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mardi, 07 avril 2020

Les États-Unis et la Chine sont-ils piégés dans une guerre hybride ?

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Les États-Unis et la Chine sont-ils piégés dans une guerre hybride ?

par Pepe Escobar

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Les retombées de la pandémie du Covid-19 mettent les États-Unis et la Chine sur des trajectoires de collision

Parmi les innombrables effets géopolitiques bouleversants du coronavirus, l’un d’eux est déjà évident. La Chine s’est repositionnée. Pour la première fois depuis le début des réformes de Deng Xiaoping en 1978, Pékin considère ouvertement les États-Unis comme une menace, comme l’a déclaré il y a un mois le ministre des Affaires étrangères Wang Yi lors de la Conférence de Munich sur la sécurité pendant le pic de la lutte contre le coronavirus.

Pékin façonne avec soin, et progressivement, le récit selon lequel, dès le début de l’attaque du coronavirus, les dirigeants savaient que c’était une attaque de guerre hybride. La terminologie de Xi est un indice majeur. Il a dit, pour le compte rendu, que c’était la guerre. Et, en contre-attaque, une «guerre populaire» devait être lancée.

De plus, il a décrit le virus comme un démon ou un diable. Xi est confucianiste. Contrairement à certains autres penseurs chinois anciens, Confucius répugnait à discuter des forces surnaturelles et du jugement dans l’au-delà. Cependant, dans un contexte culturel chinois, diable signifie «diables blancs» ou «diables étrangers» : guailo en mandarin, gweilo en cantonais. C’était Xi délivrant une puissante déclaration codée. 
 
Note d'un lecteur du Saker Francophone : Pepe Escobar commet ici une erreur sémantique majeure lorsqu'il extrapole l'utilisation faite par Xi Jinping du mot "devil" pour définir le coronavirus, et nommer, à couvert, d'hypothétiques responsables américains (hypothèse par ailleurs tout à fait plausible). Le terme péjoratif pour nommer un "étranger" en cantonais est effectivement "gweilo" ("diable d'étranger"), mais en aucun cas "guailo" (qui devrait en plus s'écrire "lao"), terme qui n'existe pas en mandarin. Le terme employé dans toute la Chine hors de la province du Guangdong, où se trouvent Canton et Hong kong, est "laowai", mot au contraire respectueux qui veut dire "l'étranger" (venu de l'extérieur). Xi Jinping ne parle pas le cantonais, la langue officielle de la Chine est le mandarin, et aucun président de la république de Chine, fut-il cantonais, ne se hasarderait à prononcer un discours officiel dans un dialecte régional. Laurent Schiaparelli

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La délégation américaine aux Jeux militaires de Wuhan, 2019

Lorsque Zhao Lijian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a exprimé dans un tweet incandescent la possibilité que «ce pourrait être l’armée américaine qui a apporté l’épidémie à Wuhan» – la première diatribe à ce sujet provenant d’un haut fonctionnaire -, Pékin envoyait ainsi un ballon d’essai signalant que les gants étaient enfin retirés. Zhao Lijian a établi un lien direct avec les Jeux militaires de Wuhan en octobre 2019, qui comprenaient une délégation de 300 athlètes militaires américains.

Il a directement cité le directeur américain des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies – Centers for Disease Control and Prevention ou CDC –, Robert Redfield, qui, interrogé la semaine dernière sur la découverte à titre posthume de décès par coronavirus aux États-Unis, a répondu que «certains cas ont été diagnostiqués de cette manière aux États-Unis aujourd’hui».

La conclusion explosive de Zhao est que le Covid-19 était déjà actif aux États-Unis avant d’être identifié à Wuhan – en raison de l’incapacité désormais pleinement documentée des États-Unis de tester et de vérifier les différences par rapport à la grippe.

Ajoutant tout cela au fait que les variantes du génome des coronavirus en Iran et en Italie ont été séquencées et qu’il a été révélé qu’elles n’appartiennent pas à la variété qui a infecté Wuhan, les médias chinois posent maintenant ouvertement des questions en établissant un lien entre la fermeture en août de l’année dernière du laboratoire d’armes biologiques «dangereux» à Fort Detrick, les Jeux militaires, et l’épidémie de Wuhan. Certaines de ces questions ont été posées – sans réponse – aux États-Unis eux-mêmes.

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Des questions supplémentaires persistent sur l’opacité de Event 201 à New York le 18 octobre 2019 : une simulation de pandémie mondiale causée par un virus mortel – qui se trouvait être un coronavirus. Cette merveilleuse coïncidence s’est produite un mois avant le déclenchement de l’épidémie à Wuhan.

Event 201 a été parrainé par la Fondation Bill & Melinda Gates, le Forum économique mondial (WEF), la CIA, Bloomberg, la Fondation John Hopkins et l’ONU. Les Jeux militaires mondiaux se sont ouverts à Wuhan exactement le même jour.

Quelle que soit son origine, qui n’est pas encore établie de manière concluante, alors que Trump tweete sur le «virus chinois», Covid-19 pose déjà des questions extrêmement sérieuses sur la biopolitique – où est Michel Foucault quand on a besoin de lui ? Et la bio-terreur.

L’hypothèse de travail du coronavirus en tant que bio-arme très puissante, mais ne provoquant pas l’Armageddon, le désigne comme le véhicule parfait pour un contrôle social généralisé – à l’échelle mondiale.

Cuba devient une puissance biotechnologique

Tout comme un Xi, entièrement masqué, visitant la ligne de front de Wuhan la semaine dernière a été une démonstration médiatique à toute la planète que la Chine, avec d’immenses sacrifices, gagne la «guerre du peuple» contre le Covid-19, la Russie, dans un mouvement vis-à-vis de Riyad qui serait certainement apprécié par Sun Tzu, a provoqué une chute radicale du prix du baril de pétrole, aidant, à toutes fins utiles, à relancer l’inévitable reprise de l’économie chinoise. Voilà comment fonctionne un partenariat stratégique.

La disposition de l’échiquier change à une vitesse vertigineuse. Une fois que Pékin a identifié le coronavirus comme une attaque par arme biologique, la «guerre du peuple» a été lancée avec toute la puissance de l’État. Méthodiquement. Sur la base de «quoi qu’il en coûte». Nous entrons maintenant dans une nouvelle étape, qui sera utilisée par Pékin pour réviser considérablement son interaction avec l’Occident, et dans des cadres très différents en ce qui concerne les États-Unis et l’UE.

La puissance douce est primordiale. Pékin a envoyé un vol d’Air China en Italie, transportant 2 300 grands cartons remplis de masques portant l’inscription «Nous sommes des vagues de la même mer, des feuilles du même arbre, des fleurs du même jardin». La Chine a également envoyé un lourd colis humanitaire à l’Iran, à bord de huit vols assurés par Mahan Air – une compagnie aérienne soumise à des sanctions illégales et unilatérales de l’administration Trump.

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Le président serbe Aleksandar Vucic n’aurait pas pu être plus explicite : «Le seul pays qui peut nous aider est la Chine. À ce jour, vous avez tous compris que la solidarité européenne n’existe pas. C’était un conte de fées sur le papier. »

Soumis à des sanctions sévères et diabolisé depuis toujours, Cuba est encore en mesure de réaliser des percées – même en biotechnologie. L’anti-viral Heberon – ou Interféron Alpha 2b – un thérapeutique, pas un vaccin, a été utilisé avec grand succès dans le traitement du coronavirus. Une coentreprise en Chine produit une version à inhaler, et au moins 15 pays sont déjà intéressés à importer le produit thérapeutique.

Comparez maintenant tout cela avec l’administration Trump offrant 1 milliard de dollars pour braconner des scientifiques allemands travaillant dans la société de biotechnologie Curevac, basée en Thuringe, sur un vaccin expérimental contre le Covid-19, pour l’utiliser comme vaccin « uniquement pour les États-Unis ».

Psy-op d’ingénierie sociale ?

Sandro Mezzadra, co-auteur avec Brett Neilson du livre fondateur The Politics of Operations : Excavating Contemporary Capitalism, essaie déjà de conceptualiser notre attitude actuelle en termes de lutte contre Covid-19.

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Nous sommes confrontés à un choix entre un volet malthusien – inspiré du darwinisme social – «dirigé par l’axe Johnson-Trump-Bolsonaro» [et Macron ? oublié ? NdT] d’une part, et de l’autre, un volet proposant la «requalification de la santé publique en tant qu’outil fondamental» incarné par la Chine, la Corée du Sud et l’Italie. Il y a des leçons majeures à tirer de la Corée du Sud, de Taïwan et de Singapour.

L’alternative forte, note Mezzadra, se situe entre une «sélection naturelle de la population», avec des milliers de morts, et «la défense de la société» en employant «des degrés variables d’autoritarisme et de contrôle social». Il est facile d’imaginer qui bénéficiera de cette reconstruction sociale, un remix, au XXIe siècle, du Masque de la Mort Rouge de Poe.

Au milieu de tant de pessimisme, comptez sur l’Italie pour nous offrir des nuances de lumière de style Tiepolo. L’Italie a choisi l’option Wuhan, avec des conséquences extrêmement graves pour son économie déjà fragile. Les Italiens en quarantaine ont remarquablement réagi en chantant sur leurs balcons : un véritable acte de révolte métaphysique.

Même les milliers de milliards de dollars, tombant du ciel par un acte de miséricorde divine de la Fed, n’ont pu guérir du Covid-19. Les «dirigeants» du G-7 ont dû recourir à une vidéoconférence pour réaliser à quel point ils étaient ignorants – alors même que la lutte de la Chine contre le coronavirus donnait à l’Occident une longueur d’avance de plusieurs semaines [pour se préparer].

Le Dr Zhang Wenhong, basé à Shanghai, l’un des meilleurs experts chinois en matière de maladies infectieuses, dont les analyses ont été pertinentes jusqu’à présent, affirme maintenant que la Chine est sortie des jours les plus sombres de la «guerre populaire» contre le Covid-19. Mais il ne pense pas que ce sera fini d’ici l’été. Maintenant extrapolez au monde occidental ce qu’il dit pour la Chine.

Ce n’est même pas encore le printemps, et nous savons déjà qu’il faut un virus pour briser sans pitié la Déesse du Marché. Vendredi dernier, Goldman Sachs a déclaré à pas moins de 1.500 sociétés qu’il n’y avait pas de risque systémique. C’était faux.

Des sources bancaires new-yorkaises m’ont dit la vérité : le risque systémique est devenu beaucoup plus grave en 2020 qu’en 1979, 1987 ou 2008 en raison du danger extrêmement accru de l’effondrement du marché des dérivés de 1,5 quadrillion de dollars (1,5×10^24).

Comme le disent les sources, l’histoire n’avait jamais rien vu de tel que l’intervention de la Fed via son élimination, peu comprise, des réserves obligatoires des banques commerciales, déclenchant une expansion potentiellement illimitée du crédit pour éviter une implosion du marché des produits financiers dérivés résultant d’un effondrement total des matières premières et des marchés boursiers à travers le monde.

Ces banquiers pensaient que cela fonctionnerait, mais comme nous le savons maintenant, tout ce bruit et cette fureur ne signifiaient rien. Le fantôme d’une implosion des produits dérivés – en l’occurrence non causée par la possibilité précédente de la fermeture du détroit d’Ormuz – demeure.

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Nous commençons à peine à comprendre les conséquences du Covid-19 pour l’avenir du turbo-capitalisme néolibéral. Ce qui est certain, c’est que toute l’économie mondiale a été arrêtée par un disjoncteur insidieux, littéralement invisible. Ce n’est peut-être qu’une «coïncidence». Ou cela peut faire partie, comme certains le soutiennent hardiment, d’une possible psy-op massive créant l’environnement géopolitique et l’ingénierie sociale parfaite pour une domination tous azimuts.

De plus, avec un travail harassant le long du chemin, et d’immenses sacrifices humains et économiques, avec ou sans redémarrage du système mondial, une question plus urgente demeure : les élites impériales globalisées choisiront-elles toujours de continuer leur guerre hybride totale contre la Chine pour la domination tous azimuts ?

Pepe Escobar

Traduit par jj, relu par Marcel pour le Saker Francophone

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