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dimanche, 02 novembre 2025

Élections législatives argentines: victoire à la Pyrrhus pour Milei?

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Élections législatives argentines: victoire à la Pyrrhus pour Milei?

Raphael Machado

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100069794930562

Beaucoup d'observateurs ont été surpris par les résultats favorables obtenus par Milei lors des élections législatives argentines, qui visaient le renouvellement de la moitié de la Chambre des députés et d’un tiers du Sénat.

La coalition La Libertad Avanza, dirigée par Javier Milei, a obtenu un peu plus de 9,3 millions de voix (40%), tandis que son principal rival, la coalition Fuerza Patria, dirigée par Cristina Kirchner, a recueilli 7,7 millions de voix (34%).

Le résultat est comparé à celui des élections législatives de 2023, où la coalition La Libertad Avanza avait atteint 6,8 millions de voix (28%) et la coalition kirchneriste Unión por la Patria 9,2 millions (38%).

Cette comparaison sert de base pour analyser le paysage politique argentin comme étant un paysage où le peuple continue de faire confiance à Milei et de miser sur "des réformes difficiles". On utilise également ces résultats pour critiquer les analyses qui pointent les erreurs et la perte de popularité de Milei.

Mais il y a beaucoup de superficialité et de précipitation dans un tel raisonnement.

Tout d’abord, il y a une grande différence entre les élections de 2023 et celles de 2025: la consolidation de presque toutes les forces "de droite" dans la coalition La Libertad Avanza. En 2023, Mauricio Macri dirigeait la coalition Juntos por el Cambio, avec 6,4 millions de voix (26%). En 2025, les forces menées par Macri se sont alignées sur La Libertad Avanza, unifiant leurs forces avec celles de Milei.

Il n’existe plus de "troisième force" politique argentine représentée par une droite libérale centriste; la politique argentine se consolide en seulement deux grands camps.

Prendre en compte ce facteur remet en question la narration triomphaliste, car si l’on additionne les voix du camp macriste et celles de Milei, la coalition de ce dernier aurait dû dépasser les 13 millions de voix.

La droite a donc perdu 4 millions de soutiens entre 2023 et 2025. Mais ces soutiens perdus ne sont pas passés au kirchnerisme, car la gauche a aussi perdu des électeurs, mais seulement 1,5 million durant cette même période.

La démographie électorale de base aide à expliquer une partie du phénomène: en 2023, 24,5 millions d’Argentins ont voté valide, contre 22,9 millions en 2025.

Un autre facteur est le renforcement du fédéralisme, avec des gouverneurs provinciaux formant la coalition Provincias Unidas, qui a recueilli 1,5 million de voix. Le reste des voix "perdues" s’est dispersé entre de nombreuses autres micro-coalitions (Innovación Federal, Frente de Izquierda y de Trabajadores - Unidad, Nuevos Aires, etc.).

Dans ce sens, ce que montre le résultat de ces élections, c’est une déception du peuple argentin envers la politique traditionnelle. Le peuple en a assez de Milei, mais ne veut pas voter pour Kirchner. Les Argentins attendent donc une nouvelle alternative politique — mais il n’y a rien à l’horizon. En attendant, la tendance est à une baisse progressive de la participation populaire, ainsi qu’à une augmentation du soutien à des micropartis localistes ou radicaux.

Pour Milei, c’est une victoire à la Pyrrhus.

D’abord, parce qu’elle n’a pas permis d’obtenir la majorité parlementaire, de sorte que le législatif restera fracturé et contre Milei.

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Ensuite, parce qu’elle a été une victoire obtenue grâce au pouvoir d’autrui, avec l’aide financière des États-Unis, qui ont fourni 40 milliards de dollars pour maintenir l’Argentine à flot. Sans cet argent, le peso argentin aurait été en chute libre en pleine période électorale.

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Cette même aide financière résulte d’un accord entre l’oligarque Robert Citrone (photo) et le secrétaire au Trésor des États-Unis, Scott Bessent. Citrone a misé une grande partie de ses fonds sur l’Argentine au début du mandat de Milei, mais lui et d’autres investisseurs n’ont pas vu de résultats satisfaisants.

L’argent qui entre a pour seul but de stabiliser la monnaie argentine juste le temps que Citrone et d’autres investisseurs puissent partir du pays, en limitant leurs pertes.

Après que cet effet d’injection d’argent aura disparu, l’Argentine continuera à s’enfoncer.

Par exemple, selon les données publiées la semaine dernière par la Banque centrale argentine, le taux de défaut des familles argentines a atteint son niveau le plus élevé depuis 2010 (date du début de la série statistique), et les taux d’intérêt sur les prêts personnels ont atteint 74%.

Pour les entreprises, la situation est encore pire. Le coût de financement des avances en compte courant (couramment utilisées pour payer les salaires) est de 190% par an, le plus haut niveau de l’histoire argentine depuis la publication de cette statistique en 2009.

En résumé, Milei n’a obtenu qu’une survie. Et cette survie a été octroyée par des tiers, et non même en raison de Milei, mais pour garantir la sécurité financière des investisseurs étrangers qui ont parié gros sur le succès argentin.

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