando los regímenes del socialismo real, a los cuales consideraban demasiado autoritarios, y desligándose de cualquier herencia de la filosofía ilustrada, que resultaba para ellos demasiado dogmática. El ataque sistemático a las instituciones sociales, a las formas veladas de gobierno y poder, sin hablar de su provocadora actitud hacia el orden general de la Europa de la postguerra, convirtió a los representantes de la Nueva Izquierda en el objeto de un culto fetichista de las nuevas generaciones universitarias, sobre todo en las facultades de humanidades y filosofía, como los grandes exponentes de una izquierda anárquica e individualista. Hoy día es imposible no oír los nombres de alguno de ellos en los pasillos universitarios o siendo citados en revistas científicas de investigación como autoridades consagradas. Lo que no deja de ser un giro irónico para una serie de autores que se rebelaban contra la autoridad establecida. De hecho, las posiciones de muchos de los representantes de la Nueva Izquierda no pasaron desapercibidas, e incluso lograron llamar la atención de la CIA, que vio con buenos ojos la deserción de los autores de izquierda franceses, porque “ya no hay más Sartres, ya no hay más Gides”, sino que en su lugar se mostraban hostiles a la Unión Soviética y atacaban los presupuestos básicos del marxismo. Esto último despertó la simpatía de los organismos de inteligencia norteamericanos, quienes comentaban que «en el campo de la antropología», dice un documento de la CIA, «la influencia de la escuela estructuralista vinculada con Claude Lévi Strauss, Foucault y otros, ha cumplido esencialmente la misma función. […] creemos sea probable que su demolición de la influencia marxista en las ciencias sociales perdure como una contribución profunda tanto en Francia como en Europa Occidental» (2).

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Como recuerda el sociólogo Daniel Zamora, Foucault llamó a abandonar las luchas políticas y sociales, que habían perdido sentido en el Estado de Bienestar de la postguerra, y más bien proponía dedicarse a una “resistencia molecular”, donde fueran cuestionadas las grandes construcciones modernas y se disolvieran las masas homogéneas de la sociedad industrial. «En realidad», dice Daniel Zamora, «la idea de una revolución “molecular” descentralizada que pudiera conducir a grandes cambios se mostró poco realista, especialmente cuando se trataba de las relaciones económicas. Si se quiere entrar en una polémica, uno podría preguntarse por la relación entre esta visión con el neoliberalismo. “No olvides inventar tu vida”, concluía Foucault a comienzos de 1980. ¿Acaso no se asemeja mucho esto al mantra de Gary Becker de que nosotros debemos convertirnos en “empresarios de nuestro yo”?» (3). Y no deja de llamar la atención que precisamente esta convergencia entre el postmodernismo y el neoliberalismo alcanzara su mayor auge en las universidades norteamericanas, donde surgió precisamente el epíteto “postmoderno” y donde todos sus representas (Foucault, Deleuze, Derrida) alcanzaron un gran reconocimiento en vida. Zamora una vez más pone el dedo en la llaga y dice que resulta una empresa inútil «reconciliar a Marx con Foucault en alguna síntesis mayor, cuando de hecho al final de su vida Foucault “decidió deshacerse del marxismo”». Tampoco  puede alegarse que Foucault desconociera los primeros experimentos neoliberales en la política y la sociedad, pues él conoció muy bien la California gobernada por Ronald Reagan – quien por cierto destruyó el sistema de hospitales psiquiátricos del Estado federal, lo cual siempre fue uno de los grandes sueños de la anti-psiquiatría foucaultiana – y donde impartió varios cursos en sus universidades. En lugar de eso, Zamora recuerda la «profunda conexión entre el neoliberalismo como forma de gobernabilidad y la promoción, por parte de Foucault, de la invención de nuevas subjetividades. Lejos de oponerse, son dos ojos pares. Más abierto al pluralismo, el neoliberalismo parecía ofrecer un marco menos estrecho para la proliferación de experimentos de minorías» (4). Aquí cobra todo su sentido las palabras del filósofo francés Jean-Claude Michéa, para quien “Foucault es el complemento cultural del economicismo de Hayek, Friedman y Gary Becker”.

Todo lo anterior nos ayuda a explicar porqué algunos de los seguidores y discípulos de Foucault han terminado por convertirse en grandes defensores del capitalismo de mercado, mientras atacan de un modo inmisericorde los sistemas de pensiones, los servicios sociales y el Estado de Bienestar de la postguerra. Basta con citar a Beatriz Preciado, una de las representantes más radicales de la izquierda feminista, quien escribía en el periódico digital Libération que «no debemos llorar por el fin del estado de bienestar, porque el Estado de Bienestar es el hospital psiquiátrico, la oficina de discapacitados, la prisión, la escuela patriarcal-colonial-heteronormativa» (5). Por supuesto, este desmonte de las instituciones estatales está completamente de acuerdo con las políticas neoliberales promocionadas por grandes figuras del mundo de los negocios como Bill Gates o Georges Soros, quienes también se han convertido en grandes defensores de las políticas a favor de las minorías sexuales, el feminismo, amigos de la inmigración masiva y promotores del anti-racismo, mientras promueven la demolición del aparato estatal y su suplantación por un sector privado y una sociedad civil organizada que reemplazaría cualquier forma de poder público. Como ya había observado Marx, el capitalismo no es un sistema social conservador ni mucho menos: “La burguesía sólo puede existir si no es revolucionando incesantemente los instrumentos de producción, y con él todo el régimen social… La época de la burguesía se caracteriza y distingue de todas las demás, por la conmoción ininterrumpida de todas las relaciones sociales, por una inquietud y una dinámica incesantes. Las relaciones inconmovibles y mohosas del pasado, con todo su séquito de ideas y creencias viejas y venerables, se derrumban… Todo lo que se creía permanente y perenne se esfuma, todo lo santo es profanado” (6). Por lo que no resulta extraño que el gran capital financiero asumiera hoy el patrocinio de la nueva revolución de las relaciones sociales que se está gestando, siendo esta revolución íntimamente unida a las transformaciones del capitalismo y su concepción del individuo, que hoy pasa de estar basada en el naturalismo filosófico del siglo XIX al trans-humanismo que es promocionado por empresas como Google o filósofos postmarxistas como Toni Negri, para quienes la naturaleza eterna no existe sino que puede ser alterada por la biotecnología o la nanotecnología que hoy se está desarrollando.

No deja de ser interesante observar, como este nuevo capitalismo y neoliberalismo han impregnado la cultura de la izquierda. Una vez demolidos los últimos restos del socialismo real y conquistado el mundo por la globalización, la izquierda por fin se ha separado del comunismo y ha decidido conscientemente convertirse en el buldócer del capitalismo. Algunos intelectuales de izquierda como Nancy Fraser o Daniel Zamora han señalado esta contradicción. Nancy Fraser, por ejemplo, en su libro Las fortunas del feminismo ha mostrado como, poco a poco, el movimiento feminista ha abandonado todas sus reivindicaciones de izquierda, unidas al comunismo y al igualitarismo radical, para en su lugar adoptar el discurso del “empoderamiento femenino” planteado por el capitalismo neoliberal, cuyo modelo sería la mujer exitosa en la política y la economía, estilo Hillary Clinton o Margaret Thatcher (7). Otros, como Daniel Zamora han señalado que la postmodernidad foucaultina terminó por ser un antecesor directo de la Tercera Vía de Tony Blair y Anthony Giddens, convirtiéndose de este modo en un defensor de la globalización. Quizás esta impregnación cada vez mayor del socialismo por elementos liberales sea la causa del hundimiento de los partidos comunistas y la razón por la cual hoy día las clases trabajadoras votan cada vez más por los partidos identitarios de derecha, tanto en América Septentrional como en Europa. Una vez que la izquierda se unió al gran capital financiero y abrazó el liberalismo cultural, era inevitable que las clases trabajadoras, consideradas demasiado autoritarias y totalitarias, fueran atacadas y sustituidas por objetos de rebelión que chocaban con su sentido común. Resulta interesante anotar que ya en 1947, el comisario soviético y responsable del control ideológico de la cultura en Rusia Andrei Zhdánov denunciara en su momento este giró en la cultura occidental y de la izquierda francesa. Al comentar la obra de Jean-Paul Sarte en su curso Sobre la historia de la filosofía, Zhdánov señalaba como esta figura izquierdista de primera línea en Europa alababa el Diario de un ladrón del criminal homosexual Jean Genet: un libro que comenzaba declarando que su tema seria “la traición, el robo y la homosexualidad”, para finalmente acabar en la depravación y el nihilismo. Zhdánov vería en ello el desplome de la filosofía occidental, última consecuencia del cosmopolitismo burgués: la destrucción de toda moral y de relación social en defensa de las pasiones individuales y la estética. “Hoy”, escribía Zhdánov, “esas filosofías se presentan bajo una forma nueva, particularmente repugnante, reflejando toda la profundidad, toda la bajeza, toda la villanía de la decadencia burguesa. Los «souteneurs» y los criminales de derecho común en filosofía significan, evidentemente, el límite de la ruina y de la descomposición” (8).

Frente a este panorama, resulta bastante significativo que hoy esté apareciendo una nueva generación de autores izquierdistas que, distanciados de los medios de comunicación y exiliados de las academias, han comenzado a denunciar este devenir de la Nueva Izquierda, convertida para muchos de ellos en uno de los pilares centrales del sistema capitalista globalizado y defendida por un grupo de gurús intelectuales enemigos de las causas populares. Mientras Daniel Cohn-Bendit y Bernard-Henry Lévy – protagonistas de Mayo del 68 y grandes héroes de la izquierda libertaria – se dedican ahora a denunciar como fascistas todos los movimientos contestatarios – caso de los chalecos amarillos en Francia y el crecimiento de las olas populistas en el Primer Mundo –, otros han decidido regresar a las causas originales del comunismo y abrazar los movimientos populistas dirigidos contra el sistema. Este viejo estandarte ha sido alzado una vez más por autores como Jean-Claude Michéa, Constazo Preve, Diego Fusaro, Adriano Errigel y Kevin Boucaud-Victoire, quienes han decidido dejar de lado cualquier cooperación con la izquierda fucsia y multicolor para más bien plantearse la pregunta contraria y necesaria: ¿cuáles serán los presupuestos de la actual lucha contra el cosmopolitismo burgués como último elemento de la alienación sistemática de lo social y la cultura? Para esta izquierda populista, la lucha contra el capitalismo ya no puede pasar por el deseo deconstruccionista de la anarquía individual y el abandono de todo contenido social, antes bien se trata de una nueva contestación que pretende rescatar del olvido todo aquello desechado por la Nueva Izquierda en el transcurso del siglo XX.  Si la Nueva Izquierda abandonó el socialismo y afirmó, por el contrario, el libre mercado y la libertad individual a favor de proyectos individuales de “experimentación del yo”, la izquierda populista propone más bien “la síntesis entre las ideas de izquierda y los valores de la derecha en nombre del interés nacional”. Es decir, el rescate del “trabajo, la solidaridad, la defensa de los débiles, la comunidad” junto con “la familia, la patria, el Estado, el honor”, tal y como afirma actualmente el filósofo italiano Diego Fusaro (9).

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Esta nueva brecha, que pareciera estarse formando en la izquierda europea, nos pone frente a una disyuntiva: una defensa a ultranza de la globalización y el neoliberalismo, amparada en la postmodernidad como la ideología global de una multitud imperial sin rostro o contenido, o por el contrario la defensa de un nacional-populismo que se enfrenta al cosmopolitismo y reclama una defensa del trabajo frente al capitalismo financiero y de los valores nacionales frente al universalismo. Semejante división, sin embargo, recuerda a otra que ya había sucedido en el pasado, cuando la socialdemocracia y el socialismo moderado europeo había adoptado el programa del reformismo, dejando la bandera de la revolución y la lucha violenta al socialismo nacionalista, que se encarnó en el sindicalismo y los movimientos nacionales. Ante estos nuevos devenires políticos, la izquierda europea tendrá que enfrentar una disyuntiva que parece estarse transformando en una guerra civil en su interior.

Notas:

1. Entrevista a Daniel Zamora, “Peut-on critiquer Foucault?”, en la revista electrónica Bastiat, https://www.revue-ballast.fr/peut-on-critiquer-foucault/

2. France: Defection of the Leftist Intellectuals, en http://www.deigualaigual.net/cultura/2017/1222/braudel-le...

3. Entrevista a Daniel Zamora, “La résistence chez Foucault ne prend plus vraiment le visage de la lutte des clases”, en https://comptoir.org/2019/09/05/daniel-zamora-la-resistan...

4. Ibid.

5. Beatriz Preciado, “Nous disowns Revolution”, en https://next.liberation.fr/culture/2013/03/20/nous-disons...

6. Karl Marx y Friederich Engels, Biografía del Manifiesto Comunista, Editorial Mexico S.A., 1949, pág. 75-76.

7. Nancy Fraser, Las fortunas del feminismo, Traficante de Sueños, 2015.

8. A. Zhdánov, “Sobre la historia de la filosofía”, en http://www.filosofia.org/hem/dep/pce/nb024071.htm

9. Entrevista de Rafaele Alberto Ventura a Diego Fusaro, “Le cas Fusaro”, en https://legrandcontinent.eu/fr/2018/10/27/nous-avons-renc...

00:40 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philosophie, gauche sociétale, michel foucault | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 25 août 2017

How French “Intellectuals” Ruined the West: Postmodernism and Its Impact, Explained

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How French “Intellectuals” Ruined the West: Postmodernism and Its Impact, Explained

Postmodernism presents a threat not only to liberal democracy but to modernity itself. That may sound like a bold or even hyperbolic claim, but the reality is that the cluster of ideas and values at the root of postmodernism have broken the bounds of academia and gained great cultural power in western society. The irrational and identitarian “symptoms” of postmodernism are easily recognizable and much criticized, but the ethos underlying them is not well understood. This is partly because postmodernists rarely explain themselves clearly and partly because of the inherent contradictions and inconsistencies of a way of thought which denies a stable reality or reliable knowledge to exist. However, there are consistent ideas at the root of postmodernism and understanding them is essential if we intend to counter them. They underlie the problems we see today in Social Justice Activism, undermine the credibility of the Left and threaten to return us to an irrational and tribal “pre-modern” culture.

Postmodernism, most simply, is an artistic and philosophical movement which began in France in the 1960s and produced bewildering art and even more bewildering  “theory.” It drew on avant-garde and surrealist art and earlier philosophical ideas, particularly those of Nietzsche and Heidegger, for its anti-realism and rejection of the concept of the unified and coherent individual. It reacted against the liberal humanism of the modernist artistic and intellectual movements, which its proponents saw as naïvely universalizing a western, middle-class and male experience.

It rejected philosophy which valued ethics, reason and clarity with the same accusation. Structuralism, a movement which (often over-confidently) attempted to analyze human culture and psychology according to consistent structures of relationships, came under attack. Marxism, with its understanding of society through class and economic structures was regarded as equally rigid and simplistic. Above all, postmodernists attacked science and its goal of attaining objective knowledge about a reality which exists independently of human perceptions which they saw as merely another form of constructed ideology dominated by bourgeois, western assumptions. Decidedly left-wing, postmodernism had both a nihilistic and a revolutionary ethos which resonated with a post-war, post-empire zeitgeist in the West. As postmodernism continued to develop and diversify, its initially stronger nihilistic deconstructive phase became secondary (but still fundamental) to its revolutionary “identity politics” phase.

It has been a matter of contention whether postmodernism is a reaction against modernity. The modern era is the period of history which saw Renaissance Humanism, the Enlightenment, the Scientific Revolution and the development of liberal values and human rights; the period when Western societies gradually came to value reason and science over faith and superstition as routes to knowledge, and developed a concept of the person as an individual member of the human race deserving of rights and freedoms rather than as part of various collectives subject to rigid hierarchical roles in society.

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The Encyclopaedia Britannica says postmodernism “is largely a reaction against the philosophical assumptions and values of the modern period of Western (specifically European) history” whilst the Stanford Encyclopaedia of Philosophy denies this and says “Rather, its differences lie within modernity itself, and postmodernism is a continuation of modern thinking in another mode.” I’d suggest the difference lies in whether we see modernity in terms of what was produced or what was destroyed. If we see the essence of modernity as the development of science and reason as well as humanism and universal liberalism, postmodernists are opposed to it. If we see modernity as the tearing down of structures of power including feudalism, the Church, patriarchy, and Empire, postmodernists are attempting to continue it, but their targets are now science, reason, humanism and liberalism. Consequently, the roots of postmodernism are inherently political and revolutionary, albeit in a destructive or, as they would term it, deconstructive way.

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The term “postmodern” was coined by Jean-François Lyotard in his 1979 book, The Postmodern Condition. He defined the postmodern condition as “an incredulity towards metanarratives.” A metanarrative is a wide-ranging and cohesive explanation for large phenomena. Religions and other totalizing ideologies are metanarratives in their attempts to explain the meaning of life or all of society’s ills. Lyotard advocated replacing these with “mininarratives” to get at smaller and more personal “truths.” He addressed Christianity and Marxism in this way but also science.

In his view, “there is a strict interlinkage between the kind of language called science and the kind called ethics and politics” (p8). By tying science and the knowledge it produces to government and power he rejects its claim to objectivity. Lyotard describes this incredulous postmodern condition as a general one, and argues that from the end of the 19th century, “an internal erosion of the legitimacy principle of knowledge” began to cause a change in the status of knowledge (p39). By the 1960s, the resulting “doubt” and “demoralization” of scientists had made “an impact on the central problem of legitimization” (p8). No number of scientists telling him they are not demoralized nor any more doubtful than befits the practitioners of a method whose results are always provisional and whose hypotheses are never “proven” could sway him from this.

We see in Lyotard an explicit epistemic relativity (belief in personal or culturally specific truths or facts) and the advocacy of privileging  “lived experience” over empirical evidence. We see too the promotion of a version of pluralism which privileges the views of minority groups over the general consensus of scientists or liberal democratic ethics which are presented as authoritarian and dogmatic. This is consistent in postmodern thought.

Michel Foucault’s work is also centered on language and relativism although he applied this to history and culture. He called this approach “archeology” because he saw himself as “uncovering” aspects of historical culture through recorded discourses (speech which promotes or assumes a particular view). For Foucault, discourses control what can be “known” and in different periods and places, different systems of institutional power control discourses. Therefore, knowledge is a direct product of power. “In any given culture and at any given moment, there is always only one ‘episteme’ that defines the conditions of possibility of all knowledge, whether expressed in theory or silently invested in a practice.”[1]

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Furthermore, people themselves were culturally constructed. “The individual, with his identity and characteristics, is the product of a relation of power exercised over bodies, multiplicities, movements, desires, forces.”[2]  He leaves almost no room for individual agency or autonomy. As Christopher Butler says, Foucault “relies on beliefs about the inherent evil of the individual’s class position, or professional position, seen as ‘discourse’, regardless of the morality of his or her individual conduct.”[3] He presents medieval feudalism and modern liberal democracy as equally oppressive, and advocates criticizing and attacking institutions to unmask the “political violence that has always exercised itself obscurely through them.” [4]

We see in Foucault the most extreme expression of cultural relativity read through structures of power in which shared humanity and individuality are almost entirely absent. Instead, people are constructed by their position in relation to dominant cultural ideas either as oppressors or oppressed. Judith Butler drew on Foucault for her foundational role in queer theory focusing on the culturally constructed nature of gender, as did Edward Said in his similar role in post-colonialism and “Orientalism” and Kimberlé Crenshaw in her development of “intersectionality” and advocacy of identity politics. We see too the equation of language with violence and coercion and the equation of reason and universal liberalism with oppression.

It was Jacques Derrida who introduced the concept of “deconstruction,” and he too argued for cultural constructivism and cultural and personal relativity. He focused even more explicitly on language. Derrida’s best-known pronouncement “There is no outside-text” relates to his rejection of the idea that words refer to anything straightforwardly. Rather, “there are only contexts without any center of absolute anchoring.” [5]

Therefore the author of a text is not the authority on its meaning. The reader or listener makes their own equally valid meaning and every text “engenders infinitely new contexts in an absolutely nonsaturable fashion.” Derrida coined the term différance which he derived from the verb “differer” which means both “to defer” and “to differ.” This was to indicate that not only is meaning never final but it is constructed by differences, specifically by oppositions. The word “young” only makes sense in its relationship with the word “old” and he argued, following Saussure, that meaning is constructed by the conflict of these elemental oppositions which, to him, always form a positive and negative. “Man” is positive and ‘woman’ negative. “Occident” is positive and “Orient” negative. He insisted that “We are not dealing with the peaceful co-existence of a vis-a-vis, but rather with a violent hierarchy. One of the two terms governs the other (axiologically, logically, etc.), or has the upper hand. To deconstruct the opposition, first of all, is to overturn the hierarchy at a given moment.”[6] Deconstruction, therefore, involves inverting these perceived hierarchies, making “woman” and “Orient” positive and “man” and “Occident” negative. This is to be done ironically to reveal the culturally constructed and arbitrary nature of these perceived oppositions in unequal conflict.

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We see in Derrida further relativity, both cultural and epistemic, and further justification for identity politics. There is an explicit denial that differences can be other than oppositional and therefore a rejection of Enlightenment liberalism’s values of overcoming differences and focusing on universal human rights and individual freedom and empowerment. We see here the basis of “ironic misandry” and the mantra “reverse racism isn’t real” and the idea that identity dictates what can be understood. We see too a rejection of the need for clarity in speech and argument and to understand the other’s point of view and avoid minterpretation. The intention of the speaker is irrelevant. What matters is the impact of speech. This, along with Foucauldian ideas, underlies the current belief in the deeply damaging nature of “microaggressions” and misuse of terminology related to gender, race or sexuality.

Lyotard, Foucault, and Derrida are just three of the “founding fathers” of postmodernism but their ideas share common themes with other influential “theorists” and were taken up by later postmodernists who applied them to an increasingly diverse range of disciplines within the social sciences and humanities. We’ve seen that this includes an intense sensitivity to language on the level of the word and a feeling that what the speaker means is less important than how it is received, no matter how radical the interpretation. Shared humanity and individuality are essentially illusions and people are propagators or victims of discourses depending on their social position; a position which is dependent on identity far more than their individual engagement with society. Morality is culturally relative, as is reality itself. Empirical evidence is suspect and so are any culturally dominant ideas including science, reason, and universal liberalism. These are Enlightenment values which are naïve, totalizing and oppressive, and there is a moral necessity to smash them. Far more important is the lived experience, narratives and beliefs of “marginalized” groups all of which are equally “true” but must now be privileged over Enlightenment values to reverse an oppressive, unjust and entirely arbitrary social construction of reality, morality and knowledge.

The desire to “smash” the status quo, challenge widely held values and institutions and champion the marginalized is absolutely liberal in ethos. Opposing it is resolutely conservative. This is the historical reality, but we are at a unique point in history where the status quo is fairly consistently liberal, with a liberalism that upholds the values of freedom, equal rights and opportunities for everyone regardless of gender, race and sexuality. The result is confusion in which life-long liberals wishing to conserve this kind of liberal status quo find themselves considered conservative and those wishing to avoid conservatism at all costs find themselves defending irrationalism and illiberalism. Whilst the first postmodernists mostly challenged discourse with discourse, the activists motivated by their ideas are becoming more authoritarian and following those ideas to their logical conclusion. Freedom of speech is under threat because speech is now dangerous. So dangerous that people considering themselves liberal can now justify responding to it with violence. The need to argue a case persuasively using reasoned argument is now often replaced with references to identity and pure rage.

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Despite all the evidence that racism, sexism, homophobia, transphobia and xenophobia are at an all-time low in Western societies, Leftist academics and SocJus activists display a fatalistic pessimism, enabled by postmodern interpretative “reading” practices which valorize confirmation bias. The authoritarian power of the postmodern academics and activists seems to be invisible to them whilst being apparent to everyone else. As Andrew Sullivan says of intersectionality:

“It posits a classic orthodoxy through which all of human experience is explained — and through which all speech must be filtered. … Like the Puritanism once familiar in New England, intersectionality controls language and the very terms of discourse.” [7]

Postmodernism has become a Lyotardian metanarrative, a Foucauldian system of discursive power, and a Derridean oppressive hierarchy.

The logical problem of self-referentiality has been pointed out to postmodernists by philosophers fairly constantly but it is one they have yet to address convincingly. As Christopher Butler points out, “the plausibility of Lyotard’s claim for the decline of metanarratives in the late 20th century ultimately depends upon an appeal to the cultural condition of an intellectual minority.” In other words, Lyotard’s claim comes directly from the discourses surrounding him in his bourgeois academic bubble and is, in fact, a metanarrative towards which he is not remotely incredulous. Equally, Foucault’s argument that knowledge is historically contingent must itself be historically contingent, and one wonders why Derrida bothered to explain the infinite malleability of texts at such length if I could read his entire body of work and claim it to be a story about bunny rabbits with the same degree of authority.

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This is, of course, not the only criticism commonly made of postmodernism. The most glaring problem of epistemic cultural relativity has been addressed by philosophers and scientists. The philosopher, David Detmer, in Challenging Postmodernism, says

“Consider this example, provided by Erazim Kohak, ‘When I try, unsuccessfully, to squeeze a tennis ball into a wine bottle, I need not try several wine bottles and several tennis balls before, using Mill’s canons of induction, I arrive inductively at the hypothesis that tennis balls do not fit into wine bottles’… We are now in a position to turn the tables on [postmodernist claims of cultural relativity] and ask, ‘If I judge that tennis balls do not fit into wine bottles, can you show precisely how it is that my gender, historical and spatial location, class, ethnicity, etc., undermine the objectivity of this judgement?” [8]

However, he has not found postmodernists committed to explaining their reasoning and describes a bewildering conversation with postmodern philosopher, Laurie Calhoun,

“When I had occasion to ask her whether or not it was a fact that giraffes are taller than ants, she replied that it was not a fact, but rather an article of religious faith in our culture.”

Physicists Alan Sokal and Jean Bricmont address the same problem from the perspective of science in Fashionable Nonsense: Postmodern Intellectuals’ Abuse of Science:

“Who could now seriously deny the ‘grand narrative’ of evolution, except someone in the grip of a far less plausible master narrative such as Creationism? And who would wish to deny the truth of basic physics? The answer was, ‘some postmodernists.’”

and

“There is something very odd indeed in the belief that in looking, say, for causal laws or a unified theory, or in asking whether atoms really do obey the laws of quantum mechanics, the activities of scientists are somehow inherently ‘bourgeois’ or ‘Eurocentric’ or ‘masculinist’, or even ‘militarist.'”

How much of a threat is postmodernism to science? There are certainly some external attacks. In the recent protests against a talk given by Charles Murray at Middlebury, the protesters chanted, as one,

“Science has always been used to legitimize racism, sexism, classism, transphobia, ableism, and homophobia, all veiled as rational and fact, and supported by the government and state. In this world today, there is little that is true ‘fact.'”[9]

When the organizers of the March for Science tweeted:

“colonization, racism, immigration, native rights, sexism, ableism, queer-, trans-, intersex-phobia, & econ justice are scientific issues,”[10] many scientists immediately criticized this politicization of science and derailment of the focus on preservation of science to intersectional ideology. In South Africa, the #ScienceMustFall and #DecolonizeScience progressive student movement announced that science was only one way of knowing that people had been taught to accept. They suggested witchcraft as one alternative. [11]

Despite this, science as a methodology is not going anywhere. It cannot be “adapted” to include epistemic relativity and “alternative ways of knowing.” It can, however, lose public confidence and thereby, state funding, and this is a threat not to be underestimated. Also, at a time in which world rulers doubt climate change, parents believe false claims that vaccines cause autism and people turn to homeopaths and naturopaths for solutions to serious medical conditions, it is dangerous to the degree of an existential threat to further damage people’s confidence in the empirical sciences.

The social sciences and humanities, however, are in danger of changing out of all recognition. Some disciplines within the social sciences already have. Cultural anthropology, sociology, cultural studies and gender studies, for example, have succumbed almost entirely not only to moral relativity but epistemic relativity. English (literature) too, in my experience, is teaching a thoroughly postmodern orthodoxy. Philosophy, as we have seen, is divided. So is history.

Empirical historians are often criticized by the postmodernists among us for claiming to know what really happened in the past. Christopher Butler recalls Diane Purkiss’ accusation that Keith Thomas was enabling a myth that grounded men’s historical identity in “the powerlessness and speechlessness of women” when he provided evidence that accused witches were usually powerless beggar women. Presumably, he should have claimed, against the evidence, that they were wealthy women or better still, men. As Butler says,

“It seems as though Thomas’s empirical claims here have simply run foul of Purkiss’s rival organizing principle for historical narrative – that it should be used to support contemporary notions of female empowerment” (p36)

I encountered the same problem when trying to write about race and gender at the turn of the seventeenth century. I’d argued that Shakespeare’s audience’s would not have found Desdemona’s attraction to Black Othello, who was Christian and a soldier for Venice, so difficult to understand because prejudice against skin color did not become prevalent until a little later in the seventeenth century when the Atlantic Slave Trade gained steam, and that religious and national differences were far more profound before that. I was told this was problematic by an eminent professor and asked how Black communities in contemporary America would feel about my claim. If today’s African Americans felt badly about it, it was implied, it either could not have been true in the seventeenth century or it is morally wrong to mention it. As Christopher Butler says,

“Postmodernist thought sees the culture as containing a number of perpetually competing stories, whose effectiveness depends not so much on an appeal to an independent standard of judgement, as upon their appeal to the communities in which they circulate.”

I fear for the future of the humanities.

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The dangers of postmodernism are not limited to pockets of society which center around academia and Social Justice, however. Relativist ideas, sensitivity to language and focus on identity over humanity or individuality have gained dominance in wider society. It is much easier to say what you feel than rigorously examine the evidence. The freedom to “interpret” reality according to one’s own values feeds into the very human tendency towards confirmation bias and motivated reasoning.

It has become commonplace to note that the far-Right is now using identity politics and epistemic relativism in a very similar way to the postmodern-Left. Of course, elements of the far-Right have always been divisive on the grounds of race, gender and sexuality and prone to irrational and anti-science views but postmodernism has produced a culture more widely receptive to this. Kenan Malik describes this shift,

“When I suggested earlier that the idea of ‘alternative facts’ draws upon ‘a set of concepts that in recent decades have been used by radicals’, I was not suggesting that Kellyanne Conway, or Steve Bannon, still less Donald Trump, have been reading up on Foucault or Baudrillard… It is rather that sections of academia and of the left have in recent decades helped create a culture in which relativized views of facts and knowledge seem untroubling, and hence made it easier for the reactionary right not just to re-appropriate but also to promote reactionary ideas.”[12]

This “set of concepts” threaten to take us back to a time before the Enlightenment, when “reason” was regarded as not only inferior to faith but as a sin. James K. A. Smith, Reformed theologian and professor of philosophy, has been quick to see the advantages for Christianity and regards postmodernism as “a fresh wind of the Spirit sent to revitalize the dry bones of the church” (p18). In Who’s Afraid of Postmodernism?: Taking Derrida, Lyotard, and Foucault to Church, he says,

“A thoughtful engagement with postmodernism will encourage us to look backward. We will see that much that goes under the banner of postmodern philosophy has one eye on ancient and medieval sources and constitutes a significant recovery of premodern ways of knowing, being, and doing.” (p25)

and

“Postmodernism can be a catalyst for the church to reclaim its faith not as a system of truth dictated by a neutral reason but rather as a story that requires ‘eyes to see and ears to hear.” (p125)

We on the Left should be very afraid of what “our side” has produced. Of course, not every problem in society today is the fault of postmodern thinking, and it is not helpful to suggest that it is. The rise of populism and nationalism in the US and across Europe are also due to a strong existing far-Right and the fear of Islamism produced by the refugee crisis. Taking a rigidly “anti-SJW” stance and blaming everything on this element of the Left is itself rife with motivated reasoning and confirmation bias. The Left is not responsible for the far-Right or the religious-Right or secular nationalism, but it is responsible for not engaging with reasonable concerns reasonably and thereby making itself harder for reasonable people to support. It is responsible for its own fragmentation, purity demands and divisiveness which make even the far-Right appear comparatively coherent and cohesive.

In order to regain credibility, the Left needs to recover a strong, coherent and reasonable liberalism. To do this, we need to out-discourse the postmodern-Left. We need to meet their oppositions, divisions and hierarchies with universal principles of freedom, equality and justice. There must be a consistency of liberal principles in opposition to all attempts to evaluate or limit people by race, gender or sexuality. We must address concerns about immigration, globalism and authoritarian identity politics currently empowering the far- Right rather than calling people who express them “racist,” “sexist” or “homophobic” and accusing them of wanting to commit verbal violence. We can do this whilst continuing to oppose authoritarian factions of the Right who genuinely are racist, sexist and homophobic, but can now hide behind a façade of reasonable opposition to the postmodern-Left.

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Our current crisis is not one of Left versus Right but of consistency, reason, humility and universal liberalism versus inconsistency, irrationalism, zealous certainty and tribal authoritarianism. The future of freedom, equality and justice looks equally bleak whether the postmodern Left or the post-truth Right wins this current war. Those of us who value liberal democracy and the fruits of the Enlightenment and Scientific Revolution and modernity itself must provide a better option.

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Helen Pluckrose is a researcher in the humanities who focuses on late medieval/early modern religious writing for and about women. She is critical of postmodernism and cultural constructivism which she sees as currently dominating the humanities. You can connect with her on Twitter @HPluckrose

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Notes

[1] The Order of Things: An Archaeology of the Human Sciences (2011) Routledge. p183

[2] ‘About the Beginning of the Hermeneutics of the Self: Two Lectures at Dartmouth.’ Political Theory, 21, 198-227

[3] Postmodernism: A Very Short Introduction. (2002) Oxford University Press. p49

[4] The Chomsky – Foucault Debate: On Human Nature (2006) The New Press. P41

[5] http://hydra.humanities.uci.edu/derrida/sec.html

[6] Positions. (1981) University of Chicago Press p41

[7] http://hotair.com/archives/2017/03/10/is-intersectionality-a-religion/

[8] Challenging Postmodernism: Philosophy and the Politics of Truth (2003) Prometheus Press. p 26.

[9] In Sullivan http://hotair.com/archives/2017/03/10/is-intersectionality-a-religion/

[10]  http://dailycaller.com/2017/01/30/anti-trump-march-for-sc...

[11] http://blogs.spectator.co.uk/2016/10/science-must-fall-ti...

[12] https://kenanmalik.wordpress.com/2017/02/05/not-post-trut...

Helen Pluckrose

Helen Pluckrose is a researcher in the humanities who focuses on late medieval/early modern religious writing for and about women. She is critical of postmodernism and cultural constructivism which she sees as currently dominating the humanities.

vendredi, 17 février 2017

Y a-t-il un populisme de gauche ? Le cas de Podemos

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Y a-t-il un populisme de gauche ?

Le cas de Podemos

par Javier Portella

Ex: http://www.bvoltaire.fr 

Comment ce Michéa, qui voit juste en mettant dans le même panier « Hayek et Foucault », peut-il ne pas voir que Podemos, c’est du « Foucault » tout craché ?

« Tout mon livre doit être lu comme un soutien à la révolution culturelle accomplie par Podemos et aux combats des partisans de la décroissance ! » C’est ainsi que Jean-Claude Michéa – quelqu’un pour la pensée duquel j’ai la plus grande estime – s’exprimait l’autre jour lors de l’entretien accordé à Libération et où il était question de son dernier livre Notre ennemi, le capital. C’est curieux de constater la déférence avec laquelle les médias amis du capital accueillent la pensée iconoclaste, anti-système, de Jean-Claude Michéa ; lequel, loin de leur faire la moindre courbette, en profite, comme c’était le cas lors de l’entretien à Libé, pour décocher des flèches envenimées contre l’esprit libéral-libertarien que le journal incarne.

La raison la plus probable d’un tel accueil est sans doute… la plus bête aussi : c’est quand même de la « gauche » que Michéa vient, doivent-ils se dire, les bobos des rédactions ! Quoi qu’il en soit, le fait est que toute cette déférence médiatique ne va pas sans rappeler celle que les grands médias espagnols ont accordée à Podemos ; une déférence sans laquelle jamais le parti de ces jeunes gauchistes ne serait passé, dans l’espace de quelques mois, du néant où il était aux portes (encore closes) du pouvoir.

Mais la comparaison s’arrête là car, quelles que soient les illusions que Michéa se fait à l’égard de Podemos, il n’y a aucun rapport entre l’idéologie de ce parti et la pensée de ce grand penseur qui a mis nettement en lumière le rapport intime reliant le libéralisme de « droite » (le capitalisme, dans sa dimension économique) et le libertarisme de « gauche » (le même capitalisme sous son jour sociétal).

Comment Michéa, ce grand pourfendeur du nihilisme libertarien qui déracine tout à son passage, peut-il applaudir à la « révolution culturelle » accomplie par ceux qui ne rêvent que de dissoudre les restes d’identité nationale qui peuvent encore demeurer en Espagne, tout comme ils souhaitent en finir avec l’assujettissement des femmes frappées, aujourd’hui encore, prétendent-ils, par l’oppression patriarcale ? Qu’y a-t-il à admirer chez ces partisans de la théorie du genre qui se font les apôtres des revendications des associations de lesbiennes, gays, transsexuels et transgenres, sans oublier – c’est finalement là le plus important – que s’ils parvenaient au pouvoir, ils ne se borneraient pas à faciliter la vie de l’oligarchie en sauvegardant l’invasion migratoire que nos peuples subissent : les gens de Podemos adorent tellement la dissolution « multiculturelle » qu’ils seraient parfaitement capables d’organiser des ponts aériens pour aller chercher les migrants directement sur place.
 

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Deux femens se sont enchaînées dans la cathédrale Almudena: un happening foucaldien de mauvais goût. Même si Foucault peut être qualifié de "nietzschéen", ce faux nietzschéisme n'est en tous les cas pas "apollinien"... 

Comment ce Michéa, qui voit juste en mettant dans le même panier « Hayek et Foucault », peut-il ne pas voir que Podemos, c’est du « Foucault » tout craché ? Sans doute ne le voit-il pas parce que si, sur le plan sociétal, Podemos tombe en plein dans la fange nihiliste, il n’en va pas de même sur le plan économique. Là, c’est vrai, son libertarisme ne rejoint nullement le libéralisme, les positions anticapitalistes de Podemos étant plus qu’évidentes – du moins sur le papier, car mille autres questions restent posées.

Il y a deux grands fronts, finalement, dans la lutte du peuple contre les élites de l’oligarchie : le front sociétal ou culturel, et le front économique. Lorsqu’on oublie, chez ceux qu’on appelle parfois « les populistes de gauche », leur déchéance nihiliste concernant l’invasion migratoire, la dissolution sexuelle, la négation de l’identité nationale, lorsqu’on ne retient que leurs « bonnes intentions » sur le plan économique, cela revient à considérer que, de ces deux fronts – et là, je ne pense pas qu’au seul Michéa –, il y en a un qui l’emporte décidément sur l’autre. Cela revient à considérer, en un mot, que l’argent et la bouffe sont toujours la clé du monde : son « infrastructure », comme l’appellent depuis toujours les marxistes – clé ou infrastructure qu’aucun libéral-capitaliste ne saurait, d’ailleurs, contredire.

Javier Portella. 

jeudi, 08 septembre 2016

Quelques remarques sur la « French Theory »

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Quelques remarques sur la « French Theory »

par Robert Steuckers

bousquet.jpgOn me demande souvent quelle est ma position face à ce que le monde académique américain appelle la « French Theory ». Elle peut paraître ambigüe. En tous les cas de figure, elle ne correspond pas à celle qu’ont adoptée des personnalités que les maniaques de l’étiquetage placent à mes côtés, à mon corps défendant. Récemment, un théoricien néo-droitiste ou plutôt néo-néo-droitiste, François Bousquet, a rédigé un opuscule pamphlétaire dirigé contre les effets idéologiques contemporains de l’idéologie que Michel Foucault a voulu promouvoir par ses multiples happenings et farces contestatrices des ordres établis, par ses ouvertures à toutes les marginalités, surtout les plus farfelues. A première vue, le camarade néo-droitiste Bousquet, qui a accroché son wagonnet au « canal historique » de cette mouvance, a bien raison de fustiger ce carnaval parisien, vieux désormais de trois ou quatre décennies (*). Le festivisme, critiqué magistralement par Philippe Muray avant son décès hélas prématuré, est un dispositif fondamentalement anti-politique qui oblitère le bon fonctionnement de toute Cité, handicape son déploiement optimal sur la scène mondiale : dans ce contexte absurde, on n’a jamais autant parlé de « citoyenneté », alors que le festivisme détruit la notion même de « civis » de romaine mémoire. La France, depuis Sarközy et plus encore depuis le début du quinquennat de Hollande, est désormais paralysée par diverses forces délétères dont les avatars plus ou moins bouffons de ce festivisme post-foucaldien se taillent une large part.

Le paysage intellectuel français est envahi par cette luxuriance inféconde, ce qui déborde, via les relais médiatiques, dans la vie quotidienne de chaque « citoyen », distrait de sa nature de zoon politikon au profit d’un histrionisme ravageur. L’interprétation anti-foucaldienne de Bousquet peut donc s’avérer légitime quand on pose le diagnostic d’une France gangrénée par diverses forces pernicieuses dont ce festivisme inauguré par les foucaldiens avant et après la mort de leur gourou.

Cependant, une autre approche est parfaitement possible. L’Occident, que j’ai toujours défini comme un ensemble idéologique et politique négatif et vecteur de déclin, est constitué d’un complexe touffu de dispositifs de contrôle installés par des pouvoirs malsains se réclamant notamment de Descartes et surtout de Locke. Aujourd’hui, ces dispositifs cartésiens/lockiens, occidentaux au sens négatif du terme (notamment pour les penseurs russes), sont critiqués par une figure actuelle de la gauche américaine comme Matthew B. Crawford. Cet auteur est à la base un philosophe universitaire qui a rejeté ces dispositifs idéologico-philosophiques abscons et déréalisants pour devenir l’entrepreneur d’un bel atelier de réparation de motos. Il explique son choix : c’est une lecture approfondie de Heidegger qui l’a amené au rejet définitif de cet appareil philosophico-politique occidental, expression sans doute de ce que le philosophe de la Forêt Noire nommait la « métaphysique occidentale ». Heidegger, pour Crawford, est le philosophe allemand qui a essayé d’infléchir la philosophie en direction de la concrétude, de la substance palpable, après avoir constaté que la philosophie occidentale débouchait dans un cul-de-sac, sans espoir d’en sortir.

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Crawford, comme Foucault, est donc un heideggerien cherchant à retrouver la concrétude derrière le fatras idéologique occidental. Crawford et Foucault constatent, suite à une lecture attentive des écrits de leur maître souabe, que Locke, figure emblématique de la pensée anglo-saxonne et, par suite, de la pensée politique dominante dans toute l’américanosphère, rejetait la réalité dans tous ses aspects comme un médiocre ensemble de trivialités. Cette position de Locke, père fondateur d’un libéralisme aujourd’hui dominant sur la planète, conduit à considérer tout contact avec les réalités concrètes, tangibles et substantielles comme non philosophique voire anti-philosophique, donc comme une démarche dépourvue d’importance voire grosse de perversités à oublier ou à refouler.

Foucault, avant Crawford, avait souligné la nécessité de se débarrasser de cet appareil conceptuel oppresseur bien qu’en lévitation perpétuelle, cherchant délibérément à rompre tout contact avec le réel, à détacher hommes et peuples de tout ressourcement dans la concrétude. Dans ses premiers écrits, que Bousquet ne cite pas, Foucault a montré que les dispositifs de pouvoir inaugurés par les Lumières du 18ème siècle ne constituent nullement un mouvement de libération, comme le veulent les propagandes occidentales, mais, au contraire, un mouvement subtil de mise au pas des hommes et des âmes destiné à dresser l’humanité, à l’aligner sur des schémas rigides et à l’homogénéiser. Dans cette optique, Foucault constatait que, pour la modernité des Lumières, l’hétérogénéité, constitutive du monde, soit les innombrables différences entre peuples, religions, cultures, « patterns » sociaux ou ethniques, devait irrémédiablement disparaître. Claude Lévi-Strauss, pour sa part, en tant que philosophe et ethnologue, avait plaidé pour le maintien de tous les schèmes ethno-sociaux afin de sauver l’hétérogénéité du genre humain parce que c’était justement cette hétérogénéité qui permettait à l’homme de pouvoir poser des choix, d’opter, le cas échéant, pour d’autres modèles si les siens, ceux de ses héritages, venaient à faillir, à s’affaiblir, à ne plus s’avérer capables de faire front dans les combats pour la vie. L’option de Lévi-Strauss était donc ethnopluraliste.

Foucault, lui, a choisi une autre voie pour échapper, croyait-il, à l’emprise des dispositifs inaugurés par les Lumières et visant l’homogénéisation totale et complète de l’humanité, toutes races, ethnies et cultures confondues. Pour Foucault, interprète audacieux de la philosophie de Nietzsche, l’homme, en tant qu’individu, devait « se sculpter soi-même », faire de sa personne une nouvelle sculpture au hasard de ses caprices et de ses désirs, en combinant autant d’éléments possibles, choisis arbitrairement pour changer son donné physique et sexuel, comme le suggèreront en force, et jusqu’à la folie, les théories du genre après lui. C’est cette interprétation-là du message nietzschéen que Bousquet, dans son nouveau pamphlet néo-droitiste, a fustigée copieusement. Mais, indépendamment de cette audace polissonne de Foucault et de tous les foucaldiens qui l’ont suivi, la pensée de Foucault est également nietzschéenne et heideggerienne quand elle entend susciter une méthode « généalogique et archéologique » pour en arriver à comprendre le processus d’émergence de notre cadre civilisationnel occidental, aujourd’hui rigidifié.

akm-mf.gifJe pense que Bousquet aurait dû tenir compte de plusieurs refus de Foucault pour ne pas demeurer au stade du pur prurit pamphlétaire : la critique foucaldienne de l’homogénéisation des Lumières et du rejet lockien du réel comme insuffisance indigne de l’intérêt du philosophe (cf. Crawford), la double méthode archéologique et généalogique (que la philosophe française Angèle Kremer-Marietti avait mise en exergue jadis dans un des premiers ouvrages consacrés à Foucault). En ne tenant pas compte de ces aspects positifs et féconds de la pensée de Foucault, Bousquet fait courir un risque à son landernau néo-droitiste parisien, celui de réintroduire en son maigre sein une rigidité conceptuelle dans les stratégies métapolitiques alternatives qu’il entend déployer. L’anti-foucaldisme de Bousquet a certes ses raisons mais il me paraît inopportun d’opposer de nouvelles rigidités à l’apparatus actuel constitué par les nuisances idéologiques dominantes. Foucault demeure, en dépit de ses multiples giries, un maître qui nous apprend à comprendre les aspects oppresseurs de la modernité issue des Lumières. La faillite des établissements politiques inspirés par le fatras lockien conduit aujourd’hui les tenants de ce bataclan démonétisé à faire appel à la répression contre tous ceux qui, pour paraphraser Crawford, feraient mine de vouloir retourner à un réel concret et substantiel. Ils tombent le masque que Foucault avait, après Nietzsche, essayé de leur arracher. La modernité est donc bel et bien un éventail de dispositifs oppresseurs : elle peut dissimuler cette nature foncière tant qu’elle tient un pouvoir qui fonctionne vaille que vaille. Cette nature revient au galop quand ce pouvoir commence à crouler.

Le festivisme des post-foucaldiens n’a finalement été qu’un fin peinturlurage pour donner du bois de rallonge aux établissements « lockiens ». A ce titre, Crawford est, dans le contexte contemporain, plus pertinent et plus compréhensible que Foucault quand il explique comment les pensées soi-disant libératrices des lockiens ont éloigné l’homme du réel, jugé imparfait et mal agencé. Ce réel, par sa lourde présence, handicape la raison, pensait Locke, et mène les hommes à l’absurde. Nous avant là, anticipativement, et sur un plan philosophique apparemment raisonnable et décent, le réflexe défensif et agressif de l’établissement actuel face à diverses réactions dites « populistes », ancrées dans le réel de la vie quotidienne. Ce réel et ce quotidien se rebiffent contre une pensée politique imposée et anti-réaliste, niant les ressorts du « réel réellement existant », du « réel sans double (imaginaire) » (Clément Rosset). La pensée politique dominante et les appareils juridiques sont lockiens, nous dira Crawford, dans la mesure où le réel, où toute concrétude, toute tangibilité, sont posés derechef comme imparfaits, insuffisants, absurdes. Les tenants de ces postures arrogantes sont dans le déni, le déni de tout. Et ce déni absolu finira par basculer dans le répressif ou par sombrer dans le ridicule ou dans les deux à la fois, le temps d’une apothéose bouffonne, grimaçante. En France, le trio Cazeneuve, Valls et Hollande, et le cortège des femelles qui tournoient autour d’eux en donne déjà un avant-goût sinon une illustration. 

mf-th-inst-pen.jpgFoucault avait découvert que toutes les formes de droit instaurées depuis le 17ème siècle français (cf. son livre intitulé « Théories et institutions pénales ») étaient répressives. Elles avaient abandonné un droit, d’origine franque et germanique, qui était, lui, véritablement libertaire et populaire, pour le troquer contre un appareillage juridique et judiciaire violent en son essence, anti-réaliste, hostile au « réel réellement existant » qu’est par exemple la populité. Le comportement de certains juges français face aux réactions populaires, réalitaires et acceptantes, ou face à des écrits jugés incompatibles avec les postures rigides dérivées de l’antiréalisme foncier des fausses pensées des 17ème et 18ème siècles, est symptomatique de la nature intrinsèquement répressive de cet ensemble établi, de ce faux libertarisme et révolutionnisme désormais rigidifiés parce qu’institutionalisés.

Nous pourrions donc percevoir la « French Theory », et ses aspects dérivés de la pensée de Foucault (en ses différents aspects successifs), non comme un vaste instrumentarium visant à recréer arbitrairement l’homme et la société, tels qu’ils n’ont jamais été auparavant dans l’histoire et dans la phylogénèse, mais, au contraire, comme une panoplie d’outils pour nous débarrasser du fardeau que Heidegger désignait comme des « constructions métaphysiques » faillies qui oblitèrent désormais lourdement la vie réelle, le donné vital des peuples et des individualités humaines. Nous devons nous doter d’instruments conceptuels pour critiquer et rejeter les dispositifs oppresseurs et homogénéisants de la modernité occidentale (lockienne), qui ont conduit les sociétés de l’américanosphère dans l’absurdité et le déclin. De plus, un rejet cohérent et philosophiquement bien charpenté des appareils issus des Lumières implique de ne pas inventer un homme soi-disant nouveau et fabriqué (sculpté, dirait Foucault dans ce qu’il faut bien nommer ses délires…).

slotleben.jpgL’anthropologie de la révolte contre les dispositifs oppresseurs qui se donnent le masque de la liberté et de l’émancipation pose un homme différent de cet homme séraphinisé des lockiens secs et atrabilaires ou modelé selon les fantaisies hurluberluesques du Foucault délirant des années 70 et 80.  La voie à suivre est celle d’une retour/recours à ce que des penseurs comme Julius Evola ou Frithjof Schuon appelaient la Tradition. Les voies pour modeler l’homme, pour le hisser hors de sa condition misérable, tissée de déréliction, sans toutefois le chasser du réel et des frictions permanentes qu’il impose (Clausewitz), ont déjà été tracées, probablement aux « périodes axiales » de l’histoire (Karl Jaspers). Ces voies traditionnelles visent à donner aux meilleurs des hommes une épine dorsale solide, à leur octroyer un centre (Schuon). Les ascèses spirituelles existent (et n’imposent pas nécessairement le dolorisme ou l’auto-flagellation). Les « exercices » suggérés par ces traditions doivent impérativement être redécouverts, comme d’ailleurs le philosophe allemand Peter Sloterdijk vient récemment de le préconiser. De fait, Sloterdijk exhorte ses contemporains à redécouvrir les « exercices » d’antan pour se discipliner l’esprit et pour se réorienter dans le monde, afin d’échapper aux impasses de la fausse anthropologie des Lumières et de leurs piètres avatars idéologiques des 19ème et 20ème siècles.

Les « Gender Studies » et les gesticulations post-foucaldiennes sont également des impasses, des échecs : elles ont annoncé notre « kali yuga », imaginé par l’antique Inde védique, époque de déliquescence avancée où hommes et femmes se conduisent comme les bandarlogs du « Livre de la Jungle » de Kipling.  Un retour à ces traditions et ces exercices, sous le triple patronage d’Evola, Schuon et Sloterdijk, signifierait mettre une parenthèse définitive aux expériences bizarres et ridicules qui ont conduit l’Occident à son déclin actuel, qui ont amené les Occidentaux à déchoir profondément, à devenir des bandarlogs.

Robert Steuckers,

Bruxelles-Ville, juin 2016. 

(*) Le problème de Bousquet, c’est qu’il fustige ce carnaval grand format au départ d’un cénacle tout aussi carnavalesque, mini-format, où des figures à la Jérôme Bosch s’agitent et se trémoussent.    

lundi, 09 juin 2014

Sobre el triunfo de la biopolítica en Foucault

Sobre el triunfo de la biopolítica en Foucault

por Giovanni B. Krähe

Ex: http://geviert.wordpress.com

El liberalismo pretende, entonces, demostrarle a la política cuáles son sus límites en una dimesión extraña a la política misma. En este sentido, intenta demostrar “una incompatibilidad de principio entre el desenvolvimiento óptimo del proceso económico y una maximización de los procedimientos gubernamentales” (363). En este sentido, el liberalismo no nace del contractualismo o del análisis económico, sino de la “busqueda de una tecnología liberal de gobierno”. La regulación de la forma jurídica se muestra, en este sentido, instrumentalmente eficaz. Siguiendo esta argumentación, el sistema parlamentario puede ser visto, entonces, como el “modo más eficaz de economía gubernamental” (363). Foucault trata de demostrar que la teoría democrática y el estado de derecho, son ambos instrumentalmente ventajosos para el liberalismo en su objetivo de racionalizar la gobernabilidad. En otros términos, se trata de trasladar la dinámica y la naturaleza ecónomica en el ámbito de la política, con el objetivo de suplantarla. En este sentido, se puede deducir fácilmente que el liberalismo no es una política en sentido estricto, puesto que no existe una política liberal sino una reflexión crítica de carácter liberal sobre la práctica gubernamental y la naturaleza de lo político. Para lograr tal objetivo, el liberalismo se apoya en dos dimensiones completamentente extrañas a la política: la dimensión de lo social (a través del utilitarismo individualista) y la dimensión económica (el mercado). Se notará por qué ha sido tan simple, para los grupo de ideológos neo-marxistas, declinar el binomio sociedad-mercado en los términos de un (supuesto) liberalismo de izquierda. El objetivo último de la crítica liberal será alcanzar “una tecnología del gobierno frugal” (Foucault cita Franklin).

samedi, 14 septembre 2013

L'IRONIE CONTRE LA “POLITICAL CORRECTNESS”

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Robert Steuckers:

L'IRONIE CONTRE LA “POLITICAL CORRECTNESS”

Université d'été de "Synergies Européennes", lundi 28 juillet 1997

Cercle Proudhon, Genève, décembre 1997

Organiser un atelier de l'Université d'été sur l'ironie comme “arme” contre la “political correctness” est politiquement et métapolitiquement justifié.

En effet, quelle est l'origine de la “political correctness” (dorénavant en abrégé: PC)?

Aux Etats-Unis, dès la fin des années 70, le relativisme, la ruine des idéaux et des ressorts communautaires provoquent une réaction qui prend forme dans le livre de John Rawls, A Theory of Justice (1979).

Pour atteindre l'idéal de la justice, pour le concrétiser, il faut, entre autres choses:

- une philosophie normative

- des normes capables de revigorer les ressorts coopératifs et communautaires de la société.

- Or, la tendance générale de la philosophie anglo-saxonne avait été de dire que les normes n'avaient pas de sens.

Donc, à la veille de l'accession de Reagan à la présidence des Etats-Unis, on dit: «Il faut des normes».

Pour avoir des normes, deux solutions:

1. Adopter les idées de Rawls, et ainsi promouvoir la justice, la coopération, la communauté. Mais c'est incompatible avec le programme néo-libéral de Reagan.

2. Déclarer indépassables, les “valeurs” du libéralisme telles qu'elles avaient été fixées par Locke à la fin du 17ième siècle. C'est Nozick qui offre cette option dans son livre Anarchy, State, Utopia (1974). Pour Nozick, l'Etat doit protéger ces valeurs libérales anglo-saxonnes contre toutes les autres.

Toutes les autres? Cela fait beaucoup de choses! Beaucoup de choses à rejeter!

Avec Hobbes, la philosophie politique anglaise avait rejeté hors de son champs les controverses religieuses parce qu'elles menaient à la guerre civile (ère des neutralisations disait Carl Schmitt).

Avec les déistes (Charles Blount, John Toland, Matthew Tindal, Thomas Woolston), la raison doit oblitérer les parts obscures de la religion, pour qu'elles ne deviennent pas subitement incontrôlables.

Comme on est en Europe, les déistes acceptent le christianisme par commoditié (sans y croire), mais ce christianisme signifie:

- un christianisme raisonnable (sans excès, sans fanatisme, etc.);

- le déisme a pour objectif de "raisonnabiliser" le christianisme (et toute la sphère religieuse);

- religion et "bon sens" doivent coïncider;

- il ne peut pas y avoir d'opposition entre religion et “bon sens ";

- il faut évacuer les mystères, car ils sont incontrôlables.

- les institutions religieuses doivent être "tranquilles”;

- miracles et autres "absurdités" du Nouveau Testament sont purement "symboliques".

John Butler, issu du filon aristotélo-thomiste médiéval répond à l'époque aux déistes:

- l'homme est un "être insuffisant", "imparfait", il présente donc ontologiquement des lacunes, il est quelques fois ontologiquement "absurde";

- l'homme a besoin de béquilles culturelles, dont, surtout, un système de normes, de fins. Ce système doit certes être logique, mais pas complètement accessible à notre raison.

C'est dans le contexte de cette disputatio  entre les déistes et Butler qu'il faut replacer deux grands maîtres de l'ironie:

- John Arbuthnot (1667-1735) et

- Jonathan Swift (1667-1745).

John Arbuthnot, ami et inspirateur de Swift est médecin et mathématicien. Il n'écrira pas de livre qui fera date, sauf peut-être son Martinus Scliberus, satire exagérant les défauts des hommes réels. Qui souligne l'inadéquation entre la théorie idéale de l'homme et l'homme de chair, de sang, de vice et de stupre.

L'ironie d'Arbuthnot se retrouvera dans le maître-ouvrage de Swift: Gulliver's Travels  (= Les voyages de Gulliver).

Première remarque sur les “Voyages de Gulliver": on croit que c'est un livre pour les enfants; effectivement une masse de versions édulcorées de ce livre existent à l'usage des enfants. Mais faisons nôtre cette remarque de Maurice Bouvier-Ajam: «Que d'éditions abêties, mutilées, trahies pour "plaire" au jeune lecteur! Et de quelles joies cette mutilation de l'œuvre ne prive-t-elle pas l'adulte, trompé et blasé prématurément... et frauduleusement...».

D'Arbuthnot, Swift reprend:

- la pratique de la physiognomie, c'est-à-dire un mode d'arraisonnement du réel et plus particulièrement du grotesque qui lui est inhérent (à mettre en parallèle avec les “Caractères” de La Bruyère et avec le "regard physiognomique" de Jünger);

- la pratique de l'humour et du sarcasme;

- un point de vue physique (physiologique au sens nietzschéen, participant de la “révolte des corps" et de la Leiblichkeit).

- un rationalisme moqueur et non constructiviste, moralisateur, pédant;

- l'idée d'un rationalisme comme "humilité de l'intelligence".

 

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Souvent, la "raison", dans le contexte de la modernité européenne, est "révolutionnaire" parce qu'elle abat les irrationalités stabilisantes de la société en place, pour les remplacer par de nouveaux édifices raisonnables mais rigides (querelle des déistes).

Face à cette rationalité moderne, la rationalité de Swift:

- n'est pas un irrationalisme conservateur articulé pour répondre aux déistes ou aux rationalistes

- mais une moquerie qui fragilise toutes les conventions, y compris anticipativement, celles des rationalistes.

Swift:

- raille les fanatismes des catholiques et des sectes protestantes "non conformistes";

- se révolte contre les ambitions constructivistes des déistes;

- dresse une pathologie des "Etats mystiques", qui ne camouflent, derrière leurs discours sublimes, que des turpitudes, des désirs inavoués de stupre ou de richesse.

- démontre que les discours des sectes protestantes (Quakers, Rauters, Huguenots extrémistes) sont des "convulsions", des "fermentations troubles de l'animalité" (Cf. A Tale of a Tub. Discourse Concerning the Mechanical Operation of the Spirit).

Dans The Battle of Books, on trouve une critique acerbe du rationalisme car celui-ci est:

- ambitieux;

- insolent;

- inacceptablement hostile à l'égard de la "gloire des Anciens";

- une activité théorique stérile (Cf. le Royaume de Laputa).

Swift prévoit déjà: «La fièvre de la spéculation, de l'enquête rationnelle, et, déjà, du progrès mécanique, que la société qui lui est contemporaine exhibe déjà; il la présente comme l'ardeur agitée de cerveaux surchauffés, dans lesquels se bousculent toutes sortes de "projets" et d'inventions, autant de chimères sans queue ni tête» (Legouis/Cazamian, p. 762).

L'homme est par essence vil et corrompu. Pour y remédier:

- Hobbes avait prévu un contrat et l'érection du Léviathan;

- Locke avait forgé l'idée du contrat démocratique moderne et préconisé, à la suite des déistes, d'"expurger les mystères";

- Swift reste un pessimiste fondamental:

- le contrat ne changera pas la nature humaine;

- le contrat ne sera toujours que provisoire;

- ni mystères de la religion ni noirceurs de l'âme humaine ne sont éradicables.

Chez Swift, nous découvrons un rejet de toutes les affirmations générales [qui prendra ultérieurement des formes très diverses: chez Herder, chez les Romantiques allemands, chez Jünger (cf. sa définition du "nationalisme" comme révolte du particulier contre le général), dans la révolte diffuse depuis Foucault contre les affirmations générales actuelles].

Avec Swift démarre aussi la tradition littéraire anglaise de la "contre-utopie”.

- L'utopie est un lieu idyllique, une île merveilleure ou la lune chez Cyrano de Bergerac.

- Mais la tradition utopique draine en elle-même sa propre réfutation. Le projet idéal de l'utopiste est trop souvent froid et sec, pur projet de législation alternative visant à CORRIGER LE RÉEL. Dans ce cas, écrit le Prof. Raymond Trousson dans Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique:  «il n'est pas possible d'évoquer un possible latéral, mais de peser sur l'histoire».

Cette tradition contre-utopique trouvera son apogée dans le 1984 d'Orwell, où le futur devient cauchemar (Future as Nightmare). Le futur est alors le fruit, le résultat d'une volonté de transposer dans le réel les idées:

- des déistes/des rationalistes;

- de Locke;

- des projets de sociétés parfaites;

Nous retrouvons l'intention de Nozick.

Pour Rainer Zitelmann, la pensée utopique s'articule autour de trois idées majeures:

- La "fin de l'histoire", après la généralisation planétaire du "projet" ou du "code".

- La croyance en la possibilité d'émergence d'un "homme nouveau", par dressage ou rééducation.

- La croyance aux effets "eudémoniques" de l'égalité.

Ces trois idées marquent fortement la "political correctness" actuelle. C'est contre elles qu'il faut déployer ironie, sarcasmes et moqueries.

Les recettes de cette stratégie du rire sont multiples.

Examinons-en deux:

- L'œuvre de l'Espagnol Eugenio d'Ors.

- L'œuvre du sociologue néerlandais Anton Zijderveld.

Puis replaçons leurs arguments dans un contexte philosophique contemporain plus général.

EUGENIO D'ORS (1881-1954):

dors.jpgCe philosophe catalan a été défini comme: un "Socrate nordique", un "Goethe méditerranéen", un "personnage de théâtralité baroque".

A 25 ans en 1906, il décide: «Je serai ironique». Option première qui ne sera jamais démentie.

Sa réflexion sur l'ironie part du constat suivant:

- Présence de l'ironie dans la philosophie grecque, où l'ironie est jugée négative par Aristophane et Platon, mais jugée intéressante par Socrate (qui déploie son "ignorance méthodique" et sa "maïeutique") et par Aristote pour qui l'ironie est une modestie intellectuelle (Butler, Swift).

D'où d'Ors retient de l'ironie grecque qu'elle est "une sorte d'humilité courtoise qui suscite la confiance, une façon de se comporter qui est altruiste". Retenons cette définition, mais ajoutons-y celle de Cicéron: «L'ironie est une habilité polémique». Dans ce cas, elle est une stratégie du dialogue, de la polémique politique.

Mais d'Ors va plus loin que le dialogue:

- La présence de l'interlocuteur finit par n'être plus nécessaire chez lui.

- d'Ors applique l'ironie au monologue intérieur (Céline) du penseur solitaire.

- d'Ors prend distance par rapport à son objet;

- d'Ors dépassionne les débats philosophiques et politiques;

- d'Ors dévalue ainsi tactiquement son objet (précisons: tactiquement et non pas fondamentalement);

- d'Ors aborde tout objet de façon oblique (pas d'affrontement frontal: stratégie intelligente de l'esquive qui s'avère bien utile quand on est quantitativement, numériquement inférieur).

- pour d'Ors, l'ironiste aborde l'objet du débat sans avoir l'air de s'impliquer, ni même de la connaître vraiment.

- Avec cette position détachée, il va opter pour une stratégie de hit and run; il va soulever tantôt tel aspect, tantôt tel autre, frapper, se retirer, obliger l'ennemi à se fixer sur tel front et alors il attaquera sur un autre front, pour revenir au premier comme par hasard.

- l'ironie de d'Ors ne vise pas une connaissance globale, totale, mais reste ouverte à toutes les additions et les soustractions; ainsi elle ne divise pas, mais intègre au départ du divers, de la fragmentation.

- Mieux: l'ironie de d'Ors intègre la contradiction; elle admet qu'il y a des contradictions insurmontables dans le monde.

Avec Eugenio d'Ors, l'ironie devient synonyme d'"esprit philosophique" et même de "dialectique". Elle cherche à éviter l'écueil d'une philosophie trop préceptive.

Il y a là un parallèle évident avec notre propre démarche: refuser les préceptes du "nouvel ordre mondial", issu des affirmations de Locke, réactualisées et figées hors contexte  —et anachroniquement—  par Nozick et Buchanan.

L'objectif de d'Ors est:

- d'observer la réalité, de l'accepter dans ses diversités;

- d'éviter l'écueil d'un normativisme sec (que la philosophie relativiste avait jugé dénué de sens);

- de faire de la philosophie ironique la fidèle interprète de la réalité:

- de baigner à nouveau la philosophie dans les eaux vives de la curiosité;

- de s'inscrire dans la tradition vitaliste hispanique (Cf. le "ratiovitalisme" d'Ortega y Gasset).

- d'affirmer que les contradictions sont toujours déjà là, non comme dans la vulgate hégélienne, où la contradiction est perçue comme une forme ultérieure dans le temps. Eugenio d'Ors affirme la simultanéité du réel et des contradictions, sans vectorialité ni téléologie.

Ensuite:

1. L'ironie correspond à la plasticité du monde:

- mots-clefs: activité, flexibilité, dynamisme, élasticité.

- l'ironie respecte la "malléabilité" de tout objet (jamais elle ne le pose comme a priori rigide et fermé).

- l'ironie vise l'adéquation de l'intellect à un monde de lignes "estompées": fluides, fuyantes, diffuses (cf. Hennig Eichberg, in Vouloir n°8).

2. L'ironie correspond à l'ambigüité du langage:

Cet aspect de la philosophie de d'Ors est très important dans la lutte contre toute orthoglossie (contre toute prétention à imposer un langage unique, pour une pensée unique).

Première chose à retenir:

- Toute langue est la forme nécessaire que doit revêtir le savoir humain.

- Cependant, dit d'Ors, dans tout lexique, et plus particulièrement dans tout lexique philosophique, il y a toujours un "minimum d'équivoque" ou d'"inévitables imprécisions".

Pour d'Ors comme pour nous, ce n'est pas une tare mais "une garantie de vivacité, ce qui est hautement désirable", car le langage est alors bien le reflet du dynamisme du monde et du savoir.

Tout mot, toute parole, est dans une telle optique un ÉVENTAIL de possibilités créatrices ouvertes, un mouvement, une impulsion pour la pensée, une potentialité active d'enchaînements, de sources et de MÉTAPHORES.

D'Ors s'appuie sur la définition du langage de HUMBOLDT:

«Le langage n'est pas un résultat, tout de quiétude et de repos, mais une énergie, une création continue».

L'amphibologie (double sens que revêt ou peut revêtir toute phrase) et l'inexactitude du langage font de celui-ci une RAMPE DE LANCEMENT pour l'innovation: tout vrai écrivain écrit de perpétuels NÉOLOGISMES. (L'écrivain donne des sens nouveaux aux mots, les enrichit, les complète, complète leur champ sémantique, révèle des facettes occultées, oubliées ou refoulées du vocabulaire).

Par leur ambigüité constitutive, les langues ne résistent pas à l'exactitude quantitative et à la rigueur terminologique des symboles mathématiques. Pour les tentatives de construire une philosophie more geometrico  est condamnée à l'échec (mais aussi de construire une orthoglossie où les mots seraient tous absolument UNIVOQUES).

- L'ironie consiste à reconnaître cet incontournable fait de la linguistique: l'amphibologie.

- L'ironie reconnait le caractère irrécusablement métaphorique de toute parole, reconnait la dualité ou la pluralité inhérente à toute formulation. D'Ors: «Ley más laxa, más inteligente».

Conclusion de ce point 2:

«L'équivocité polysémique, que la philosophie conventionnelle (et partant, toute orthoglossie ou toute "novlangue" à la Orwell), ont considéré comme une malédiction babelienne, devient par le travail et la grâce, la légèreté, la flexibilité et la souplesse de l'ironie d'orsienne, une chance de comprendre davantage de choses dans ce qui est dit, de ne pas réduire le contenu du discours et de la pensée à des univocités rigides. Et surtout l'ironie d'orsienne nous permet toujours de compter avec la collaboration créatrice de l'autre, de l'interlocuteur potentiel (remarquons que la bonne formule pour désigner le dialogue avec l'Autre, venu d'une autre civilisation ou d'une autre culture est: “dialogue interculturel”).

Contre toutes les orthoglossistes fanatiques, présents et à venir, d'Ors sanctifie le PÉCHÉ ORIGINEL des langages, c'est-à-dire leur plurivocité. On ne peut pas renoncer aux contradictions et aux ambigüi­tés.

3. L'ironie correspond à la nature inépuisable de la vérité:

Comme l'ironie est MODESTIE INTELLECTUELLE, elle accepte qu'il reste des secrets, des mystères, dans le ciel et sur la terre (contrairement aux déistes). Il est impossible d'interpréter de façon EXHAUSTIVE les faits du monde. Ce serait aller à l'encontre de la nature.

4. L'ironie correspond à un monde où l'on travaille et l'on joue:

Dès 1911, d'Ors dit: «je vais énoncer la philosophie de l'homme en activité, de l'homme qui travaille et qui joue» (En 1914 paraît son livre: Filosofia del hombre que trabaja y juega).

L'existence humaine, c'est certes la lutte pour la vie, mais c'est aussi la fête et la joie. Ignorer l'aspect ludique, c'est mutiler cruellement l'humanité. Car le jeu est souvent, plus que le travail, le “lieu de la créativité”.

5. L'ironie correspond à l'aspect contradictoire du réel:

6. L'ironie correspond à l'expression catalane de “SENY":

- Quand les Catalans parlent de "Seny", ils entendent un mélange de sagesse, de savoir, de maturité, de prudence, de bon sens et d'intelligence.

- Pour le Catalan Eugenio d'Ors, l'ironie est la méthode du philosophe doué de "seny".

- Eugenio d'Ors replace ainsi l'ironie dans l'éthique, refuse de faire de l'ironie une pure arme de destruction.

- L'ironie ramène les choses à leurs justes proportions, qui ne sont jamais figées mais toujours en mouvement.

- L'ironie est donc une "position de liberté" vis-à-vis des axiomes rigides.

- L'ironie, en tant que position de liberté, donne à celui qui la pratique une position souveraine, libre de toute entrave, indépendante face au monde (mundanus),  aux contingences frivoles ou éphémères.

- Le philosophe ironique est davantage libre-penseur que le philosophe dogmatique.

La SOCIOLOGIE D'ANTON ZIJDERVELD:

Anton_Zijderveld_-_2012.jpgAprès le philosophe catalan Eugenio d'Ors, abordons la sociologie du Néerlandais Anton Zijderveld (disciple d'Arnold Gehlen).

Pour lui:

- L'humour est spontanéité et authenticité;

- L'humour est une fonction sociale oblitérée et traquée par la modernité;

- L'humour est une fonction sociale qu'il convient impérativement de réhabiliter. Dans cette optique, il faut, dit-il, retrouver le sens des fêtes, du carnaval, de la Fête des Fous où se conjuguent ébats de toutes sortes, dérision ritualisée du pouvoir et des édiles.

Le point de vue de Zijderveld n'est pas destructeur ou dissolvant: il dit que l'humour ne détruit pas les institutions (au sens de Gehlen), il les maintient en les remettant en question à intervalles réguliers, il évite qu'elles ne tournent à vide ou dérivent dans l'absurbe de la répétition.

Zijderveld s'oppose à ce qu'il appelle une “gnose sociale”, ou plus spécifiquement, le “nudisme social”. Selon le “nudisme social”, l'homme moderne est porté par l'obsession consistant à dire que l'homme n'est authentique que s'il a abjuré tous les rôles qu'il a joués, joue ou pourrait jouer au sein des institutions.

Rôles et institutions sont considérés par les “nudistes sociaux” comme des vecteurs d'aliénation oblitérant le véritable "moi" (fiction).

La fête médiévale, la Fête des Fous, les esbaudissements des Goliards, les confréries carnavalesques impliquent justement le port du masque: cela signifie qu'un homme authentique, qu'il soit boucher, boulanger, architecte ou médecin, adopte une inauthenticité fictive dans un segment limité du temps, le temps du carnaval, où est restitué brièvement le chaos originel.

Pour Zijderveld, la “gnose”, le “nudisme social”, l'obsession de l'homme authentique sans rôle ni profession ni béquille institutionnelle, est un apport du christianisme.

Mais l'histoire du moyen-âge européen, de la Renaissance, nous révèle que ce christianisme n'est qu'un mince vernis.

Preuve: la persistance des Saturnales ro­maines sous la forme du FESTUM STULTORUM ou du FESTUM FATUUM, pendant lequel blasphèmes et moqueries sont pleinement autorisés: il s'agit ni plus ni moins d'une INVERSION SALUTAIRE DE LA NORMALITÉ QUOTIDIENNE, qui permet de recréer brièvement le chaos originel, pour montrer son impossibilité dans le quotidien, la nécessité des institutions et, en même temps, leur fragilité.

 

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Autre signe que le christianisme médiéval n'est que vernis: la présence permanente dans cette société médiévale des GOLIARDS et des VAGANTES, qui ne cessent de blasphémer dans leurs chansons et de véhiculer des idées anti-cléricales (Cf. Les Chants de Cambridge  de 1050 et les Carmina Burana  de 1250, mis en musique en ce siècle par Carl Orff).

A partir du Concile de Bâle en 1431, de la Condamnation des fêtes par la faculté de théologie de Paris en 1444 (Charles VII doit constater que les mesures prises n'ont aucun effet!), à partir de la Renaissance, la Fête des Fous est plus réglementée (Ordonnance du Parlement de Dijon en 1552), de même que les charivaris, dont la fonction devient la moralisation de la société (moqueries contre les adultères, les filles volages, etc.).

La Bazoche des étudiants juristes de Paris, Lyon et Bordeaux organise des théâtres caricaturants et satiriques, se mue ensuite en club littéraire (dans les Pays-Bas méridionaux, on parle de "Chambre de Rhétorique” ou "Kamers der Rederrijkers", plus audacieuses que dans les grands royaumes modernes).

Zijderveld cite deux auteurs:

- Rabelais (nous y revenons)

- Erasme (Laus Stultitiae: Eloge de la folie).

Conclusion de Zijderveld:

- Battre en brèche l'arrogance de l'Aufklärung

- Démontrer que le moyen-âge est moins "obscurantiste" qu'on ne l'a écrit

- Démonter que le moyen-âge était bien davantage anti-répressif que la modernité (Foucault), du moins dans les espaces-temps réservés à la fête.

- Montrer que l'INVERSION des règles quotidiennes doit pouvoir exister dans toute société, pour assurer une convivialité féconde.

Mais quid de l'humour dans la modernité selon Zijderveld?

- L'humour de la Fête des Fous, des Saturnales, est régulateur, naturel.

- L'humour n'y est pas simple "soupape" de sécurité.

Aujourd'hui:

- L'humour est rejeté parce qu'il serait AGRESSIF (arguments psychanalytiques). Cette agression latente doit être systématiquement "punie" (“Surveiller et punir” selon Foucault).

La réponse de Zijderveld:

- L'humour permet à tous d'entrevoir la fragilité des choses, même les plus sublimes;

- L'humour permet la communication sociale de manière optimale.

- L'humour soude la solidarité du groupe.

- L'humour permet la résistance passive contre la tyrannie ou l'occupation.

RICHARD RORTY: CONTINGENCE, IRONIE ET SOLIDARITÉ

Quelle position la philosophie actuelle laisse-t-elle à l'ironie?

Quelle est la place de l'ironie dans le contexte du "nouvel ordre mondial", après la concrétisation des projets de Nozick et Buchanan?

rorty.JPGLe corpus le plus significatif, le plus souvent évoqué à l'heure actuelle est l'œuvre de RICHARD RORTY (Contingency, Irony and Solidarity).

Rappelons quelques points essentiels de l'œuvre de Rorty:

- La philosophie ne peut évoluer si elle s'en tient à des critères délibérément soustraits au temps.

- Une démarche philosophique doit toujours être replacée dans son contexte historique.

- Il faut parier pour une philosophie plus formatrice (bildende) que préceptive.

- Il faut refuser la réduction de tous les discours à un seul discours universel.

- Il faut proclamer la légitimité des discours "contingents" à deux niveaux: au niveau individuel (autopoiésis; Selbsterschaffung)  et au niveau communautaire (consolider la solidarité).

La place du philosophe ironique (comme d'Ors) se justifie par:

- la réponse au double défi qu'il apporte, double défi de l'autopoiésis et de la solidarité.

- son savoir modeste qui veut que ses convictions, ses espoirs et ses besoins sont toujours CONTINGENTS.

- son souci d'éviter d'ériger un MÉTA-DISCOURS.

- sa volonté de comprendre et de faire comprendre que la raison pure de Kant et son avatar actuel “la raison communicationnelle” de Habermas sont devenus obsolètes, dans le sens où elles sont universalistes, métadiscours, se méfient de la contingence et de l'histoire.

- Nous n'avons plus besoin de "méta-discours" mais d'un RECOURS à la multiplicité des faits contingents.

- La solidarité ne dérive plus de l'adhésion à un méta-discours partagé par tous obligatoirement, mais par respect "nominaliste" et "historique" des multiples contingences qui font le monde.

- Rorty réhabilite la PHRONESIS grecque, soit la sagesse et l'intelligence pratiques.

- Rorty rejette les philosophie, les théories qui se posent comme purement spectatrices (sa différence d'avec d'Ors) et refusent l'IMMERSION dans la contingence concrète d'un contecxte historique qui réclame implicitement la solidarité.

- Rorty réclame l'abolition des représentations figées.

- Rorty n'est pas relativiste, puisqu'il ne nie pas les valeurs propres à une contingence particulière.

- Rorty développe un ethno-centrisme axiologique ET pragmatique qui n'est nullement missionnaire. Il ne cherche pas à imposer ailleurs dans le monde les valeurs (ou les non-valeurs) de la “culture nord-atlantique".

Conclusion:

Rorty se base sur NIETZSCHE, FREUD, WITTGENSTEIN et HEIDEGGER (dont il ne reprend pas la définition de l'“Etre”), pour affirmer que les sociétés sont des contingences, pour rejeter le filon philosophique platonicien, pour dire que le philosophe doit se pencher sur la littérature, dont ORWELL et NABOKOV, parce que tous deux nous montrent l'effet de la CRUAUTÉ des métadiscours en acte à l'égard des contingences réelles de la vie et du monde.

Réel, vous avez dit "réel"?

Ce qui nous amène à Rabelais, Nietzsche, Foucault et Bataille.

RABELAIS:

rab.jpgRabelais (1494-1553), pourquoi Rabelais?

Au XXième siècle son exégète le plus intéressant est le Russe Mikhaïl BAKHTINE (1895-1975), linguiste et philosophe, historien des mentalités comme Michel Vovelle en France, Nathalie Davis dans l'espace linguistique anglo-saxon et Carlo Ginzburg en Italie.

La langue pour Bakhtine comme pour Foucault est:

- l'atelier où se forgent les instruments et les stratégies du pouvoir;

- mais elle est AUSSI le socle sur lequel se constitue une nouvelle communauté.

La langue de Rabelais, dans ses dimensions grotesques, ramène au CORPS, à ses limites et à ses capacités.

Les sources de l'écriture rabelaisienne sont les RÉCITS POPULAIRES, les CONTES et les LÉGENDES, dont les thèmes sont l'existence de sympathiques canailles, de simplets, de fous.

L'intérêt de cette écriture, c'est qu'elle hisse au niveau de la littérature universelle la dimension PARODIQUE des récits populaires.

Rabelais a vécu la rue, les marchés, les auberges et les tavernes de son temps, mais, simultanément, il a occupé de hautes fonctions.

Il fait ainsi charnière entre la culture populaire (encore largement païenne) et la culture des élites (christianisée).

Rabelais perçoit la différence entre:

- la langue des marchés, HÉTÉROGÈNE et NON FIGÉE et la langue des institutions, HOMOGÈNE et FIGÉE. Il perçoit très bien, avant la normalisation moderne, qu'il y a à la base, dans le peuple, pluralité et polysémie, tandis qu'au sommet il n'y a plus qu'univocité.

Bakhtine parlera de "réalisme grotesque" et pourra développer une critique subtile des rigidités soviétiques sans encourir les foudres du régime.

rabelais.jpgBakhtine en mettant en parallèle son réalisme grotesque et le réalisme socialiste officiel, revalorisera “LE PEUPLE RIANT SUR LA PLACE DU MARCHÉ”.

A partir de la Renaissance, l'église, la cour, l'Etat absolutiste, puis l'Etat sans monarque mais porté par l'Aufklärung, vont tenté de réduire au silence ce rire populaire, véhicule d'une formidable polysémie.

Pour Bakhtine, il s'agit d'une COLONISATION DE LA SPHÈRE VITALE (à mettre en parallèle avec les thèses analogues d'Elias, de Huizinga et de Simmel).

A la verticalité imposée d'en haut, il oppose la convivialité horizontale de la place publique.

Cette revalorisation de la convivialité et de l'humour corsé du peuple lui vaudra la critique négative de Tzvetan Todorov (auteur de Nous et les autres). Todorov accuse Bakhtine de “prendre parti pour le peuple sans esprit critique”.

Simone Périer (professeur à Paris VII) rend hommage, elle, à Bakhtine pour:

- sa biographie difficile (handicap, refus de lui accorder un doctorat)

- pour son hymne à la joie, sa profession de foi dans l'énergie collective («La sensation vivante qu'a chaque être humain de faire partie du peuple immortel, créateur de l'histoire»).

Que veut Bakhtine?

1. Transcender l'individuel: Bakhtine refuse de réduire l'humain à l'être biologique isolé ou à l'individu bourgeois égoïste.

2. Restaurer le carnaval (rabelaisien) en tant qu'antidote à l'“individuation malfaisante”.

3. Restaurer le PARLER HARDI, expression de la conscience nouvelle, libre, critique et historique.

4. Restaurer “la PROXIMITÉ rude et directe des choses désunies par le mensonge et le pharisaïsme”.

Il y a donc chez Rabelais une affirmation sans faille de la CORPORÉITÉ (de la LEIBLICHKEIT).

FOUCAULT:

Michel-Foucault.jpgNietzsche voit dans le corps le site d'une complexité née de multiples et diverses intersubjectivités et interactions, le lieu de passage de l'expérience, toujours diverse, chaque fois unique.

Foucault va systématiser ce filon corporel qui part du paganisme, de Rabelais et de Nietzsche.

Pour Foucault:

- l'homme est figure de sable, passagère et contingente, créée par des savoirs et des pratiques, tissés de hasard.

- si l'homme est CORPS, ce corps en tant que surface est lieu, site, évoluant dans un lieu spatial concret. C'est là que l'homme se situe et non dans un monde d'idées: par conséquent, toute lutte réelle est LOCALE.

- ce lieu doit être connu, sans cesse exploré, par enquête et historia  (= enquête en grec). L'enquête sur le lieu de notre vécu doit équivaloir à l'enquête lors d'un procès en droit. S'il y a enquête, il n'y a pas d'arbitraire, il y a liberté (et démocratie).

- mais le quadrillage de la modernité surplombe les enquêtes, distrait les hommes concrets de l'attention minutieuse qu'ils doivent apporter à leur lieu, à leur contingence.

- le quadrillage déclare apporter la démocratie et la transparence, mais pour s'imposer, il doit contrôler, CORRIGER, discipliner les corps (la "political correctness” est l'aboutissement de cette frénésie).

- dans un tel univers, le droit donne formellement l'égalité et la liberté, mais dans la concrétude quotidienne s'instaurent les micro-pouvoirs disciplinants, essentiellement inégalitaires et dyssimétriques.

- face à ces micro-pouvoirs, il n'est pas possible d'opérer un renversement global (le "tout ou rien" de la révolution fasciste ou communiste): on ne peut opposer que des résistances à un pouvoir "capillaire", des résistances multiformes, sans totalisation, une série de CONTRE-FEUX.

- l'objectif de la modernité: le PANOPTISME de l'architecture carcérale. Les grands mythes des Lumières recèlent le danger d'un espace transparent sans échappatoire (cf. 1984 + toute la veine contre-utopique de la littérature anglaise).

- pour Foucault, la VISIBILITÉ voulue par la modernité panoptique est un PIÈGE (les déistes déjà voulaient éliminer les "mystères"). «NOTRE SOCIÉTÉ N'EST PAS CELLE DU SPECTACLE MAIS DE LA SURVEILLANCE».

- le droit et la justice modernes sont les instruments de cette surveillance ubiquitaire: d'où la nécessité, pour Foucault, de rejeter radicalement le droit et de se montrer extrêmement sceptique à l'égard de la notion moderne de justice. Foucault développe un ANTIJURIDISME radical.

Mais la contestation du droit est restée dans l'orbe du droit; ses efforts se sont annulés. Il aurait fallu animer un PÔLE DE RÉTIVITÉ (exemple: les chahuts du 1 mai 96 organisés par les socialistes belges contre leurs dirigeants, les manifestations devant les palais de justice en Belgique en octobre 96, la suite, les "marches blanches" ayant été trop polies).

Foucault a plutôt parié pour les VIOLENCES MASSIVES, ce qu'on lui reproche aujourd'hui, de même que sa volonté de mettre la Vie au-dessus du droit (cf. Renaut, Ferry et même son biographe Jean-Claude Monod).

Conclusion:

La sextuple lecture de Swift, d'Ors, Rorty, Zijderveld, Bakhtine et Foucault doit nous conduire tout d'abord à

- ORGANISER CE PÔLE DE RÉTIVITÉ réclamé par Foucault.

Puis:

- de rejeter tout utopisme construit more geometrico.

- de tenir compte de l'extrême fragilité du matériel humain;

- de se maintenir dans la contingence, seul lieu possible de notre action;

- de chercher à restaurer la fête, comme espace virtuel d'inversion des valeurs;

- d'organiser une résistance ludique, difficilement dénonçable comme "totalitaire";

- de dénoncer la modernité et ses institutions politiques et judiciaires, de même que tous ses micro-pouvoirs comme une volonté obsessionnelle de SURVEILLER et PUNIR.

- de dire que l'orthoglossie obligatoire, la pensée unique et la "political correctness" sont des aboutissements de cette obsession de surveiller et de punir. Elles doivent être considérées puis traitées comme telles.

En conséquence, sur le plan philosophique qui doit précéder toute démarche pratique, nous devons allumer les CONTRE-FEUX du GRAND REFUS, impulser les synergies du PÔLE DE RÉTIVITÉ voulu par Foucault.

Bibliographie:

A. Généralités:

- ERASME, Eloge de la folie, Garnier-Flammarion, 1964.

- Julio CARO BAROJA, Le carnaval, Gallimard, Paris, 1979.

- Jacques HEERS, Fêtes des fous et carnavals, Fayard, Paris, 1983.

B. Sur Swift:

- Michael FOOT, «Introduction» to Jonathan Swift's Gulliver's Travels, Penguin, Harmondsworth, 1967.

- Emile LEGOUIS, Louis CAZAMIAN, Raymond LAS VERGNAS, A History of English Literature, J.M. Dent & Sons Ltd, London, 1971.

- Ernest TUVESON, Swift. A Collection of Critical Essays, Spectrum/Prentice-Hall, Inc., Englewood Cliffs, N.J., 1964.

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- Robert MERLE, «L'amère et profonde sagesse de Swift», in Europe, 45ième année, n°463, novembre 1967.

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- Caspar von SCHRENCK-NOTZING, «Jonathan Swift», in: Lexikon des Konservativismus, Stocker Verlag, Graz, 1996.

C. Sur Eugenio d'Ors:

- Alfons LOPEZ QUINTAS, El pensamiento filosofico de Ortega y d'Ors. Una clave de interpretación, Ediciones Guadarrama, Madrid, 1972.

- Gonzalo FERNANDEZ DE LA MORA, Filósofos españoles del siglo XX, Planeta, Madrid, 1987.

D. Sur Foucault:

- Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, Paris, 1975.

- Michel FOUCAULT, L'ordre du discours, Gallimard, Paris, 1971.

- Michel FOUCAULT, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Gallimard, Paris, 1966. 

- Michel FOUCAULT, «Omnes et singulatim. vers une critique de la raison politique», in: Le Débat, n°41, sept.-nov. 1986.

- Luc FERRY & Alain RENAUT, La pensée 68. Essai sur l'anti-humanisme contemporain, Gallimard, Paris, 1985.

- Luc FERRY & Alain RENAUT, 68-86. Itinéraires de l'individu, Gallimard, Paris, 1987.

- Gilles DELEUZE, Foucault, Editions de Minuit, Paris, 1986.

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- Jürgen HABERMAS, «Les sciences humaines démasquées par la critique de la raison: Foucault», In: Le Débat, n°41, op. cit.

- Jürgen HABERMAS, «Une flèche dans le cœur du temps présent», in Critique, Tome XLII, n°471-472, op. cit.

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- Richard SAAGE (Hrsg.), Hat die politische Utopie eine Zukunft?, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1992.

- Ernst NOLTE, «Was ist oder was war die “politische” Utopie?», in R. SAAGE, op. cit.

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- Iring FETSCHER, «Was ist eine Utopie? Oder: Zur Verwechslung utopischer Ideale mit geschichtsphilosophischen Legitimationsideologien», in: R. SAAGE, op. cit.

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- Simone PERRIER, «Démesure pour démesure: le Rabelais de Bakhtine», in: Le magazine littéraire, n°319, op. cit.

H. Ouvrages d'Anton Zijderveld:

- Anton C. ZIJDERVELD, The Abstract Society. A Cultural Analysis of Our Time, Penguin/Pelican, Harmondsworth,1974.

- Anton C. ZIJDERVELD, Humor und Gesellschaft. Eine Soziologie des Humors und des Lachens, Styria, Graz, 1971.