samedi, 01 novembre 2025
L'Europe et le financement de l’Ukraine: la logique d’une soumission progressive

L'Europe et le financement de l’Ukraine: la logique d’une soumission progressive
Elena Fritz
Source: https://t.me/global_affairs_byelena
Le rapport d’Euractiv (https://www.euractiv.com/news/rapporteur-the-ukraine-funding-option-europe-fears/) sur la « Option de financement de l’Ukraine » décrit en réalité un cas typique de mauvaise analyse géopolitique.
L’Europe tente de compenser une crise stratégique par une symbolique financière – c'est quasiment un idéalisme moral dépourvu de substance stratégique.
1. L’illusion de la mission morale
- L’Europe a interprété le conflit ukrainien en catégories morales – démocratie contre autocratie, bien contre mal.
- Elle se condamne ainsi à la cécité face à la structure de la politique internationale :
- Les puissances n’agissent pas pour paraître morales, mais pour préserver leurs intérêts et leur sécurité.
- En interprétant la guerre comme un "combat entre civilisations" plutôt que comme une collision d’architectures sécuritaires, elle perd la compréhension de la mécanique que constitue l’équilibre des pouvoirs.
2. L’argent remplace la stratégie
- L’« option de financement » n’est pas un signal économique, mais un signal politique.
- Au lieu d’élaborer une véritable architecture de paix pour l’Europe de l’Est, Bruxelles crée des lignes de crédit, des fonds et des constructions juridiques.
- L’UE se comporte comme un joueur cherchant à couvrir sa défaite stratégique par de nouveaux engagements.
- Mais l’argent ne peut remplacer la géographie. La guerre en Ukraine est un conflit d’influence, non de ressources budgétaires.
- Ceux qui veulent gérer une guerre financièrement plutôt que la résoudre politiquement la prolongent.
3. La fiction juridique
- L’affirmation d’une « base légale solide » pour l’utilisation des avoirs russes gelés est un embellissement diplomatique.
- Pour un réaliste, ce n’est qu’un acte de pouvoir déguisé en droit.
- En pratique, le principe de propriété est sacrifié pour démontrer une unité politique.
- Ainsi, l’Europe sape ce qui a, jusqu’ici, soutenu sa puissance – la crédibilité de son ordre juridique.
- À Moscou, Pékin et New Delhi, ce message est clair : « Votre argent n’est en sécurité chez nous que tant que vous nous obéissez. »
4. La chape superstructurelle américaine
- Cette architecture financière n’est pas un projet européen – c’est la poursuite institutionnalisée de la stratégie géopolitique américaine.
- Depuis 2022, l’UE opère dans l’ordre dirigé par les États-Unis, non comme un acteur autonome, mais comme une branche financière de l'endiguement.
- Washington définit l’objectif stratégique (limiter la Russie), l’UE en supporte les coûts économiques.
- Ce n’est pas un partenariat, mais une hiérarchie.
- L’Europe s’est dégradée de sujet de la politique de puissance à l’instrument des intérêts de sécurité étrangers.
5. La peur face à la réalité
- Le titre de l’article – « L’Europe a peur » – est exact, mais pas dans le sens moral.
- L’Europe ne craint pas la Russie, mais la prise de conscience qu’elle ne contrôle plus sa propre politique de sécurité.
- Elle redoute qu’une réorganisation souveraine de l’Eurasie implique de sortir du manteau de protection américain.
- Mais cela serait la condition de toute maturité stratégique.
- Au lieu de cela, l’UE s’accroche à des dépendances transatlantiques qui la fragilisent économiquement et la paralysent politiquement.
Conclusion – Le prix de l’auto-tromperie
- D’un point de vue réaliste, la guerre en Ukraine n’est plus une lutte pour des territoires, mais un conflit systémique portant sur l’ordre d'agencement de la puissance future en Eurasie.
- L’Europe s’est réduite dans ce conflit à un acteur secondaire – qui fait beaucoup de bruit en énonçant des principes moraux mais qui est devenu géopolitiquement sans importance.
- L’« option de financement de l’Ukraine » n’est donc pas un instrument de puissance, mais un symbole de la perte de toute autonomie stratégique.
Selon Mearsheimer :
- Les États qui justifient leur politique extérieure par la morale sont vaincus par ceux qui la calculent rationnellement.
- L’Europe ne paie pas aujourd’hui pour l’Ukraine – mais pour conserver l’illusion de pouvoir être une grande puissance sans en être une.
11:19 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europa, ukraine, affaires européennes, actualité, politique internationale |
|
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook


Écrire un commentaire