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mardi, 05 juillet 2022

L'OTAN et la déstabilisation du monde

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L'OTAN et la déstabilisation du monde

par Daniele Perra

Source : Daniele Perra & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-nato-e-la-destabilizzazione-mondiale

J'ai jeté un rapide coup d'œil au "nouveau concept stratégique" de l'OTAN issu de la récente réunion de Madrid. On y lit : "La Fédération de Russie a violé les normes et les principes qui ont contribué à un ordre de sécurité européen stable et prévisible [...] Nos concurrents testent notre résilience (un terme très cher aux élites atlantistes) et cherchent à exploiter l'ouverture, l'interconnexion et la numérisation de nos nations. Ils s'ingèrent dans nos processus démocratiques et institutionnels [...] mènent des activités malveillantes dans le cyberespace et l'espace, promeuvent des campagnes de désinformation, instrumentalisent les migrations, manipulent les approvisionnements énergétiques et emploient la coercition économique. Ces acteurs sont également à l'avant-garde d'un effort délibéré pour saper les normes et les institutions multilatérales et promouvoir des modèles autoritaires de gouvernance".

Procédons dans l'ordre. Selon l'OTAN, la Russie a violé les normes et les principes qui contribuent à un ordre de sécurité européen. À cet égard, en 2007, Vladimir Poutine a déclaré : "Je pense qu'il est clair que l'expansion de l'OTAN n'a aucun rapport avec la modernisation de l'alliance elle-même ou avec les garanties de sécurité en Europe. Au contraire, elle représente une provocation sérieuse qui réduit le niveau de confiance mutuelle. Et nous sommes en droit de demander : contre qui cette expansion est-elle dirigée ? Et qu'est-il advenu des assurances données par nos partenaires occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie ? Où en sont ces déclarations aujourd'hui ? Personne ne se souvient même d'elles. Mais je permets de rappeler à ce public ce qui a été dit. Je voudrais citer le discours du Secrétaire général de l'OTAN, M. Wörner, prononcé à Bruxelles le 17 mai 1990. Il a déclaré à l'époque : "Le fait que nous soyons prêts à ne pas déployer une armée de l'OTAN en dehors du territoire allemand offre à l'Union soviétique une garantie de sécurité stable. Où sont ces garanties?".

En fait, nous sommes une fois de plus confrontés à deux modèles géopolitiques totalement opposés : l'un (celui que nous pourrions appeler "oriental") qui recherche des espaces de sécurité vitaux ; l'autre (celui qui est "occidental") qui les nie complètement. Le seul but de l'élargissement de l'OTAN relève justement de cette négation. Sans compter que cet élargissement, comme l'avait anticipé à l'époque Brzezinski (qui en était aussi l'architecte), n'est pas sans poser quelques problèmes de cohésion et d'efficacité s'il n'est pas accompagné de la réforme de l'article 5 et de la suppression du droit de veto des Etats membres (souvent peu respectueux des obligations de l'alliance). Brzezinski lui-même, paradoxalement, était convaincu que la dissuasion militaire devait s'accompagner de la poursuite du dialogue. Dans un discours au Wilson Center en 2014, par exemple, il a affirmé qu'il était nécessaire de coucher sur le papier le fait que l'Ukraine n'aurait jamais dû rejoindre l'OTAN afin d'éviter un conflit qui, malgré les efforts occidentaux pour armer Kiev de systèmes défensifs et pour miner l'économie de Moscou, aurait pu accorder à la Russie des avantages territoriaux évidents.

Continuons. Le document de l'OTAN stipule que les ennemis s'ingèrent dans les processus institutionnels et démocratiques des États membres. Venant d'une organisation qui fonde son existence sur la souveraineté limitée de ses membres, à l'exception d'un seul, cela semble plutôt relever de la farce (il suffit de penser à l'ingérence constante de l'Amérique du Nord dans les processus politiques italiens, peut-être même à la "stratégie de la tension", etc.)

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Par pitié, j'oublie le "ils encouragent la désinformation" étant donné la propagande tambour battant à laquelle nous sommes constamment soumis sur n'importe quel sujet.

Passons directement au passage où il est dit que les ennemis de l'OTAN "instrumentalisent la migration". Pour être juste, le champion dans ce domaine est la Turquie (membre de l'OTAN et, en nombre, deuxième armée de l'alliance) tout juste sortie d'un accord par lequel la Finlande et la Suède ont littéralement baissé leur pantalon pour rejoindre une alliance qui leur garantira la sécurité d'avoir des missiles russes à leurs frontières.

Les ennemis de l'OTAN utilisent la coercition économique. Cela frise le ridicule. Cuba est sous embargo depuis 60 ans ; l'Iran est soumis à des régimes de sanctions plus ou moins intenses depuis plus de 40 ans ; l'acte de César contre la Syrie fait plus de victimes que la guerre ; l'argent de la banque centrale afghane, transféré par des gouvernements fantoches pro-occidentaux aux États-Unis, a été gelé, empêchant le pays de l'utiliser pour soulager la crise alimentaire ou pour intervenir dans les zones récemment dévastées par le tremblement de terre.

En outre, l'OTAN a pour la première fois déclaré que la Chine représentait un "défi pour la sécurité" en raison de sa coopération stratégique avec Moscou et de son développement technologique.

La réponse chinoise ne s'est pas fait attendre. En effet, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a déclaré que l'OTAN "doit changer sa mentalité de guerre froide consistant à créer des ennemis imaginaires et à se faire des ennemis". L'OTAN a déjà bouleversé l'Europe. Il ne doit pas essayer de déstabiliser l'Asie et le monde".

Le post-capitalisme arrive

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Le post-capitalisme arrive

L'économie du futur devrait avoir trois objectifs principaux

Par Aleksandr Galuška

Source: https://nritalia.org/2022/07/01/il-post-capitalismo-sta-arrivando/

Il me semble que cette façon de parler de l'avenir sur des décennies devrait être permanente. Car c'est de cette manière que nous abordons cet avenir et que nous déterminons ce qu'il sera. Parce qu'il n'y a pas de prédestination dans l'histoire, tout dans l'avenir dépend de nous: comment nous le voyons, comment nous le formulons et comment nous le mettons en œuvre.

Si nous parlons d'économie, alors c'est de l'avenir du post-capitalisme qu'il s'agit. Et le "post-capitalisme" est un mot clé autour duquel, me semble-t-il, il serait utile de développer un débat public, spécialisé, institutionnel.

Il y a trois signes, trois symptômes, à mon avis, qui indiquent que le post-capitalisme est déjà en marche, que les tendances fortes que nous observons ne sont plus le capitalisme mais ce qui vient après.

Tout d'abord, il s'agit des taux négatifs sur le capital qui existent depuis plusieurs décennies. Comment peut-il y avoir des taux négatifs sur le capital dans le capitalisme, sinon de quel type de capitalisme s'agit-il ? En outre, en termes réels, les taux sont négatifs dans presque tous les pays occidentaux, principalement aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans la zone euro, mais dans certains pays, ils sont même nominalement négatifs et l'écart entre le taux d'inflation et le niveau des taux a augmenté jusqu'à plusieurs fois. Ce n'est clairement plus du capitalisme ! C'est le symptôme d'une autre forme (économico-politique), d'une autre économie.

Deuxièmement, c'est le concept de revenu garanti. Il ne peut y avoir de revenu du travail dans le capitalisme sinon c'est autre chose. Mais après tout, ce concept n'est pas seulement discuté sérieusement, on essaie de le mettre en pratique, de nombreux pays mènent déjà des expériences dans ce sens. Sous différentes formes : quelque part, on distribue de l'argent, quelque part, on distribue des certificats de biens et de produits qui permettent d'obtenir gratuitement certains avantages réels. C'est un symptôme de quoi ? C'est un symptôme clair du post-capitalisme.

Et le troisième symptôme, à mon avis, allant même au-delà du post-capitalisme, un symptôme du post-capitalisme, c'est que le monopole de l'État sur la question de la monnaie est confronté depuis longtemps à des défis très sérieux sous la forme des crypto-monnaies qui sont apparues, qui dans un certain nombre de pays sont tellement reconnues qu'on paie même des impôts dessus.

Tous ces symptômes sont des preuves très claires que le post-capitalisme s'installe aujourd'hui, si ce n'est déjà une réalité. Et nous devons formuler cela nous-mêmes, parce que pendant trente ans, nous avons été dans l'économie capitaliste, comme nous avions l'habitude de dire, "aux conditions des secondes", et il est important que cette erreur historique ne se répète pas dans l'économie post-capitaliste. Nous n'avons pas le droit de marcher sur le même râteau historique et de rester "aux conditions des seconds".

Par conséquent, nous devons formuler nous-mêmes notre avenir. Ce faisant, nous devrions nous pencher sur les problèmes historiques non résolus du capitalisme. Tout d'abord, c'est un problème d'inégalité sociale et de propriété. Depuis 250 ans, comme le montre l'analyse, le taux d'accumulation du capital a dépassé le taux de croissance économique. Et l'inégalité sociale et de propriété est un problème que le capitalisme a été incapable de résoudre tout au long de son existence.

À ce problème s'ajoute celui de l'inégalité économique mondiale, lorsque le niveau de développement et de richesse des pays qui constituent le noyau du système capitaliste mondial est beaucoup plus élevé que celui des pays qui font partie de la périphérie ou de la semi-périphérie de ce système. Un indicateur très frappant de ce phénomène est le fait que les pays de la périphérie sont constamment, régulièrement, des exportateurs nets de capitaux. Les pays en développement sont des exportateurs de capitaux vers les pays développés.

Troisièmement, il existe un écart évident entre la taille de l'économie réelle, physique, et le montant de la masse monétaire. Le volume de la dette mondiale représente 3,5 fois le volume de l'économie mondiale. Il s'agit de problèmes accumulés et non résolus. Et, en formulant l'économie du futur, l'économie du post-capitalisme, nous sommes, à mon avis, obligés de donner des réponses à ces questions, d'offrir des solutions à ces problèmes et de ne pas les reproduire à l'avenir.

J'ajouterais à cela un autre problème : le problème de la démographie dans les pays économiquement développés, car les groupes ethniques qui détiennent l'État dans tous les pays développés au cours du dernier demi-siècle ont perdu leur capacité à se reproduire et, par conséquent, ont perdu leur perspective historique. En ce sens, la Russie est particulièrement importante pour nous. Par conséquent, lorsque l'on parle des trente prochaines années, il faut tirer un trait sur les trente dernières années et, en fin de compte, reconnaître que l'économie n'est pas "privatisation, libéralisation, inflation", elle ne tourne pas autour de ce triangle, ce n'est pas autour de ces questions secondaires et instrumentales qu'il faut la construire.

L'économie du futur devrait avoir trois objectifs principaux. Tout d'abord, elle devrait rendre les gens plus heureux. Cet objectif ne peut être atteint par les seules méthodes économiques, mais l'économie a une très forte influence sur ce point. Le second n'est pas la croissance du PIB. Se concentrer sur la croissance du PIB est une forme bien ancrée de tromperie économique. La croissance du bien-être réel des gens, la croissance de la qualité de vie réelle des gens : voilà ce que devrait être l'économie de l'avenir. Et quelque part dans le deuxième, voire le troisième niveau de priorité, il pourrait y avoir une croissance du PIB. Et le troisième objectif est de créer et de fournir les conditions d'une reproduction élargie des citoyens russes, y compris le peuple russe qui forme l'État.

Si l'économie du futur n'atteint pas ces objectifs, ne parle pas de la manière dont nous les atteindrons, n'accorde pas toutes les actions à cela, alors on ne voit pas bien pourquoi elle existe. Et à mon avis, sur la base des leçons du passé, il y a cinq facteurs, cinq composantes, cinq caractéristiques principales de l'économie du futur.

Premièrement, dans son cadre, il n'y a pas d'opposition entre "planification ou marché". Il s'agit d'une économie dans laquelle la planification étatique de haute qualité et l'initiative entrepreneuriale sont dans une relation convergente, se complètent l'une l'autre, et ce sont deux sources puissantes de croissance et de développement qui œuvrent pour atteindre les trois objectifs des économies que j'ai déjà mentionnés.

La deuxième est que l'économie n'est pas basée sur les produits de base, mais sur la haute technologie et la haute différenciation. La conclusion évidente des 30 dernières années de "marché" est qu'une économie basée sur les ressources ne peut pas correspondre à la taille de notre pays, à son rôle dans le monde. L'économie basée sur les ressources n'a pas besoin des gens, elle ne contribue pas au développement du potentiel humain, elle est tout simplement indigne d'un pays comme la Russie. Et, bien sûr, à cet égard, le développement technologique ciblé, la création d'un système national de science, d'éducation et d'innovation est une composante indispensable de l'économie du futur. Il en va de même pour la question de l'argent.

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Oui, nous sommes devenus une superpuissance énergétique. Mais je pense qu'il serait formidable que nous passions du statut de superpuissance énergétique à celui de superpuissance numérique, en utilisant pour cela l'énorme excédent de capacité énergétique dont dispose notre pays, pour devenir le premier mineur du monde, pour devenir un leader dans la création et l'utilisation d'actifs financiers numériques. Non pas pour le bien de ces actifs numériques en tant que tels, mais pour la croissance et le développement de l'économie. Permettez-moi de vous rappeler à cet égard les propos de Keynes selon lesquels la création de monnaie est une création spéciale de l'État. Et ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de manière dogmatique, pas de manière stéréotypée, mais de manière innovante, inventive, pour créer de l'argent dans les conditions de la nouvelle économie, l'économie du futur, en fonction des objectifs et des intérêts de sa croissance et de son développement, c'est absolument certain. Certaines de ces propositions sont décrites dans le livre Crystal of Growth. Toward the Russian Economic Miracle au niveau des mécanismes spécifiques, des technologies spécifiques, des modèles monétaires spécifiques. C'est possible.

Enfin, c'est la culture de l'économie, la culture des affaires. Et il me semble que notre expérience historique unique consistant à créer la première économie anti-cost au monde, dans laquelle "il y avait une affaire - et les prix ont été réduits !", qui a ensuite été empruntée par le Japon, qui l'a appelée "production allégée" et est devenue l'un des piliers du miracle économique japonais, c'est une culture qui est ancrée dans notre véritable expérience historique et qui sera extrêmement utile en tant que modèle économique dominant.

Je pense que la planification de l'État, de meilleures technologies, de l'argent pour le développement et un esprit d'entreprise développé conduiront largement à une augmentation du bien-être des citoyens russes, à une augmentation de la population de notre pays, et les gens deviendront plus heureux en vivant dans leur pays.

Source : zavtra.ru

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La "cancel culture" ? L'enfant (naturel) du postmodernisme

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La "cancel culture"? L'enfant (naturel) du postmodernisme

Voici comment les philosophes français des années 1960 et 1970 ont influencé le militantisme "woke"

Fabrizio Ottaviani

Source: https://www.ilgiornale.it/news/spettacoli/cancel-culture-figlia-naturale-postmoderno-2043229.html

Il y a quelques années, lors d'un voyage au Maroc, ma femme avait besoin d'un coiffeur. Elle s'est retrouvée avec une coiffure en nid d'abeille inversée dans le style des années 1960. C'est le phénomène du "dripping" : les modes nées dans les capitales des empires que sont New York, Paris et Londres se répandent au bout d'un mois dans les capitales de province, au bout d'un an dans les petites villes, au bout de dix ans dans les villages de montagne les plus reculés, puis partent à la conquête du monde, y compris du Maroc.

Malheureusement, certaines "gouttes" sont nettement moins lentes : selon les universitaires anglo-américains Helen Pluckrose et James Lindsay, les études postcoloniales, la théorie queer, l'obsession de la justice sociale, l'idéologie woke de la rébellion contre les discriminations et, en somme, l'imbrication des recherches engagées dans l'émancipation de certaines catégories de personnes socialement défavorisées, un entrelacement dont l'implication la plus bruyante est l'infestation actuelle de la cancel culture, serait la conséquence de l'importation des théories des philosophes postmodernes français, actifs notamment dans les années 1960 et 1970 : Lyotard, Derrida, Baudrillard et bien sûr Foucault. Formulées dans l'essai désormais traduit de l'anglais La nuova intolleranza (Linkiesta Book, p. 384, 20 euros ; avec une préface de Guido Vitiello), les thèses de Pluckrose et Linsday ont soulevé de nombreuses discussions à l'étranger ; pour donner une idée de l'écho suscité, il suffit de dire que sur Amazon leurs ouvrages ont plus de critiques que l'iPhone.

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Selon les auteurs, le postmodernisme peut être résumé en deux principes et quatre thèmes. Le premier principe affirme que la vérité objective n'existe pas et que la connaissance est une construction sociale ; le second, que cette construction est gérée par les personnes au pouvoir. Dans les études postcoloniales inaugurées par Franz Fanon et rendues universelles par le célèbre Orientalisme d'Edward Said, par exemple, l'identité des peuples colonisés n'est pas une donnée, mais une invention des Européens visant à maintenir la relation de domination. Le même argument peut être utilisé pour déconstruire la culture afro-américaine, l'identité féminine ou l'identité homosexuelle. Les quatre thèmes concernent le brouillage des frontières (dans la théorie queer, c'est la frontière entre les hommes et les femmes qui est "brouillée"), le pouvoir du langage, le relativisme culturel et la perte de l'individuel et de l'universel.

Débarqué de France dans les universités américaines, rebaptisé du nom dystopique de "Théorie", le postmodernisme aurait contaminé la société américaine, la faisant sortir du sillon du libéralisme. En fait, le livre repose sur la conviction que le libéralisme poursuit les mêmes objectifs de justice sociale que la cancel culture, mais de manière plus fructueuse et sans fanatisme. Dans le dernier chapitre, une sorte de manuel casuistique est même élaboré, grâce auquel l'adepte de Stuart Mill et de Tocqueville peut répondre avec tonus aux sollicitations de la "Théorie", en réaffirmant l'autonomie et l'efficacité de l'approche libérale.

Ces pages sont stimulantes, mais elles soulèvent tout de même quelques perplexités. Les "six piliers du postmodernisme" représentent en fait les acquisitions philosophiques les plus pertinentes des deux derniers siècles : on peut facilement les retrouver dans "l'école du soupçon" et donc chez Nietzsche, dans l'anthropologie culturelle et philosophique, dans la tradition herméneutique avant et après Heidegger.

La deuxième question est plus épineuse. Et si le désaccord entre le libéralisme et le postmodernisme était une querelle interne au libéralisme ? John Locke (1632-1704), dans le Second traité du gouvernement, pose les fondements de la société libérale, mais expose dans le troisième livre de l'Essai une théorie de la connaissance qui nous paraît aujourd'hui postmoderne ; le scepticisme, que les auteurs attribuent au postmodernisme, était un ferment des modernes ; et l'on pourrait continuer. À ce stade, si l'on voulait appuyer sur la pédale de la fierté européenne, on pourrait observer que, dans notre pays, le libéralisme n'a jamais dégénéré en une culture de l'annulation car il est sous-tendu par un certain nombre d'attitudes, de convictions et de modes de vie (religion, art, dolce far niente pur et simple...) qui atténuent son pragmatisme et son individualisme.

Enfin, pour disculper le puritanisme américain, dont la "nouvelle intolérance" est une manifestation, les auteurs agissent de manière puritaine, en construisant un objet de persécution, la "Théorie", qui serait née très loin, sur les rives de la Seine, où elle n'a cependant jamais fait de mal à personne, alors qu'ils se retrouvent chez eux avec une idéologie en forme de matraque qui oblige le citoyen américain à marcher sur des œufs s'il ne veut pas perdre son emploi, sa famille et même sa liberté.

Oran, 5 juillet 1962 : la fin d’un monde

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Oran, 5 juillet 1962 : la fin d’un monde

Récit

par Pierre-Emile Blairon

"La France se doit de protéger ses enfants de l'autre côté de la Méditerranée, elle le fait et elle le fera..." Charles De Gaulle, le 21 septembre 1961, à Villefranche-de- Rouergue.

Il semble bien que la marque de naissance de toutes les « révolutions » modernes soit apposée au fer rouge des massacres perpétrés par des individus fanatisés et manipulés, ou par des foules hystériques tout autant influencées. Le mythe de fondation de ces bouleversements a besoin d’un holocauste pour que l’Histoire, tout aussi moderne que ces révolutions, puisse en retenir les effets après en avoir défini (sommairement) les causes.

Juste trois exemples :

La révolution « française », mère de toutes celles qui ont suivi, a construit ses bases sur le génocide des Vendéens et la décapitation de ses opposants. Serait-ce là ce que nos politiciens appellent « les valeurs de la République » ?

La révolution « russe » de 1917 a massacré tous les membres de la famille impériale russe (il s’agit bien d’un massacre et non d’une exécution) dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918 sur ordre de Lénine.

La  révolution  « algérienne [1] » a écrit son acte de naissance avec le sang des martyrs oranais, Européens et musulmans, lors du massacre du 5 juillet 1962.

Les prémices

Nuit de Noël 1960, Oran, quartier Victor-Hugo ; nous habitons alors, ma famille et moi, mes parents, mon frère, ma sœur, un petit appartement d’une ancienne maison en rez-de-chaussée au 13, rue de Bône ; Maman et ma grande sœur s’affairent à préparer une veillée de Noël avec quelques pâtisseries dont les Oranaises ont le secret et mon frère et moi nous supputons, en nous chamaillant comme d’habitude, la nature des cadeaux que nous trouverons le lendemain au pied du pin enguirlandé ; la radio diffuse des chants de Noël en sourdine ; soudainement, bruits de pas lourds et précipités dans le jardin à l’arrière de la maison : Jeannette, Juanica ! Ma mère reconnaît la voix d’une de nos voisines qui habite l’immeuble à côté, madame Montesinos.

Elle se précipite à l’extérieur ; la voix de son amie paraît angoissée : « Fermez les portes et les fenêtres, ils arrivent ! » ; et madame Montesinos repart en haletant, balançant son corps imposant – les madres espagnoles sont comme les mamas italiennes - sans prendre le temps de répondre aux questions de ma mère : « Mais qui ? Quoi ?  Madre de dios ! »

En prêtant l’oreille, nous parvient au loin une rumeur sourde d’où jaillissent des youyous et des cris de frayeur. Nous comprenons tout de suite. « Gracias, Angela ! », crie ma mère.

Nous poussons la grosse commode devant la porte, rempart sans doute dérisoire ; mon père sort le fusil, ma sœur éteint la radio et les lumières ; il n’a pas fallu longtemps avant que nous entendions le choc cinglant des coups de hache frappés aux portes de nos voisins et à nouveau ces cris et ces youyous ; nous sommes tous à genoux, sauf mon père derrière la porte avec le fusil ; ma mère chante du bout des lèvres un cantique en nous serrant contre elle, ma sœur prie ; les coups se rapprochent ; notre tour va venir ; nous savons dans quelle horreur notre vie va se terminer ; nous nous attendons d’une seconde à l’autre à voir notre porte voler en éclats ; mais rien n’arrive ; la foule hystérique passe en courant et en hurlant ; un Arabe, juste devant notre entrée, crie quelque chose ; la rumeur s’éloigne.

Noël 1960 ; Noël de terreur. Me acuerdare de ti toda mi vida, cuando mi madre cantaba para no llorar [2]… Je me souviendrai de toi toute ma vie, quand ma mère chantait pour ne pas pleurer.

 

Nous saurons plus tard que l’Arabe qui criait devant la porte était employé du garage où travaillait mon père et qu’il encourageait ses coreligionnaires à continuer leur chemin.

Je n’ai pas su s’il y avait eu des victimes ou s’il ne s’agissait que d’une opération d’intimidation destinée à faire partir les Européens du quartier ; ce que nous avons d’ailleurs fait.

C’était peut-être pour moi la deuxième fois qu’un indigène me sauvait la vie ; j’avais failli être enlevé au « Village nègre », un quartier dépourvu d’Européens dans lequel je m’étais imprudemment aventuré deux ans auparavant au retour du lycée, lorsqu’un homme, musulman comme mes ravisseurs, s’était interposé pour me remettre en liberté ; mes parents n’en ont jamais rien su.

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Quelques mois après ce terrible événement de Noël, notre famille avait encore à subir une épreuve : revenant du quartier Gambetta, le soir, après un dîner chez des membres de notre famille, nous arrivons dans une zone totalement privée de lumière ; plusieurs coups de sifflet stridents – nous avons compris trop tard qu’on nous prévenait– et un déluge de feu s’abat sur notre voiture : mitrailleuse 12,7 à balles traçantes qui anticipe notre augmentation de vitesse et tire donc devant notre véhicule ; mon père, au contraire, ralentit : combattant pendant 11 ans en France et jusqu’en Allemagne pendant la guerre en tant qu’appelé de 35 à 46 (au service de la France et des Français « métropolitains » -, c’est gratuit, merci ! et merci de votre accueil en 1962 !-), ça laisse des traces. Nous réussissons à franchir les barrages établis cette fois par les commandos OAS pour protéger leur retraite ; après vérification, seulement deux impacts de balles qui n’ont touché personne. Nous saurons ensuite qu’une caserne de gardes mobiles avait été attaquée par l’OAS et nous passions inopportunément devant cette caserne juste après l’attaque.

L’horreur

« Qui sont les coupables ? »  demandera Guillaume Zeller dans son livre  Oran, 5 juillet 1962, un massacre oublié [3]. Oui, Zeller, le petit-fils de l’un des quatre généraux du putsch qui avaient tenté le tout pour le tout pour sauver leur honneur, l’Algérie et les Pieds-Noirs.

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Et Guillaume Zeller poursuit : « Cinquante après, les causes de ce déferlement meurtrier demeurent inexpliquées. Etait-il spontané ou orchestré ? Et s’il y a eu préméditation, qui l’a organisé ? Deux hypothèses majeures se dessinent , une troisième - celle d’une provocation due à un commando résiduel de l’OAS - ayant été écartée par les responsables algériens eux-mêmes.

Le premier scénario, soutenu alors par le FLN, est celui d’un débordement massif et incontrôlé provoqué par les bandes criminelles qui règnent sur les quartiers de Victor-Hugo, de Lamur et surtout du Petit-Lac. » […] Une seconde théorie suppose que le camp Boumediene-Ben Bella aurait prémédité les débordements criminels de cette journée. »

Il y a, à mon avis, une conjugaison des deux hypothèses. Ces bandes criminelles venaient sans doute du Petit-Lac et se sont accrues des éléments les plus fanatiques de notre quartier de Victor-Hugo. 18 mois après leur passage devant notre maison, ces bandes se sont renforcées en nombre, en fanatisme et en organisation et étaient donc toutes prêtes à déferler sur le Centre-Ville le 5 juillet 1962. Il est vraisemblable qu’une telle persévérance ne peut-être que le fruit d’un encadrement provenant de structures plus anciennes et plus aguerries, comme le FLN et l’ALN.

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Nous n’avons pas vécu le 5 juillet 1962 à Oran ; mes parents, forts de la sinistre expérience du Noël 1960, sentant confusément le danger, avaient décidé de réfugier notre famille à Mers-El-Kébir, plus précisément à Sainte-Clotilde, chez la sœur de mon père, quelques jours avant la date de l’indépendance.

Les récits des exactions commises contre les Pieds-Noirs ce jour-là à Oran sont une longue suite d’abominations difficilement transcriptibles, si ce n’est d’employer des mots comme énucléation, émasculation, éventration, etc., le tout ante mortem. Je ne vais donner ici qu’un aperçu dénué d’images violentes, écrit par Gérard Rosenzweig dans Causeur du 5 juillet 2016.

« Place d’Armes, les manifestants, après de multiples égorgements, font maintenant des prisonniers. Tout ce qui montre allure européenne, vêtements, visages, langage, tout est capturé, dépouillé, roué de coups, blessé. Malheur au blanc et à tout ce qui s’en rapproche. Là aussi, des dizaines et des dizaines d’hommes, de femmes ou d’enfants touchent à leur dernier jour. La ville n’est plus qu’une clameur multiple de cris de mourants, de pogroms et de haine brutale.

La contagion est instantanée : en moins d’une heure le massacre pousse ses métastases partout et  s’organise selon d’épouvantables modes. Ici, on tue à la chaîne. Là, c’est à l’unité, à la famille. En quelques lieux, le sang a envahi les caniveaux. Ailleurs, on assassine, on démembre, on violente, on blesse pour faire plus longtemps souffrir ; le parent meurt devant le parent provisoirement épargné. Douze heures trente. La place d’Armes est devenue maintenant un lieu de détention et de transit. Tandis qu’à cinquante mètres, à l’abri du Cercle militaire et des arbres qui le dissimulent, les soldats français ne peuvent pas ne pas entendre l’affreux concert de mort qui va durer jusqu’à dix-sept heures.

Plus connu sous le nom de "Boucher d’Oran", le général Katz nommé à cette fonction par un autre général-président, effectuera même à cette heure-là un rapide survol en hélicoptère. Sans rien repérer de particulier, certifiera-t-il, sinon quelques attroupements et défilés de manifestants joyeux. »

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On sait qu’il y avait ce jour-là à Oran 18.000 soldats français à qui le général Katz (photo) a interdit d’intervenir pour secourir les victimes. Sur ordre de De Gaulle ? Seuls, quelques justes se sont distingués comme le  lieutenant musulman Rabah Khelif et le capitaine Croguenec qui, défiant les consignes, ont sauvé des centaines de Pieds-Noirs.

Le nombre de victimes (tués et disparus) à Oran le 5 juillet 1962 sur lequel s’accordent désormais tous les historiens a été révélé par Jean-Jacques Jordi : environ 700.

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Portrait d’Oranais 

« ...Pour la plupart d’entre eux, ils ne connaissent pas la France (sauf pour aller y mourir au moment des guerres), et n’y ont aucune famille. L’Algérie est donc la patrie immédiate, la France demeurant la patrie rêvée. Pas d’université à Oran au contraire d’Alger. Les Oranais sont de nature simple, certains diraient primaires ; ils sont bruyants, exubérants, directs, se passionnent au-delà du raisonnable, s’enflamment pour un rien, Et surtout, ils ont une foi aveugle et absolue en la parole donnée […] A Oran, on n’est pas sensible à la casuistique. C’est clair et net : un contrat est un contrat, et on ne trahit pas un contrat. On est un homme, c’est tout et c’est beaucoup ; et l’on se fonde essentiellement plus sur le Droit oral, que sur le Droit écrit comme à Alger. Parler, c’est s’engager, c’est jurer. Ce jour-là, De Gaulle vient de jurer… Seul le pire des "falsos" (homme sans parole, hypocrite, menteur, qui trahit la parole donnée) on coupe les relations avec lui, on le méprise et on le combat. C’est ainsi que la fatalité vient d’installer son décor de tragédie. »

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Pour eux, la parole affirmée est toujours une parole donnée, une parole d’honneur ; et l’on ne retire jamais une parole d’honneur. C'est ainsi que l’on peut mourir pour elle, comme en Espagne, en Grèce, en Italie ou en Corse. Ce jour-là, 6 juin 1958, par sa méconnaissance absolue des peuples méditerranéens, De Gaulle commet une erreur politique absolue : car ce qu’il vient de clamer, d’abord à Oran puis à Mostaganem (80 km plus à l’Est), devant près de trois cent mille personnes constitue un véritable contrat officiel passé entre lui et le peuple d’une ville [4].

La déportation

La France n’était pas ma patrie ; Nous lui avions tout donné ; elle nous avait tout repris, et bien au-delà du compte ; j’ai considéré que nous avions été déportés plutôt que « rapatriés ».

Nous sommes partis le 22 juillet sur un bateau, le Ville d’Oran, je crois, qui arrivera à Marseille ; nous avions dû attendre quelques jours à Sainte-Clotilde pour que mon père fasse fabriquer un cadre en bois pour y amasser quelques affaires ; sur le quai d’embarquement à Mers-El-Kébir, écrasé par le silence, le soleil et la tristesse, montait d’un juke-box une chanson de Johnny Halliday : les gens m’appellent l’idole des jeunes, préoccupation bien insouciante et saugrenue dans ce contexte de dévastation et de désespoir.

J’ai dormi sur le pont dans un rouleau de corde qui sentait le mazout.

Au collège d’Orange où nous étions pensionnaires, mon frère et moi, les jours sombres et glacés – terrible hiver 1962- se succédaient sans le moindre répit ; j’étais en classe de quatrième ; mon professeur principal m’avait pris en grippe et ne ratait pas une occasion d’exercer quelque brimade ou moquerie à mon encontre ; il n’avait pas supporté la lecture de mes carnets de notes d’Algérie et la liste de mes prix scolaires ; c’était un gaulliste dogmatique qui détestait les Européens d’Algérie - qu’il prenait sans doute pour des sauvages incultes - et maltraitait avec une bonne dose de sadisme cet élève trop rebelle.

J’avais perdu mon grand ami V., natif de l’Algérois, élève de terminale, je crois, qui s’était suicidé cette année-là en jouant à la roulette russe ; il me protégeait de l’hostilité des jeunes métropolitains que les autorités gaullistes et communistes avaient consciencieusement désinformés.

Dès lors, je m’étais désintéressé de tout effort en classe et de tout projet d’avenir.

Quelques bonnes lectures (Le Matin des magiciens, livre-culte de cette époque, et les œuvres de Giono), la fréquentation de quelques jeunes Pieds-Noirs aussi désemparés que moi, me raccrocheront à ma nouvelle terre et à la vie.

La fin d’un monde

Le 5 juillet 1962 à Oran allait marquer la fin de la colonisation partout dans le monde.

Christian Lambert, Ancien ambassadeur de France en Afghanistan, au Sri Lanka et en Yougoslavie, disait ceci : « La décolonisation imposée par les Démocrates américains et les Soviétiques, a été la cause de dizaines de millions de morts, de l’apogée du communisme dans le monde, c’est-à-dire le crime, l’incurie et la corruption et aussi du réveil de l’Islam intégriste dont le vrai programme est celui d’Al Qaïda : retour à une dictature religieuse obscurantiste par le terrorisme. »

Et De Gaulle disait cela, dans ses confidences à Alain Peyrefitte : « Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ».

Il faut bien constater que le fin stratège et le grand visionnaire supposés qu’était De Gaulle s’étaient bien trompés. Non seulement, l’indépendance de l’Algérie n’a pas arrêté le flux migratoire vers l’Europe et surtout vers la France, mais elle l’a considérablement accru, l’Algérie, comme bien d’autres pays africains ayant accédé à l’indépendance, étant complètement incapable de s’assumer seule. Comment expliquer autrement que les « Algériens », sitôt l’indépendance déclarée, n’ont eu de cesse que de se « réfugier » chez le vilain colonisateur tant honni ?

En se débarrassant de l’Algérie à tout prix, et surtout au prix du sang des Pieds-Noirs, De Gaulle privait la France de son meilleur rempart contre le déferlement nord-africain et subsaharien sur l’Europe, celui que nous connaissons aujourd’hui. Les Européens d’Algérie et leurs fidèles alliés indigènes tenaient le même rôle que les végétaux plantés pour stopper l’avancée des sables sahariens vers le nord.

On sait dans quel marasme vivent désormais les anciens colonisés « algériens » qui n’ont pas su, depuis leur indépendance, préserver les acquis de la colonisation, ni même exploiter les ressources naturelles abondantes que De Gaulle leur avait trop généreusement offertes.

Pour nous en convaincre, il suffit de lire ces lignes d’un journaliste arabe oranais, Kamel Daoud, dans Le Quotidien d’Oran du 5 mars 2018, dans un article titré : Oran, Mostaganem : on déteste ce pays.

« Encore des villages, des moitiés de villes aux constructions inachevées, des hideurs architecturales, entre pagodes, bunkers, fenêtres étroites alors que le ciel est vaste, ciments nus, immeubles érigés sur des terres agricoles au nom du «social», urbanisme de la dévastation.

La crise algérienne, sa douleur, se voit sur ses murs, son urbanisme catastrophique, son irrespect de la nature.

Les années 90 ont été un massacre par la pierre et le ciment.

Le «social» des années 2000 a consommé le désastre. Au fond, nous voulons tous mourir. Camper puis plier bagage. C’est tout.

Arrivée près d’une plage à Mers El Hadjadj (Port-aux-Poules)

Plage d’une saleté repoussante, inconcevable.

On comprend, on a l’intuition d’une volonté malsaine de détruire les bords de mer, le lieu du corps et de la nature, et de le masquer par des minarets et des prières. Car il y a désormais une mosquée à chaque plage. Insidieuse culpabilisation.

Égouts en plein air. Odeurs nauséabondes. On conclut à une volonté nette de détruire ce pays et de le remplacer par une sorte de nomadisme nonchalant.

En ville, à Mostaganem, de même qu’à Oran, la nouvelle mode : des affichettes sous les « feux rouges » qui vous appellent à consacrer le temps de l’attente à la prière et au repentir. On rêve alors d’un pays où on appelle à ne pas jeter ses poubelles par les vitres de sa voiture, où on appelle à ne pas salir et cracher, insulter et honnir, qualifier de traître toute personne différente et ne pas accuser les femmes en jupes de provoquer les séismes. On rêve de respect de la vie, des vies.

Non, c’est une évidence : on n’aime pas ce pays, on s’y venge de je ne sais quel mal intime. Tout le prouve : la pollution, le manque de sens écologique, l’urbanisme monstrueux, la saleté, les écoles où on enterre nos enfants et leurs âmes neuves pour en faire des zombies obsédés par l’au-delà.

On rêve d’un pays, pas d’une salle d’attente qui attend l’au-delà pour jouir du gazon au lieu de le nourrir ici, sous nos pas, pour nous et nos enfants. On rêve et on retient, tellement difficilement, ce cri du cœur : pourquoi avoir tant combattu pour ce pays pour, à la fin, le maltraiter si durement ? Pourquoi avoir poussé nos héros à mourir pour transformer la terre sacrée en une poubelle ouverte ? Pourquoi avoir rêvé de liberté pour en arriver à couper les arbres et inonder le pays de sachets en plastique ?

Alors, tout ça pour ça ?

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[ J’ai encadré de guillemets les trois adjectifs de nationalité car aucune des trois révolutions ne mérite ce qualificatif : la révolution française est une prise de pouvoir lors d’une émeute de voyous, manigancée par les bourgeois parisiens, la révolution russe est marxiste et la révolution algérienne ne peut être algérienne puisque l’Algérie n’existait pas avant l’arrivée des Français de Charles X ; seules, des tribus nomades avec des chefs de grande noblesse comme le Bachaga Boualem et les  montagnards kabyles avaient un attachement au sol de cet espace indéfini.

[2]. Noël à Oran, chanson de François Valéry, incroyablement adaptée à ce funeste souvenir.

[3] Guillaume Zeller, Oran, 5 juillet 1962, un massacre oublié, éditions Tallandier, 2012.

[4]. Blog L’Auberge espagnole

 

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Addendum de la rédaction:

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Ne pas oublier ! Algérie 1962 : le général Franco envoie 2 ferries à Oran pour embarquer les pieds-noirs abandonnés sur les quais à la barbarie du FLN

Récit


Le but principal de l’opération étonnante décrite ici était de rapatrier la communauté espagnole d’Oran. Une présence en Algérie qui datait du Moyen âge. Huit ans plus tard, l’épisode n’empêcha pas la rencontre historique De Gaulle – Franco au palais du Pardo, à Madrid. Rencontre souvent qualifiée de scandaleuse en France mais qui eut bel et bien lieu le 8 juin 1970.  


Le 30 juin 1962 à 10 h du matin, malgré l’opposition de de #Gaulle, le général Franco donne l’ordre à ses capitaines d’embarquer les pieds-noirs, faisant fi de la pression imposée par la France.

Franco prévint de Gaulle qu’il était prêt à l’affrontement militaire pour sauver ces pieds-noirs abandonnés sur les quais d’Oran et livrés à la barbarie du FLN.

De Gaulle est également informé que l’aviation et la marine de guerre espagnoles sont en route jusqu’aux eaux internationales, face à Oran.

Finalement, face à la détermination du général Franco, la France cède et le samedi 30 à 13h00 ces deux bateaux espagnols peuvent embarquer 2200 pieds-noirs, 85 voitures et un camion.

Lors de l’embarquement, les courageux capitaines espagnols durent s’opposer à la montée sur leurs bâtiments d’une compagnie de CRS qui voulaient lister tous les pieds-noirs embarqués à destination de l’Espagne.

Les capitaines espagnols avouèrent n’avoir pas compris l’attitude arrogante des autorités françaises dans une situation aussi dramatique.

Contre vents et marées, finalement à 15h30, les quais d’Oran, noirs de monde, se vidèrent. Les bateaux espagnols prirent enfin la mer malgré une importante surcharge.

De l’arrivée jusqu’au départ des ferrys espagnols, une liesse, joie et larmes, s’était emparée des pieds-noirs aux cris de « Viva España ! » et « Viva Franco ! » …  

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18:17 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, oran, algérie, pieds-noirs | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook