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jeudi, 16 octobre 2025

«Relations spécifiques»: pourquoi les talibans ont attaqué le Pakistan

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«Relations spécifiques»: pourquoi les talibans ont attaqué le Pakistan

Leonid Savin

Dans la nuit du 12 octobre, de violents combats ont éclaté à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan, avec l’utilisation de chars, d’artillerie et d’aviation.

Selon des rapports officiels pakistanais, « durant la nuit du 11 au 12 octobre, les talibans afghans et l’organisation Fitna al-Hawari, soutenue par l’Inde, ont lancé une attaque non provoquée contre le Pakistan le long de la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan ».

Juste avant les affrontements, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement taliban, Amir Khan Mutaki, avait visité l’Inde, et, dimanche, des avions indiens sont apparus à la frontière pakistanaise, obligeant Islamabad à mobiliser son aviation de chasse.

À la suite du conflit, 23 soldats pakistanais ont été tués et 29 autres blessés. Au Pakistan, on évoque plus de 200 tués chez les talibans (et les membres d’organisations qui leur sont liées).

Cependant, il convient de rappeler que chaque partie mène parallèlement une guerre de l’information, interprétant les faits à son avantage. Par exemple, les sites d’information afghans ont publié dans la nuit du conflit des photos d’une colonne de « véhicules djihadistes » se dirigeant vers la zone des combats, et ont même affirmé qu’un avion taliban avait attaqué Lahore. Il s’agissait là d’une désinformation manifeste.

Parallèlement, les photos et vidéos confirment que les principaux points d’appui du côté afghan ont été neutralisés par le feu massif de l’armée pakistanaise et que les postes-frontières ont ensuite été pris sous contrôle. Au total, les Pakistanais ont capturé 21 points fortifiés sur le territoire afghan, tous utilisés pour des attaques nocturnes.

L’Afghanistan, pour sa part, affirme que l’attaque était une riposte aux frappes pakistanaises contre son territoire, menées jeudi.

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À Islamabad, on réplique que les frappes visaient uniquement des camps d’entraînement de terroristes qui s’infiltrent ensuite sur le territoire pakistanais. L’armée pakistanaise avait déjà mené des opérations similaires auparavant, ce qui avait suscité l’indignation des talibans. Apparemment, cette fois, ils ont décidé de tenter de riposter par la force, ce qui a conduit à une escalade.

Les talibans ont également annoncé avoir cessé les attaques à la demande du Qatar et de l’Arabie saoudite, et non à cause des pertes subies. Cependant, à l’issue de l’affrontement, le Pakistan a pris le contrôle de 2600 km de frontière, pénétrant partiellement sur le territoire afghan. Tous les postes de contrôle ont été fermés.

Pour clarifier les causes du conflit, il est nécessaire d’effectuer une analyse rétrospective, car le problème des relations entre les deux pays est assez ancien et les affrontements pourraient reprendre ou même dégénérer en une guerre ouverte.

Les relations entre l’Afghanistan et le Pakistan ont toujours été assez spécifiques. De 1979 au début des années 1990, le Pakistan a servi de base logistique pour l’envoi de moudjahidines opposés au gouvernement soutenu par l’URSS.

Après l’arrivée au pouvoir des talibans, qui ont donné refuge aux dirigeants de l’organisation terroriste Al-Qaïda (reconnue comme terroriste et interdite en Russie), et le début de leur guerre civile contre l’Alliance du Nord, Islamabad a commencé par soutenir les talibans.

Mais à cause de l’intervention des États-Unis et de l’occupation de l’Afghanistan, le Pakistan a été contraint de suivre la ligne de Washington, ce qui a changé l’attitude du mouvement taliban à son égard.

De plus, une branche propre des talibans est apparue au Pakistan, opérant principalement dans le nord du Baloutchistan et les zones frontalières du nord-ouest, qui ont été renommées province de Khyber Pakhtunkhwa sous le mandat du Premier ministre Imran Khan. La majorité des habitants autochtones de cette région sont d’ethnie pachtoune, laquelle constitue le noyau des talibans afghans.

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Il convient d’ajouter que la frontière entre les deux pays est le résultat de l’occupation britannique et non une délimitation naturelle des territoires tribaux. La fameuse ligne Durand traverse à plusieurs endroits les zones de peuplement, et la partie afghane ne l’a jamais reconnue comme frontière d’État à part entière.

Les « talibans » pakistanais s’opposent au gouvernement de leur pays, promouvant en fait le séparatisme. L’idée de réunir toutes les tribus pachtounes est similaire à celle des talibans afghans, qui soutiennent tacitement (et peut-être aussi matériellement, selon les services de renseignement pakistanais) leurs frères pakistanais.

Il est intéressant de noter que l’appartenance pachtoune est « inscrite » dans le nom du Pakistan: la première lettre du nom du pays symbolise précisément ce groupe ethnique.

En ce qui concerne l’Inde, New Delhi, en tant qu’ennemi éternel de son voisin oriental, est intéressée par l’affaiblissement, voire l’éclatement, du Pakistan.

Avant l’arrivée au pouvoir des talibans, l’activité diplomatique de l’Inde en Afghanistan était très intense. Et, à en juger par la visite du ministre des Affaires étrangères afghan en Inde le 7 octobre, les relations se sont à nouveau normalisées.

D’un point de vue économique, l’Inde a évidemment beaucoup à offrir au prometteur marché afghan, surtout si l’on considère que la majorité des pays occidentaux n’y ont plus accès.

Mais ce qui inquiète le plus le Pakistan, ce sont les activités des services spéciaux indiens, qui pourraient à nouveau avoir accès à des « atouts » afghans et les utiliser à des fins subversives.

C’est pourquoi, dans le communiqué de presse officiel pakistanais, il est fait mention de « Fitna al-Havari », également connue sous le nom de « Tehrik-e-Taliban Pakistan », reconnue par les autorités comme organisation terroriste.

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Pour les organisations terroristes opérant dans la province du Baloutchistan, on utilise le terme « Fitna al-Hindustan », auxquelles on reproche également des liens avec les services secrets indiens.

Compte tenu des nombreux aspects historiques concernant les deux pays, il semble que des relations pacifiques et de bon voisinage entre l’Afghanistan et le Pakistan ne sont pas pour demain. Et ce, malgré le fait que les deux États fassent partie de l’Organisation de coopération de Shanghai et que la Chine exerce une grande influence sur eux.

15:50 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pakistan, afghanistan, asie, affaires asiatiques, taliban | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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